Chapitre 5 — D’un monde qui n’est pas le mien
Eléna
Je n’ai dormi que deux heures.
Pas parce que j’étais stressée.
Pas seulement, en tout cas.
Je n’arrive pas à sortir cette phrase de ma tête :
« Vous allez apprendre à naviguer dans ce monde. »
Ce monde.
Celui des hommes en costume à dix mille euros. Des femmes taillées comme des lames de verre. Des regards qui jugent, calculent, déshabillent et éliminent.
Un monde où je n’ai jamais eu ma place.
Et pourtant, ce matin, je m’habille pour y entrer.
6h00 — Mon studio, 17m², porte de Clignancourt
Je me tiens devant le miroir fêlé, dans ma salle de bain minuscule.
Chemisier blanc. Jupe crayon noire. Blazer gris clair emprunté à Inès, un peu trop grand pour moi.
Cheveux attachés. Maquillage discret.
Je ressemble à une version low cost des femmes que je vois sortir de taxis de luxe devant la tour Blake chaque matin.
Mais j’ai appris à faire avec peu.
Et à faire peur à la honte.
Je sors mon téléphone. Un message de Marwan.
« Bonne chance, grande sœur. Tu vas tout déchirer. »
Je souris, malgré moi.
Il croit en moi.
Alors, même si je me sens minuscule, aujourd’hui je vais marcher droit.
7h15 — Tour Blake, Hall d’entrée
Je suis en avance. Comme d’habitude.
Le hall est encore vide, baigné dans une lumière grise, presque clinique.
Je scanne mon nouveau badge. Le portillon s’ouvre. L’ascenseur privé m’attend.
J’appuie sur « 50 ». Mon doigt tremble légèrement.
Un étage réservé aux actionnaires, aux partenaires, aux décisions qui changent le cours de la bourse.
Et moi, stagiaire invisible, j’y monte sur ordre direct de Nolan Blake.
7h18 — Couloir de l’étage 50
Le sol est recouvert d’un marbre noir poli comme un miroir. Les murs sont décorés de tableaux modernes, probablement hors de prix. L’air y est plus froid. Plus dense. Comme si la gravité était différente ici.
Je croise un homme au visage sec, accompagné d’une assistante impeccable.
Il me toise sans ralentir.
— Encore une nouvelle, murmure-t-il.
Je n’ai même pas le temps de répondre qu’ils ont déjà disparu derrière une double porte.
Bienvenue dans l’arène.
7h22 — Bureau secondaire de Nolan
Il est là. Déjà prêt. Costume bleu nuit, cravate sombre, posture droite.
Il ne me salue pas. Il ne me demande pas comment je vais.
Il me tend une tablette.
— L’ordre du jour, les participants, les points sensibles. Apprenez tout. En silence.
Je hoche la tête et m’assois sans rien dire.
Ses doigts pianotent sur son clavier. Il est concentré. Brillant. Insondable.
Mais quelque chose me frappe aujourd’hui :
Il a l’air fatigué.
Les traits plus tendus. Les cernes plus marqués.
Et pourtant, il continue à dégager cette énergie glaciale, ce champ magnétique qui repousse et attire en même temps.
Je détourne les yeux. Me concentre sur l’écran.
8h00 — Salle de réunion du conseil
Ils sont tous là. Des noms que je n’ai vus que dans des articles de journaux ou des magazines spécialisés.
Directeurs financiers. Représentants de fonds d’investissement. Une princesse saoudienne. Un ancien ministre de l’économie.
Et moi, Eléna Morel, 25 ans, ancienne caissière chez Monoprix.
Je sens mon estomac se nouer.
Nolan entre sans un mot, suivi de moi.
— Voici mon assistante. Elle prend note aujourd’hui. Traitez-la comme n’importe quel membre du conseil.
Un silence. Puis des regards.
Certains froids. D’autres amusés.
Un ou deux franchement méprisants.
Je m’installe à sa droite. Je garde les yeux sur mon écran.
Mais je sens tout. L’atmosphère. La tension. La hiérarchie invisible.
Et surtout… la façon dont certains ici détestent Nolan.
9h10 — Au cœur du feu
— Le projet Quantum est trop risqué, Blake, dit un homme à la mâchoire carrée.
