Aníbal La salle semblait se rétrécir autour de moi, les murs sombres et nus donnant l’impression de m’engloutir. Miller, de l'autre côté de la pièce, me fixait avec une intensité glaciale, ses yeux sondant chaque recoin de mon âme. L’air était lourd de tension, comme si un seul faux mouvement de ma part ou de la sienne pouvait tout déclencher.Claire était derrière moi, silencieuse mais présente, un soutien rassurant. Bien qu’elle n’eût aucun moyen de changer l’issue de cette confrontation, sa présence m’ancrait, me donnait un peu de sérénité. Elle n’était pas là pour m’aider physiquement, mais pour me rappeler ce que j’étais en train de défendre.Miller croisa les bras, se penchant légèrement en avant, un sourire en coin. "Tu sais, Anibal, tu n’as pas changé. Tu peux prétendre que tu es différent, que tu veux changer, mais au fond de toi, tu sais bien que tu es toujours le même homme. Celui qui prend ce qu’il veut, sans se soucier des conséquences."Je serrai les poings, mais je res
Aníbal La pièce était maintenant silencieuse, un silence lourd, presque suffocant. Mon souffle, encore saccadé, se mêlait au bruit lointain de la rue, étouffé par les murs épais autour de nous. Je restais là, figé, les yeux rivés sur la porte par laquelle Miller venait de s’éclipser. Les échos de nos échanges résonnaient dans ma tête, un combat mené non pas avec des armes ou de la violence physique, mais avec le poids de nos décisions.Claire s’approcha doucement, brisant ce silence pesant. Ses pas étaient mesurés, mais je pouvais lire l'inquiétude dans ses yeux. Elle savait, tout comme moi, que même si j’avais pris une décision, les conséquences n'étaient pas encore là. Rien n'était jamais aussi simple dans ce monde. Et Miller, bien qu'il soit parti, n'allait pas simplement nous laisser tranquilles."Tu sais qu’il ne va pas s’arrêter là", dit-elle d’une voix basse, grave.Je tournai lentement la tête vers elle, mon regard restant empreint de cette même détermination calme. Ce n’étai
Aníbal Les jours qui suivirent furent emplis d'une tension insupportable. Claire et moi étions enfermés dans cet appartement discret, loin des bruits de la ville, mais tout aussi prisonniers. Chaque minute, chaque souffle semblait chargé de cette menace invisible qui planait au-dessus de nous. J'avais l'impression que les murs se resserraient, que l'air était plus lourd, et chaque bruit, chaque voiture qui passait trop près, chaque pas dans le couloir, m'évoquait une nouvelle menace. Une attente constante. Une porte prête à s'ouvrir sur l'inconnu à chaque instant.Je me levais chaque matin avec ce sentiment étrange, comme si une pression invisible pesait sur mes épaules. Le choix de rester et de confronter Miller était risqué. J’avais tout à perdre, tout ce que j'avais gagné en me détournant de la violence, mais il n'y avait plus de retour possible. Il n'y avait plus d’échappatoire. Je n’avais pas pris cette décision pour redevenir l’homme que j’étais. Non, il fallait que je fasse fa
Aníbal Le message de Miller résonnait dans ma tête comme une cloche lourde et menaçante. Chaque mot, chaque syllabe semblait m’enfoncer un peu plus dans l'incertitude. Je savais que cette rencontre ne serait pas comme les autres. Ce n’était pas une simple discussion, ni même une négociation. C’était un affrontement, un face-à-face où tout ce que j'avais essayé de bâtir depuis ma décision de changer était en jeu : ma liberté, mon avenir, et la paix intérieure que j'avais trouvée en me détournant de la violence.Claire s'approcha de moi, son regard marqué par cette inquiétude qu’elle n'arrivait jamais à dissimuler. "C’est lui, n’est-ce pas ? Miller veut te rencontrer."Je hochai la tête, confirmant ce qu’elle savait déjà. "Oui. Et il sait où je suis."Elle soupira, ses yeux se posant un instant sur la fenêtre, comme si elle espérait voir quelque chose qui prouverait que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. "Tu sais ce qu’il va faire, non ? Ce n’est pas juste une conversation. Miller j
