Cité du Vatican, palais du gouvernement…Celui que l’on surnommait « le Pape Noir », entra d’une démarche majestueuse dans la vaste salle de réunion réservée aux membres de l’Opus Sanctorum, sa robe sombre effleurant le sol. Six cardinaux, tous professeurs de théologie, l’attendaient en devisant passionnément autour de la longue table en chêne patinée par les ans qui meublait le centre de la pièce. Ils se turent instantanément à son arrivée.À soixante ans passés, Mgr Francisco de Torquemada possédait une aura de puissance toujours aussi éclatante, et lorsqu’il pénétrait dans une pièce, les conversations baissaient en général d’un cran. Il était l’incarnation même de la puissante Église catholique romaine et n’hésitait pas à en faire un usage immodéré si les circonstances l’exigeaient.Un autre homme entra à sa suite, d’une envergure plus discrète, ce qui allait parfaitement à sa fonction puisqu’il dirigeait les services secrets du Vatic
QG de la N.S.A, à Fort Meade, État américain du Maryland…Au sein de l’un des deux immenses cubes d’acier et de verre teinté abritant les vingt mille employés de la plus grande agence de collecte de renseignements au monde, se trouve une petite salle très spéciale. Située à l’extrémité ouest de la grande salle d’analyse numéro trois, dédiée à la surveillance du continent sud-américain, elle abrite le RAW, ou Réseau Advent Watcher.Si le Christ revenait parmi les hommes, quel moyen utiliserait-il pour faire connaître son message ?Le web, assurément.Le RAW est né de cette imparable constatation.Placé directement sous mandat présidentiel, son but était de permettre aux instances dirigeantes du pays, d’anticiper le Second Avènement, cause supposée de bouleversements peu favorables à la gouvernance et aux affaires.Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une équipe d’une dizaine de théologiens guettait et analysait tout
Ciudad Juarez…Angela trempa les lèvres dans son café – froid -, fit la grimace en reposant la tasse et se frotta les yeux. Cela faisait plus de trois heures qu’elle travaillait à son article et son corps montrait des signes de fatigue.Elle s’étira, puis laissa son regard errer alentour.La pièce était à peu près en ordre. Pas moins d’une heure entière avait été nécessaire pour effacer toutes traces du cambriolage – ou plutôt, de la fouille en règle de son appartement – qu’elle avait eu la très mauvaise surprise de découvrir en rentrant chez elle, en fin de journée. Bizarrement, on ne lui avait rien volé. Outre le fait que des inconnus s’étaient introduits chez elle, cela la mettait mal à l’aise. Dans un pays où n’importe quoi avait une valeur marchande, ne rien emporter dénotait un professionnalisme qui lui faisait froid dans le dos. Nul doute qu’on lui faisait par là même passer un message. Non seulement elle était sous étroite survei
Salle du RAW, QG de la NSA…– Monsieur, j’ai quelque chose par ici, venez voir !David Deckard se précipita tandis que Mattew Foster se remettait à pianoter sur son clavier.Le chef du RAW tira une chaise pour s’asseoir auprès de son subordonné. Autour d’eux, les dix postes d’analyse étaient occupés, tous les membres du Réseau ayant été rappelés d’urgence.– Regardez ce que je viens de trouver…Foster désignait un message sur son écran :« Les Saigneurs du Monde… Leur pouvoir terrestre est sans limite. Vos lois ne les concernent pas car ils sont au-dessus des hommes. C’est aussi leur faiblesse. Car ils ne peuvent changer les lois de la nature ; hommes ils sont, hommes ils resteront. Leur faillibilité est à la hauteur de leur arrogance. Celui que tu cherches est un des gouvernants. C’est un serviteur de Celui qui nie le Père et le Fils. Il a marqué la suppliciée de son sceau, et son sceau est celui du Calomniateur. Pr
