Alexandre,( flashback rêve )J'ai eu dix ans la semaine dernière, mais aujourd'hui, je suis au fond du trou. Lolo, ma meilleure pote ici, est partie ce matin avec une famille pour une journée « d'insertion ». Traduction : elle va se barrer pour de bon, et moi, je vais jamais la revoir. Ça me bouffe, ça me ronge, et je peux rien y faire.Elle a sept ans, Lolo. Presque née entre ces murs pourris, comme moi. On est les laissés-pour-compte, les oubliés de l'orphelinat. Les autres gamins défilent, trouvent des familles, mais nous ? On reste là, coincés – Lolo, Carter et moi. Carter, ce morveux de son âge, la colle sans arrêt, joue les grands frères protecteurs. Moi, je dis que je suis son amoureux, juste pour le faire chier. Ça le rend dingue, et ça me fait marrer. Mais là, c'est moi qui suis en rogne. Elle va partir, et ça me tue.Dimanche, à la messe – cette corvée qu'on peut pas esquiver –, j'ai prié comme un con. Pas gentil, ouais, mais j'ai supplier pour qu'elle reste. Si elle s'en va,
Alexandre, présent )Je me réveille en sueur, brutalement arraché au sommeil. Trop d'alcool ici, et pas que – le club d'Enzo m'a vidé la tête et le reste. Mais ce rêve… Pourquoi ce foutu cauchemar revient me hanter maintenant ? Ma tête pulse, ma bouche est pâteuse, un goût de cendres qui colle. J'allume la lampe de chevet, grogne, et lève les yeux au ciel, exaspéré. Le lit est vide à côté de moi – normal, je suis rentré seul après m'être éclaté au club. Pas de fille ce matin, juste moi et mes démons.Je m'assois au bord du matelas, les mains sur le visage, la peau moite sous mes paumes. Mon cœur cogne trop fort, un écho du passé que je veux plus voir. Ce rêve, Lolo, l'orphelinat – pourquoi ça ressurgit ? J'ai tout fait pour oublier ça, et voilà que ça me saute à la gueule. La nuit d'hier – musique, corps, shots – était censée tout effacer, pas remuer cette merde.Le silence pèse dans l'appart, lourd, étouffant. Je me lève, les muscles raides, et traîne les pieds jusqu'à la salle de bai
Laurie L'aspirateur hurle et me tire du sommeil. Zia, ma coloc, est en mode tornade ménagère – sérieusement, un samedi matin ? Je suis rentrée à 2h, fracassée, et tout ce que je veux, c'est dormir. Je grogne, fourre ma tête sous l'oreiller, mais le vrombissement perce tout. Tant pis. Je me lève, ouvre la fenêtre en grand – mon rituel –, et aspire une goulée d'air frais. Paris s'étale sous mes yeux, indifférente à ma fatigue. Deux nuits de service encore à tirer. Je vais crever.Je fais mon allumé en speed, direction la douche. Dans le salon, Brahim est vautré sur le canapé, manette en main, absorbée par sa console. Zia, elle, traque la poussière comme une possédée. « Salut Laurie, je t'ai pas réveillée, j'espère ? » lance-t-elle, faussement innocente. Je force un sourire, ravalant un « t'es sérieux ? ». « Non… je vais à la douche. » « Fais gaffe, j'ai mis du débouche-évier ! »« Génial », je marmonne, assez bas pour qu'elle capte pas. Après des années en coloc, j'en peux plus. Leurs
Alexandre Je sors de chez mes parents, la tête ailleurs, un peu lourde. Ma mère a encore ce sourire ravi en me voyant débarquer ce samedi, mais je sens toujours ce petit pincement dans ses yeux quand je répare solo. Surprise du jour : Caroline est là, attablée, rayonnante. Pas un mot hier sur sa venue, et comme prévu, tout le repas tourne autour de son mariage, ses plans, sa vie parfaite. Moi, je mange, j'écoute, je hoche la tête – jusqu'à ce que ma mère lâche la bombe habituelle.« Et toi, mon chéri, toujours personne dans ta vie ? » Je respire un grand coup, ravageant l'agacement qui monte. « Non, maman, et j'en veux pas ! »Pas question de lui balancer que je préfère claquer du fric pour un coup rapide plutôt que me coltiner une nana qui lorgnerait mon compte en banque. Elle soupire, désarmée, pendant que mon père tente de désamorcer avec un rictus. « Ta mère rêve de bébés à gâter. » « Normal, ton fils à trente ans. Il pourrait penser à autre chose que la boîte », réplique-t-elle