Aníbal J'entrai dans l'entrepôt, mes pas résonnant sur le sol en béton, froid et marqué par les traces du temps. L'immensité de la pièce semblait dénuée de vie, mais je savais que Miller n'était jamais loin. Il était un maître des ombres, un homme qui manipulait les situations avec une précision inquiétante. Et aujourd'hui, je devais affronter ce maître. La tension était palpable, chaque seconde s'étirant comme une attente interminable.À l'intérieur, la lumière tamisée donnait à l'espace une atmosphère presque irréelle. Les fenêtres étaient obstruées par des rideaux sombres, laissant juste assez de lumière pour éclairer les lieux sans rien dévoiler complètement. C'était un piège, une toile d'araignée dans laquelle j'étais pris, mais je n'étais pas là pour avoir peur. J'avais pris une décision il y a longtemps : plus jamais la peur ne guiderait mes choix.Je m'avançais lentement, scrutant chaque recoin, chaque ombre. Le lieu semblait désert, mais je savais qu'il n'en était rien. Un s
Aníbal L’atmosphère dans l’entrepôt était électrique, tendue. Les derniers mots de Miller résonnaient encore dans ma tête, mais je ne les laissais pas m’atteindre. J'avais fait mon choix. Je n’étais plus celui que j’avais été. Miller pouvait essayer de me faire douter, de me remettre dans mes vieux schémas, mais cette fois, je ne me laisserais plus manipuler.Miller, qui avait toujours été une figure d’autorité dans ma vie, semblait étrangement détendu, comme s’il savait qu’il avait encore un atout dans sa manche. Mais je ne m’en laissais pas compter. Une fois les paroles échangées, il n’y avait plus de retour en arrière. Il fallait agir.Il s’avança, son regard froid, me scrutant de haut en bas, cherchant probablement une faille. Il s’arrêta à une dizaine de pas de moi, dans une position de défi. "Tu crois vraiment que tu peux couper tous les ponts, Anibal ? Que tu peux effacer ce que tu as fait ? Tout ce que tu es devenu grâce à moi ?"Je restai immobile, les poings serrés, le cœur
Aníbal Je ne m’arrêtai pas. Ses menaces m’étaient indifférentes. J’avais fait mon choix, et maintenant j’étais libre. Je savais que ce n’était pas la fin. Il restait des ombres à chasser, des batailles à mener. Mais une chose était certaine : je n’étais plus l’homme que j’avais été, et je ne reviendrais pas en arrière.Je m’éloignai, laissant derrière moi le poids de mon passé. Cette fois, je le laissais derrière avec la certitude que je pouvais avancer. Vers un futur que je choisirais, un futur que je contrôlerais. J’étais enfin prêt à vivre pour moi-même.Les portes de l’entrepôt se fermèrent doucement derrière moi, mais je ne me retournai pas. Le froid de la nuit s’était installé sur la ville, et les lumières vacillantes des rues semblaient m’inviter à disparaître dans l’obscurité. Pourtant, malgré l’agitation qui bouillonnait en moi, je ne ressentais aucune précipitation. Ce n'était pas la fuite, ni la peur. C’était la sensation de me libérer d’un poids qui m’avait écrasé pendant
Aníbal Les semaines qui suivirent furent étrangement paisibles pour moi. Après l’intensité des événements des derniers mois, je m’étonnais de la tranquillité qui semblait avoir envahi ma vie. La menace de Miller pesait toujours sur moi, mais je choisissais de ne pas me laisser paralyser par la peur. J’avais fait le premier pas vers la rédemption. Chaque jour devenait un nouveau défi, un nouveau terrain où je réécrivais mon histoire.Je m’efforçais de me reconstruire. Je passais de plus en plus de temps seul, mais ce n’était pas dans l'isolement douloureux que j’avais connu auparavant. Non, je choisissais d’être seul pour mieux me connaître, pour accepter ce que j’avais été et tout ce que j’avais fait. Ce n’était pas une solution facile, ni rapide, mais je n’avais jamais cherché la facilité. J’apprenais petit à petit à vivre sans la violence, sans la peur constante, sans l’ombre de mon passé qui dictait chaque geste.Le matin, je me levais tôt. Le rituel était simple, presque banal :