Londres, The Guardian…Noa Stevenson pénétra dans la grande salle de rédaction parsemée de box où régnait l’agitation fébrile des dernières heures de bouclage. Il salua plusieurs de ses collègues d’un vague coup de tête en la traversant, restant bien attentif à ne pas se laisser déconcentrer. Il avait parfaitement conscience que ce qu’il s’apprêtait à faire était difficile. Harold Ramis, le rédacteur en chef, était réputé pour son opiniâtreté, sa dureté et son sens implacable de la logique. Malgré la décision qu’il avait prise, Noa n’était pas certain d’avoir le dernier mot. Il n’était pas sûr non plus, dans le cas où les choses tourneraient mal, d’être prêt à renoncer à sa carrière.Noa frappa à la porte vitrée et entra sans attendre d’y être invité. Ramis trônait derrière son bureau débordant de dossiers. Il mit brutalement fin à une conversation téléphonique et leva les yeux.– Noa… content de te voir.– Harold.– Assied
Cuzco, Pérou…Le Boeing de British Airways se posa à seize heures locales. Dès sa descente d’avion, Noa s’aperçut de l’atmosphère inhabituelle qui régnait dans le terminal. L’aérogare était bondée et une sorte de fébrilité générale semblait avoir saisi la plupart des voyageurs. Noa s’inséra dans la file pour les services d’immigration. L’attente fut longue en raison de l’afflux de gens et du manque de personnel. Il récupéra enfin ses bagages, passa la douane et se dirigea vers la sortie. Il monta dans le premier taxi venu et indiqua l’hôtel Ambassador. Le chauffeur était un homme plutôt jeune, d’un abord convivial. En même temps qu’il insérait son véhicule dans le flot de la circulation avec un art consommé de la conduite en zone urbaine dense, il entama la conversation.– Vous êtes ici pour l’apparition, Señor ?– C’est à cause de ça, tous ces gens ?– Si, beaucoup de pèlerins viennent ici depuis deux jours. J’ai un
Washington, bâtiment du bureau exécutif Eisenhower…Situé dans la Dix-Septième Rue, juste à côté de l’aile ouest de la Maison-Blanche, le BBEE est un bâtiment de quatre étages construit dans un style Second Empire français. Il abrite différentes agences qui forment le bureau exécutif du président des États-Unis, tel que le bureau de cérémonie du vice-président et celui du National Security Council (NSC) ou conseil national de sécurité. Construit il y a plus d’un siècle - entre 1871 et 1888 très exactement -, le BBEE est un lieu chargé d’histoire au sein duquel beaucoup d’évènements importants se déroulèrent. Cependant, si tous les personnages illustres qui y participèrent, pouvaient savoir ce qui allait s’y tramer en cette soirée, nul doute que nombre d’entre eux se retourneraient dans leur tombe. C’est en tout cas ce que pensa David Deckard en descendant de sa voiture devant l’auguste bâtiment.La nuit était tombée ; le chef du R
Juarez…Les locaux modernes du palais de justice, d’un blanc presque immaculé, respiraient autant la pureté que l’efficacité. Plusieurs dizaines de bureaux clos de portes vitrées donnaient directement sur un long couloir central, de telle sorte que chaque visiteur de passage ou bien en attente d’un rendez-vous, pouvait voir la mécanique bien huilée d’agents zélés de l’État en plein travail. Mais ce n’était qu’une apparence trompeuse.Angela patientait depuis bientôt une heure dans une salle d’attente attenante au couloir lorsque l’assistant du procureur vint enfin à sa rencontre. À sa mine, elle sut tout de suite que quelque chose n’allait pas. Elle se leva de son siège et s’avança vers lui. Le jeune homme eut une moue contrariée.– Señora de la Vega, je suis désolé, mais… monsieur le procureur général ne pourra pas vous recevoir.– Est-ce qu’il a trop de travail, ou bien est-ce une fin de non-recevoir, répondit-elle
Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, un an plus tard…Il faisait nuit. Angela était dehors, sur la terrasse de leur magnifique chalet perdu en pleine montagne, à deux heures de route sinueuse de la première ville.La jeune femme était sortie pour contempler les étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne venait troubler, de sorte que le ciel était d’une densité extraordinaire, un véritable océan d’astres sur lequel la Voie Lactée se détachait tel un ruban céleste.Par la porte coulissante laissée ouverte, elle entendait le son de la télévision que Noa regardait encore.Le flash spécial qui passait en boucle depuis des heures sur les chaines du monde entier, annonçait une nouvelle absolument unique dans l’histoire humaine : le dernier conflit de la planète venait de prendre fin.Après des millénaires de guerre et de barbarie, le monde, l’humanité, était enfin en paix.Noa éteignit la télé et sortit rejoindre sa compagn
