Il me dévisage un long moment, l’air vraiment horrifié.
— Est-ce que j’ai bien compris ? finit-il par demander. Vous trouvez que je dépasse les limites ?— Pfff, évidemment. Je pensais m’être fait comprendre.Pendant une fraction de seconde, l’homme confiant que j’ai vu jusqu’à présent disparaît, et il semble déboussolé. Puis son visage se ferme, masquant toutes ses émotions.— Je suis navré. Je pensais pour ma part vous avoir rassurée sur le fait que votre stage n’était pas remis en cause. Quoi qu’il puisse se passer ou ne pas se passer entre nous, vous n’avez rien à craindre de ce côté-là.— Merde, Ethan, je n’ai jamais dit que vous me harceliez sexuellement. J’ai dit que vous aviez dépassé les limites en tant que patron, lorsque vous m’avez confié le meilleur dossier. Je n’ai pas besoin de vos faveurs. Surtout pas quand elles ne m’attirent que des ennuis.Il se détend un peu.— Au sujet de ce dossier, ce n’est pas ce que vous croyez.— Oh, vraiment ? Vous sous-entendez que je l’ai obtenu au mérite ?— Parfaitement, répond-il en me regardant dans les yeux. Je vous l’ai dit, j’ai consulté votre dossier hier soir. J’étais très impressionné, non seulement par les notes que vous avez obtenues à la fac, mais par l’article que vous avez joint à votre candidature. Sur la propriété intellectuelle.— Je vois très bien de quel article vous parlez.Soudain, j’ai le cœur qui s’affole, mais pour d’autres raisons.— J’ai été fasciné. Votre argumentation était originale, bien documentée et construite, et elle correspond en tout point à mes convictions.Je le regarde, surprise.— Pourtant, ce n’est pas l’avis le plus répandu. J’ai même hésité à le joindre, parce que je craignais que ça joue en ma défaveur.— Mais vous l’avez fait. Et bien que votre opinion diffère de celle de mon principal conseiller, elle s’accorde parfaitement avec la mienne. Si je ne vous avais pas rencontrée, je ne vous aurais peut-être pas confié le dossier Trifecta sur le seul mérite de cet article, mais j’aurais envisagé sérieusement de le faire. Après vous avoir rencontrée, et admiré votre tempérament et votre repartie, la question ne se posait plus. J’avais décidé de demander qu’on vous remette le dossier avant même de vous avoir revue ce matin.J’essaie de savoir s’il est sincère. Il affiche un air de franchise, mais ça ne veut rien dire. Avec Être P.- D.G. pour les Nuls et tout ça, il doit savoir très bien mentir quand il en a besoin.Mais j’ai envie de le croire, tellement envie que ça me brûle le ventre. Parce que s’il dit la vérité, s’il croit en moi à cause de mon intelligence et non de mon physique, alors je ne veux pas renoncer à ce projet. Je veux m’en saisir et lui montrer – à lui et au monde entier – ce que je sais faire. Peut-être que c’est arrogant, mais je m’en fous.Je me suis documentée, pendant des heures, des jours et des mois, sur le droit de la propriété intellectuelle. Je sais qu’il me reste des choses à apprendre – évidemment –, mais je suis certaine que mes connaissances n’ont rien à envier à celles de Rick.Soudain, l’envie de m’essayer à ce nouveau job se fait pressante. Finalement, tout ce qui s’est passé aujourd’hui n’est pas bien grave. Parce que du moment que je connais la vérité, du moment que moi, je sais que j’ai eu le dossier au mérite et pas parce que le patron voulait coucher avec moi, le reste n’a aucune importance.— Vous le pensez vraiment ? Vous croyez vraiment que je suis à la hauteur pour ce dossier ? finis-je par demander.
