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CHAPITRE 1: INIMITIÉ.

Auteur: Freetop812
last update Dernière mise à jour: 2024-12-19 16:40:02

   Le front collé contre la vitre de la Range Rover, je regardais les immeubles de Los Angeles circuler sous mes yeux, Mama de Jonas Blue et William Singe en boucle dans mes AirPods Max. Le printemps était une saison particulièrement belle et frétillante avec son lot de couleurs, de fraîcheur et surtout de vie. On profitait de la pluie et du soleil en même temps en attendant gaiement les vacances. Pour moi, c’était la meilleure saison par apparence mais l’été restait la reine à cause de sa période libertine et les journées à la plage.

    Le défilement du décor ralentit, signe que nous étions arrivés à destination. Je retirai promptement mon casque pour le ranger dans mon sac quand ma main frôla par inadvertance le bras de l’homme assis à côté de moi, le regard plongé dans son iPad et des oreillettes aux tympans.

…pour demain ! Je ne veux pas savoir que tu prépares un dîner avec Barack Obama !

    Cheveux noirs coiffés avec élégance, yeux gris-bleu surmontés de longs cils épais, nez droit, mâchoire despotique, traits ciselés, carrure transcendante, attitude implacable, il était contenu dans un t-shirt noir qui embrassait ses pectoraux et qui dévoilait des bras aux biceps proéminents dont des tatouages impeccables avaient noirci la peau. Suspendue à son oreille gauche, une boucle en argent mettait en exergue la lettre « A » : A comme Asher Pavarotti ; mon mari.

Patron, il y a des paparazzis à l’extérieur, informa le chauffeur.

Faites juste votre travail !

Oui, patron !

    Il éteignit le moteur de la voiture avant d’ouvrir sa portière pour sortir de l’habitacle, nous enfermant à deux. Comme s’il n’attendait que ça, Asher m’attrapa brusquement le bras et me tira à lui afin de planter ses yeux froids dans les miens. Ses ongles s’enfoncèrent si profondément dans ma chair que j’en gémis de douleur.

T’as intérêt à faire gaffe cette fois ci avec ta grande gueule, me menaça-t-il. Je n’hésiterai pas à t’en coller une dans le cas contraire.

La frayeur s’estompât pour laisser place à la colère.

Je te l’ai déjà dit, Asher, sifflai-je avec amertume. Tu as épousé la mauvaise version si tu t’attends à un petit toutou qui va couiner quand tu rugiras. 

Tu n’es qu’une doublure occasionnelle, rétorqua-t-il. Ce n’est pas toi ma femme. 

    Sur ce, il me lâcha aussi violemment qu’il m’avait prise, me laissant une brûlure au bras tandis que nos portières respectives s’ouvraient sur nos agents de sécurité. Le vent frais de l’après-midi s’incrusta dans l'habitacle alors que j’accrochais mon sac à mon épaule avant de laisser l’homme en costard devant moi, m’aider à descendre de la voiture. 

   Des flashs m’agressèrent automatiquement la vue et je dus user de ma main pour m’en protéger. Mon garde du corps quant à lui, jouait le bouclier en me frayant un passage dans la horde de vautours armés de caméras qui n’aspiraient qu’à des grains d’informations pouvant susciter un drame général.

Madame Pavarotti, parlez-nous de votre époux !

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Reculez, s’il vous plait ! Laissez passer !

    J’accélérai le pas, pressée de fuir cette angoisse interrogative.

Est-ce vrai que c’est un mariage de convenance ?

Les rumeurs disent que vous avez une sœur jumelle !

Quels sont vos projets en tant que la femme d’Asher Pavarotti ?

    Les bruits des appareils photos continuaient de se mélanger aux questions alors je me pinçais les lèvres pour ne pas craquer.

    Il y a environ une semaine, quand Asher et moi avions fait notre première sortie publique, des paparazzis nous avaient agressés de la même façon. À cran et exaspérée, j’avais arraché le micro de l’un d’entre eux et avait clairement articulé dedans : « Aller vous faire foutre ! ».  Ce fut le choc total ensuite. Mon mari m’avait trucidé du regard puis quand nous nous étions retrouvés en privé, une dispute monstre avait éclatée. Nous nous sommes mutuellement engueulés avant qu’il ne se serve de ses relations pour que rien de cet écart ne paraisse dans les médias. Ce n’est pas que j’ai peur d’Asher et ses aboiements, c’est juste que j’ai moi-même reconnu que j’avais abusé et que je me devais d’agir avec plus de maturité. 

   Je poussai un soupir de soulagement quand les portes vitrées du rez-de-chaussée se fermèrent derrière nous, bloquant les journalistes à l’extérieur. 

Vous allez bien, madame ? s’enquit mon garde du corps.

Oui, merci.

