Deborah pénétra dans la cuisine, l’odeur du café se mêlant à celle des herbes et du pain grillé, une chaleur réconfortante qui contrastait avec le froid qui semblait s’être installé dans ses os. Renée, la gouvernante de son parrain, était penchée sur une marmite, fredonnant un air ancien, ses mains dansant avec aisance entre les ustensiles. En voyant Deborah, elle leva les yeux, son visage s’illuminant d’un sourire maternel, bien que teinté d’inquiétude.— Ça va mieux, Deborah ? demanda-t-elle, sa voix douce perçant le brouillard de ses pensées.Deborah soupira, ses épaules s’affaissant sous le poids de son désespoir. Elle toucha sa joue, encore brûlante là où Jonathan l’avait frappée, une douleur sourde qui pulsait comme un rappel de son humiliation.— Ce n’est toujours pas ça ! répondit-elle, sa voix lourde, ses yeux fixant le sol carrelé.Renée reposa sa cuillère en bois, essuyant ses mains sur son tablier, et s’approcha d’elle.— Je vais aller faire des courses, tu veux venir ? pr
Deborah sentit une bouffée d’air frais dans son esprit à l’idée de quitter la maison, même pour quelques heures. La cuisine, avec ses odeurs de bouillon et de café, semblait soudain moins oppressante, bien que le poids de sa situation restât ancré dans sa poitrine. Elle se tenait près du comptoir, ses doigts effleurant le bois usé, ses yeux fixant la marmite comme si elle contenait toutes ses frustrations. L’idée de récupérer sa voiture, cette petite Twingo cabossée mais fidèle, était comme une lueur au bout d’un tunnel sombre. Elle voulait s’accrocher à ce fragment de liberté, à cette possibilité de fuir, ne serait-ce que pour un instant, l’ombre écrasante de Jonathan.Renée, toujours affairée, rangeait ses ustensiles, son tablier froissé témoignant d’une matinée déjà bien remplie. Elle jeta un regard à Deborah, son sourire doux mais teinté d’une inquiétude qu’elle ne pouvait masquer.— Tu es sûre que ça va aller ? demanda-t-elle, sa voix empreinte d’une sollicitude qui toucha Debora
Le ciel grisonnait, ses nuages lourds promettant une neige imminente, une menace suspendue au-dessus de la ville. Deborah, emmitouflée dans son manteau noir, suivait Renée dans le marché couvert, ses pas résonnant sur le sol de béton usé. L’air était saturé d’odeurs – pain frais, poisson salé, épices piquantes – et les voix des marchands s’entremêlaient en un brouhaha vivant, ponctué par le cliquetis des pièces et le froissement des sacs en papier. Les néons du marché projetaient une lumière crue sur les étals, faisant scintiller les légumes humides et les fruits colorés, un contraste saisissant avec la grisaille extérieure. Deborah sentit une bouffée de liberté, même éphémère, loin de la maison de Jonathan, loin de son ombre oppressante.Renée, un panier en osier au bras, naviguait entre les stands avec aisance, ses yeux scrutant les produits avec une précision de connaisseuse. Deborah, à ses côtés, portait un sac déjà lourd de légumes, ses doigts engourdis par le froid qui s’infiltr
Deborah sentit son souffle se couper, la voix derrière elle réveillant un flot de souvenirs enfouis. Cette voix grave, teintée d’une chaleur qu’elle n’avait pas entendue depuis des années, elle l’aurait reconnue entre mille, même dans le chaos bruyant du marché. Ses mains, toujours sur ses yeux, étaient chaudes contre sa peau froide, un contraste qui la fit frissonner. Elle pivota, ses doigts écartant les siens, et son cœur bondit lorsqu’elle croisa son regard.— Diego ? Diego, c’est bien toi ? murmura-t-elle, sa voix tremblante d’une joie qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps.Il se tenait là, Diego, avec son sourire chaleureux qui semblait éclairer le marché entier, ses yeux pétillants d’une malice familière. Ses cheveux bruns, légèrement en désordre, encadraient un visage bronzé, et son écharpe rouge contrastait avec son manteau sombre. Il était le garçon qui, des années plus tôt, lorsqu’elle rêvait d’étudier aux Beaux-Arts à Paris, lui avait offert un refuge sans hésiter,
