— Eh bien, déclare Vanessa après quelques secondes qui semblent une éternité. Il semblerait que tu sois moins bête que ce que je pensais. Tu es capable d’assembler les pièces du puzzle.
Je manque d’éclater de rire en entendant cette phrase, cette idée que je sais reconstituer un puzzle. Moi qui ai passé les cinq dernières années à tenter de recoller les morceaux de moi-même, pour finir par retomber en miettes après chaque tentative.Je croyais que cette fois, c’était la bonne. Après avoir découvert le lien entre Brandon et Ethan, avoir quitté ce dernier puis m’être remise avec lui, après avoir enfin accepté ce qui m’était arrivé et dépassé tout cela, je pensais avoir enfin compris. Avoir trouvé le moyen de recoller tous les morceaux. En les mélangeant à ceux d’Ethan. En construisant quelque chose de nouveau, de brillant et d’entier sur les décombres du passé.Ça aurait dû marcher. Vraiment.Mais il s’avère que ce n’était qu’une illusion, qu’un simple élément d’informatio— Je crois que je vais appeler le médecin. Voir s’il peut me filer des hormones. Tori s’assied à table en écartant les jambes avec ostentation.— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es malade ? dis-je, inquiète.— Non, je crois juste que je commence à avoir des boules.— Des boules ? Tu veux dire des ganglions ?Je laisse mes questions en suspens lorsque je comprends ce qu’elle veut dire.— Non mais franchement ! Et moi qui m’inquiétais pour toi.— C’est moi qui m’inquiète pour toi. Tous ces « je t’aime, moi non plus » avec Ethan, c’esttellement tordu que ça commence vraiment à me foutre les boules. Tu passes ton temps à me demander de m’adapter à une chose et son contraire. Tu l’aimes, tu le détestes. Tu l’aimes, tu le détestes. Je ne comprends jamais de quel côté de la barrière je dois me situer à tel ou tel moment.— C’est des conneries et tu le sais très bien. En plus, je n’ai jamais dit que je détestais Ethan, et je ne t’ai pas demandé de lui en vouloir. Ne me
— J’y vais, annonce Tori.C’est une bonne chose, car je suis pétrifiée. Elle attrape ses chaussures et son sac Vuitton avant d’ouvrir la porte dans un grand geste cérémonieux.Sans surprise, Ethan se tient sur le seuil, pâle et amaigri. Tori le toise de la tête aux pieds, sans trahir le fait qu’elle milite sans relâche pour lui depuis des jours.— Déconne encore une fois, et je te coupe les couilles, déclare-t-elle d’un ton hautain.Sur ces bonnes paroles, elle s’enfuit, se glissant par la porte avant même que j’aie décidé comment saluer Ethan.Mais ce n’est pas grave, car je n’en ai pas le temps. Il apparaît dans la cuisine, un énorme bouquet à la main, tout son amour écrit sur son visage.— Tu avais raison, dit-il.— À quel propos ?Une petite voix me dit que c’est le moment le plus important de mon existence, alors autant que toutsoit bien clair. C’est un bon conseil. Dommage que mon cœur batte si fort que je risque de ne pas entendre un mot de ce qu’i
Ethan part tôt, peu après que nous ayons fait l’amour. Il se glisse hors du lit après m’avoir câlinée quelques minutes et murmuré « Je t’aime ». Il croit que je dors. Je ne le détrompe pas. Ce n’est pas faute d’avoir envie qu’il reste, bien au contraire. Être séparée de lui, la semaine précédente, était aussi atroce que d’être amputé d’un membre. D’une partie de moi-même. À présent qu’il est de nouveau là, j’ai un peu envie de m’accrocher à lui. De le serrer si fort que nos corps se confondent. Que nous nous mélangions et que je sente son amour, sa lumière, rayonner à l’intérieur de moi pour toujours.S’il savait que je suis réveillée et que je le regarde sortir, s’il savait combien je me sens vide sans lui, il lui serait impossible de partir, même pour s’occuper de notre mariage. Et j’ai besoin qu’il me laisse, au moins un moment. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire ensuite. D’un côté, c’est très simple. Ethan et moi, ensemble. Pour toujours. C’est notre de
Ethan En cet instant, je n’ai jamais rien vu de plus magnifique qu’elle. Et ce n’est pas rien, quand on sait combien de fois cette pensée m’est déjà venue. Nous sommes dans mon domaine viticole de Toscane, et les vignes s’étendent à perte de vue.En début de soirée, le ciel s’embrase de teintes ocre, rouge et or. La beauté – riche, puissante, inoubliable – apparaît dans chaque pouce de terrain, chaque bouffée d’air. Et malgré tout, Chloe Girard Frost est ce qu’il y a ici de plus beau. En cet instant, elle se tient pieds nus au milieu d’un ancien pressoir à vin, ses longs cheveux roux volant au vent, sa jupe coincée entre ses cuisses. Elle a les pieds bordeaux alors qu’elle piétine les grappes sans relâche, et ses mains sont posées sur son ventre arrondi. L’un des vignerons s’adresse à elle, et je la vois rejeter la tête en arrière pour rire à gorge déployée. C’est un son sublime, magique. Et qui pour moi n’ira jamais de soi.