— Mon entreprise ne serait pas aussi florissante si j’avais l’habitude de confier des responsabilités à des incompétents, Chloe. Je ne peux pas vous dire mieux que ça.Il a raison. Je dois décider une bonne fois si je le crois ou non, parce que je ne vais pas lui reposer la même question éternellement. Finalement, j’accepte l’idée qu’il est sincère, et que ce n’est pas son attirance pour moi qui l’a poussé à me charger du dossier Trifecta. Pour la première fois depuis que j’ai ouvert le colis hier soir, je commence à me détendre.— Merci de m’avoir donné ma chance, dis-je.— On dirait une gamine le matin de Noël ! commente-t-il avec un sourire.— C’est exactement ce que je ressens. Je ferai du bon travail.— Je n’en doute pas un seul instant. Mais qu’est-ce qui se passe, là-bas ? Vous m’avez dit que vousaviez des ennuis avec les autres stagiaires ?Je repense à Rick et ses petits airs snobs, au changement d’attitude de Chrissy quand elle a su queldossier on me remettait. Rien de tout ça ne paraît très grave à présent, alors que je sais que j’ai décroché ce projet parce qu’Ethan croyait en moi.— Rien de bien méchant. Je vais me débrouiller.Ma réponse ne le satisfait pas.— Vous allez vous débrouiller avec quoi, exactement ?— Rien qui doive vous inquiéter.— Vous en êtes bien sûre ?— Certaine, dis-je en me levant. Merci pour le temps que vous m’avez accordé. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps.Il m’attrape par le coude.— Et si moi, j’ai envie de vous garder ?La question semble rester suspendue entre nous, et je me demande s’il parle d’autre chose que de cetinstant. De choses que je ne suis pas prête à envisager.Je le perçois dans l’atmosphère électrique de la pièce, sur son visage, et dans l’assurance de sa voix.Et à la façon dont il me caresse le creux du coude avec son pouce, en un effleurement léger comme une plume.À la façon dont il se place entre moi et le monde, pour me protéger de je ne sais quoi.Et dans les frissons que j’ai dans le ventre, les étincelles électriques qui me parcourent les nerfs.J’ai tellement envie de dire oui que ça me choque. Oui pour un dîner, oui pour une promenade sur la plage, et oui pour ce qui se passera ensuite. Mais rien n’a changé depuis le moment où je suis entrée dans ce bureau comme une furie. Rien d’autre que mon point de vue. Le reste du monde est exactement comme avant. Aussi abîmé – aussi foutu – qu’auparavant.Je ne veux pas qu’Ethan le voie, qu’il me voie telle que je suis. Si c’était le cas, il saurait à quel point je suis cassée, et j’ai passé trop d’années à tenter de cacher mon passé pour me laisser aller à tout dévoiler maintenant. Même si quelque chose en lui me donne envie de le faire.— Je dois y aller.En entendant ma voix devenue rauque, Ethan plisse les yeux et se lève. Il se rapproche de moi, et me regarde avec une intensité qui me montre qu’il a tout remarqué. Qu’il a tout vu.C’est ce que je redoute, et que je désire le plus en même temps. Quelqu’un qui me voie pour de vrai, qui prenne le temps de regarder sous la surface, sous les mensonges et les « entrée interdite » que je porte comme une armure. Qu’Ethan en soit si facilement capable menace de faire tomber mes défenses, et je me surprends à m’agripper à lui, les doigts enfouis dans la soie de sa chemise. Il écarte les cheveux qui me masquent le visage et j’ai l’impression que mes boucles s’accrochent à ses doigts pour ne pas le lâcher, dans une tentative désespérée de le garder tout contre moi.
Il resserre son étreinte sur mon coude, sans me faire mal, juste pour que je sache qu’il est là. Pour que je sente sa présence. Puis, lentement, inexorablement, il m’attire plus près et je perçois le battement de son cœur contre ma poitrine. Et son érection, contre ma hanche.J’attends la panique, la peur auxquelles je suis habituée. La crise d’angoisse qui m’a saisie chaque fois qu’un homme est entré dans mon espace personnel.Mais elle ne vient pas. Je ne sais pas pourquoi, alors qu’il se tient aussi près de moi – et même plus que quiconque ne l’a été depuis des années. Pourtant, je suis anxieuse. J’ai le cœur qui bat la chamade et je sens une sueur froide couler le long de ma colonne vertébrale.Mais je ne me sens pas menacée. Je sais qu’il ne cherchera pas à prendre plus que ce que je suis prête à lui donner. Peut-être que je me berce d’illusions. Peut-être que je suis aussi bécasse que n’importe quelle jeune femme consumée de désir pour un homme puissant.Je secoue la tête et détourne les yeux. Il n’y a pas de « peut-être ». Ethan n’aurait jamais bâti une telle entreprise s’il s’était contenté de miettes, de demi-mesures. Il ne serait pas là s’il était incapable de dépasser la surface, de voir au-delà et de trouver les moyens d’atteindre son but. S’il a cette perspicacité dans le travail, comment puis-je douter une seconde qu’il n’en soit pas également doué en ce qui me concerne ?Mais je ne doute pas. Alors que je contemple ses yeux bleu ciel, la vérité m’apparaît. Ethan Frost acceptera tout ce que je peux lui donner, et exigera plus. Tout. Puis il continuera à chercher ce qui se cache encore au-delà.Cette pensée devrait suffire à me terrifier. Et peut-être que j’aurai peur, plus tard. Peut-être même que c’est déjà le cas. Mais pas assez pour que je m’enfuie de la pièce et de son emprise. Car au-delà de ses exigences, je perçois également de la douceur. Ethan veut certes tout de moi, mais il ne prendra pas plus que ce que je suis prête à lui donner.Je ne sais pas d’où me vient cette certitude, mais elle est là. Pourtant, j’attends. Je refuse de céder. Je ne peux que résister, parce que tout en moi me dit que cette histoire – quelle qu’elle soit – ne peut que mal finir.— Où es-tu partie ? murmure-t-il doucement, la bouche tout près de mon oreille.Je retiens mon souffle. Il y a une telle électricité entre nous, une compréhension et un besoin qui palpite dans l’air que nous respirons. Je le sens quand j’inspire, crépitant jusque dans mes poumons. J’ai beau tenter de me détourner, je suis aimantée par ses yeux. Et ce sentiment se répand dans mon être à chaque seconde qui passe, jusqu’à ce que je ne me souvienne plus de ce que j’étais avant.— Je suis toujours là.Je ne devrais pas, pourtant...— Je te veux, Chloe. Et je crois que tu me veux aussi, soupire-t-il en passant les lèvres sur ma joue, lelong de la mâchoire.Je secoue la tête, mais c’est plus par assentiment que par refus, et nous le savons tous deux.— Ethan...Il m’attire vers lui et sourit. Je ne l’avais encore jamais vu aussi heureux.— Tu m’as appelé Ethan, encore une fois. C’est un progrès.Un progrès ? Était-ce ce matin encore que j’insistais pour l’appeler M. Frost ? Cela paraît tellement bizarre, alors que dans ma tête, c’était Ethan depuis le début. Ou plutôt, Smoothie Boy, puis Ethan. C’était uniquement par défi que je le nommais M. Frost.
