—On devrait placer une tour ici, là et là, désigna Elias, en pointant du doigt trois points à la frontière invisible qui séparait l’Unisson du reste du monde.—Dans ce cas, il nous faudra assurer une rotation avec nos meilleurs archers, ce qui les fixera à ces postes, répondit Maya, sa main couvrant ses yeux pour les protéger du soleil.—Les archers, oui, mais pas seulement. Nous devrions y engager les Prodiges avec des Nexus de projections offensives.—C’est encore trop tôt, ils ne sont pas prêts.—Je sais, soupira-t-il. Et j’aimerais qu’ils n’aient jamais à l’être. Mais les choses sont ainsi.Elias ignorait depuis quand il était devenu si cynique. La mort de Tom ? Avant ? Les trois derniers mois plongés dans tous les ouvrages de stratégie militaire n’avaient pas dû l’aider non plus. De Sun Tzu à Bonaparte en passant par César et Machiavel, il avait dévoré les récits des plus grands.À vrai dire, la sérénité de to
—C’est toujours mon moment préféré dans les contes mythologiques grecs, se réjouit Maya en sifflotant. Le grand départ du héros et de ses acolytes pour leur quête.—J’imagine que nous sommes ta vaillante troupe d’acolytes, ironisa Elias.—Exactement ! D’ailleurs, je ne crois pas me rappeler que les héros grecs portaient leur sac à dos…—Ne t’inquiète pas, on ne dira rien si on nous pose la question au retour ! Il ne faudrait pas entacher ta réputation !Barthélémy avançait en tête, défrichant un passage pas toujours tracé à travers la végétation. Les rires et la bonne humeur du couple le ragaillardissaient, mais pesaient sur sa poitrine. Il savait que ce voyage était loin d’être sans danger. Ils en avaient pour dix jours de marche, au bas mot, pour rejoindre le lieu dont Marc lui avait parlé.Les premières journées se déroulèrent sans accrocs, sous un doux soleil de fin de saison. Elias, à son habitude, s’émerveillait de tout c
—Bordel, mais c’était quoi ça ? cria Chloé, quand ils surgirent dans la forêt.Personne ne lui répondit. Tous fixaient Elio, qui s’était évanoui.—On ne sait vraiment rien de ses pouvoirs…, murmura Maya.—Non. Je ne suis pas sûr non plus qu’il soit conscient de ce qu’il fait, c’est un enfant. Il est guidé par des émotions plus primaires. Le désir de me revoir, la peur que nous mourions… Il a trop puisé en lui cette fois, répondit Barthélémy, en soulevant le petit garçon dans ses bras.La stèle de marbre avait disparu.*Elio reprit conscience avec un mal de crâne si lancinant qu’il lui fit immédiatement regretter de s’être réveillé. Le temps de l’Unisson était compté, ils ne pouvaient pas attendre qu’il se rétablisse. Elias et Barthélémy l’avaient porté sur leurs épaules à tour de rôle. Heureusement, comme Maya et Elias s’étaient accordés sur le chemin à suivre, les cris étaient limités.La fin de journé
Héléna n’avait jamais compris ce désir d’enfants que les générations précédentes avaient entretenu. L’intérêt de survie en prolongeant l’espèce était évident. Malgré ça, l’idée de s’occuper d’une créature complètement dépendante d’elle lui glaçait le sang. Pourtant, d’une certaine manière, c’était ce qu’elle faisait chaque jour avec Élysia. La perfection avait un prix. Au vingt et unième siècle, Héléna aurait sûrement été une femme d’affaires, sacrifiant sa vie personnelle pour son métier. Aujourd’hui, sa vie personnelle était son métier.Sous nos yeux s’étalait un immense complexe baignant dans une lumière bleutée. Des cuves embryonnaires synthétiques flottaient, reliées entre elles par un savant réseau semblable aux algues marines. La Nurserie. Les fœtus immergés dans un liquide nourrissant étaient monitorés chaque seconde de leur gestation. C’était là que prenait place la création à son état le plus pur. Essentielle à la survie d’Élysia. Ici, les généticiens et les ingénieurs