Deborah sentit son cœur cogner contre sa poitrine, une pulsation sourde qui résonnait jusque dans ses tempes. L’étreinte de Diego avait quelque chose de terriblement réconfortant. Elle y retrouvait une chaleur oubliée, une présence humaine qui ne cherchait ni à la dominer, ni à la modeler. Ses bras, larges et solides, s’enroulaient autour d’elle sans possessivité, sans attentes. C’était un abri, pas une cage.Et là, contre son torse, le monde semblait soudain plus doux. Moins menaçant.Elle ferma les yeux un instant, et dans cet élan fragile, presque irréel, elle laissa tomber ses défenses. La douleur sourde de sa joue battait toujours sous la peau, là où Jonathan avait posé ses doigts comme on marque un objet. Mais Diego, lui, ne demandait rien. Il ne questionnait pas. Il ne cherchait même pas à comprendre. Il offrait juste… sa présence.Elle recula légèrement, juste assez pour le regarder en face. Ses mains s’accrochèrent à son pull, comme si elle craignait qu’il disparaisse. Ses ye
Le marché couvert bourdonnait d’une vie chaotique, les odeurs de pain frais, de poisson salé et d’épices flottant dans l’air humide. Deborah, encore secouée par son baiser avec Diego, sentit son cœur palpiter, une chaleur inattendue envahissant ses joues malgré le froid mordant qui s’infiltrait par les portes ouvertes. Les néons crépitaient au-dessus, projetant des ombres mouvantes sur les étals colorés, et les voix des marchands, criardes et rythmées, formaient un fond sonore qui semblait à la fois lointain et oppressant. Elle se tenait près de Renée, son manteau noir absorbant la lumière, comme un bouclier contre le monde extérieur.— Excusez-moi, je ne vous ai pas présenté, dit-elle, sa voix teintée d’une légèreté qu’elle n’avait pas ressentie depuis des jours. Voici mon ami Diego, et voici Renée, la gouvernante de mon parrain.Diego, avec son sourire éclatant, s’inclina légèrement vers Renée, ses yeux bruns pétillant de charme. Il plongea la main dans son panier, en sortit une ros
— Mais je t’avais dit que je m’en fichais, on s’aimait, répondit-il, son ton doux mais ferme, comme s’il revivait leur passé à voix haute, comme si ces mots avaient été gardés en lui, prêts à éclore à nouveau.Deborah sentit son souffle se suspendre, son regard se perdant dans le sol de béton sale du marché, strié de traces de pneus et de flaques d’eau huileuse. Ses yeux se brouillèrent. Tout remontait en elle, d’un coup : les après-midis passés dans son atelier d’étudiant, les projets griffonnés sur un carnet taché de peinture, les rires étouffés à l’heure où la ville s’endormait. Les souvenirs affluaient comme une marée, déferlant contre le barrage qu’elle avait érigé depuis toutes ces années.— Je n’ai pas été élevée comme ça, murmura-t-elle, la voix tremblante, prise dans une faille intérieure. Et pourtant…Ses mots restèrent suspendus dans l’air, étouffés par un mélange de culpabilité et de tendresse. Elle n’arrivait pas à finir sa phrase, comme si y mettre un point final risquai
Deborah sentit les larmes couler sur ses joues, chaudes et incontrôlables, alors qu’elle tapotait l’épaule de Diego, un geste pour le rassurer autant qu’elle-même. Son rire, encore fragile, résonnait dans l’air saturé du marché, où les odeurs de poisson et de pain frais se mêlaient à celle, plus subtile, de la rose qu’il lui avait offerte. Elle cligna des yeux, tentant de chasser ses larmes, et lui adressa un sourire tremblant.— Ne t’en fais pas pour moi, je serai toujours ton modèle, même pour tes clients, dit-elle, sa voix vacillant mais déterminée.Diego haussa un sourcil, un sourire taquin étirant ses lèvres.— Je te payerai !— Même pour rien, je le ferais, je donnerais mon corps à l’art, répondit-elle, un éclat de malice dans les yeux, bien que ses larmes continuassent de couler.Il lui pinça les hanches, un geste joueur qui la fit sursauter, son rire éclatant malgré la douleur qui pesait sur son cœur.— Tu as perdu du poids, mais je te préférais avec des formes ! lança-t-il, s