— La plupart des hommes ne considéreraient pas ça comme un progrès.— Je ne suis pas comme les autres, Chloe.— Hum, hum. On me l’a déjà sortie, celle-là, dis-je en haussant les sourcils.Je le taquine. Moi, Chloe, je le taquine. J’ai du mal à le croire.— Ça ne sonnait pas aussi cliché dans ma tête, rétorque-t-il en riant.— Vraiment ?— Ou peut-être que j’aurais dû réfléchir avant de parler.— Peut-être, en effet.— À propos de clichés, j’en ai un autre à te proposer.Cette fois, c’est lui qui lève un sourcil.— Je dois avouer que je suis un peu jalouse. J’ai toujours rêvé de savoir faire ça.— Faire quoi ? demande-t-il, perplexe.Je passe les doigts sur le sourcil qu’il vient de hausser. Il reste immobile. Sérieux. Mais je continue à parler, pour ne pas laisser passer cet instant. Cette douceur, cette décontraction. Dans ma vie, j’en ai eu si peu !— Bouger un seul sourcil à la fois. Je suis sûre que c’est plus difficile qu’on ne le croit.— C’est vrai ? Peut-être que je t’apprendrai un jour.— Avec plaisir.Nous ne sommes plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, encore plus proches qu’une minute auparavant, alors que je n’aurais pas cru ça possible. Mais avec chaque phrase, nous avançons inexorablement l’un vers l’autre. Comme des aimants, nous sommes attirés par un magnétisme que nous ne contrôlons pas.Une fois de plus, je me dis que je devrais avoir peur – que j’ai peur, mais pas assez pour y mettre un terme. Pas assez pour m’en aller. Pas assez pour faire autre chose que rester là, à attendre qu’Ethan franchisse les derniers millimètres qui nous séparent.Il le fait, lentement. Je suis presque folle d’angoisse, d’impatience et de désir.Il est si proche que je discerne les petites rides au coin de ses yeux, et que je suis envahie par les vagues de chaleur qu’il dégage. Je perçois sa respiration haletante et son haleine mentholée. Ça ne me suffit pas. Je veux le goûter. Je n’en peux plus.L’instant suivant, il est là, ses lèvres douces comme un murmure sur les miennes. Une fois, deux fois, et puis encore... Une pluie de baisers rapides qui ne font qu’attiser mon désir, me rendre folle. Je l’embrasse à mon tour, écartant les lèvres pour l’inviter à aller plus loin. Mais il ne mord pas à l’hameçon. Il me dépose une série de baisers sur la joue, la mâchoire, les commissures des lèvres, le pourtour de la bouche...Frustrée, je glisse les mains le long de ses bras musclés, sur ses épaules tendues, puis son cou. Il pousse un grognement, et cette fois, lorsqu’il s’empare de ma bouche, toute légèreté est envolée. C’est un baiser intense qui me fait flageoler les jambes et tourner la tête, bien qu’il me maintienne fermement dans l’instant présent. Ici, avec lui.Ethan me mordille la lèvre inférieure, et j’ouvre la bouche à mon tour avec un gémissement. Il en profite pour y glisser la langue. À présent qu’il me tient à sa merci, je m’attends à ce qu’il m’envahisse, qu’il prenne possession de moi. D’après mon expérience, c’est ce que font tous les hommes. Comme s’ils annexaient votre bouche, la proclamant mère patrie. Comme si vous étiez un trophée qu’ils devaient marquer, sous peine qu’on le leur vole.Mais depuis le début, Ethan est différent, et il l’est aussi sur ce point. Il ne force pas sa langue dans ma
bouche, n’essaie pas de me conquérir par son enthousiasme effréné. Au contraire, il m’enjôle. Me charme. Me séduit. Et contre ça, je suis sans défense.Il passe le bout de sa langue doucement sur la mienne, l’encerclant lentement, très, très lentement. Il me lèche d’abord le dessus de la langue, puis le dessous, avant de s’intéresser à l’intérieur de ma joue puis à mon palais. Il joue avec le frein de ma lèvre inférieure. Ça me fait frissonner. Personne n’avait jamais eu ce geste avant, et je suis surprise que ce soit si délicieux.Il me prend le visage entre les mains et le lève vers lui afin d’entrer plus profondément dans ma bouche. Afin que je l’accueille en moi. Pendant ces quelques instants volés, hors du temps, j’accepte tout ce qu’il peut me donner.Il a un goût de menthe et de citronnade. Et de myrtilles. Toujours ces myrtilles... sur lui, c’est délicieux. Doux et acidulé... je suis accro.Le désir, puissant et inattendu, s’épanouit en moi, et j’enfouis les doigts dans ses cheveux pour le serrer contre mon visage. À présent, c’est moi qui l’agresse, moi qui suis en feu. Moi qui le désire et veux le conquérir. Et si une part de moi tremble de nervosité, de peur, je choisis de ne pas l’écouter. De la repousser au fond de moi, avec tout ce à quoi je ne veux pas penser, et