AnnibalLa porte claque doucement derrière nous. Pas de cris. Pas de menace. Pas de guerre. Juste… le silence.Je dépose les clés. Claire retire ses bottes en soupirant. Elle ne dit rien. Mais je la sens trembler, même sous ses vêtements. Je me retourne, la fixe.Elle me regarde, fatiguée, les yeux rouges mais clairs.Elle est belle comme ça.Vraie.Brisée, mais vivante.Et mienne — si elle le veut encore.— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas été seuls, Claire ?Elle sourit, à peine.— Trop longtemps. J’avais oublié le son de ton silence.Je m’approche. Elle ne recule pas. Je tends la main et touche son visage. Sa joue est froide. Je veux la réchauffer.— On peut s’arrêter ce soir. Juste pour ce soir. Pas de Luca. Pas de monstres. Pas de souvenirs. Juste toi et moi.Elle ferme les yeux, s’approche, pose son front contre le mien.— Tu crois qu’on mérite ça ? Ce genre de paix ?Je pose mes mains sur sa taille, l’attire contre moi.— Je crois qu’on a traversé assez d’enfer pour mérit
---ClaireIl est là.Je le reconnaîtrais entre mille.Même couvert de sang séché, même amaigri, même l’âme en lambeaux…Annibal reste Annibal.Je cours. Je m’effondre contre lui. Il ne dit rien. Mais ses bras me serrent. Fort.Plus fort que je l’aurais cru possible.Comme si me toucher était la seule chose réelle ici.— Tu m’as retrouvée, je souffle.Il ferme les yeux. Sa main dans mes cheveux.— Je t’ai suivie jusqu’en enfer, Claire. Et ce n’est pas fini.---AnnibalLe monde est brisé. Mais Claire est là.Et tant qu’elle respire, j’ai une raison de continuer.Je ne pose pas de questions. Pas encore.Parce que je vois dans ses yeux les réponses que je redoute.Elle est différente.Quelque chose l’a touchée là-bas. Quelque chose l’a marquée.— Luca est avec toi ? je demande.Elle hoche la tête.— Oui. Mais il change. Il rêve d’elle. Il l’entend.Elle ne prononce pas son nom.Mais je sais de qui elle parle.Sali.Celle qui a volé la lumière de Claire. Celle qui a tenté de m’arracher m
LucaLe sol est stable. L’air est lourd, mais réel.On est de retour.Enfin… presque.Claire tient ma main si fort que je sens mes os craquer.Mais je ne dis rien. Parce qu’elle pleure. Et que je n’ai jamais vu Claire pleurer.— On l’a perdue, je dis.Elle secoue la tête.— Non. Elle s’est perdue. Nous, on s’est retrouvés.Et quand je regarde autour de nous, je sais que ce n’est que le début.Parce que le monde ne nous appartient plus.Mais nous savons où frapper.---ClaireCe n’est pas le monde que j’ai quitté.Les rues sont silencieuses. Les lampadaires crépitent comme des néons malades. L’air sent le métal et la pluie.Mais ce n’est pas ça, le pire.Le pire, c’est le regard des gens.Ils ne nous voient pas vraiment. Comme si nous étions flous, transparents à leurs yeux.Ou peut-être qu’ils ont appris à ne plus voir.Peut-être qu’ils savent… que ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes.Luca titube à mes côtés. On n’a rien dit depuis l’apparition. Rien depuis le départ de Sali.O
ClaireLe sol n’est plus le même.Depuis que j’ai franchi cette rue — la rue, celle que personne n’ose nommer —, tout semble suspendu. Le vent ne bouge plus les feuilles. Les lampadaires ne font plus d’ombre.Je sens la trace de Luca. Une chaleur qui palpite encore sur le bitume, comme un cœur qui ne veut pas cesser de battre.Je le suis.Mais plus j’avance, plus je me perds.Mes souvenirs deviennent brumeux. Le nom de ma mère m’échappe. La couleur de mes yeux me fuit.Je me raccroche à une seule chose : Sali.Si je la retrouve, je retrouve Luca. Et peut-être… peut-être que je me retrouve moi-même.SaliElle est là.Elle marche dans mon sillage sans même comprendre.Je l’ai rêvée mille fois, Claire. Je l’ai vue tomber, se relever, tomber encore. Toujours humaine. Toujours trop humaine.Mais maintenant, elle est presque prête.Je tends les doigts, à travers la membrane qui sépare nos mondes. Je touche son esprit. Juste un peu.Elle tremble. Elle résiste.Elle est parfaite.Mais elle ne
ClaireTrois jours.Trois jours sans Anibal. Trois jours sans Serge. Trois jours que le bunker est devenu un tombeau muet, sans porte, sans écho. Et pourtant, parfois, la nuit, je crois entendre une voix murmurer mon prénom.Je reste assise sur le seuil du monde. Là où l’herbe recommence à pousser, là où le vent sent encore un peu la vie. Luca dort la plupart du temps. Quand il se réveille, il parle peu. Il a vu quelque chose là-bas, quelque chose qu’il refuse de mettre en mots.Et moi… moi, je tiens. Je veille. Parce que quelqu’un doit le faire.LucaJe ne rêve plus. Ou peut-être que je ne me réveille plus.Depuis que Claire m’a tiré hors de ce trou béant, je flotte entre deux états. Comme si mon corps était resté là-bas, avec Serge. Comme si mon esprit était resté accroché aux derniers mots d’Anibal.Il a murmuré assez. Mais est-ce que ça a compris ce qu’il voulait dire ?Claire me parle parfois. Elle me raconte des souvenirs, de l’avant. Des rires, des nuits étoilées, des bières tr