Personne ne m’avait prévenue que si on qualifie les Louboutin de « mortelles », c’est parce qu’elles vont réellement causer ma mort avant ce soir.Oh, je sais ce que vous pensez. À quoi est-ce que j’aurais pu m’attendre avec des escarpins rouge vif aux talons de douze centimètres ? Certes, elles ont la réputation d’être confortables. Mais les femmes savent bien qu’après quelques heures et quelques kilomètres, les plus confortables des chaussures à talons se transforment en instruments de torture.Même moi, je le sais. Et ce n’est pas rien, sachant que j’ai passé l’essentiel de ma vie en jean et tee- shirt. Avec des ballerines – mes chaussures préférées. En cet instant, je vendrais mon âme au diab
— Salut Chloe ! s’écrie ma colocataire sans lever les yeux vers moi.Elle est occupée à se vernir les ongles de pied avec la teinte verte la plus criarde que j’aie jamais vue. — On a reçu un colis pour toi, il y a une heure environ. Je l’ai mis sur ton lit, ajoute-t-elle.— Un colis ?Mon premier geste après avoir refermé la porte de l’appartement est de me débarrasser des instruments de torture rouge vif que j’ai portés toute la journée, et de les balancer à travers le salon du bout du pied. Je les regarde avec satisfaction se cogner contre le mur du coin-repas. Ce n’est pas comme ça qu’on traite des Louboutin à 1 000 dollars, mais au point o&ugra
Cher M. Frost,Bien que très touchée par la délicate attention dont témoigne votre cadeau, je ne peux pas l’accepter. Un aussi beau blender que celui-là... Cher M. Frost,Bien que j’apprécie la délicate attention dont témoigne ce charmant cadeau de bienvenue, il ne me semble pas approprié de l’accepter. En tant que stagiaire, je ne peux percevoir aucune rémunération... Cher M. Frost,Merci pour votre délicate attention. Cependant, je crois qu’il serait inapproprié que je l’accepte. Je vous présente mes excuses pour les désagréments occasionnés, et vous sais gré de votre compréhension.J’ai apprécié notre rencontre d’hier. Merci de vous être donné tant de mal pour m’accueillir. Bien sincèrement,Chloe Girard.Aussi incroyable que ça puisse paraître, ça m’a pris la moitié de la nuit, de rédiger cette lettre pour Smoothie Boy. Ethan. M. Frost. Quel que soit son nom. Après avoir dormi seulement deux heures et demie, peu m’importe la façon dont il veut q
Ethan sursaute de surprise devant ma réponse.— Non ?!On croirait qu’il n’a jamais encore entendu ce mot, mais je sais de source sûre que c’est faux. Je le luiai dit moi-même, hier. Juste avant de faire exactement ce qu’il voulait.Mes joues s’empourprent à cette pensée, même si je sais que cette fois, ça va se passer autrement. Jene vais pas céder. Je ne peux pas. Même si j’en meurs d’envie.— Non. Je suis désolée, mais c’est une mauvaise idée.Je m’attends à ce qu’il proteste. Il penche la tête de côté et me dévisage longuement, comme s’ilpréparait ses arguments. Mais pour finir, il se contente d’une question.— Pourquoi ?— Parce que ! Ce stage est très important pour moi. Je me suis vraiment cassé le
Ethan En cet instant, je n’ai jamais rien vu de plus magnifique qu’elle. Et ce n’est pas rien, quand on sait combien de fois cette pensée m’est déjà venue. Nous sommes dans mon domaine viticole de Toscane, et les vignes s’étendent à perte de vue.En début de soirée, le ciel s’embrase de teintes ocre, rouge et or. La beauté – riche, puissante, inoubliable – apparaît dans chaque pouce de terrain, chaque bouffée d’air. Et malgré tout, Chloe Girard Frost est ce qu’il y a ici de plus beau. En cet instant, elle se tient pieds nus au milieu d’un ancien pressoir à vin, ses longs cheveux roux volant au vent, sa jupe coincée entre ses cuisses. Elle a les pieds bordeaux alors qu’elle piétine les grappes sans relâche, et ses mains sont posées sur son ventre arrondi. L’un des vignerons s’adresse à elle, et je la vois rejeter la tête en arrière pour rire à gorge déployée. C’est un son sublime, magique. Et qui pour moi n’ira jamais de soi.