de me concentrer sur l’instant présent.Sur Ethan.J’appuie la bouche plus fermement contre la sienne, me délectant du grognement qu’il ne tente même pas de réprimer. Et plus encore, de la sensation de son corps, dur, brûlant et excité, tout contre le mien. À cet instant, si je pouvais l’attirer en moi, je le ferais.Mais je me contente de lui lécher les lèvres, d’abord celle du bas, puis l’autre, et enfin les commissures – il a un goût tellement délicieux – pour finir par le creux parfait de sa lèvre supérieure. Puis, quand je n’en peux plus, je prends sa lèvre inférieure entre mes dents pour la mordiller doucement. À plusieurs reprises. C’est sans doute le signe qu’il attendait, la permission. Car soudain, je me retrouve contre le mur, une jambe enroulée autour de sa taille alors que sa bouche reprend le contrôle de la mienne.Il me met une main sur la cuisse pour me caresser le creux du genou, sans cesser de m’abreuver de ses baisers.Je frissonne, m’agrippe à lui, me cambre contre lui. Il pousse un grognement sourd et resserre son étreinte sur mes cheveux et ma cuisse. Sans me faire mal, il me maintient à sa merci. Il me fait savoir qu’il n’a pas plus l’intention de me laisser partir que je n’en ai moi-même envie.J’entremêle les mèches sombres et soyeuses de ses cheveux. Je les tire, les fais miennes. Et notre baiser ne s’interrompt toujours pas. J’en ai les lèvres brûlantes et gonflées, douloureuses. De même que mes seins et mon sexe.En cet instant unique, parfait, j’en veux plus. Je veux tout. Tout ce que je me suis refusé depuis mes quinze ans. Tout ce dont je me suis persuadée que je ne voulais pas.Ethan remonte la main sur ma cuisse, lentement, et la glisse sous ma jupe, le long de ma culotte. Je me raidis contre cette caresse inattendue – et tout me revient. La raison pour laquelle je suis là, ce que j’avais en tête en venant le trouver, la promesse que je me suis faite il y a quelques minutes à peine de ne pas me laisser entraîner dans cette histoire... Et la peur, que je fais tant d’efforts pour oublier.Mais qui est pourtant bien là, montant en moi, et je ne sais plus comment la chasser. Comment la mettre à distance. Le contrôle rigide que j’exerce sur moi-même semble désormais aussi chancelant que la sécurité qu’il me procure.— Ethan...
Je m’écarte de lui, luttant de mon mieux pour rester sereine. Pour rester avec lui au lieu de me laisser happer par une époque et un lieu que j’ai fait de mon mieux pour oublier.— Tout va bien. Je suis là, Chloe. Je suis là. Laisse-moi te faire du bien. Rien d’autre..., me murmure- t-il à l’oreille, son souffle chaud me caressant la joue.Il hésite, attendant une réponse que je n’ai pas. Je brûle du désir qu’il me touche, qu’il me fasse ressentir les affres et la joie de le laisser m’aimer. Mais en même temps, j’ai peur de paniquer et de tout gâcher. C’est ma spécialité, après tout. Tout foutre en l’air.Encore une fois, j’essaie de séparer le présent du passé. Celle que je suis de celle que j’étais. Je ne sais pas si ça marche, mais je sais que je veux qu’Ethan me touche.Je me rapproche pour enfouir le visage contre son torse. La tension, que je n’avais pas perçue en lui, le quitte lentement alors qu’il passe à nouveau les doigts sur mon sexe.Je me sens toute molle, la tête appuyée contre le mur alors que j’offre à Ethan une intimité que je n’ai jamais accordée à quiconque.Haletante, je me cambre au-devant de lui alors qu’il glisse un doigt dans ma culotte et jusqu’au plus profond de moi. Il se penche pour me murmurer quelques mots, mais je suis incapable de les comprendre. Peut-être qu’il tient des propos parfaitement cohérents, mais mon cerveau ne répond plus. Je ne parviens pas à me concentrer sur autre chose que ses doigts qui entrent lentement – tellement lentement ! – dans mon sexe.Je suis trempée de désir. Et tremblante. Et brûlante. Et un tout petit peu anxieuse. Je n’ai jamais laissé un homme me faire ça avant ; jamais je ne me suis ouverte ainsi. Après ce qui m’est arrivé plus jeune, je n’ai jamais voulu laisser un homme s’approcher au point de pouvoir me blesser.J’ai peur qu’Ethan le fasse. Certes, il est bien trop doux pour me faire mal physiquement. Mais sur le plan émotionnel ? Je suis face à Ethan Frost, l’un des meilleurs partis du monde. Un génie, un visionnaire. Un séducteur. Et comme je ne comprends même pas ce qu’il me fait, comment pourrais-je croire qu’il ne veut rien de plus que ceci ? Juste cette caresse ?Je devrais le repousser, lui dire que je ne veux pas qu’il me touche. Il ne me croirait pas – je ne me crois pas moi-même. Mon corps est en feu, chaque nerf électrisé par son contact. Il appuie le pouce sur mon clitoris, décrit des cercles tout autour, et je sais que je ne le repousserai pas. Je ne ferai rien d’autre que le laisser me caresser, me désirer.