— Alors ne le financez pas. Mais ne venez pas pleurer quand vos concurrents vous écraseront dans deux ans, répond Nolan calmement.
Je n’ai jamais vu quelqu’un aussi à l’aise dans l’adversité.
Il parle peu. Mais chaque mot est une lame.
Il n’élève jamais la voix, mais on l’écoute. On le craint.
Et pourtant… je remarque une chose étrange.
Il ne regarde jamais personne dans les yeux.
Il fixe des points sur la table. Des dossiers. Des écrans.
Comme s’il ne voulait pas voir ces gens-là.
Ou peut-être, comme s’il ne voulait pas qu’on lise en lui.
10h32 — Fin de la réunion
Certains partent sans dire un mot. D’autres saluent Nolan poliment.
Une femme élégante, la cinquantaine, s’approche de lui.
— Toujours aussi charmant, Nolan. Et cette jeune assistante... Tu comptes la garder ?
— Je garde ce qui fonctionne.
Elle me jette un regard perçant. Je la reconnais : Amalia Lefèvre. Une femme puissante. Impitoyable.
— Si elle reste ici trop longtemps, elle va apprendre des choses qu’elle ne devrait pas.
Elle sourit. Un sourire tranchant.
Je ne réponds pas. Nolan non plus.
11h10 — Ascenseur de retour
Il ne dit rien. Mais je sens qu’il pense. Il calcule. Il anticipe.
Je serre les mains sur ma tablette.
— Qu’est-ce que vous avez retenu de cette réunion ? demande-t-il soudain, sans me regarder.
Je respire. Je m’oblige à répondre, même si ma voix tremble un peu.
— Que tout le monde vous craint. Mais que très peu vous respectent réellement. Et que certains attendent que vous chutiez.
Silence.
Puis, il esquisse un sourire.
Infime. Presque imperceptible.
— Vous apprenez vite.
Je ne sais pas si c’est un compliment, une menace, ou les deux à la fois.
11h45 — Mon bureau
Je suis enfin seule. Je relis mes notes. Je revois chaque visage. Chaque mot échangé.
Et je me demande :
Qu’est-ce que je fais là ?
Et pourquoi est-ce que Nolan Blake me laisse voir tout ça ?
Il pourrait avoir n’importe qui à ses côtés. Des diplômées de l’ENA. Des expertes en stratégie. Des femmes parfaites. Obéissantes. Décoratives.
Mais il a choisi moi.
Et je sens que ce n’est pas par hasard.
Il y a quelque chose dans cette entreprise.
Dans cet homme.
Dans cette enveloppe noire qu’il m’a donnée hier.
Quelque chose de beaucoup plus grand que moi.
Mais je suis dedans, maintenant. Jusqu’au cou.
Et quoi qu’il arrive...
Je ne reculerai pas.
Chapitre 6 — Rien n’est laissé au hasardNolanIls pensent que je ne vois rien.Que je suis trop distant, trop absorbé par les chiffres et les graphiques, trop froid pour percevoir ce qui se trame en dehors des rapports trimestriels.Ils oublient que je suis devenu ce que je suis parce que je vois tout. Parce que je ressens tout, même si je ne le montre pas.Et ce matin, dans cette salle, pendant cette réunion du conseil… Quelque chose a changé.Quelqu’un a tenté de me provoquer. Subtilement.Et ça n’a rien à voir avec les projets en discussion.Ça a à voir avec elle.11h50 — Retour à mon bureau (Étage 49)Je retire ma montre et la dépose sur le bureau en verre. Je défais ma cravate. Je ferme les rideaux. J’ai besoin d’ombre pour réfléchir.Je fais tourner doucement le stylo entre mes doigts. C’est un Montblanc noir, simple. Un cadeau de mon père, il y a des années, avant que les choses ne se dégradent entre nous.Je repense à cette phrase, glissée par Amalia Lefèvre juste avant d