Ethan part tôt, peu après que nous ayons fait l’amour. Il se glisse hors du lit après m’avoir câlinée quelques minutes et murmuré « Je t’aime ». Il croit que je dors. Je ne le détrompe pas. Ce n’est pas faute d’avoir envie qu’il reste, bien au contraire. Être séparée de lui, la semaine précédente, était aussi atroce que d’être amputé d’un membre. D’une partie de moi-même. À présent qu’il est de nouveau là, j’ai un peu envie de m’accrocher à lui. De le serrer si fort que nos corps se confondent. Que nous nous mélangions et que je sente son amour, sa lumière, rayonner à l’intérieur de moi pour toujours.S’il savait que je suis réveillée et que je le regarde sortir, s’il savait combien je me sens vide sans lui, il lui serait impossible de partir, même pour s’occuper de notre mariage. Et j’ai besoin qu’il me laisse, au moins un moment. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire ensuite. D’un côté, c’est très simple. Ethan et moi, ensemble. Pour toujours. C’est notre de
— J’y vais, annonce Tori.C’est une bonne chose, car je suis pétrifiée. Elle attrape ses chaussures et son sac Vuitton avant d’ouvrir la porte dans un grand geste cérémonieux.Sans surprise, Ethan se tient sur le seuil, pâle et amaigri. Tori le toise de la tête aux pieds, sans trahir le fait qu’elle milite sans relâche pour lui depuis des jours.— Déconne encore une fois, et je te coupe les couilles, déclare-t-elle d’un ton hautain.Sur ces bonnes paroles, elle s’enfuit, se glissant par la porte avant même que j’aie décidé comment saluer Ethan.Mais ce n’est pas grave, car je n’en ai pas le temps. Il apparaît dans la cuisine, un énorme bouquet à la main, tout son amour écrit sur son visage.— Tu avais raison, dit-il.— À quel propos ?Une petite voix me dit que c’est le moment le plus important de mon existence, alors autant que toutsoit bien clair. C’est un bon conseil. Dommage que mon cœur batte si fort que je risque de ne pas entendre un mot de ce qu’i
— Je crois que je vais appeler le médecin. Voir s’il peut me filer des hormones. Tori s’assied à table en écartant les jambes avec ostentation.— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es malade ? dis-je, inquiète.— Non, je crois juste que je commence à avoir des boules.— Des boules ? Tu veux dire des ganglions ?Je laisse mes questions en suspens lorsque je comprends ce qu’elle veut dire.— Non mais franchement ! Et moi qui m’inquiétais pour toi.— C’est moi qui m’inquiète pour toi. Tous ces « je t’aime, moi non plus » avec Ethan, c’esttellement tordu que ça commence vraiment à me foutre les boules. Tu passes ton temps à me demander de m’adapter à une chose et son contraire. Tu l’aimes, tu le détestes. Tu l’aimes, tu le détestes. Je ne comprends jamais de quel côté de la barrière je dois me situer à tel ou tel moment.— C’est des conneries et tu le sais très bien. En plus, je n’ai jamais dit que je détestais Ethan, et je ne t’ai pas demandé de lui en vouloir. Ne me
— Eh bien, déclare Vanessa après quelques secondes qui semblent une éternité. Il semblerait que tu sois moins bête que ce que je pensais. Tu es capable d’assembler les pièces du puzzle.Je manque d’éclater de rire en entendant cette phrase, cette idée que je sais reconstituer un puzzle. Moi qui ai passé les cinq dernières années à tenter de recoller les morceaux de moi-même, pour finir par retomber en miettes après chaque tentative.Je croyais que cette fois, c’était la bonne. Après avoir découvert le lien entre Brandon et Ethan, avoir quitté ce dernier puis m’être remise avec lui, après avoir enfin accepté ce qui m’était arrivé et dépassé tout cela, je pensais avoir enfin compris. Avoir trouvé le moyen de recoller tous les morceaux. En les mélangeant à ceux d’Ethan. En construisant quelque chose de nouveau, de brillant et d’entier sur les décombres du passé.Ça aurait dû marcher. Vraiment.Mais il s’avère que ce n’était qu’une illusion, qu’un simple élément d’informatio
