Aníbal L’atmosphère dans l’entrepôt était électrique, tendue. Les derniers mots de Miller résonnaient encore dans ma tête, mais je ne les laissais pas m’atteindre. J'avais fait mon choix. Je n’étais plus celui que j’avais été. Miller pouvait essayer de me faire douter, de me remettre dans mes vieux schémas, mais cette fois, je ne me laisserais plus manipuler.Miller, qui avait toujours été une figure d’autorité dans ma vie, semblait étrangement détendu, comme s’il savait qu’il avait encore un atout dans sa manche. Mais je ne m’en laissais pas compter. Une fois les paroles échangées, il n’y avait plus de retour en arrière. Il fallait agir.Il s’avança, son regard froid, me scrutant de haut en bas, cherchant probablement une faille. Il s’arrêta à une dizaine de pas de moi, dans une position de défi. "Tu crois vraiment que tu peux couper tous les ponts, Anibal ? Que tu peux effacer ce que tu as fait ? Tout ce que tu es devenu grâce à moi ?"Je restai immobile, les poings serrés, le cœur
Aníbal Je ne m’arrêtai pas. Ses menaces m’étaient indifférentes. J’avais fait mon choix, et maintenant j’étais libre. Je savais que ce n’était pas la fin. Il restait des ombres à chasser, des batailles à mener. Mais une chose était certaine : je n’étais plus l’homme que j’avais été, et je ne reviendrais pas en arrière.Je m’éloignai, laissant derrière moi le poids de mon passé. Cette fois, je le laissais derrière avec la certitude que je pouvais avancer. Vers un futur que je choisirais, un futur que je contrôlerais. J’étais enfin prêt à vivre pour moi-même.Les portes de l’entrepôt se fermèrent doucement derrière moi, mais je ne me retournai pas. Le froid de la nuit s’était installé sur la ville, et les lumières vacillantes des rues semblaient m’inviter à disparaître dans l’obscurité. Pourtant, malgré l’agitation qui bouillonnait en moi, je ne ressentais aucune précipitation. Ce n'était pas la fuite, ni la peur. C’était la sensation de me libérer d’un poids qui m’avait écrasé pendant
Aníbal Les semaines qui suivirent furent étrangement paisibles pour moi. Après l’intensité des événements des derniers mois, je m’étonnais de la tranquillité qui semblait avoir envahi ma vie. La menace de Miller pesait toujours sur moi, mais je choisissais de ne pas me laisser paralyser par la peur. J’avais fait le premier pas vers la rédemption. Chaque jour devenait un nouveau défi, un nouveau terrain où je réécrivais mon histoire.Je m’efforçais de me reconstruire. Je passais de plus en plus de temps seul, mais ce n’était pas dans l'isolement douloureux que j’avais connu auparavant. Non, je choisissais d’être seul pour mieux me connaître, pour accepter ce que j’avais été et tout ce que j’avais fait. Ce n’était pas une solution facile, ni rapide, mais je n’avais jamais cherché la facilité. J’apprenais petit à petit à vivre sans la violence, sans la peur constante, sans l’ombre de mon passé qui dictait chaque geste.Le matin, je me levais tôt. Le rituel était simple, presque banal :
AnibalLe temps passa lentement pour moi et Claire. Bien que notre relation n’ait pas immédiatement changé le cours de ma vie, elle était une ancre dans une mer calme mais agitée. Ce que je vivais avec elle n'était pas une fuite du monde, mais un pas vers un avenir plus serein. Cependant, ce qui semblait être un chemin vers la rédemption se révéla plus complexe que prévu. Le passé, aussi bien le mien que celui de Claire, n’était jamais bien loin.Les semaines s'écoulaient, et chaque jour semblait porter son lot de nouvelles épreuves. J’essayais de ne plus regarder en arrière, mais les ombres de mon passé revenaient parfois me hanter. Je faisais de mon mieux pour me concentrer sur ma reconstruction intérieure, mais des moments de doute et de solitude surgissaient de manière imprévisible. Une part de moi, aussi infime soit-elle, ressentait encore l’appel de l'ancien monde, celui où j'agissais dans l’ombre, sans me soucier des conséquences.J'avais pris l'habitude de discuter avec Claire