Chapitre 7 – Le mot qui ne devait pas existerElénaJe n’aurais jamais dû fouiller.Je le sais. C’est écrit dans chaque contrat, répété dans chaque couloir. Il y a des dossiers qu’on consulte. Et d’autres qu’on évite. Même quand on tombe dessus par hasard.Surtout quand on tombe dessus par hasard.Mais voilà. Je suis tombée. Et maintenant… je ne peux plus oublier ce que j’ai vu.14h32 — Salle des archives numériques, étage 12Je suis descendue chercher un vieux rapport sur les investissements externes de 2021. Nolan me l’a demandé à la dernière minute, avec un de ces regards qui veut dire : Faites vite, faites bien, et ne posez pas de questions.J’ai donc suivi la procédure. Badge, code d’accès, empreinte digitale. J’ai tapé les mots-clés dans le moteur de recherche interne, et j’ai attendu.Un fichier a clignoté. Pas celui que je cherchais.Nom du document : VERITAS_12_CONFIDENTIEL_B7 Statut : restreint. Accès : refusé.J’ai cliqué dessus sans réfléchir. Et aussitôt, un message
Chapitre 1 — Le café sur le costume à dix mille eurosElénaParis, 7h42. Le ciel est gris, menaçant, comme à son habitude. Le vent me gifle le visage pendant que je cours dans les rues du 8e arrondissement avec un gobelet brûlant dans une main, mon sac de bureau dans l’autre, et une chaussure à moitié défaite.— Tu vas être en retard, Eléna, murmuré-je en accélérant.Je déteste être en retard. Mais aujourd’hui, bien sûr, c’est le jour où tout va foirer.Le hall de Blake Industries est un sanctuaire de marbre blanc, de verre poli et de silence absolu. On dirait une église dédiée au dieu du capitalisme. À peine ai-je posé le pied sur le sol que je sens les regards. Les employés du matin, tous en costumes sur-mesure et talons de luxe, s’écartent comme la mer Rouge devant Moïse. Sauf que moi, je suis loin d’être un prophète. Juste une stagiaire. Une fourmi invisible.Et là, ça arrive.Je ne regarde pas. Je ne fais pas attention. Trop pressée. Trop nerveuse. Et...BAM.Le choc est brutal.
Chapitre 2 — L’assistante du DiableElénaJe n’ai presque pas dormi cette nuit. Pas à cause du café. Pas à cause de la peur d’être virée. Mais à cause de lui.Nolan Blake. Ce nom résonne dans ma tête comme une menace.J’ai cherché son visage sur Internet. Sa biographie. Ses interviews. Toujours le même regard froid, le même costume parfait, la même réputation : impitoyable, mystérieux, inatteignable.Et moi ? Je suis coincée à son service. Comme son ombre.7h00 tapantes.Je suis devant sa porte. Talons silencieux, tenue irréprochable, carnet à la main. Et une envie folle de lui balancer mon sac à la figure.Je frappe. Une fois. Une voix calme me répond :— Entrez.Il est déjà à son bureau, un dossier à la main. Pas un regard. Pas un sourire. Il parle, net, précis.— Réunion à huit heures avec le comité d’investissement. Préparez-moi un dossier résumé en trente minutes. — Vous n’avez pas déjà une équipe pour ça ? demandé-je, un peu trop sèchement.Il relève enfin les ye
Chapitre 3 — L’homme sans faiblesse ElénaJe croyais avoir connu le stress. Les partiels, les stages sous-payés, les nuits blanches à nourrir mon petit frère à la petite cuillère quand il faisait 40 de fièvre. Mais ce que je vis ici, dans le bureau de Nolan Blake, c’est une autre catégorie.Le stress version luxe. Silencieux, exigeant, insidieux.Chaque matin, il est déjà là avant moi. Chemise impeccable, regard inexpressif. Il ne me salue jamais. Il me donne des ordres comme à une machine. Je prends note. J’exécute. Il ne fait aucune remarque, sauf pour me corriger.Et pourtant... je reste.Pourquoi ?Parce qu’il paie bien ? Non. Ce n’est pas encore le cas. Je suis toujours "stagiaire".Parce que je veux apprendre ? Peut-être. Mais ce n’est pas ça non plus.C’est lui.Nolan Blake me fascine. Et ça m’énerve.Il est parfait en apparence, mais tout en lui crie contrôle absolu. Et qui dit contrôle dit forcément fragilité quelque part.Je veux savoir ce qu’il cache. Pas par cur