— Oh, Chloe, tu es tellement délicieuse...Sa voix est aussi sombre, douce et séduisante que la barre chocolatée que je garde au fond de mon sac pour les situations d’urgence.— Toi aussi, dis-je d’une voix haletante.Il glisse un doigt, puis deux, entièrement en moi. Le souffle coupé, j’essaie de rester immobile pour profiter de ce qu’il me fait. Mais j’en suis incapable, mon bassin ondule de son propre gré, hors de mon contrôle. Envahie de plaisir, je chevauche sa main à la recherche d’une sensation nouvelle, dont je ne veux déjà plus me passer.La pression monte en même temps que le plaisir, la peur marchant main dans la main avec la volupté, jusqu’à ce que je sache qu’au moindre faux mouvement, je risque d’exploser – mais pas de la bonne façon. Pas de la façon dont j’ai tellement envie.Ethan s’agenouille devant moi, remonte ma jupe et pousse ma culotte de côté. Avant que j’aie pu imaginer ce qu’il allait faire, et encore moins lui donner la permission, il a posé la bouche sur mon sexe. Il plonge la langue en moi et soulève ma jambe, celle qu’il avait nouée autour de sa taille un peu plus tôt, pour la passer sur son épaule.Je suis totalement offerte, vulnérable. Je m’empourpre et frissonne. Jamais je n’ai vécu de contact si intime, et je ressens mon traumatisme autant que le plaisir. Que le désir d’en avoir plus. Et d’atteindre l’orgasme, qui semble toujours m’échapper.
Je gémis des mots sans suite, suppliante, incapable de penser. Plus rien n’existe que mon désir. Pendant cet instant rare, ma peur s’est évanouie. L’anxiété, la douleur, les souvenirs... tout est parti, et mon corps, ma conscience, mon existence même, se concentrent dans ce moment hors du temps. Dans le plaisir, et l’orgasme que je poursuis comme un drogué cherche sa dose.Ethan me calme d’un grognement sourd... et pose la langue sur l’épicentre de ma volupté. Il me titille le clitoris, tourne autour, avant de le sucer pendant une seconde, puis deux. Ce geste, et le va-et-vient de ses doigts en moi, sont tout ce qu’il me fallait. Avec un frisson et un cri de plaisir, je me laisse aller à un orgasme si intense, si délicieux que j’en oublie tout le reste. Qui il est. Qui je suis. Qui j’étais. Pourquoi on ne devrait pas faire ça. Pourquoi ça a de l’importance pour moi.À cet instant, je ne connais rien d’autre que lui. Je ne sens rien d’autre que lui. Et la chaleur, le plaisir, la douceur – absolue et indescriptible – qu’il m’a donnés.Mais les meilleures choses ont une fin – à mon grand regret. Alors que les frissons s’estompent et que ma conscience se réveille, je retrouve tout ce que j’avais banni pendant ces quelques instants.Ethan, toujours à genoux devant moi, m’embrasse les hanches et le ventre. Une partie de moi voudrait rester ici, dans ce moment. Le laisser me caresser tout son content. Ou tout le mien.Mais il faudrait plus que quelques baisers et un orgasme mémorable pour me faire oublier la noirceur que je porte en moi. J’ai pu l’enfouir tout à l’heure, la faire taire, mais à présent – alors que je reprends contact avec le monde – elle est là, attendant de m’avaler tout entière.Je suis trop à vif, trop écorchée. Mes défenses ont volé en éclats sous la violence du plaisir qu’Ethan m’a donné – et sou
Le temps d’arriver chez moi, j’ai cessé de trembler. Ma perplexité n’a pas diminué, cependant, mais au moins, je parviens à la cacher. Et c’est important, parce qu’en matière de sentiments, Tori est un fin limier. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles je refuse de sortir avec des garçons : si j’évite les situations à risque, elle ne peut deviner tout ce qui se passe sous la surface. Or je sais qu’elle ne tarderait pas à le mettre au jour si elle s’y attelait sérieusement.En tout cas, c’est ma théorie, et je m’y tiens. J’espère seulement que le fait qu’Ethan vienne de me procurer un orgasme retentissant ne se voit pas sur ma figure. J’ai l’impression que ça se devine dans le moindre recoin de mon âme.— Tu rentres pile au bon moment ! La pizza vient d’arriver