Veillez à ce qu’ils aient dégagé avant notre retour, ordonna Asher dans mon dos. Ou sinon je vais casser des gueules !

Ce sera fait, patron !

    Le jeune homme vint ensuite passer une main dans mon dos pour me presser vers les ascenseurs. Nous nous engouffrâmes dans l’une d’entre elles et il me lâcha immédiatement pour sélectionner le numéro d’étage. Le système se mit en marche, alors que je m’étais appuyée contre l’une des parois miroitantes. Le silence dans l’habitacle contrastait tellement avec le brouhaha que nous venions de quitter au point où je le regrettai presque. 

   Mon mari ne m’accorda même pas un seul regard, occupé à pianoter sur l’écran de son téléphone. Il faisait ça tout le temps : partagé entre son ordinateur, sa tablette et les appels téléphoniques. Pourquoi se marier alors qu’il savait pertinemment qu’il était trop occupé pour donner de l’attention à une femme ?

Nous allons à un gala de charité demain, m’informa-t-il platement sans m’observer. Sois présentable ; Arminda t’aidera pour les détails.

    Je ne répondis rien, me contentant juste de fixer mon reflet devant moi. Dans cette jupe droite, j’avais l’air si diplomatique que l’envie de travailler dans un bureau me plût en même temps. Mes cheveux noirs avaient été relevés en une queue de cheval et mes yeux verts étaient quelque peu, mornes. 

   Depuis deux semaines que j’avais quitté Moscou pour venir assister au mariage de ma sœur, ma vie avait virée au terne. Je me demandais si je n’avais pas mieux fait de choisir la prison que cette union pourrie. La culpabilité me rongeait à tel point que je faisais des cauchemars la nuit : je revoyais cet homme étendu au sol, la tête ensanglantée et ma mère m’annoncer avec flegme qu’il était mort. Je n’avais même pas eu le courage d’aller à son enterrement et rencontrer sa femme ou pire ses enfants éplorés. Revivre en boucle cet incident est déjà une torture suffisante.

Lorsque je te parle, j’ai besoin de t’entendre répondre, la voix de mon mari traversa mes pensées. 

     Je pivotai le regard sur son reflet à ma gauche avant de souffler d’ennui par les narines.

N’est-ce pas préférable d’attendre que la vraie Irina sorte du centre de désintoxication pour l’afficher ? 

Et tu serviras à quoi près de moi en attendant ? railla-t-il. J’ai voulu me marier à Irina car elle est l’épouse parfaite et quand je dis ça, ce n’est pas qu’une affaire de jambes en l’air.

Mais moi je ne suis pas parfaite, répliquai-je.

Tu es un désastre, je peux dire. 

    Ces paroles me touchèrent en plein cœur quand je me rendis compte qu’elles s’apparentaient à celles de ma mère : « Je me demande pourquoi est-ce que c’est toi qui portes le prénom “Marya“ ! Tu fais honte ! »

Parce que je ne suis pas diplômée de grande université avec mention honorable ? m’enquis-je. Et qu’à la place, j’ai préférée être danseuse de clubs privés ?

    Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur un couloir éclairé et décoré de tableaux de marque. Nous nous tournâmes l’un vers l’autre près à sortir quand il me fixa de ses yeux gris presque transparents.

Pose-toi la question, me dit-il avant de me tourner le dos.

    Je lui emboitai le pas vers le couloir, admirant silencieusement le luxe des lieux. Nous débouchâmes ensuite dans un grand séjour gardé par deux agents de sécurité et où une femme de la quarantaine, cheveux poivré sel nous attendait, majestueusement installée dans un canapé. Dès qu’elle nous aperçut, elle se leva immédiatement, tout sourire.

Enfin ! s’exclama-t-elle dans un anglais raffiné. 

Bonsoir mère, la salua sèchement Asher, évitant exprès de l’embrasser pour aller s’écraser dans un canapé.

    La femme ne fit aucun commentaire, affichant simplement un sourire triste, les bras levés devant elle. Touchée, j’allai prendre l’étreinte à la place du jeune homme avec enthousiasme.

Ophélia, comment allez-vous ? 

Oh ma chérie ! fit-elle en me serrant dans ses bras, affectueusement. Je vais très bien et toi ? 

    Nous nous séparâmes et elle prit le temps de me scruter de ses yeux semblables à ceux de mon époux. 

Tu sembles avoir maigri, fit-elle remarquer. Qu’est-ce qui se passe ? Ça ne va pas ?

Mais non, tout va bien, contrai-je en souriant. C’est juste que… l’après-mariage peut souvent s’avérer stressant surtout dans mon cas.