Plus tard, alors qu’elle préparait le déjeuner – une simple pizza réchauffée, comme la veille – Deborah entendit les pas lourds de Jonathan dans le couloir. Il réapparut dans la cuisine, son humeur semblant s’être légèrement adoucie, mais ses yeux, plissés et fatigués, trahissaient toujours une tension sous-jacente. Flocon, toujours sensible à l’ambiance, releva la tête de son panier et s’approcha prudemment de lui, remuant la queue avec hésitation, comme s’il testait la température émotionnelle de la pièce.— J’ai parlé a un amis, il y a un autre endroit, dit Jonathan sans préambule, s’appuyant contre le chambranle de la porte. Ils ont une salle disponible samedi prochain. Ce n’est pas celle qu’on voulait, mais ça fera l’affaire.Deborah, qui coupait la pizza en tranches inégales, s’arrêta net, son couteau suspendu en l’air. Flocon, sentant un nouveau pic de tension, s’assit entre eux, ses yeux alertes passant de l’un à l’autre.— Samedi prochain ? répéta-t-elle, incapable de masquer
Jonathan se redressa, passant une main dans ses cheveux, visiblement à bout de patience.— Ne commence pas avec ça, Deborah. Tu sais très bien pourquoi on en est là. Tu as fait des choix, et maintenant, on assume. Tous les deux.— Des choix ? s’exclama-t-elle, sa voix montant d’un cran. Quels choix, Jonathan ? Celui de ne pas t’aimer ? Celui de ne pas vouloir de cette vie que tu essaies de m’imposer ? Tu parles de choix comme si j’avais eu mon mot à dire !Flocon, effrayé par les éclats de voix, aboya doucement, ses petites pattes s’agitant comme s’il voulait intervenir. Deborah le prit dans ses bras, le serrant contre elle pour le calmer, mais ses yeux restaient fixés sur Jonathan, pleins de défi.— Tu penses que je fais ça pour m’amuser ? cria-t-il, sa voix résonnant dans la cuisine. Tu crois que c’est facile pour moi ? J’essaie de construire quelque chose, Deborah. Avec toi ! Et toi, tout ce que tu fais, c’est te moquer et me repousser !— Parce que je ne veux pas de ça ! répliqua-
Le lendemain matin, Deborah se réveilla sur le canapé du petit salon, Flocon blotti contre son flanc, ses petites oreilles soyeuses frôlant son bras. Les rayons du soleil traversaient les rideaux, illuminant la pièce d’une lumière douce mais implacable, comme un rappel que la journée allait être longue. Elle caressa distraitement la tête du chiot, qui s’étira en bâillant, ses yeux ronds pleins d’une innocence qui contrastait avec la lourdeur de son propre cœur. Elle se redressa, les muscles encore endoloris, et jeta un regard autour d’elle. La maison était silencieuse, mais elle savait que Jonathan ne tarderait pas à apparaître, avec son énergie débordante et ses attentes oppressantes.Elle se leva, Flocon trottinant derrière elle, et se dirigea vers la cuisine. Le chiot, toujours plein d’entrain, s’arrêta pour renifler un coin du parquet, sa queue battant l’air comme un métronome. Elle prépara du café, plus par réflexe que par envie, et s’assit à la table, la tasse chaude entre ses m
Après ce moment tendu, ils se retrouvèrent dans un silence pesant. Flocon, sentant le malaise, s’assit entre eux, ses yeux ronds allant de l’un à l’autre, ses oreilles soyeuses légèrement inclinées comme s’il tentait de décrypter l’atmosphère. Sa queue, habituellement frétillante, reposait immobile sur le sol, trahissant son incertitude. Deborah fixait le sol, ses doigts crispés autour de la tasse vide, ses jointures blanchissant sous la pression. Chaque inspiration lui semblait lourde, comme si l’air de la cuisine s’était épaissi. Elle se mordilla la lèvre, un geste inconscient, tandis que son esprit s’emballait, oscillant entre la colère et une étrange vulnérabilité qu’elle refusait d’admettre. Le souvenir du baiser de Jonathan, ardent et insistant, lui brûlait encore les lèvres, et elle serra les dents pour chasser cette sensation.Jonathan, de son côté, s’appuya contre le comptoir, ses bras croisés sur son torse nu. Son visage, d’ordinaire si assuré, laissait entrevoir une ombre d
— Je suis juste en face de toi. Regarde-moi.Sa voix claqua doucement dans le silence, une injonction sans colère mais pleine d'attente. Deborah leva les yeux, lentement, comme si son regard pesait une tonne. Il était là, tout près, trop près. Elle sentit son souffle sur sa peau. Un frisson la traversa, aussi imperceptible qu’inattendu.Flocon, qui s’était roulé en boule non loin d’eux, redressa la tête, les oreilles frémissantes. Il s’approcha à pas feutrés, posant son museau contre le genou de Deborah, l'air inquiet.— Alors, tu n’es pas obligée de mentir. Si je ne te plais pas, dis-le.Elle cligna des yeux, la gorge sèche.— Je ne sais pas.— Tu hésites ?Elle secoua légèrement la tête, puis la redressa, le menton plus haut cette fois.— Non… Je me dis qu’au final, tu ressembles beaucoup à John. Ton père.Elle vit son expression changer. Subtilement. Juste un battement de cil un peu plus long, une tension au coin des lèvres. Elle savait que ça piquerait. Et pourtant, elle ne retira