AnibalLa rencontre avec Rodrigo me laisse dans un état de confusion et de colère. Son regard, son ton, tout en lui est une menace à peine voilée. Ce n’est pas un hasard s’il est venu à moi, et je le sais. Ce qu’il m’a dit n’est qu’un avertissement, un message clair : Miller et ses associés ne m’oublieront jamais. J’ai toujours su que ce monde ne me laisserait pas partir aussi facilement, mais l’entendre de sa bouche ravive une peur que je croyais éteinte.Je suis resté éveillé presque toute la nuit, incapable de chasser ces pensées de mon esprit. La tranquillité que j’ai trouvée auprès de Claire semble désormais si fragile qu’elle me glisse entre les doigts. Je voulais croire qu’en m’éloignant, en changeant de vie, je pourrais effacer le passé. Mais ce passé est un spectre qui me suit, qui me hante. Et plus j’essaie de le laisser derrière moi, plus il se rapproche, prêt à m’avaler tout entier.Claire… Elle est mon ancre, mon seul repère. Pourtant, je ressens un conflit intérieur gran
AnibalLe matin suivant, je me réveille avec un sentiment d’urgence que je ne parviens pas à ignorer. À côté de moi, Claire dort encore, paisible, inconsciente de la tourmente qui gronde dans mon esprit. Je ne peux plus rester là, à attendre que le passé me rattrape. Rodrigo n’était qu’un avant-goût de ce qui nous attend. Si je veux éviter le pire, je dois agir maintenant.Je me lève sans bruit, laissant Claire dans la douceur du sommeil. Chaque instant passé avec elle est précieux, mais je sais que cette accalmie ne durera pas. Le calme avant la tempête, c’est exactement ce que je ressens. Et le plus effrayant dans tout ça, c’est que Claire risque d’en payer le prix. Le danger se rapproche, trop vite, trop brutalement. Je ne veux pas la perdre. Mais chaque pas que je fais l’entraîne un peu plus dans ce monde qu’elle ne devrait jamais connaître.Toute la matinée, je rassemble mes pensées, cherchant une solution pour éviter le chaos sans la mettre en péril. Je sais que Rodrigo n’est qu
AnibalLe trajet du retour est plus rapide que je ne l’aurais voulu. Le moteur vrombit sous mes mains, mais ma tête tourne dans tous les sens. Mon esprit est en ébullition, agité par des pensées sombres. L’angoisse me serre la gorge, me ronge depuis que j’ai eu cette conversation avec Éric. Claire est une cible. Et cela change tout. Chaque mot prononcé par Éric résonne dans ma tête comme un avertissement, un écho menaçant.Je connais bien le réseau de Miller. Un ensemble de filières bien rodées, sans foi ni loi. Pas de pitié. Pas de seconde chance. Pas d’échappatoire. Tout le monde est expendable, surtout ceux qui ne sont pas dans leurs bonnes grâces. Et Claire, avec son innocence et sa vulnérabilité, représente exactement ce qu’ils veulent : une pression, un levier pour m’atteindre. J’ai beau me répéter que j’ai encore un peu de temps, quelques heures peut-être, avant que tout ne s’accélère, je sais au fond de moi que ce n’est qu’une illusion. Le temps, ce traître, m’échappe.Quand j
AnibalLe calme relatif de la soirée dure jusqu'à ce que Claire et moi arrivions devant notre immeuble. À chaque pas, je reste alerte, scrutant les alentours, cherchant la moindre anomalie, la moindre personne qui pourrait être en observation. Même si la rue semble déserte, même si tout semble parfaitement ordinaire, mon instinct ne me permet pas de relâcher ma vigilance. Quelque part, je sais que c’est trop tranquille pour durer.Nous montons les escaliers, et je la regarde sans qu’elle ne le remarque. Claire semble insouciante, sereine, heureuse de retrouver la chaleur de l’appartement. Cela me rassure, mais en même temps, je ne peux m’empêcher de me dire que tout ça est bien trop facile. Après tout, Miller n’est jamais loin, et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il n’intervienne à nouveau. L’idée que Claire puisse devenir une cible aussi à cause de moi me hante."Tu penses à quelque chose, Anibal ?" me demande Claire en se retournant alors qu’on arrive devant la porte de no
