Prologue

3 décembre, une date maudite.

Je crois que cette nuit restera à jamais gravé dans ma mémoire, la nuit où ma vie a basculé, qu'elle s'est arrêtée...

Cela va faire 6 mois que je ne suis plus qu'une coquille vide revivant la scène encore et encore, piégée inlassablement dans ce passé qui était le miens. 

Tout est arrivé si vite, du jour au lendemain, je me suis retrouvée comme une esclave à leurs yeux. 

J'étais leur possession, l'objet qui soulagerait ces porcs malsains. 

Toutes leurs horreurs, leurs actes violents, leurs viols, je pouvais encore les ressentir. Ils étaient ancrés en moi. Et le pire, c'est qu'ils prenaient plaisir à me tuer à petit feu.

Et tout ça à cause de lui. 

Par sa faute, ma vie est devenue un véritable cauchemar. 

6 mois que ce drame est arrivé, 

6 mois que je me déteste un peu plus chaque jour. 

J'étais cette fille toujours souriante, remplie de joie de vivre, naïve de ce monde cruel. Cette fille insouciante qui rendait fière et heureux les gens qu'elle aimait. 

J'aimais la personne que j'étais. 

Et désormais, la haine, la rancœur, la souffrance, voilà les seules émotions présentes dans ce qui reste de ma personne. Je suis devenue cette fille qui ne fait que pleurer, blâmant le monde entier. 

Je n'aurais jamais pu imaginer tout ce que ce monde cachait, toutes les horreurs qu'il étouffait. La vérité c'est que, qui aurait pu le prédire ? 

Ce monde existait, je fermais juste les yeux, je n'étais que spectatrice.

Et aujourd'hui, cela fait 6 mois que j'en suis l'actrice.

6 mois à attendre son retour.

6 mois à subir à répétition leurs mains sales sur mon corps.

6 mois à encaisser leurs coups de plus en plus violents.

6 mois à me demander ce que j'avais fait de mal pour en arriver là.

6 mois à espérer qu'il viendrait me chercher.

6 mois de pure illusion.

Je me demande encore comment j'ai pu ne rien voir. 

Comment cet homme qui partageait ma vie quotidienne était, en fait, le contraire de ce que je pensais. 

Mais qui aurait pu le prévoir, je l'aimais, je lui faisais confiance... 

Il a suffi d'une personne pour que tous mes projets, mon avenir, partent en fumée. 

Une personne pour que mes émotions s'éteignent. 

Une personne pour qui j'aurais tout donné. 

Il m'a brisée, vidée, détruite, je ne pourrais jamais lui pardonner. 

J'ai pourtant essayé de comprendre pourquoi il avait fait ça, au fond de moi, je voulais tellement lui pardonner, tout oublier et recommencer. 

Mais plus les jours passent, et plus je me dis qu'il ne mérite pas mon pardon, qu'il ne me mérite pas. 

Je l'ai idéalisé et lui ai offert mon cœur, sans savoir que ce n'était qu'un monstre et qu'il me le piétinerait sous mes yeux. 

Et maintenant, je ne peux en vouloir qu'à moi même, j'avais qu'à faire attention à qui je donnais ma confiance. 

C'est ce que je me répète depuis 6 mois pour essayer d'avancer.

Mais honnêtement, je ne sais pas comment j'arrive encore à tenir.

Peut-être est-ce parce que j'entends constamment cette voix qui me répète de m'accrocher et de continuer à sourire. 

Je sais que cette petite voix va un jour s'éteindre, alors, je tente de l'écouter tant qu'elle est encore la.

Je ne sais pas pourquoi, mais je le fais. 

Ma mère me répétait toujours : "Dans la vie, tout ce qui a de l'importance mérite qu'on lutte pour l'obtenir". 

Alors je me battrais.

Recroquevillée dans cette toute petite cellule qui me sert de chambre, une larme s'échappe quand je repense à la vie que j'avais autrefois. 

À cette vie qui me plaisait tant. 

J'ai une telle rancœur au fond de moi, que cela me ronge de l'intérieur. 

En entendant ses pas, je me lève précipitamment ne voulant pas m'infliger un coup que j'aurais pu éviter. 

Il m'arrive des fois de me demander si le problème, ce n'est pas moi ? 

Au fond, peut-être, je n'ai que ce que je mérite ?

Sohan ouvre brusquement la porte et quand je vois son visage fermé et ses traits durs, je sais que quelque chose ne va pas. 

Habituellement, il aurait son putain de sourire pervers sur le visage et se lécherait les lèvres, me déshabillant avec ses yeux.

Dégoutant, écœurant, bienvenue dans ma vie. 

Sohan est mon possesseur depuis 6 mois, il est le personnage principal de mes cauchemars, le monstre qui m'a brisé en me kidnappant cette nuit-là. 

Pourtant, ce n'est pas à cause de Sohan que j'en suis là aujourd'hui mais à cause de lui.