Chapitre 4 — Tout ce qui doit rester caché NolanLe monde m’observe. Toujours. Il attend que je faiblisse. Que je tombe. Que je saigne.Mais il oublie une chose essentielle : je n’ai plus rien à perdre.Je suis devenu cette chose qu’on redoute dans les couloirs : l’homme sans faiblesse.Ce surnom m’a suivi partout. Dans les journaux économiques, dans les bouches tremblantes des directeurs de filiales, dans les messes basses des banquiers suisses. Nolan Blake. Inébranlable. Inaccessible. Impitoyable.Ils ne comprennent pas que ce n’est pas de la force. C’est juste… du vide.21h03 — Étage 49, mon bureauLa nuit est tombée sur Paris. Le ciel est noir, mais les vitres du gratte-ciel projettent encore les lueurs de la ville, comme si la vie en bas refusait de dormir. Moi, je ne dors presque plus depuis deux ans. Le sommeil est un luxe que je n’ai plus les moyens de m’offrir.Je suis seul, comme toujours. Seul avec mes dossiers, mes décisions, mes secrets.Je fais glisser l
Chapitre 7 – Le mot qui ne devait pas existerElénaJe n’aurais jamais dû fouiller.Je le sais. C’est écrit dans chaque contrat, répété dans chaque couloir. Il y a des dossiers qu’on consulte. Et d’autres qu’on évite. Même quand on tombe dessus par hasard.Surtout quand on tombe dessus par hasard.Mais voilà. Je suis tombée. Et maintenant… je ne peux plus oublier ce que j’ai vu.14h32 — Salle des archives numériques, étage 12Je suis descendue chercher un vieux rapport sur les investissements externes de 2021. Nolan me l’a demandé à la dernière minute, avec un de ces regards qui veut dire : Faites vite, faites bien, et ne posez pas de questions.J’ai donc suivi la procédure. Badge, code d’accès, empreinte digitale. J’ai tapé les mots-clés dans le moteur de recherche interne, et j’ai attendu.Un fichier a clignoté. Pas celui que je cherchais.Nom du document : VERITAS_12_CONFIDENTIEL_B7 Statut : restreint. Accès : refusé.J’ai cliqué dessus sans réfléchir. Et aussitôt, un message
Chapitre 6 — Rien n’est laissé au hasardNolanIls pensent que je ne vois rien.Que je suis trop distant, trop absorbé par les chiffres et les graphiques, trop froid pour percevoir ce qui se trame en dehors des rapports trimestriels.Ils oublient que je suis devenu ce que je suis parce que je vois tout. Parce que je ressens tout, même si je ne le montre pas.Et ce matin, dans cette salle, pendant cette réunion du conseil… Quelque chose a changé.Quelqu’un a tenté de me provoquer. Subtilement.Et ça n’a rien à voir avec les projets en discussion.Ça a à voir avec elle.11h50 — Retour à mon bureau (Étage 49)Je retire ma montre et la dépose sur le bureau en verre. Je défais ma cravate. Je ferme les rideaux. J’ai besoin d’ombre pour réfléchir.Je fais tourner doucement le stylo entre mes doigts. C’est un Montblanc noir, simple. Un cadeau de mon père, il y a des années, avant que les choses ne se dégradent entre nous.Je repense à cette phrase, glissée par Amalia Lefèvre juste avant d
Chapitre 5 — D’un monde qui n’est pas le mienElénaJe n’ai dormi que deux heures.Pas parce que j’étais stressée. Pas seulement, en tout cas.Je n’arrive pas à sortir cette phrase de ma tête : « Vous allez apprendre à naviguer dans ce monde. »Ce monde. Celui des hommes en costume à dix mille euros. Des femmes taillées comme des lames de verre. Des regards qui jugent, calculent, déshabillent et éliminent.Un monde où je n’ai jamais eu ma place.Et pourtant, ce matin, je m’habille pour y entrer.6h00 — Mon studio, 17m², porte de ClignancourtJe me tiens devant le miroir fêlé, dans ma salle de bain minuscule.Chemisier blanc. Jupe crayon noire. Blazer gris clair emprunté à Inès, un peu trop grand pour moi. Cheveux attachés. Maquillage discret.Je ressemble à une version low cost des femmes que je vois sortir de taxis de luxe devant la tour Blake chaque matin. Mais j’ai appris à faire avec peu. Et à faire peur à la honte.Je sors mon téléphone. Un message de Marwan.« Bonne