Au terme d’une dizaine de jours de marche, la fin du périple approcha. Elias savait que le plus dur restait à venir, mais quand Barthélémy leur annonça qu’ils n’étaient plus qu’à une journée de leur objectif, ils soupirèrent tous de soulagement. Ce soir-là, le cœur léger, ils se réchauffèrent autour d’un feu nourri, dégustant un gibier fraîchement abattu. Barthélémy sortit même de son sac une bouteille d’alcool de pomme. Elio tendit la main pour attraper un verre.—Pas pour toi, jeune homme ! le gronda son père, tandis qu’Elias explosait de rire en voyant l’expression déconfite sur le visage de l’enfant.Cette soirée fut la plus joyeuse du voyage. Barthélémy réchauffa l’atmosphère en tirant quelques notes d’un petit harmonica. À son apparence usée, on pouvait penser qu’il avait accompagné son possesseur durant de longues années. Maya commença à le suivre en chantant, sa voix cristalline montant vers le ciel. Chloé et Elias se joignirent à elle, pour un résultat nett
—L’extinction. Voilà, en un mot, ce qui attend les Omégas.—Ça ne te surprend pas qu’ils veuillent les tuer, mais prévenir leur naissance, oui ? me demanda Lyna, un sourcil arqué.—Bien sûr. Nous sommes à la même place que l’Homo erectus quand l’Homo sapiens, ou perniciosus si tu préfères, a émergé. Homo erectus s’est débattu, efforcé de faire face à son descendant, mais, quoi qu’il ait pu tenter, c’était voué à l’échec. L’évolution l’emporte toujours au final, de gré ou de force.—Peut-être que c’est mieux ainsi. Si nous arrivons à prévenir leur apparition, la menace qu’ils représentent disparaît sans même qu’on ait à se salir les mains.Le bruit de ses talons résonnait entre les murs froids du complexe de l’Ipsum. En tant que membre de cet ordre et du comité de recherche expérimentale, Lyna détenait une partie des réponses que je cherchais. Après avoir étudié les Omégas pendant des mois, quelque chose m’échappait encore et nous avio
Leurs pieds heurtèrent le contact dur du sol et ils roulèrent emportés par leur élan. Le souffle court, Elias se leva pour apercevoir Barthélémy fendre l’air derrière lui, lâcher prise à l’exact bon moment et atterrir, sans la moindre difficulté, debout face à lui. Il s’empressa de retirer d’un geste ample la flèche ancrée dans la pierre.Il avait toujours suspecté son mentor de posséder une force hors du commun. Lors de leurs nombreux entraînements, Elias avait souvent l’impression que Barthélemy se retenait en chaque instant.Elias entendit plusieurs corps chuter dans l’eau. À cette hauteur, elle était aussi solide que du béton et, après un craquement, les cris se turent. Il frissonna à l’idée du sort auquel ils venaient d’échapper.—Où sommes-nous ? souffla Maya.—Regarde bien autour de toi, tu devrais reconnaître, au moins un bâtiment.—Oui, ça me dit quelque chose, mais je n’arrive pas à mettre le doigt sur quoi, dit Chloé.
Par une chaude journée de fin d’été, les foules étaient massées dans les rues. La température, excessivement élevée, ne semblait pas freiner les fêtards, toujours plus nombreux. L’alcool coulait à flots, d’immenses écrans déversaient leurs reflets colorés, uniquement éclipsés par la beauté des feux d’artifice, et la musique résonnait. Une soirée normale, en somme.Les notes électroniques s’arrêtèrent brutalement. Des centaines de visages surpris levèrent les yeux vers les écrans. Chaque moniteur, chaque montre d’interface s’alluma de concert.Une vidéo démarra. Un individu, manifestement saoul, titubait. Gras et libidineux, il se dirigeait vers un lit où deux jeunes femmes et un homme l’attendaient, seulement vêtu d’un masque de cochon. Une fille lui jeta un objet rond à la figure. Il s’empressa de le fourrer dans sa bouche. Ironiquement, le bâillon représentait une pomme. L’homme se mit à genoux devant ses partenaires…La caméra dévia du spectacle avant qu’il ne s