Yersinia pestis…Le fléau de Dieu qui décima le monde au milieu du quatorzième siècle, tuant la moitié de la population européenne, était revenu d’entre les morts, tel le fantôme d’une horrible Némésis s’incarnant pour une autre guerre contre les hommes.Bien sûr, de nos jours, les moyens de le combattre existaient et la pandémie serait vite stoppée. Mais ce n’était pas ça le plus important, pensait Robert Taggert tandis que la maquilleuse achevait de le préparer. Le plus important était d’y voir un signe de Dieu.– Nous serons à l’antenne dans trois minutes révérend ! lança un assistant par la porte entrebâillée.Taggert se leva, s’admira un instant dans la glace, puis, sans un regard en arrière, quitta la loge.Depuis sa dernière apparition télévisée, sa côte avait amplement monté auprès du public américain, ses propos ayant trouvé un écho bien au-delà de l’habituel cercle des radicaux et autres intégristes qui le suivaient religieusem
Marine One, l’hélicoptère dévolu au transport du président des États-Unis d’Amérique, se posa délicatement sur la grande pelouse sud de la Maison-Blanche. L’échelle de bord fut descendue tandis que l’équipage coupait les moteurs, puis un Marine en grande tenue sortit et vint se placer au garde-à-vous juste à côté de la porte d’embarquement.À deux cents mètres de là, l’agent du Secret Services Japhet Negron s’arrêta un instant pour consulter sa montre ; il disposait de quinze minutes avant l’arrivée du président - que l’hélicoptère devait emmener sur la base aérienne d’Andrews où l’attendait Air Force One pour un voyage sur la côte ouest des États-Unis.Negron se dirigea vers le Marine, à qui il montra son badge, puis grimpa à bord de l’appareil.– Agent Negron, Secret Service, inspection de routine, lança-t-il au steward qui mettait une dernière touche à la cabine.Negron se présenta ensuite aux pilotes avant de poursuivre son examen des lieux
Prison secrète de Stare Kiejkuty, Pologne…L’un des plus importants sites noirs de la CIA se trouve à deux cents kilomètres au nord de Varsovie, en pleine nature, coincé entre un lac aux eaux sombres et une immense forêt s’étalant sur des centaines de kilomètres à la ronde.On dit que les fantômes des prisonniers décédés hantent les bois et que les villageois des bourgs voisins n’osent plus sortir la nuit tombée, mais cela n’impressionnait guère Milos Dranic. Américain d’origine slave, Dranic émargeait à la CIA depuis une décennie et était en charge de l’interrogatoire des prisonniers secrets gardés en Pologne. Habituellement, ceux qu’il questionnait étaient des terroristes, ou présumés tels, des Afghans, Libyens, Somaliens, Irakiens ou encore Libanais. Rarement des occidentaux, encore moins des Américains. Mais celui qu’il visitait aujourd’hui appartenait à cette dernière catégorie. Bien entendu, on ne lui en avait pas dit plus. Il devait just
New York, quartier du Bronx…Zed sortit de l’hôtel tous ses sens en alerte. Il portait son gros sac à dos rempli de toutes ses affaires, car il ne reviendrait pas. Son départ précipité avait une raison : quelque chose se passait au sein de la Communauté. Quelque chose de très inquiétant.Il y avait encore moins d’une heure, il était connecté avec l’un des Neuf, Gizmo, qui vivait à Paris. Ils cherchaient tous les deux une solution pour faire sortir Angela et son compagnon de France lorsque la connexion avait été brutalement interrompue. Il avait immédiatement fait les vérifications nécessaires pour s’apercevoir que ce n’était dû à aucun problème technique. Il avait ensuite tenté de contacter les autres membres. En vain.Un tel événement n’était jamais arrivé depuis la création de leur groupe. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : ses huit camarades venaient de se faire arrêter, et si lui était encore en liberté, c’était uniquement parc