AnnibalLa porte claque doucement derrière nous. Pas de cris. Pas de menace. Pas de guerre. Juste… le silence.Je dépose les clés. Claire retire ses bottes en soupirant. Elle ne dit rien. Mais je la sens trembler, même sous ses vêtements. Je me retourne, la fixe.Elle me regarde, fatiguée, les yeux rouges mais clairs.Elle est belle comme ça.Vraie.Brisée, mais vivante.Et mienne — si elle le veut encore.— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas été seuls, Claire ?Elle sourit, à peine.— Trop longtemps. J’avais oublié le son de ton silence.Je m’approche. Elle ne recule pas. Je tends la main et touche son visage. Sa joue est froide. Je veux la réchauffer.— On peut s’arrêter ce soir. Juste pour ce soir. Pas de Luca. Pas de monstres. Pas de souvenirs. Juste toi et moi.Elle ferme les yeux, s’approche, pose son front contre le mien.— Tu crois qu’on mérite ça ? Ce genre de paix ?Je pose mes mains sur sa taille, l’attire contre moi.— Je crois qu’on a traversé assez d’enfer pour mérit
---ClaireIl est là.Je le reconnaîtrais entre mille.Même couvert de sang séché, même amaigri, même l’âme en lambeaux…Annibal reste Annibal.Je cours. Je m’effondre contre lui. Il ne dit rien. Mais ses bras me serrent. Fort.Plus fort que je l’aurais cru possible.Comme si me toucher était la seule chose réelle ici.— Tu m’as retrouvée, je souffle.Il ferme les yeux. Sa main dans mes cheveux.— Je t’ai suivie jusqu’en enfer, Claire. Et ce n’est pas fini.---AnnibalLe monde est brisé. Mais Claire est là.Et tant qu’elle respire, j’ai une raison de continuer.Je ne pose pas de questions. Pas encore.Parce que je vois dans ses yeux les réponses que je redoute.Elle est différente.Quelque chose l’a touchée là-bas. Quelque chose l’a marquée.— Luca est avec toi ? je demande.Elle hoche la tête.— Oui. Mais il change. Il rêve d’elle. Il l’entend.Elle ne prononce pas son nom.Mais je sais de qui elle parle.Sali.Celle qui a volé la lumière de Claire. Celle qui a tenté de m’arracher m
LucaLe sol est stable. L’air est lourd, mais réel.On est de retour.Enfin… presque.Claire tient ma main si fort que je sens mes os craquer.Mais je ne dis rien. Parce qu’elle pleure. Et que je n’ai jamais vu Claire pleurer.— On l’a perdue, je dis.Elle secoue la tête.— Non. Elle s’est perdue. Nous, on s’est retrouvés.Et quand je regarde autour de nous, je sais que ce n’est que le début.Parce que le monde ne nous appartient plus.Mais nous savons où frapper.---ClaireCe n’est pas le monde que j’ai quitté.Les rues sont silencieuses. Les lampadaires crépitent comme des néons malades. L’air sent le métal et la pluie.Mais ce n’est pas ça, le pire.Le pire, c’est le regard des gens.Ils ne nous voient pas vraiment. Comme si nous étions flous, transparents à leurs yeux.Ou peut-être qu’ils ont appris à ne plus voir.Peut-être qu’ils savent… que ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes.Luca titube à mes côtés. On n’a rien dit depuis l’apparition. Rien depuis le départ de Sali.O
ClaireLe sol n’est plus le même.Depuis que j’ai franchi cette rue — la rue, celle que personne n’ose nommer —, tout semble suspendu. Le vent ne bouge plus les feuilles. Les lampadaires ne font plus d’ombre.Je sens la trace de Luca. Une chaleur qui palpite encore sur le bitume, comme un cœur qui ne veut pas cesser de battre.Je le suis.Mais plus j’avance, plus je me perds.Mes souvenirs deviennent brumeux. Le nom de ma mère m’échappe. La couleur de mes yeux me fuit.Je me raccroche à une seule chose : Sali.Si je la retrouve, je retrouve Luca. Et peut-être… peut-être que je me retrouve moi-même.SaliElle est là.Elle marche dans mon sillage sans même comprendre.Je l’ai rêvée mille fois, Claire. Je l’ai vue tomber, se relever, tomber encore. Toujours humaine. Toujours trop humaine.Mais maintenant, elle est presque prête.Je tends les doigts, à travers la membrane qui sépare nos mondes. Je touche son esprit. Juste un peu.Elle tremble. Elle résiste.Elle est parfaite.Mais elle ne
ClaireTrois jours.Trois jours sans Anibal. Trois jours sans Serge. Trois jours que le bunker est devenu un tombeau muet, sans porte, sans écho. Et pourtant, parfois, la nuit, je crois entendre une voix murmurer mon prénom.Je reste assise sur le seuil du monde. Là où l’herbe recommence à pousser, là où le vent sent encore un peu la vie. Luca dort la plupart du temps. Quand il se réveille, il parle peu. Il a vu quelque chose là-bas, quelque chose qu’il refuse de mettre en mots.Et moi… moi, je tiens. Je veille. Parce que quelqu’un doit le faire.LucaJe ne rêve plus. Ou peut-être que je ne me réveille plus.Depuis que Claire m’a tiré hors de ce trou béant, je flotte entre deux états. Comme si mon corps était resté là-bas, avec Serge. Comme si mon esprit était resté accroché aux derniers mots d’Anibal.Il a murmuré assez. Mais est-ce que ça a compris ce qu’il voulait dire ?Claire me parle parfois. Elle me raconte des souvenirs, de l’avant. Des rires, des nuits étoilées, des bières tr