De toute façon, il était plutôt sans filtres. Elle ne répondit pas et but son café d’un trait.— Je vais me doucher ! lui dit-elle en posant sa tasse dans l’évier.Flocon, sentant son départ, trottina derrière elle, mais elle lui fit signe de rester. Le chiot s’assit, la regardant partir avec un air plaintif. Elle prit soin de verrouiller les deux portes à clé.Elle se déshabilla, prit sa douche, se sécha et alla s’habiller dans la chambre. La maison semblait vide, et le silence n’était pas quelque chose qu’elle appréciait. Flocon, qui avait réussi à la suivre discrètement, s’assit au pied du lit, ses yeux suivant ses moindres gestes. Elle refit le lit ; la journée allait être très longue.Elle sortit de la maison et se rendit dans le jardin ; marcher un peu lui fit du bien. Flocon gambadait à ses côtés, reniflant l’herbe et poursuivant une feuille volante. Il ne faisait ni chaud ni froid. Le chiot, plein d’énergie, rapporta un petit bâton qu’il déposa fièrement à ses pieds, espérant
— On a quand même passé des jours ensemble quand tu étais jeune. Tu n’avais aucun avis sur moi ?— Aucun, je te l’ai dit. Tu n’existais pas pour moi !— Je pensais que tu m’évitais car je te plaisais !— Je ne t’évitais pas. Si tu m’avais plu, je ne t’aurais pas évité, crois-moi. Je n’ai jamais évité un homme qui me plaisait.— D’accord, je comprends. Dis-moi, est-ce que tu me trouves attirant physiquement ?— Je ne sais pas, je ne te juge pas vraiment sur ton apparence !— Toi, tu m’attires, Deborah Miller, mais ton caractère un peu moins. On travaillera là-dessus ensemble !Il lui caressa les fesses, et elle crut comprendre le message qu’il essayait de lui faire passer. Flocon, sentant un changement d’humeur, s’assit et les regarda tour à tour, comme s’il attendait une explication.— Tu m’as aussi fait mal, crois-moi, je ne pourrai pas dormir sur le dos ce soir ! Allez, je te laisse dormir.Il déposa un baiser sur sa joue avant de glisser ses lèvres dans son cou. Elle sentit des fri
Dans la nuit, Deborah sursauta. Une main la secouait doucement. Elle ouvrit les yeux, clignant un peu face à la pénombre, et reconnut le visage de Jonathan penché sur elle.À ses pieds, Flocon, petit chiot cocker aux oreilles soyeuses et au pelage crème, battait frénétiquement de la queue. Ses yeux ronds, pleins de lumière, brillaient dans l’obscurité. Il poussa un petit couinement, sautillant d’une patte à l’autre comme s’il sentait qu’il se passait quelque chose d’important.— Il t’est impossible de passer toutes tes nuits ici à dormir, viens ! souffla Jonathan, un demi-sourire aux lèvres.Déborah cligna encore, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte, confuse. Elle se redressa lentement, comme tirée de la vase. Flocon trottina joyeusement derrière eux, ses petites pattes martelant le parquet dans un clic-clic discret mais régulier.Elle suivait Jonathan, les sourcils froncés, les bras croisés sous sa poitrine comme pour se protéger du froid... ou de lui. Le chiot la frôla, truffe f
— Taie-toi, Miller ! On a de la compagnie. Merci de ne pas me causer d’embarras.Il la plaqua contre le mur et murmura à son oreille :— Je pourrais recommencer ce qu’il y a eu tout à l’heure !Elle en eut le souffle coupé, un poids au cœur. Parfois, il lui faisait peur, mais cette fois, elle ne ressentait pas seulement de la peur.— Tu as compris ? demanda-t-il.Elle répondit timidement par un petit « oui ».— Je n’ai pas entendu, insista-t-il.— Oui, d’accord, je ne vais pas te mettre dans l’embarras.Il s’écarta d’elle et lui caressa le visage.— Merci, et tant qu’à faire, essaie d’avoir l’air amoureuse !— Ne m’en demande pas trop non plus !— Comment ?Il l’avait recollée contre le mur.— D’accord, mais recule, tu me fais mal ! lui dit-elle.Il recula et la regarda de la tête aux pieds, puis rit.— Ah oui, ton cul qui touche le mur, pardon !Elle eut envie de l’insulter, mais déjà il lui prenait la main pour l’entraîner vers la sortie pour retourner auprès de ses amis.Léa demand