Quand arrive le matin, j’ai retrouvé mon équilibre intérieur, si ce n’est mon bon sens. Encore une fois, je zappe mon jogging – je sais que je le paierai quand je m’y remettrai enfin plus tard dans la semaine – et sors de bonne heure.J’ai choisi une robe jaune légère, achetée en solde l’été dernier, pour 20 dollars. Elle est un peu trop féminine pour aller au travail, mais je n’ai que deux tailleurs et je les ai déjà portés, donc il faudra bien que ça passe. Le fait qu’elle aille à merveille avec mes cheveux et mon teint n’entre pas en jeu – du moins, c’est ce que je me raconte en m’habillant.Avant de partir, je remets le blender dans son carton, ainsi qu’un petit mot disant « C’est gentil, mais non merci. » Puis je fais quelque chose de vraiment idiot, que je regrette déjà au moment même où je suis en train de le faire.Je prends une enveloppe – en kraft tout bête, car je n’en ai pas de jolies – et y dépose une perle de lapis-lazuli achetée sur un coup de tête il y a que
— Allez, Chloe ! Je veux sortir ! Ça fait des siècles qu’on n’a pas dansé.Tori me rend folle avec ses pleurnicheries, et c’est exactement le but.— La dernière fois qu’on est allées en boîte, je me suis fait tripoter sur la piste. Tu sais que je détesteça !— Mais c’est tout l’intérêt des boîtes de nuit, proteste-t-elle en se laissant aller sur le dossier du canapé. Je te jure, tu es pire que ma grand-mère, qui a quatre- vingt-dix ans. Elle, au moins, elle me raconte des histoires intéressantes.Je ne me vexe pas. D’abord parce que je sais qu’elle me taquine pour me pousser à me bouger, et aussi parce qu’elle n’a pas tort. Je ne suis pas très fun. Pendant l’année universitaire, je n’ai pas le temps de faire la fête, entre les cours et mon job étudiant. Et cet été, je suis prise par mon stage. C’est à se demander pourquoi elle n’a pas encore changé de meilleure amie.— Mais tu peux sortir sans moi. Ça ne me dérange pas de rester seule ici.— Je t’ai déjà la
Le château qu’Ethan construit pour moi est digne d’un architecte – ou d’un génie. Ce n’est pas le plus gros de la plage, mais aucun n’est aussi élégant. C’est le mieux réalisé. Et pour cela, il n’a utilisé qu’un seau et ses deux mains.Une fois terminé, mon palais à six tours, avec pont-levis et douves, se dresse fièrement à une bonne hauteur. Je prends quelques minutes pour l’admirer. Je me demande ce que serait la vie dans une habitation aussi parfaite, aussi bien conçue. Puis je repense à l’énorme villa de mes parents, et je me souviens pour la millionième fois que toute cette opulence reste superficielle.Ça me tord l’estomac, et je me tourne vers Ethan, trop occupé à me dévorer des yeux pour contempler son œuvre. Il est parfait, ou aussi proche de la perfection qu’on peut l’être. Brillant, drôle, beau, philanthrope, gentil. Du moins, c’est ainsi qu’il apparaît. Je me demande ce qui se cache sous ce vernis, et si j’aurai un jour l’occasion de le découvrir.Juste quand j
Après une nuit passée à me tourner et me retourner dans mon lit, je découvre en arrivant au bureau que je suis convoquée à une réunion sur le dossier Trifecta. J’y rejoins deux stagiaires d’un autre secteur du département juridique et une armée d’avocats, tous drogués à la caféine et excités par l’odeur du sang.J’ai un peu de mal à saisir, jusqu’à ce que je comprenne que cette fusion n’en est pas une. Il s’agit en réalité d’une OPA hostile, et Trifecta se débat de toutes ses forces. Mais les avocats ont trouvé comment porter l’estocade, le dernier clou pour fermer le cercueil et permettre à Frost Industries de les absorber avec leur travail en cours sur une invention qui sert à je ne sais quoi.Je devine que cette offre est dans les tuyaux depuis un certain temps
Je tente de retrouver mon souffle et de détourner les yeux de l’intensité de son regard. Mais je suis comme prise au piège, coincée dans ses filets, et il le sait. Pire, il en profite.Au lieu de s’asseoir en face de moi comme Zayn, Ethan se glisse à mes côtés sur la banquette – me contraignant à reculer, ou à accepter d’être collée à lui. Évidemment, je m’éloigne, mais ça ne change rien. Ce contact de quelques secondes m’a marquée au fer rouge, et je sens encore sa chaleur malgré l’espace qui nous sépare à présent.Furieuse, déconcertée et excitée en même temps, j’attends qu’il veuille bien dire quelque chose. C’est lui qui a fait irruption dans la conversation sans y être invité. C’est lui qui a fait fuir mon ami. Et c’est lu
Quelques heures plus tard, alors que je rentre dans l’appartement, les remarques d’Ethan me font encore mal. Ça fait une semaine qu’il me connaît... comment peut-il se permettre de me dire que je suis cul-bénit et béni-oui-oui ? Et ne connaît-il aucune insulte qui ne contienne pas le mot « béni » ? Même si je dois admettre que ça va droit au but...Peut-être que j’ai tort de croire le connaître après seulement deux heures de réunion. Mais je l’ai entendu tordre le bras à ces gens comme si c’était normal. Je l’ai vu les menacer de leur prendre tout ce qu’ils avaient, juste pour faire pression. Je regarde peut-être le monde à travers des lunettes roses, mais n’importe qui aurait estimé comme moi qu’il se comportait mal.Tori n’est pas à sa place habituelle sur le canapé, ma