Chapitre 4 — Tout ce qui doit rester caché NolanLe monde m’observe. Toujours. Il attend que je faiblisse. Que je tombe. Que je saigne.Mais il oublie une chose essentielle : je n’ai plus rien à perdre.Je suis devenu cette chose qu’on redoute dans les couloirs : l’homme sans faiblesse.Ce surnom m’a suivi partout. Dans les journaux économiques, dans les bouches tremblantes des directeurs de filiales, dans les messes basses des banquiers suisses. Nolan Blake. Inébranlable. Inaccessible. Impitoyable.Ils ne comprennent pas que ce n’est pas de la force. C’est juste… du vide.21h03 — Étage 49, mon bureauLa nuit est tombée sur Paris. Le ciel est noir, mais les vitres du gratte-ciel projettent encore les lueurs de la ville, comme si la vie en bas refusait de dormir. Moi, je ne dors presque plus depuis deux ans. Le sommeil est un luxe que je n’ai plus les moyens de m’offrir.Je suis seul, comme toujours. Seul avec mes dossiers, mes décisions, mes secrets.Je fais glisser l
Chapitre 3 — L’homme sans faiblesse ElénaJe croyais avoir connu le stress. Les partiels, les stages sous-payés, les nuits blanches à nourrir mon petit frère à la petite cuillère quand il faisait 40 de fièvre. Mais ce que je vis ici, dans le bureau de Nolan Blake, c’est une autre catégorie.Le stress version luxe. Silencieux, exigeant, insidieux.Chaque matin, il est déjà là avant moi. Chemise impeccable, regard inexpressif. Il ne me salue jamais. Il me donne des ordres comme à une machine. Je prends note. J’exécute. Il ne fait aucune remarque, sauf pour me corriger.Et pourtant... je reste.Pourquoi ?Parce qu’il paie bien ? Non. Ce n’est pas encore le cas. Je suis toujours "stagiaire".Parce que je veux apprendre ? Peut-être. Mais ce n’est pas ça non plus.C’est lui.Nolan Blake me fascine. Et ça m’énerve.Il est parfait en apparence, mais tout en lui crie contrôle absolu. Et qui dit contrôle dit forcément fragilité quelque part.Je veux savoir ce qu’il cache. Pas par cur
Chapitre 2 — L’assistante du DiableElénaJe n’ai presque pas dormi cette nuit. Pas à cause du café. Pas à cause de la peur d’être virée. Mais à cause de lui.Nolan Blake. Ce nom résonne dans ma tête comme une menace.J’ai cherché son visage sur Internet. Sa biographie. Ses interviews. Toujours le même regard froid, le même costume parfait, la même réputation : impitoyable, mystérieux, inatteignable.Et moi ? Je suis coincée à son service. Comme son ombre.7h00 tapantes.Je suis devant sa porte. Talons silencieux, tenue irréprochable, carnet à la main. Et une envie folle de lui balancer mon sac à la figure.Je frappe. Une fois. Une voix calme me répond :— Entrez.Il est déjà à son bureau, un dossier à la main. Pas un regard. Pas un sourire. Il parle, net, précis.— Réunion à huit heures avec le comité d’investissement. Préparez-moi un dossier résumé en trente minutes. — Vous n’avez pas déjà une équipe pour ça ? demandé-je, un peu trop sèchement.Il relève enfin les ye
Chapitre 1 — Le café sur le costume à dix mille eurosElénaParis, 7h42. Le ciel est gris, menaçant, comme à son habitude. Le vent me gifle le visage pendant que je cours dans les rues du 8e arrondissement avec un gobelet brûlant dans une main, mon sac de bureau dans l’autre, et une chaussure à moitié défaite.— Tu vas être en retard, Eléna, murmuré-je en accélérant.Je déteste être en retard. Mais aujourd’hui, bien sûr, c’est le jour où tout va foirer.Le hall de Blake Industries est un sanctuaire de marbre blanc, de verre poli et de silence absolu. On dirait une église dédiée au dieu du capitalisme. À peine ai-je posé le pied sur le sol que je sens les regards. Les employés du matin, tous en costumes sur-mesure et talons de luxe, s’écartent comme la mer Rouge devant Moïse. Sauf que moi, je suis loin d’être un prophète. Juste une stagiaire. Une fourmi invisible.Et là, ça arrive.Je ne regarde pas. Je ne fais pas attention. Trop pressée. Trop nerveuse. Et...BAM.Le choc est brutal.