Le président Pennet marchait d’un pas nerveux dans le bureau ovale pendant qu’il parlait au téléphone avec Karl Urban. Ce dernier écumait d’une rage froide, lançant des mots aussi tranchants à l’encontre de l’occupant de la Maison-Blanche que l’étaient les scalpels qu’il utilisait pour ses exécutions, mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Pennet. Ce dernier s’arrêtait toutes les dix secondes pour regarder, par les hautes fenêtres, la scène qui se déroulait devant les grilles de la Maison-Blanche, là où une foule de plus en plus nombreuse s’agglutinait. Malgré la distance, il était clair que les barrières, sous la pression, commençaient à céder. Dans les jardins, les membres des Services Secrets couraient en tous sens mais c’est leur chef – un grand gaillard nommé Jeffrey Cooper - qui fit irruption dans son bureau. Étrangement, il était parfaitement calme.– Monsieur le Président, nous allons vous évacuer. Suivez-moi je vous prie.Le ton était posé, mais ferme. Un
Le porte-avions USS Georges H.W. Bush, accompagné des croiseurs et destroyers de son groupe d’escorte, fendait les flots à pleine vitesse vers le détroit de Gibraltar. Les cinq autres groupes de combat, ainsi que les navires d’assaut des Marines, suivaient à quelques milles de distance, échelonnés en file indienne.La plus grande force aéronavale depuis la Seconde Guerre mondiale, approchait de la mer Méditerranée.Le commandant de l’armada, l’amiral Necker, était à la passerelle du Georges Bush et observait l’horizon à la jumelle. Les premiers rapports de vol des avions de reconnaissance, faisaient état d’une flottille hétéroclite de bateaux commençant à boucher l’entrée du détroit de Gibraltar. Apparemment, d’après les analystes qui scrutaient les nombreuses photographies aériennes prises ces dernières heures, ils n’étaient pas armés.– Amiral, nous avons un problème !L’officier en chef des services de renseignements du bord, un capitaine de
Deux heures avaient passé depuis la fin de la méditation. Le jour s’était levé mais ils ne s’en étaient même pas aperçus ; depuis ce temps, ils scrutaient fiévreusement leurs écrans, passant d’un site de chaîne d’info à un autre, en attente de quelque chose - un acte, un événement significatif - qui démontrerait un basculement des consciences.Le premier fait marquant apparut à Calcutta, en Inde, lorsqu’une télé locale relata qu’une foule qui grossissait de minute en minute, s’était massée devant le consulat américain, scandant des slogans de paix. Davis laissa l’un des portables branché sur le site en question tandis qu’il surfait avec l’autre. Et il tomba sur un deuxième fait : la même chose se produisait à New Delhi devant l’ambassade US. Puis, un de ses collègues à Princeton lui envoya un lien vers une télévision locale brésilienne, à Rio de Janeiro. Là aussi, une foule énorme avait envahi les rues autour de l’ambassade américaine. Mais le plus étrange, était l
Cinq heures vingt minutes du matin, à Mac Leod Ganj…Malgré l’heure matinale, il y avait foule dans le temple, dans les rues adjacentes ainsi que dans le village et même sur la route y conduisant. Non seulement tous les moines de la région avaient rejoint le temple bouddhiste pour la Grande Méditation, mais également les habitants des villages alentour et une bonne partie de ceux de Dharamsala. L’instant de la méditation arrivant – il serait minuit, heure de Greenwich, dans dix minutes - tout le monde s’était assis en silence, certains directement sur les routes et chemins menant au temple.Angela et Noa s’étaient joints aux moines dans le monastère, ainsi que Foller.Davis, lui, était installé à un bureau de fortune dressé dans un coin de la salle principale, ses deux ordinateurs portables connectés au Pearl Lab via une liaison Skype, et un téléphone satellite à portée de main. Il observait les méditants qui se préparaient à cet instant unique da