- Bouge, grogne-t-il en m'attrapant fermement le bras.

- Qu'est-ce qui se passe, j'ose demander d'une voix fébrile.

- Je t'ai demandé de l'ouvrir ? m'agresse-t-il en me forçant à le suivre dans les couloirs.

Mon corps se traîne sur le sol comme une vulgaire serpillère, je n'ai pas la force de marcher. 

Les ecchymoses d'hier, lorsqu'il m'a frappé à répétition car je l'avais regardé dans les yeux, sont désormais visibles sur ma peau et me font un mal de chien.

Je ne veux même pas voir mon reflet dans le miroir, je dois être horrible. 

Je ne dors plus, ma faim se coupe dès que je me remémore ses mains sur moi, mon corps est abîmé, fatigué, sans vie. 

J'imagine très bien les cernes creusant mon visage et mon teint pâle me donnant l'air d'un cadavre. 

Même mes cheveux sont dans un état pitoyable, eux d'ordinaire si brillants et doux. 

Ils sont désormais secs, emmêlés et tombent à une vitesse folle, je ne savais même pas que je possédais autant de cheveux.

Dans les couloirs, des alarmes assourdissantes retentissent projetant une lumière rouge en continue. 

Que se passe-t-il ? 

Pourquoi tout le monde a l'air si paniqué ?

Une vingtaine d'hommes armés jusqu'aux cou se ruent vers nous et j'ai un mouvement de recul.

Sohan resserre son emprise sur moi et je frissonne quand les souvenirs me frappent. 

Ses mains se promenant sur mon corps, sa bouche longeant ma clavicule, son corps collé contre le miens me provoquant un haut le cœur. 

Je ferme les yeux et inspire profondément en priant pour que les images disparaissent. 

- Chef, les hommes se dirigent vers le Sud.

- Bloqués toutes les issues, nous allons les encercler, ordonne-t-il à ses hommes. Ces fils de putes ne l'auront pas, chuchote-t-il dans sa barbe.

Qui sont-ils ? 

Que viennent-ils chercher ? 

Nous continuons à marcher d'un pas rapide, l'atmosphère est tendue, tout le monde semble sur les nerfs. 

Les femmes de ménage hurlent de peur et tournent en rond ne sachant pas où se réfugier. 

Des hommes débouchent de toutes les issues, si nombreux, je n'aurais jamais pu imaginer que l'organisation possédait autant d'hommes. 

Tous les visages sont fermés, chacun est à sa place, c'est comme si cela faisait des mois qu'ils se préparaient à cet assaut. 

Quelques secondes plus tard, Sohan appuie sur une des pierres d'un mur et une immense salle s'ouvre devant nous. 

Un petit cri de surprise sort de ma bouche quand je découvre cette pièce dont j'ignorais l'existence.

La salle est gigantesque et comporte des centaines d'ordinateurs diffusant les images des caméras de surveillance. 

À droite, un immense stock d'armes occupe l'espace tandis que des hommes viennent à tour de rôle en chercher une. 

Sohan me pousse à l'intérieur et la porte secrète se referme derrière nous. 

Il me confie à un homme beaucoup plus grand que moi et je déglutis lorsque je croise son regard malsain. 

Il s'éloigne discuter avec ses hommes et me laisse entre les mains d'un autre monstre.

L'homme ne perd pas une seconde pour se frotter à moi et je me retiens pour ne pas vomir.

Concentre toi Kali, imagine que c'est les mains de ta mère qui te serre dans ses bras. 

Ta mère est morte, me rappelle ma conscience. 

Conscience de merde

Je me concentre donc à écouter Sohan parler à l'un de ses hommes :

- Ils sont venus pour elle, s'exclame l'homme en me désignant du menton. 

- C'est lui, demande Sohan la mine affreuse.

Je ne l'ai jamais vu comme ça. 

Ses mains sont moites, son regard froid, ses traits tendus. 

Il danse sur un pied, on dirait presque qu'il est stressé, qu'il a peur ? 

Non ce n'est pas possible, Sohan est un psychopathe, un des plus grands mafieux, qui pourrait lui faire peur ?

- Daemon l'a retrouvé. 

Daemon, son nom me dit quelque chose. 

Je me concentre pour me souvenir à quoi il me fait allusion et mon sang se glace quand les souvenirs me reviennent, me renvoyant à cette nuit-là. 

Du sang, des hommes armés, le corps de ma mère étendu sur le sol, l'odeur de la mort. 

Les détails de cette nuit-là sont, soient si précis que je revis la scène dès que je ferme les yeux, soient tellement flous que je soupçonne des fois le pouvoir de mon imagination. 

Ce soir-là, Sohan n'était pas seul, Daemon était là lui aussi. 

Je ne comprends toujours pas pourquoi tous les deux se trouvaient chez moi.

Mais il n'y a eu qu'un seul vainqueur cette nuit-là. 