— Merci encore, Rodrigo ! dis-je en quittant, titubante, le siège passager de l’un des camions du vignoble.— De rien, señorita Chloe. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.— D’accord. Mais je pense avoir tout ce qu’il me faut. Bonne soirée ! Faites un bisou à votre adorable fillette de ma part.— Sí. Ce sera fait, répond-il avec un petit rire, les joues empourprées. Ma petite Padma sera contente ! Sa mère dit que depuis qu’elle vous a rencontrée ce matin, elle ne parle de rien d’autre.— Ça n’est que justice. Moi aussi, j’ai parlé d’elle toute la journée. Elle est tellement mignonne ! — Sí, sí. Je crois que vous avez monté une société d’admiration mutuelle, toutes les deux.— Ce n’est pas faux, réponds-je en le saluant d’un geste de la main avant de m’éloigner vers laporte d’entrée en vacillant.— Ça va, señorita Chloe ? Vous voulez que je vous aide à entrer ?— Non, ça va. Ça va. Je suis juste un peu pompette.Pompette, le mot est peut-êt
J’ignore combien de temps nous restons plantés là. Assez longtemps pour que les propriétaires du SUV garé à côté de nous déchargent leur chariot et s’en aillent. Assez longtemps pour que la petite fille assise sur le banc devant le magasin finisse sa glace. Plus de temps que nécessaire pour que tous ces morceaux, qui me semblaient hier si bien collés ensemble, soient de nouveau mélangés.Nous attendons.J’imagine qu’Ethan va parler. Qu’il va me dire qu’il comprend, que ce n’est pas grave. Ou l’inverse, qu’il ne saisit pas, et que nous avons fait une énorme erreur. Au point où j’en suis, je ne sais plus ce qui serait le pire. Tout ce que je vois, c’est que je ne vais pas supporter de continuer à attendre bien longtemps. Je vais devenir folle.Il refuse de me regarder. Depuis que je lui ai parlé de mon désir de mourir, il n’a pas posé les yeux sur moi.Je finis par ne plus pouvoir endurer ce silence une seconde de plus.— Ethan.Il lève les yeux vers moi. Ils sont fl
— C’est un vignoble. Pour de vrai.— Je te l’avais bien dit.Nous venons d’atterrir chez Ethan à Napa et je me tiens derrière la maison principale, au sommetd’une énorme colline qui domine des hectares et des hectares de vignes.— Oui, mais je pensais que tu n’avais que quelques pieds...Avec un haussement d’épaules, il lève les mains comme pour se déprécier. — J’ai un peu plus que quelques pieds.— Je vois. Tu as aussi des camions, des vignerons et une salle de dégustation. Et tout l’équipement qui va avec. Tu as un domaine viticole, quoi.— Je ne t’ai pas menti.— Non. Mais...— Mais quoi ?— Mais c’est un vignoble !Il sourit d’une oreille à l’autre, comme s’il n’avait jamais rien vu de plus fou que moi. — Tu l’as déjà dit.— Je sais, mais c’est...— ... un vignoble. Oui. C’est vrai. Et même si cette conversation est très profonde, je me demandais si on pouvait passer à autre chose...— Je ne sais pas. Peut-être. Qu’est-ce qu’il y a d’au
Mon alarme sonne à 6 h 30, à peine une heure après qu’Ethan et moi sommes finalement entrés d’un pas chancelant dans la maison pour nous coucher. Avec un grognement, je tends la main vers mon réveil pour l’éteindre, en me disant que je ne dois pas le lancer à travers la pièce... après tout, ce n’est pas sa faute si je suis une véritable idiote.Il en réchappe de peu, pourtant. Ça aurait pu mal finir, mais Ethan me le prend des mains et le dépose par terre doucement avant de m’attirer vers lui, tout contre son torse.— Il faut qu’on se lève..., dis-je.L’idée d’ouvrir les yeux suffit à me donner la nausée. Je suis épuisée, et courbaturée à cause de ma fuite éperdue sur la plage, la nuit dernière. Fuite qui me semble stupide quand on sait comment elle a fini, par une union si totale entre Ethan et moi que, pendant un moment, je n’étais plus consciente des limites de nos deux corps.— J’ai une réunion. Et toi, tu dois sans doute acheter un petit pays.— Deux petits pays,