Le porte-parole du Dalaï Lama, aidé par Adam Foller et ses nombreux contacts, fit venir en un temps record deux équipes de télévisions indiennes à Dharamsala. Les correspondants des grands groupes de presse occidentaux siégeant à Delhi furent également contactés, mais, étrangement, ils refusèrent de venir.Apparemment, le message d’un homme de paix en ces temps de guerre, n’était pas le bienvenu. Cela ne surprit guère Noa, qui savait parfaitement comment fonctionnait le système. Les grands groupes de presse étaient aux ordres et participaient à la mascarade.Qu’à cela ne tienne, il y avait d’autres solutions. Davis lança la nouvelle sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la nouvelle devint virale et fit le tour de la planète Internet : les deux journalistes qui avaient annoncé la venue de Ö étaient avec le Dalaï Lama.Et ils avaient une solution pour stopper la guerre.Les caméras avaient été installées sur la terrasse extér
Dharamsala, État de l’Himachal Pradesh, Inde du Nord…Le voyage avait duré plus de vingt heures et Angela se sentait exténuée. Après tout, il y a peu, elle était encore morte et sa résurrection lui avait laissé quelques séquelles en terme de fatigue. Le jet de Foller les avait déposés à Delhi, d’où ils avaient pris un avion à hélice qui les avait ensuite conduits à Gagal, l’aérodrome de Dharamsala. De là, un taxi les avait emmenés dans un petit village au nord de la ville indienne qui dominait la vallée de Kangra, plus précisément à Mc Leod Ganj, lieu de villégiature des bouddhistes en exil et de leur chef suprême, le Dalaï Lama.Le taxi les avait déposés au centre et depuis, ils poursuivaient à pied sur un chemin sinuant au beau milieu d’une multitude de maisons blanches, vertes, bleues, ocre et jaunes, toutes à plusieurs étages, s’accrochant à flanc de colline au sein d’une verdure aussi exubérante que chatoyante. Tout autour, des centaines de fanions
Base navale de Norfolk, Virginie…Les six porte-avions quittèrent leurs quais à dix minutes d’intervalle, poussés par de puissants remorqueurs qui les aidèrent à déhaler des pontons. Les deux cent soixante mille chevaux de leurs turbines alimentées par les réacteurs nucléaires Westinghouse prirent le relais, ébranlant les lourds navires sur la James River.Sur les ponts, les équipages, en grande tenue, étaient alignés au cordeau afin de saluer la foule immense. Car toute la population de la région était venue assister au départ et s’était massée sur les rives, les plages et même les ponts de la baie de Chesapeake - qui avaient été fermés à la circulation pour l’occasion. Les sirènes de bord firent retentir leurs hurlements gutturaux, auxquels répondirent les cris et les encouragements des spectateurs tandis que dans le ciel, le ballet des hélicoptères des chaînes de télévision battait son plein.La fanfare de la garde nationale avait
Université de Princeton…Le docteur Richard Madison résidait quelques rues plus loin, de sorte qu’ils furent chez lui en peu de temps.Davis tambourina à la porte qui ne tarda pas à s’ouvrir sur un homme dans la soixantaine, vêtu d’un jean et d’une chemise bleu clair. Son épaisse chevelure poivre et sel lui donnait un air juvénile, que renforçait le large sourire qu’il afficha lorsqu’il reconnut Davis.– Brad ! Que me vaut le plaisir ?– Docteur Madison, désolé de vous déranger à l’improviste, mais nous avons besoin de votre aide.Madison les fit entrer et les installa dans son salon. Davis fit les présentations, suivi d’un résumé exhaustif de la situation.– Je crois savoir pourquoi vous êtes venus me trouver, Brad, fit le scientifique.– Vous pensez à la même chose que moi ?– Oui. La méditation.– Le docteur Richard Madison est professeur de psychologie et de psychiatrie à l’université de Prin