Ça, je ne te le fais pas dire ! s’exclama-t-elle. Les premiers mois où j’ai été l’épouse d’Emilio, je croulais sous les dîners d’affaire, l’organisation des soirées, les journalistes, etc… Mais vous, vous êtes encore jeunes. Prenez du temps pour vous et essaies de trouver du positif dans toutes ces charges.

Merci beaucoup.

    En les quelques minutes que j’avais passé avec Ophélia le jour du mariage, j’avais trouvé en elle une figure maternelle qui me faisait défaut. Elle était gentille, chaleureuse et surtout, attentive. Ça me faisait mal de lui cacher que je n’étais pas sa véritable belle-fille mais Asher et son père m’avaient formellement interdit de l’ouvrir sous prétexte qu’elle n’avait pas besoin de le savoir.

Mais qu’est-ce que c’est ça ? s’enquit-elle en s’accaparant de mon avant-bras pour l’inspecter.

    Je baissai moi aussi le regard pour voir de quoi il s’agissait et je retins immédiatement ma respiration. Mes yeux se levèrent ensuite pour chercher ceux d’Asher mais il n’avait même pas notre temps, ayant déjà recommencé à pianoter sur son téléphone portable.

Seraient-ce des traces de doigts ? Qui t’a fait ça ?

    J’avalai difficilement ma salive, ne sachant quoi répondre quand une voix s’éleva derrière nous.

Mais qui avons-nous là ? Les nouveaux mariés !

    Un homme aux cheveux noirs coupés courts vêtu d’une veste grise fit son entrée dans la pièce en souriant de toutes ses dents. Son teint foncé contrastait avec la blancheur de sa dentition alors que son apparence sportive lui conférait environ la cinquantaine. 

Brad ! s’exclama la mère d’Asher. Regarde notre belle-fille, n’est-elle pas magnifique ?

Oui, très ! confirma-t-il en allant poser un trousseau de clés et une mallette sur une commode avant de venir vers nous. 

Irina, je te présente Brad Spencer, mon mari.

Oh !

    Je comprenais maintenant d’où venait le désaccord de la famille Pavarotti. La mère s’était remariée avec un autre : certainement était-elle celle qui avait quitté le couple puisqu’elle est devenue détestable aux yeux de ses enfants.

Chéri, Irina Pavarotti, la femme d’Asher, me présenta-t-elle.

Enchanté, Irina !

    Il vint me faire la bise avant d’aller embrasser sa femme sur la joue. Je les regardai transpirer d’amour au moment où j’étais dans un mariage de guerre.

Désolé de ne pas avoir assister à votre mariage, s’excusa-t-il.

Ne vous en faites pas, je comprends.

Vous restez pour le dîner ? s’enquit-il. On mange italien ce soir.

Mais avec…

Non !

    Nous sursautâmes presque face à ce refus féroce et nos regards convergèrent vers Asher qui s’était levé de son canapé, la mine renfrognée. 

C’est quoi ton problème ? grommelai-je. 

Ma femme et moi avons quelque chose de prévu pour ce soir, annonça-t-il sérieusement.

    J’haussai un sourcil en faisant les gros yeux. Mais à quoi il joue ?

Oh je vois, sourit Brad. Bien sûr, c’est compréhensible. 

Une prochaine fois alors ? proposa ma belle-mère.

Oui, avec plaisir ! Ravie de vous avoir rencontrés !

Aurevoir !

   Asher avait lâché cette salutation avec dégoût avant de m’entraîner avec lui vers la sortie, faisant abstraction de mes protestations.

Attends, eh ! Bonne soirée à vous !

Portez-vous bien !

    J’adressai rapidement un aurevoir de la main au couple alors que nous rejoignions le couloir pour prendre l’ascenseur.

Tu ne vas pas bien dans la tête ou quoi ? grondai-je, Asher. Ce sont tes parents quand même !

    Les portes de l’élévateur s’ouvrirent et il me poussa dedans sans ménagement avant de m’attraper le cou avec brutalité. 

Fais attention à ce que tu dis, me menaça-t-il. Fais très attention.

Lâche-moi, immédiatement ! Je ne suis pas ton esclave !

En fait tu es bien moins que mon esclave ; tu n’es RIEN ! Alors ne t’avises plus à contredire mes décisions : quand je dis qu’on ne dîne pas avec eux, on ne dîne pas, c’est tout ! 

Mais moi je m’en fous ! crachai-je. C’est toi et toi seul qui as un problème avec eux !

   Il s’écarta de moi en jurant puis sélectionnât l’option du rez-de-chaussée pour que l’ascenseur démarre sa descente. Je me massai le cou en respirant bruyamment sans manquer de lui jeter un regard noir quand son téléphone sonna soudain. Il le sortit rageusement de la poche de son pantalon avant de hurler presque un « Oui ! » dans le combiné.

Sauvage, l’insultai-je à voix basse avant de lui faire dos...

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