Laurie Samedi soir, et La Tour du Roi est blindée – deux salles pleines à craquer, comme toujours. J'adore bosser ici, vraiment. C'est pas l'objectif de ma vie, mais pour des vacations, c'est le pied : des nappes blanches impeccables, de la porcelaine qui claque, une ambiance luxueuse qui change des troquets miteux. Sauf que ce soir, je suis au bout du rouleau. Ces derniers jours m'ont rincé, le sommeil en miettes, mais je tiens. Les commandes fusent, les plats défilent, et moi, je rêve d'une seule chose : m'effondrer dans mon lit.Entre deux sourires aux clients, mes pensées s'égarent. J'ai des rêves plein la tête, mais ils avancent pas. Je stagne, je tourne en rond… Un soupir muet m'échappe, étouffé par le brouhaha chic du resto. L'heure traîne, la soirée s'étire, et mon cerveau reste coincé sur ce constat amer.« Laurie ! » Je pivote. Luis, mon chef, m'appelle depuis l'autre bout de la salle. Je me rapplique en vitesse, slalomant entre les tables. « Oui, Luis ? » « Tableau 18, le
LAURIE— Bon, euh, d’accord, répondis-je timidement, me sentant encore plus idiote à chaque mot qui sort de ma bouche.Je m’éloigne rapidement vers l’autre salon, cherchant Luis du regard. Je le trouve en train de consulter son agenda de réservation.— Tu m’accordes vraiment une demi-heure ? demandai-je, hésitante.— Oui, oui, Laurie. Va prendre un dessert avec Monsieur Knight !— T’es sûr ? Y’a encore du monde...Il me sourit et me montre la salle qui se vide peu à peu.— Oui, j’en suis sûr. On est sur la fin, Laurie. Prends même plus de temps si tu en as besoin.Je le remercie rapidement avant de retourner vers le comptoir pour récupérer les coupes de glace. Elles sont vraiment belles, et je dois avouer que la glace à la violette me fait envie depuis que je l’ai vue au menu. Mais je me sens un peu gênée que ce soit offert par Monsieur Knight. Enfin, je dis “offert”, mais il ne l’a pas dit... À 18 euros la coupe, j’espère quand même ! Bon, on verra bien.Je prends un verre et une car
AlexanderUne chose est sûre et certaine : Laurie est ravie. Ses yeux brillent d’une manière qui dépasse l’excitation de la simple dégustation d’un dessert. Ce n’est pas la glace qui provoque cet éclat dans son regard, mais bien l’annonce que je viens de lui faire. Je la regarde, elle semble encore sous le choc, incrédule, mais son sourire ne laisse aucun doute : elle est heureuse, peut-être même plus que je ne l’imaginais.J’ai commandé du champagne pour fêter son embauche. Ça me fait bizarre, je dois l’avouer. D’habitude, quand j’embauche quelqu’un, ce n’est pas un événement que je célèbre avec autant de faste. Mais avec Laurie, c’est différent. Une force mystérieuse semble me pousser à agir ainsi, comme si elle méritait quelque chose de plus que les autres, sans que je sache vraiment pourquoi. Je me demande pourquoi je me sens obligé d’aller au-delà des simples formalités avec elle. Est-ce parce que je veux m’assurer que j’ai fait le bon choix, ou est-ce autre chose ?Quand j’y pen
LAURIEJe n’en reviens toujours pas. Moi, assistante d’Alexander Knight ? C’est comme si je vivais un rêve éveillé. Tandis que je savoure ma glace, une vague d’excitation mêlée de nervosité me submerge. Mon esprit tente encore de digérer la nouvelle. Bien sûr, je suis ravie, mais une petite voix intérieure me souffle que quelque chose cloche. Pourquoi cette attention si particulière de sa part ? Ce n’est pas tous les jours qu’un PDG fait le déplacement en personne pour recruter une simple serveuse. C’est étrange... presque trop beau pour être vrai.Mario arrive avec le champagne et remplit nos coupes. Il me lance un regard curieux, sûrement intrigué par cette situation inhabituelle. C’est vrai, je ne devrais pas être à cette table. Mon rôle, c’est de servir les clients, pas de trinquer avec eux. Mais ce soir, tout semble différent, presque irréel. Les autres clients nous observent, et je sens leurs regards posés sur moi. Mais je m’en fiche. Je n’ai jamais été du genre à me soucier des
AlexanderOn arrive dans le hall du Mandarin Oriental, et je lui donne rendez-vous pour 20h au restaurant de l’hôtel, un automatisme qui me permet de reprendre le contrôle. Elle acquiesce, ses lèvres esquissant un sourire hésitant, puis elle s’éloigne vers sa chambre, ses pas légers résonnant sur le marbre. Je reste là, planté comme un idiot, les mains enfoncées dans les poches, à regarder son ombre disparaître derrière les portes de l’ascenseur. Le hall est un ballet de luxe discret – le murmure des réceptionnistes, le tintement des verres au bar, le parfum entêtant des lys dans un vase gigantesque. Mais tout ça passe au second plan. Mon esprit est ailleurs, coincé entre deux mondes : celui que j’ai construit et celui que j’ai laissé derrière.Laurie. Maman Laurie. Putain, ça fait quoi, vingt ans ? Vingt ans que j’ai enfoui cet orphelinat au fond de ma tête, avec ses murs gris, ses cris, ses odeurs de soupe froide et de décontamination bon marché. Et elle, avec ses cheveux en bataill