ClaireQuand je retrouve Anibal, il a le regard vide, les mains tremblantes.— Elles sont là, je dis.Il hoche lentement la tête.— Je sais.On rejoint Luca et Serge dans ce même café où tout avait basculé. Mais cette fois, personne ne fait semblant.Serge a les yeux injectés de sang, Luca tremble comme une feuille. Et moi… j’ai mal. Une douleur sourde au creux du ventre, comme si quelque chose me rongeait de l’intérieur.Anibal prend la parole, froid, déterminé.— On doit retourner là-bas.— Tu es malade, je murmure.— Non. On les a laissées passer. Elles ont franchi la faille. Ce monde… elles veulent le dévorer. Il faut refermer la porte.— Mais on ne sait même pas comment elle s’est ouverte !— Si, dit Serge. C’est nous.Un silence. Puis Claire comprend. Elle se lève lentement, les larmes aux yeux.— On l’a ouverte. En survivant.---LucaOn rentre chez nous cette nuit-là, mais quelque chose a changé. Les murs grincent comme des bêtes blessées. Les ombres bougent quand on ne regard
AnibalIl y a des soirs où tout semble basculer. Où l’air devient trop lourd, trop dense. Où chaque silhouette croisée dans la rue paraît familière, comme un souvenir lointain qui refuserait de mourir. Ce soir est l’un de ces soirs.Je marche seul dans les ruelles du quartier, les mains dans les poches, incapable de rester enfermé plus longtemps. Trop de silences. Trop de souvenirs coincés entre les murs. La pluie s’est remise à tomber, fine, persistante. Elle trace des lignes tremblantes sur le bitume, comme si le monde lui-même était en train de fondre doucement.Depuis notre retour, je ne me reconnais plus. Mes gestes sont mécaniques. Je souris quand il faut sourire. Je parle quand on me parle. Mais à l’intérieur, c’est le chaos. Il y a quelque chose d’inachevé. Comme une porte qu’on aurait refermée trop vite, sans vérifier ce qu’on laissait de l’autre côté.Je m’arrête devant un vieux kiosque fermé, les néons clignotants d’un bar éclairant la vitrine poussiéreuse. Dans le reflet,
AnibalLe retour à la réalité est brutal. Une sensation de vertige me secoue tandis que je sens enfin un sol familier sous mes pieds. L’air est plus dense, plus frais, chargé d’odeurs que je reconnais : celles de la ville, du bitume mouillé, de la vie normale. J’ouvre les yeux avec prudence, craignant un instant d’être encore prisonnier de l’autre monde.Mais non. Nous sommes bien là.Autour de moi, Claire, Luca et Serge reprennent lentement leurs esprits. On est tous sonnés, comme si on venait de vivre un rêve trop réel. Le silence qui nous entoure est presque irréel après tout ce que nous avons traversé. Plus de voix mystérieuses, plus de lieux étranges défiant la logique. Juste le bruit lointain des voitures, le clapotis d’une flaque sous une goutte de pluie, un chien qui aboie au loin.Claire se redresse d’un mouvement raide, ses yeux balayant les environs avec nervosité. "C’est bien… chez nous ?"Je hoche lentement la tête. "Oui. Je crois."Luca se passe une main sur le visage, c
AnibalL’espace autour de nous se tord et se plie sous une force invisible. Nous sommes prisonniers d’un monde qui ne nous appartient pas, un entre-deux où le temps lui-même semble hésitant. Depuis des jours – ou peut-être des semaines – nous errons dans ce royaume de brume et d’ombres, cherchant une issue qui semble toujours se dérober sous nos pas.Nous avons traversé des ruines hantées par des murmures indistincts, franchi des ponts suspendus au-dessus de gouffres sans fond, et marché sous des cieux où flottent des étoiles mortes. Partout où nous allons, ce monde cherche à nous garder en lui, nous séduisant par des visions de puissance et de liberté. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous voulons rentrer.Claire est la plus affectée par ces illusions. Parfois, elle s’arrête en plein milieu du chemin, ses yeux vides, fascinée par une scène que nous ne pouvons voir. Des fragments de son passé, ou peut-être du futur. Luca et Serge doivent la secouer pour la ramener à la réalité.Moi, je