Paris…Angela se réveilla en sursaut. Une horrible sensation lui déchirait la poitrine. Elle venait de rêver de Zed.Non, pas un rêve, c’était…autre chose. Comme un appel au secours. Elle n’avait jamais ressenti ça auparavant.Fébrilement, elle tâtonna pour allumer la veilleuse et regarda machinalement sa montre.Deux heures du matin.La sensation de malaise concernant Zed ne s’effaçait pas ; il lui était arrivé quelque chose, elle en était certaine.Elle se leva et s’habilla rapidement, puis sortit sur le palier et alla frapper à la porte de Noa. Ce dernier ouvrit presque immédiatement.– Insomnie vous aussi ? lança-t-il d’un air fatigué.– Non, je dormais, mais je…– Entrez.– Et dire qu’on ne peut même pas le contacter.– Mais on peut aller voir sur sa boîte s’il a laissé un message à votre intention.– Il y a un accès Internet dans le hall de l’hôtel.– Allons-y ! Nous prendrons
Le flot furieux les traîna sur deux kilomètres avant de les relâcher dans une zone plus calme. Noa tira Angela sur la grève et l’allongea délicatement sur le dos. Elle avait la peau bleutée et ne respirait plus. Fébrilement, il ouvrit son anorak et déchira sa chemise pour lui dégager le torse. Il colla son oreille sur sa poitrine. Pas de pouls !Noa sentit la panique monter en lui mais se reprit immédiatement. Il colla ses lèvres aux siennes et fit cinq insufflations en lui pinçant le nez, puis entreprit un massage cardiaque. Trente fois, il pressa fortement sur son plexus à un rythme rapide, avant de reprendre le bouche-à-bouche – cette fois, deux insufflations – puis il recommença le cycle.Noa s’activait, le temps passait, mais Angela ne revenait pas à la vie. Il sentit le désespoir l’envahir. Ils étaient seuls, en pleine montagne, avec des tueurs lancés à leurs trousses.Et Angela était en train de mourir.La conscience d’Angela n’é
L’armée américaine était sur le pied de guerre.Dans chaque port de la côte Est, les préparatifs allaient bon train. Les porte-avions USS Bush, Roosevelt, Kitty Hawk, Lincoln, Truman et Constellation, étaient chargés en carburant aviation, vivres, armements, ainsi que les six navires d’assaut des Marines qui les accompagneraient pour déverser les troupes au sol et les navires d’escorte chargés de les protéger.Sur les bases aériennes, les chasseurs et les bombardiers étaient préparés, alimentés en kérosène, équipés en bombes et missiles tandis que les équipages définissaient les objectifs, choisissaient les axes d’attaque, calculaient les consommations et les points de ravitaillement.Les unités mécanisées de l’armée de terre se préparaient aussi et commençaient à se diriger vers les ports pour être embarquées.Au total, près de deux cent mille hommes s’apprêtaient à partir au combat.Le Congrès avait voté non seulement la guerre, mais un budg
Quelque part dans les Alpes suisses…Angela reposait sur un lit ancien, dans une pièce sombre, éclairée par une unique petite fenêtre à carreaux. Les draps de coton blanc, ainsi qu’une épaisse couverture de laine, étaient remontés jusqu’à son cou pour la maintenir au chaud. Le montagnard suisse qui les avait recueillis les avait amenés dans son chalet et leur avait offert la chambre d’amis, située à l’étage, sous les combles.Depuis vingt quatre heures, Noa veillait sur elle, lui tenant la main et, régulièrement, lui caressant les cheveux de l’autre, lui parlant doucement, mais Angela restait sans connaissance. Elle semblait plongée dans un profond coma, et, bien que ses fonctions vitales soient revenues, Noa craignait que son cerveau n’ait été endommagé par le manque d’oxygène. Malheureusement, il ne pouvait pas la conduire à l’hôpital avec la Mano Nera sur leurs traces. Mais si elle ne reprenait pas conscience très vite, il n’aurait plus
Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, un an plus tard…Il faisait nuit. Angela était dehors, sur la terrasse de leur magnifique chalet perdu en pleine montagne, à deux heures de route sinueuse de la première ville.La jeune femme était sortie pour contempler les étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne venait troubler, de sorte que le ciel était d’une densité extraordinaire, un véritable océan d’astres sur lequel la Voie Lactée se détachait tel un ruban céleste.Par la porte coulissante laissée ouverte, elle entendait le son de la télévision que Noa regardait encore.Le flash spécial qui passait en boucle depuis des heures sur les chaines du monde entier, annonçait une nouvelle absolument unique dans l’histoire humaine : le dernier conflit de la planète venait de prendre fin.Après des millénaires de guerre et de barbarie, le monde, l’humanité, était enfin en paix.Noa éteignit la télé et sortit rejoindre sa compagn