AEXANDERJe m’assieds sur le bord de la table, les bras croisés sur ma poitrine comme une barrière, une armure improvisée pour tenir mes émotions à distance. Parce que sinon, je ne sais pas ce que je pourrais faire. Lui dire la vérité ? Lui balancer que je me souviens d’elle, de chaque détail, de ses éclats de rire qui perçaient le silence oppressant de cet endroit maudit, de ses pleurs étouffés quand elle ratait un tir au foot et qu’elle pensait que ça faisait d’elle une ratée ? Ou peut-être lui avouer que, quand Amadeus m’a emporté ce jour-là, avec ses promesses de richesse et de pouvoir, j’ai eu l’impression de la trahir, elle plus que n’importe qui d’autre ? Cette gamine qui devait se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre mon épaule, qui me regardait avec des yeux pleins d’espoir comme si j’étais son héros.Mais je ne dis rien de tout ça. Pas encore. Je suis Alexander Knight, pas un gamin paumé qui pleurniche sur ses souvenirs. J’ai bâti un empire sur le contrôle, sur la c
laurieLa salle de conférence est encore imprégnée de l’odeur du café tiède, un arôme âcre qui se mêle à l’électricité statique des écrans plats alignés contre les murs. Les néons bourdonnent légèrement, un bruit discret mais persistant qui accompagne le claquement sec de ma mallette que je referme d’un geste brusque. Hargrove et son assistant viennent de quitter la pièce, leurs voix étouffées s’éloignant dans le couloir, leurs pas résonnant sur le marbre poli comme un écho de leur défaite. Je sens cette satisfaction familière m’envahir – celle d’une bataille bien menée, d’un contrat qui n’attend plus que ma signature pour sceller son destin. Mes doigts effleurent le cuir usé de la poignée, et je prends une seconde pour savourer cette victoire, ce moment où tout semble s’aligner comme les pièces d’un échiquier que j’ai manipulé avec soin. Mais ce n’est pas ça qui fait pulser mon sang dans mes veines à cet instant précis. Ce n’est pas le triomphe professionnel, ni l’adrénaline d’avoir
LAURIELa réunion s’étire sur deux heures, un ballet de questions techniques, de négociations sur les coûts et de démonstrations. Je joue mon rôle du mieux que je peux, passant des documents, prenant des notes, répondant à quelques questions simples quand Alexander me les renvoie. Mais à chaque fois que nos regards se croisent, je sens cette tension sous-jacente, ce fil invisible qui relève nos passés potentiels. Il le sait, j’en suis presque sûr maintenant. Mais pourquoi il ne dit rien ?Quand Hargrove et Daniel se lèvent enfin pour serrer la main d’Alexander, le contrat semble dans la poche. Ils promettent une résolution définitive sous quarante-huit heures, mais le ton est optimiste. La porte se referme derrière eux, et je m’effondre presque dans mon fauteuil, épuisée mais électrisée par l’adrénaline.— Bien joué, Laurie, dit Alexander, rangeant ses affaires avec une précision méthodique. C’est assuré.— Merci, murmuré-je, un sourire sincère éclairant mon visage pour la première fo
LAURIELaurieLe café brûlant glisse dans ma gorge, son amertume me réveille à peine alors que l’ascenseur descend vers la salle de conférence privée du Mandarin Oriental. Alexander est à mes côtés, silencieux, son regard fixé sur les chiffres lumineux qui défilent au-dessus des portes. Il tient une mallette en cuir noir dans une main, et son costume gris anthracite semble taillé pour lui donner une aura encore plus imposante – si c’est possible. Moi, je tripote nerveusement la lanièreInto de mon sac, implique de me concentrer sur la réunion à venir plutôt que sur la question qui tourne en boucle dans ma tête depuis hier soir : Est-ce qu’il sait qui je suis ?Les portes s’ouvrent avec un ding discret, et nous pénétrons dans une salle aux allures futuristes. Une table longue en verre domine l’espace, entourée de fauteuils en cuir noir. Les murs sont tapissés d’écrans plats éteints pour l’instant, et une baie vitrée offre une vue plongeante sur les gratte-ciel de Manhattan, baignées dan