ClaireQuand je retrouve Anibal, il a le regard vide, les mains tremblantes.— Elles sont là, je dis.Il hoche lentement la tête.— Je sais.On rejoint Luca et Serge dans ce même café où tout avait basculé. Mais cette fois, personne ne fait semblant.Serge a les yeux injectés de sang, Luca tremble comme une feuille. Et moi… j’ai mal. Une douleur sourde au creux du ventre, comme si quelque chose me rongeait de l’intérieur.Anibal prend la parole, froid, déterminé.— On doit retourner là-bas.— Tu es malade, je murmure.— Non. On les a laissées passer. Elles ont franchi la faille. Ce monde… elles veulent le dévorer. Il faut refermer la porte.— Mais on ne sait même pas comment elle s’est ouverte !— Si, dit Serge. C’est nous.Un silence. Puis Claire comprend. Elle se lève lentement, les larmes aux yeux.— On l’a ouverte. En survivant.---LucaOn rentre chez nous cette nuit-là, mais quelque chose a changé. Les murs grincent comme des bêtes blessées. Les ombres bougent quand on ne regard
AnibalIl y a des soirs où tout semble basculer. Où l’air devient trop lourd, trop dense. Où chaque silhouette croisée dans la rue paraît familière, comme un souvenir lointain qui refuserait de mourir. Ce soir est l’un de ces soirs.Je marche seul dans les ruelles du quartier, les mains dans les poches, incapable de rester enfermé plus longtemps. Trop de silences. Trop de souvenirs coincés entre les murs. La pluie s’est remise à tomber, fine, persistante. Elle trace des lignes tremblantes sur le bitume, comme si le monde lui-même était en train de fondre doucement.Depuis notre retour, je ne me reconnais plus. Mes gestes sont mécaniques. Je souris quand il faut sourire. Je parle quand on me parle. Mais à l’intérieur, c’est le chaos. Il y a quelque chose d’inachevé. Comme une porte qu’on aurait refermée trop vite, sans vérifier ce qu’on laissait de l’autre côté.Je m’arrête devant un vieux kiosque fermé, les néons clignotants d’un bar éclairant la vitrine poussiéreuse. Dans le reflet,
AnibalLe retour à la réalité est brutal. Une sensation de vertige me secoue tandis que je sens enfin un sol familier sous mes pieds. L’air est plus dense, plus frais, chargé d’odeurs que je reconnais : celles de la ville, du bitume mouillé, de la vie normale. J’ouvre les yeux avec prudence, craignant un instant d’être encore prisonnier de l’autre monde.Mais non. Nous sommes bien là.Autour de moi, Claire, Luca et Serge reprennent lentement leurs esprits. On est tous sonnés, comme si on venait de vivre un rêve trop réel. Le silence qui nous entoure est presque irréel après tout ce que nous avons traversé. Plus de voix mystérieuses, plus de lieux étranges défiant la logique. Juste le bruit lointain des voitures, le clapotis d’une flaque sous une goutte de pluie, un chien qui aboie au loin.Claire se redresse d’un mouvement raide, ses yeux balayant les environs avec nervosité. "C’est bien… chez nous ?"Je hoche lentement la tête. "Oui. Je crois."Luca se passe une main sur le visage, c
AnibalL’espace autour de nous se tord et se plie sous une force invisible. Nous sommes prisonniers d’un monde qui ne nous appartient pas, un entre-deux où le temps lui-même semble hésitant. Depuis des jours – ou peut-être des semaines – nous errons dans ce royaume de brume et d’ombres, cherchant une issue qui semble toujours se dérober sous nos pas.Nous avons traversé des ruines hantées par des murmures indistincts, franchi des ponts suspendus au-dessus de gouffres sans fond, et marché sous des cieux où flottent des étoiles mortes. Partout où nous allons, ce monde cherche à nous garder en lui, nous séduisant par des visions de puissance et de liberté. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous voulons rentrer.Claire est la plus affectée par ces illusions. Parfois, elle s’arrête en plein milieu du chemin, ses yeux vides, fascinée par une scène que nous ne pouvons voir. Des fragments de son passé, ou peut-être du futur. Luca et Serge doivent la secouer pour la ramener à la réalité.Moi, je