Le président Pennet marchait d’un pas nerveux dans le bureau ovale pendant qu’il parlait au téléphone avec Karl Urban. Ce dernier écumait d’une rage froide, lançant des mots aussi tranchants à l’encontre de l’occupant de la Maison-Blanche que l’étaient les scalpels qu’il utilisait pour ses exécutions, mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Pennet. Ce dernier s’arrêtait toutes les dix secondes pour regarder, par les hautes fenêtres, la scène qui se déroulait devant les grilles de la Maison-Blanche, là où une foule de plus en plus nombreuse s’agglutinait. Malgré la distance, il était clair que les barrières, sous la pression, commençaient à céder. Dans les jardins, les membres des Services Secrets couraient en tous sens mais c’est leur chef – un grand gaillard nommé Jeffrey Cooper - qui fit irruption dans son bureau. Étrangement, il était parfaitement calme.– Monsieur le Président, nous allons vous évacuer. Suivez-moi je vous prie.Le ton était posé, mais ferme. Un
Le porte-avions USS Georges H.W. Bush, accompagné des croiseurs et destroyers de son groupe d’escorte, fendait les flots à pleine vitesse vers le détroit de Gibraltar. Les cinq autres groupes de combat, ainsi que les navires d’assaut des Marines, suivaient à quelques milles de distance, échelonnés en file indienne.La plus grande force aéronavale depuis la Seconde Guerre mondiale, approchait de la mer Méditerranée.Le commandant de l’armada, l’amiral Necker, était à la passerelle du Georges Bush et observait l’horizon à la jumelle. Les premiers rapports de vol des avions de reconnaissance, faisaient état d’une flottille hétéroclite de bateaux commençant à boucher l’entrée du détroit de Gibraltar. Apparemment, d’après les analystes qui scrutaient les nombreuses photographies aériennes prises ces dernières heures, ils n’étaient pas armés.– Amiral, nous avons un problème !L’officier en chef des services de renseignements du bord, un capitaine de
Deux heures avaient passé depuis la fin de la méditation. Le jour s’était levé mais ils ne s’en étaient même pas aperçus ; depuis ce temps, ils scrutaient fiévreusement leurs écrans, passant d’un site de chaîne d’info à un autre, en attente de quelque chose - un acte, un événement significatif - qui démontrerait un basculement des consciences.Le premier fait marquant apparut à Calcutta, en Inde, lorsqu’une télé locale relata qu’une foule qui grossissait de minute en minute, s’était massée devant le consulat américain, scandant des slogans de paix. Davis laissa l’un des portables branché sur le site en question tandis qu’il surfait avec l’autre. Et il tomba sur un deuxième fait : la même chose se produisait à New Delhi devant l’ambassade US. Puis, un de ses collègues à Princeton lui envoya un lien vers une télévision locale brésilienne, à Rio de Janeiro. Là aussi, une foule énorme avait envahi les rues autour de l’ambassade américaine. Mais le plus étrange, était l
Cinq heures vingt minutes du matin, à Mac Leod Ganj…Malgré l’heure matinale, il y avait foule dans le temple, dans les rues adjacentes ainsi que dans le village et même sur la route y conduisant. Non seulement tous les moines de la région avaient rejoint le temple bouddhiste pour la Grande Méditation, mais également les habitants des villages alentour et une bonne partie de ceux de Dharamsala. L’instant de la méditation arrivant – il serait minuit, heure de Greenwich, dans dix minutes - tout le monde s’était assis en silence, certains directement sur les routes et chemins menant au temple.Angela et Noa s’étaient joints aux moines dans le monastère, ainsi que Foller.Davis, lui, était installé à un bureau de fortune dressé dans un coin de la salle principale, ses deux ordinateurs portables connectés au Pearl Lab via une liaison Skype, et un téléphone satellite à portée de main. Il observait les méditants qui se préparaient à cet instant unique da