Ethan En cet instant, je n’ai jamais rien vu de plus magnifique qu’elle. Et ce n’est pas rien, quand on sait combien de fois cette pensée m’est déjà venue. Nous sommes dans mon domaine viticole de Toscane, et les vignes s’étendent à perte de vue.En début de soirée, le ciel s’embrase de teintes ocre, rouge et or. La beauté – riche, puissante, inoubliable – apparaît dans chaque pouce de terrain, chaque bouffée d’air. Et malgré tout, Chloe Girard Frost est ce qu’il y a ici de plus beau. En cet instant, elle se tient pieds nus au milieu d’un ancien pressoir à vin, ses longs cheveux roux volant au vent, sa jupe coincée entre ses cuisses. Elle a les pieds bordeaux alors qu’elle piétine les grappes sans relâche, et ses mains sont posées sur son ventre arrondi. L’un des vignerons s’adresse à elle, et je la vois rejeter la tête en arrière pour rire à gorge déployée. C’est un son sublime, magique. Et qui pour moi n’ira jamais de soi.
Ethan part tôt, peu après que nous ayons fait l’amour. Il se glisse hors du lit après m’avoir câlinée quelques minutes et murmuré « Je t’aime ». Il croit que je dors. Je ne le détrompe pas. Ce n’est pas faute d’avoir envie qu’il reste, bien au contraire. Être séparée de lui, la semaine précédente, était aussi atroce que d’être amputé d’un membre. D’une partie de moi-même. À présent qu’il est de nouveau là, j’ai un peu envie de m’accrocher à lui. De le serrer si fort que nos corps se confondent. Que nous nous mélangions et que je sente son amour, sa lumière, rayonner à l’intérieur de moi pour toujours.S’il savait que je suis réveillée et que je le regarde sortir, s’il savait combien je me sens vide sans lui, il lui serait impossible de partir, même pour s’occuper de notre mariage. Et j’ai besoin qu’il me laisse, au moins un moment. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire ensuite. D’un côté, c’est très simple. Ethan et moi, ensemble. Pour toujours. C’est notre de
— J’y vais, annonce Tori.C’est une bonne chose, car je suis pétrifiée. Elle attrape ses chaussures et son sac Vuitton avant d’ouvrir la porte dans un grand geste cérémonieux.Sans surprise, Ethan se tient sur le seuil, pâle et amaigri. Tori le toise de la tête aux pieds, sans trahir le fait qu’elle milite sans relâche pour lui depuis des jours.— Déconne encore une fois, et je te coupe les couilles, déclare-t-elle d’un ton hautain.Sur ces bonnes paroles, elle s’enfuit, se glissant par la porte avant même que j’aie décidé comment saluer Ethan.Mais ce n’est pas grave, car je n’en ai pas le temps. Il apparaît dans la cuisine, un énorme bouquet à la main, tout son amour écrit sur son visage.— Tu avais raison, dit-il.— À quel propos ?Une petite voix me dit que c’est le moment le plus important de mon existence, alors autant que toutsoit bien clair. C’est un bon conseil. Dommage que mon cœur batte si fort que je risque de ne pas entendre un mot de ce qu’i
— Je crois que je vais appeler le médecin. Voir s’il peut me filer des hormones. Tori s’assied à table en écartant les jambes avec ostentation.— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es malade ? dis-je, inquiète.— Non, je crois juste que je commence à avoir des boules.— Des boules ? Tu veux dire des ganglions ?Je laisse mes questions en suspens lorsque je comprends ce qu’elle veut dire.— Non mais franchement ! Et moi qui m’inquiétais pour toi.— C’est moi qui m’inquiète pour toi. Tous ces « je t’aime, moi non plus » avec Ethan, c’esttellement tordu que ça commence vraiment à me foutre les boules. Tu passes ton temps à me demander de m’adapter à une chose et son contraire. Tu l’aimes, tu le détestes. Tu l’aimes, tu le détestes. Je ne comprends jamais de quel côté de la barrière je dois me situer à tel ou tel moment.— C’est des conneries et tu le sais très bien. En plus, je n’ai jamais dit que je détestais Ethan, et je ne t’ai pas demandé de lui en vouloir. Ne me