LAURIEIl disparaît dans sa chambre, la porte se refermant avec un clic discret, et je m’effondre sur mon lit, le cœur lourd comme une pierre. Se souvient-il de moi ? Sait-il que c’est moi, cette petite fille qu’il a connue il y a si longtemps ? Je fixe le plafond, les lumières de New York filtrant à travers les rideaux, projetant des ombres dansantes sur les murs. Ses paroles tournent en boucle dans mon esprit : « Si tu as quelque chose à me dire, demain sera le moment. » Est-ce une invitation à ouvrir mon cœur, ou un défi voilé ? Je me demande si je devrais lui parler de l’orphelinat, de ces jours où nous riions ensemble malgré la faim et le froid, mais la peur me retient. Et s’il ne se souvenait pas ? Ou pire, s’il se souvenait mais que cela n’avait aucune signification pour lui, un détail oublié dans sa vie de luxe ? Cette pensée me serre la poitrine, et je me retourne dans les draps, cherchant un sommeil qui me fuit.Les heures s’étirent, et je finis par sombrer dans un sommeil a
LAURIEJe pénètre dans ma chambre, mon sac toujours sur l’épaule, et suis immédiatement frappée par l’opulence qui m’entoure. Deux énormes valises trônent près du lit, imposantes et impeccablement alignées, accompagnées d’un bouquet de roses rouges éclatant, orné d’une petite carte. Curieuse, je pose mon sac et prends les fleurs, les portant à mon nez pour en respirer le parfum doux et enivrant. Puis, avec précaution, j’ouvre la carte. Les mots y sont écrits d’une main élégante : « Bienvenue chez Knight Enterprises. A. »Touchée par ce geste inattendu, un sourire timide se dessine sur mes lèvres. Je pose les roses sur la table de nuit et me tourne vers les valises, hésitant un instant avant de les ouvrir. À peine les fermoirs cèdent-ils que des vêtements magnifiques s’échappent en cascade : des robes de soie aux coupes raffinées, des tailleurs impeccables aux tissus luxueux, chacun plus somptueux que le précédent. C’est comme si Noël avait décidé de frapper avant l’heure, et je reste
Laurie)Je pousse la porte de ma chambre, mon sac pesant sur l’épaule, et le luxe me percute de plein fouet. Deux valises massives squattent près du lit, droites comme des soldats, impeccables, flanquées d’un bouquet de roses rouges qui éclate dans la lumière tamisée. Une petite carte dépasse, discrète mais intrigante. Je lâche mon sac, le cœur battant un peu trop fort, et m’approche. Les pétales frôlent mes doigts, veloutés, leur parfum sucré me monte à la tête – un mélange entêtant de douceur et de promesse. Je saisis la carte, l’ouvre d’un geste prudent. L’écriture est fine, assurée : « Bienvenue chez Knight Enterprises. A. »Un sourire timide me trahit, un truc fragile qui tremble sur mes lèvres. Touchée, ouais, plus que je veux l’admettre. Je pose les roses sur la table de nuit, leur rouge tranchant contre le bois sombre, et me tourne vers les valises. Mes mains hésitent, suspendues au-dessus des fermoirs. Un clic, puis un autre, et c’est l’avalanche : robes de soie qui glissent
LAURIEJe descends l’escalier du jet, mes jambes encore tremblantes sous le choc du soulagement et de la fatigue nerveuse, l’air frais et humide de New York me frappant le visage.L’aéroport privé de Teterboro, près de la ville, bourdonne d’une activité discrète : des hommes en costume discutent près d’un hangar, des valises roulent sur des chariots, et une limousine noire rutilante nous attend, moteur ronronnant doucement. Alexander marche à mes côtés, sa démarche assurée contrastant avec mes pas hésitants, et il pose une main légère mais ferme sur mon épaule pour me guider vers la voiture. Le contact me fait frissonner, et je me demande si c’est à cause de lui ou du vent glacial qui balaye la piste.— Bienvenue à New York, Laurie, dit-il avec un sourire en coin, ouvrant la portière pour moi avec une élégance naturelle. T’as survécu au vol, c’est un bon point.— À peine, murmuré-je, glissant sur la banquette en cuir crème, mon sac serré contre moi comme un bouclier.Il s’installe à c