Le porte-parole du Dalaï Lama, aidé par Adam Foller et ses nombreux contacts, fit venir en un temps record deux équipes de télévisions indiennes à Dharamsala. Les correspondants des grands groupes de presse occidentaux siégeant à Delhi furent également contactés, mais, étrangement, ils refusèrent de venir.Apparemment, le message d’un homme de paix en ces temps de guerre, n’était pas le bienvenu. Cela ne surprit guère Noa, qui savait parfaitement comment fonctionnait le système. Les grands groupes de presse étaient aux ordres et participaient à la mascarade.Qu’à cela ne tienne, il y avait d’autres solutions. Davis lança la nouvelle sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la nouvelle devint virale et fit le tour de la planète Internet : les deux journalistes qui avaient annoncé la venue de Ö étaient avec le Dalaï Lama.Et ils avaient une solution pour stopper la guerre.Les caméras avaient été installées sur la terrasse extér
Dharamsala, État de l’Himachal Pradesh, Inde du Nord…Le voyage avait duré plus de vingt heures et Angela se sentait exténuée. Après tout, il y a peu, elle était encore morte et sa résurrection lui avait laissé quelques séquelles en terme de fatigue. Le jet de Foller les avait déposés à Delhi, d’où ils avaient pris un avion à hélice qui les avait ensuite conduits à Gagal, l’aérodrome de Dharamsala. De là, un taxi les avait emmenés dans un petit village au nord de la ville indienne qui dominait la vallée de Kangra, plus précisément à Mc Leod Ganj, lieu de villégiature des bouddhistes en exil et de leur chef suprême, le Dalaï Lama.Le taxi les avait déposés au centre et depuis, ils poursuivaient à pied sur un chemin sinuant au beau milieu d’une multitude de maisons blanches, vertes, bleues, ocre et jaunes, toutes à plusieurs étages, s’accrochant à flanc de colline au sein d’une verdure aussi exubérante que chatoyante. Tout autour, des centaines de fanions
Base navale de Norfolk, Virginie…Les six porte-avions quittèrent leurs quais à dix minutes d’intervalle, poussés par de puissants remorqueurs qui les aidèrent à déhaler des pontons. Les deux cent soixante mille chevaux de leurs turbines alimentées par les réacteurs nucléaires Westinghouse prirent le relais, ébranlant les lourds navires sur la James River.Sur les ponts, les équipages, en grande tenue, étaient alignés au cordeau afin de saluer la foule immense. Car toute la population de la région était venue assister au départ et s’était massée sur les rives, les plages et même les ponts de la baie de Chesapeake - qui avaient été fermés à la circulation pour l’occasion. Les sirènes de bord firent retentir leurs hurlements gutturaux, auxquels répondirent les cris et les encouragements des spectateurs tandis que dans le ciel, le ballet des hélicoptères des chaînes de télévision battait son plein.La fanfare de la garde nationale avait
Université de Princeton…Le docteur Richard Madison résidait quelques rues plus loin, de sorte qu’ils furent chez lui en peu de temps.Davis tambourina à la porte qui ne tarda pas à s’ouvrir sur un homme dans la soixantaine, vêtu d’un jean et d’une chemise bleu clair. Son épaisse chevelure poivre et sel lui donnait un air juvénile, que renforçait le large sourire qu’il afficha lorsqu’il reconnut Davis.– Brad ! Que me vaut le plaisir ?– Docteur Madison, désolé de vous déranger à l’improviste, mais nous avons besoin de votre aide.Madison les fit entrer et les installa dans son salon. Davis fit les présentations, suivi d’un résumé exhaustif de la situation.– Je crois savoir pourquoi vous êtes venus me trouver, Brad, fit le scientifique.– Vous pensez à la même chose que moi ?– Oui. La méditation.– Le docteur Richard Madison est professeur de psychologie et de psychiatrie à l’université de Prin