— Eh bien, déclare Vanessa après quelques secondes qui semblent une éternité. Il semblerait que tu sois moins bête que ce que je pensais. Tu es capable d’assembler les pièces du puzzle.Je manque d’éclater de rire en entendant cette phrase, cette idée que je sais reconstituer un puzzle. Moi qui ai passé les cinq dernières années à tenter de recoller les morceaux de moi-même, pour finir par retomber en miettes après chaque tentative.Je croyais que cette fois, c’était la bonne. Après avoir découvert le lien entre Brandon et Ethan, avoir quitté ce dernier puis m’être remise avec lui, après avoir enfin accepté ce qui m’était arrivé et dépassé tout cela, je pensais avoir enfin compris. Avoir trouvé le moyen de recoller tous les morceaux. En les mélangeant à ceux d’Ethan. En construisant quelque chose de nouveau, de brillant et d’entier sur les décombres du passé.Ça aurait dû marcher. Vraiment.Mais il s’avère que ce n’était qu’une illusion, qu’un simple élément d’informatio
— Merci encore, Rodrigo ! dis-je en quittant, titubante, le siège passager de l’un des camions du vignoble.— De rien, señorita Chloe. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.— D’accord. Mais je pense avoir tout ce qu’il me faut. Bonne soirée ! Faites un bisou à votre adorable fillette de ma part.— Sí. Ce sera fait, répond-il avec un petit rire, les joues empourprées. Ma petite Padma sera contente ! Sa mère dit que depuis qu’elle vous a rencontrée ce matin, elle ne parle de rien d’autre.— Ça n’est que justice. Moi aussi, j’ai parlé d’elle toute la journée. Elle est tellement mignonne ! — Sí, sí. Je crois que vous avez monté une société d’admiration mutuelle, toutes les deux.— Ce n’est pas faux, réponds-je en le saluant d’un geste de la main avant de m’éloigner vers laporte d’entrée en vacillant.— Ça va, señorita Chloe ? Vous voulez que je vous aide à entrer ?— Non, ça va. Ça va. Je suis juste un peu pompette.Pompette, le mot est peut-êt
J’ignore combien de temps nous restons plantés là. Assez longtemps pour que les propriétaires du SUV garé à côté de nous déchargent leur chariot et s’en aillent. Assez longtemps pour que la petite fille assise sur le banc devant le magasin finisse sa glace. Plus de temps que nécessaire pour que tous ces morceaux, qui me semblaient hier si bien collés ensemble, soient de nouveau mélangés.Nous attendons.J’imagine qu’Ethan va parler. Qu’il va me dire qu’il comprend, que ce n’est pas grave. Ou l’inverse, qu’il ne saisit pas, et que nous avons fait une énorme erreur. Au point où j’en suis, je ne sais plus ce qui serait le pire. Tout ce que je vois, c’est que je ne vais pas supporter de continuer à attendre bien longtemps. Je vais devenir folle.Il refuse de me regarder. Depuis que je lui ai parlé de mon désir de mourir, il n’a pas posé les yeux sur moi.Je finis par ne plus pouvoir endurer ce silence une seconde de plus.— Ethan.Il lève les yeux vers moi. Ils sont fl
— C’est un vignoble. Pour de vrai.— Je te l’avais bien dit.Nous venons d’atterrir chez Ethan à Napa et je me tiens derrière la maison principale, au sommetd’une énorme colline qui domine des hectares et des hectares de vignes.— Oui, mais je pensais que tu n’avais que quelques pieds...Avec un haussement d’épaules, il lève les mains comme pour se déprécier. — J’ai un peu plus que quelques pieds.— Je vois. Tu as aussi des camions, des vignerons et une salle de dégustation. Et tout l’équipement qui va avec. Tu as un domaine viticole, quoi.— Je ne t’ai pas menti.— Non. Mais...— Mais quoi ?— Mais c’est un vignoble !Il sourit d’une oreille à l’autre, comme s’il n’avait jamais rien vu de plus fou que moi. — Tu l’as déjà dit.— Je sais, mais c’est...— ... un vignoble. Oui. C’est vrai. Et même si cette conversation est très profonde, je me demandais si on pouvait passer à autre chose...— Je ne sais pas. Peut-être. Qu’est-ce qu’il y a d’au
Mon alarme sonne à 6 h 30, à peine une heure après qu’Ethan et moi sommes finalement entrés d’un pas chancelant dans la maison pour nous coucher. Avec un grognement, je tends la main vers mon réveil pour l’éteindre, en me disant que je ne dois pas le lancer à travers la pièce... après tout, ce n’est pas sa faute si je suis une véritable idiote.Il en réchappe de peu, pourtant. Ça aurait pu mal finir, mais Ethan me le prend des mains et le dépose par terre doucement avant de m’attirer vers lui, tout contre son torse.— Il faut qu’on se lève..., dis-je.L’idée d’ouvrir les yeux suffit à me donner la nausée. Je suis épuisée, et courbaturée à cause de ma fuite éperdue sur la plage, la nuit dernière. Fuite qui me semble stupide quand on sait comment elle a fini, par une union si totale entre Ethan et moi que, pendant un moment, je n’étais plus consciente des limites de nos deux corps.— J’ai une réunion. Et toi, tu dois sans doute acheter un petit pays.— Deux petits pays,