Sohan avait déjà tout prévu, il avait un coup d'avance sur Daemon.

Parfois, je me surprends à me demander à quoi aurait ressembler ma vie si je m'étais retrouvée entre les mains de Daemon. 

Aurait-il été pire que Sohan ? 

J'en doute, personne ne peut être plus cruel que lui. 

Mes pensées se perdent sur ce personnage si énigmatique pour moi et je me demande pourquoi tout le monde ici a peur de lui.

Daemon, son nom fait trembler les plus grands mafieux, mais pourquoi ? 

Qu'a-t-il de plus que les autres ? 

Mais avant que je puisse réfléchir à ces questions, le bruit d'une explosion me perce les tympans et mes oreilles saignent de ce retournement de situation. 

Mon corps se retrouve projeté en arrière et ma vue se trouble lorsque ma tête heurte le mur. Un morceau de l'explosion s'écrase sur mon ventre et je hurle de douleur. 

Il me faut plusieurs secondes avant de pouvoir ouvrir les yeux et comprendre ce qui se passe. Les lumières clignotent et de l'électricité vole dans l'air. Ou bien c'est moi qui suis en train de planer. 

Des centaines d'hommes sont à terre, touchés, blessés par cette bombe qui n'était pas prévue. 

Mon corps souffre et je ne peux retenir mes larmes tellement la douleur dans mon abdomen me tire. 

Le sang coule à flot autour de mon corps si fin et je me dis que peut-être, c'est enfin l'heure pour moi de quitter ce monde. Ma prière a été entendu, je vais enfin pouvoir rejoindre ma mère et reposer en paix. 

Mais ce n'était qu'un rêve car peu de temps après, un groupe de soldats entre par le trou crée par la bombe et tire sur tout ce qui bouge. 

Le bruit des mitraillettes se mélange au bruit de souffrance des victimes, c'est un véritable bain de sang. 

Du coin de l'œil, j'aperçois Sohan se protéger derrière ses soldats, n'hésitant pas à les sacrifier pour sauver sa peau. 

Petit à petit, son corps se rapproche du miens et il tente d'analyser la situation. Mon corps est piégé sous ce morceau de débris, je suis incapable de me lever, le sang continu lentement de quitter mon corps. 

Protégé par ses loyaux soldats, il tente une première fois de soulever l'acteur de ma souffrance et je crie en sentant ma blessure se creuser un peu plus. 

C'est trop lourd, il n'y arrivera pas. 

Je préfère encore mourir lentement ici que devoir le suivre et que ce cauchemar continu.

Son regard inspecte la pièce, ce qu'il en reste, il a peur, sa respiration est saccadée. 

Il continu de me tirer et la douleur ma rappelle que je suis en vie.

Plus les secondes passent, et plus je sens mon corps devenir de plus en plus faible. 

D'un coup, les mouvements de Sohan se stoppent et ses yeux s'agrandissent d'horreur. 

Je suis son regard pour voir ce qui peut le rendre si vulnérable et mon cœur rate un battement quand je le vois. 

Il est là, devant moi, Daemon Cole nous fixe. 

Son visage est caché par la cendre et sa lèvre inférieure est écorchée.

Ses yeux se posent ensuite sur moi, sur mon corps abimé, mon visage vide d'émotions. 

Nos yeux sont aimantés l'un à l'autre et l'idée de peut-être échapper à Sohan me redonne un léger espoir. 

Peut-être que ma vie va pouvoir recommencer, peut-être est-ce enfin l'heure pour moi de reprendre une vie normale ?

Sohan profite de cet arrêt sur image pour prendre la fuite et Daemon ordonne à ces hommes de le rattraper et de le tuer.

Autour de nous, le bruit du combat se fait de moins en moins bruyant et je distingue les hommes de Sohan tomber un à un. 

Tranquillement, comme si une guerre ne se déroulait pas juste sous ses yeux, à quelques centimètres de lui, Daemon s'approche de moi, son regard est froid. 

Sa main, aussi glaciale que son regard, descend le long de ma hanche et un frisson me parcourt le corps à ce contact. 

Il déchire un bout de son tee-shirt et appuie sur ma blessure, stoppant l'hémorragie. 

Ma tête tourne à cause de tout ce sang et je sens des gouttes perler mon front.

Il étudie la source du problème et je regarde ses sourcils se froncer quand il remarque le poids du débris. 

Mes yeux se concentrent sur son visage, la seule chose que je suis capable de faire. 

À lui aussi, ses traits sont tirés, il faut dire que réussir à trouver la planque de Sohan et ensuite s'introduire dedans n'a pas dû être une tâche facile.

- Ne me regarde pas comme si j'étais t

on ange gardien, dit-il froidement. Tu as juste quitté un monstre pour un encore pire, dit-il avant de tirer avec force le débris qui me coupait le souffle.

Ses mots cruels sont les derniers sons résonnant dans ma tête avant que je ne m'évanouisse, ne supportant plus la douleur.