Le Boeing 767 d’American Airlines se posa à La Guardia à seize heures trente locales. Les formalités d’usage expédiées, Angela se rua vers la sortie et sauta dans le premier taxi venu.New York…À chacune de ses visites, cette ville la surprenait toujours autant, par sa démesure mais aussi par sa diversité. Angela eut tout le loisir d’admirer ce paysage urbain unique au monde durant le trajet vers le domicile de William Hartigan, et peut-être plus spectaculairement encore, lorsque le taxi emprunta le pont de Queensboro pour rejoindre la presqu’île de Manhattan. Vus de loin, les gratte-ciel découpaient leur géométrie élancée sur le bleu azur du ciel d’automne, dépassant telles de gigantesques flèches – ode à quelque moderne dieu urbain - la masse moins élevée et plus désordonnée de la ville. Le chauffeur eut le bon goût de prendre Franklin Roosevelt Drive au lieu de la 5e avenue passant en plein centre et toujours bou
Le Boeing 767 d’American Airlines où avait pris place Angela, se posa le lendemain à quinze heures sur l’aéroport de Burbank, à Los Angeles.Dès son arrivée dans l’aérogare, la journaliste se rendit au comptoir d’Easy Car. Les formalités remplies, elle alla récupérer son véhicule sur un vaste parking. Le préposé lui remit les clés. Quelques instants plus tard, elle engagea sa Ford Focus sur la nationale 5, en direction du sud. La circulation était fluide, il ne lui fallut que quelques minutes pour traverser Burbank et rejoindre l’intersection avec la 101 qu’elle suivit sur une douzaine de kilomètres avant d’arriver dans Studio City et de prendre sur Laurel Canyon. Elle roula vers le sud, en direction de West Hollywood. Le boulevard serpentait entre des collines à la végétation clairsemée, aux habitations espacées. Elle s’arrêta enfin devant l’adresse indiquée par Zed. Il s’agissait d’une maison de style moderne, basse, pour autant qu’elle puisse en voir, car elle é
Washington, bâtiment du bureau exécutif Eisenhower, huit heures locales du matin…Le comité Majestic était en réunion plénière au sein de la Situation Room. Chacun des membres présents arborait une mine grave, car il était clair pour ces éminents personnages que le quatrième message de Ö aurait des conséquences bien plus dramatiques que les précédents. Cela avait d’ailleurs déjà commencé. David Deckard fut le premier à prendre la parole.– Madame, messieurs, cette nuit, à zéro heure, temps de Greenwich, des messages électroniques signés Ö ont commencé à être diffusés dans le monde entier suivant le même protocole que les précédents. À la différence notable, que, cette fois, une pièce jointe de trente pages y était attachée.Deckard enfonça une touche sur son ordinateur portable et la première page de la pièce jointe s’afficha sur l’écran mural. On pouvait y lire une liste de cent noms – tous des personnalités appartenant au monde de la p
New York, salle de rédaction du Times…Angela et William pénétrèrent dans les locaux du célèbre journal en milieu de matinée. La spacieuse salle de rédaction respirait l’atmosphère des grands jours. Il y avait de l’énergie dans l’air, de l’excitation sur les visages. Une bonne cinquantaine de journalistes étaient pendus à leurs écrans, observant d’un œil à la fois critique et caustique le porte-parole de la Maison-Blanche se démener sous les assauts de leurs confrères de Washington. La conférence de presse avait été organisée à l’initiative du gouvernement dans le courant de la matinée. Le but était de couper court à une rumeur se propageant sur la Toile comme une traînée de poudre, rumeur qui ne tarderait pas à déborder le cadre d’Internet pour essaimer dans la presse, tout le monde en était conscient.Malheureusement pour la Maison-Blanche, les médias commençaient à prendre l’affaire très au sérieux, surtout depuis que la Communauté - éle
Pérou, quelque part dans la cordillère des Andes…Cela faisait maintenant trois jours que Noa et le père Jacinto avaient quitté le site du Macchu Pichu, marchant sans discontinuer sur des chemins escarpés sinuant à flanc de montagne. La première journée, ils avaient croisé nombre de randonneurs à pied lancés sur les habituels treks touristiques. Puis, le padre avait bifurqué sur une piste encore plus étroite que les autres, l’une de celles empruntées jadis par les courriers Incas qui s’enfonçait droit vers le cœur de la cordillère et ils n’avaient plus rencontré personne.Ils avaient passé la première nuit à plus de quatre mille mètres d’altitude dans une grotte étroite et humide, sans autre source de chaleur que le petit réchaud apporté par le prêtre. Heureusement, les sacs de couchage étaient de bonne qualité, leur procurant confort et chaleur. Noa avait essayé d’en savoir plus sur leur destination, mais soutirer des renseignements à l’homme
New York, quartier de Greenwich Village…Angela quitta l’appartement de William en milieu de matinée. En débouchant dans la rue, la fraîcheur la fit frissonner. Elle resserra les pans de son manteau et se mit à marcher rapidement, en faisant bien attention de ne pas déraper sur le trottoir rendu glissant par l’humidité. Elle se faufila entre un livreur et ses aides qui approvisionnaient un magasin d’alimentation - déchargeant des cartons d’une camionnette garée en double file - pour héler un taxi en maraude qu’elle avait aperçu un peu plus loin. Une fois assise au chaud, elle indiqua au chauffeur sa destination et se laissa aller contre la banquette. Elle glissa la main dans la poche de son manteau et en sortit son téléphone mobile, vérifiant qu’il était bien éteint avant de le remettre à sa place.Obtenir un rendez-vous avec le prince des hackers n’avait pas été simple. Mais suivre ses indications pour le rencontrer semblait s’avérer encore pl
Île de Martha’s Vineyards, État du Massachusetts, côte Est…Frank Urban contemplait les vagues de l’océan Atlantique en dégustant un Cherry depuis la terrasse en teck de sa somptueuse villa. Située à l’ouest du village d’Oak Bluffs, tout au nord de l’île, la vaste propriété s’ouvrait directement sur la côte sablonneuse, offrant une vue splendide sur le grand large, au-delà du Nantuket Sound.Urban ferma les yeux un instant, laissant le doux soleil de l’après-midi lui réchauffer le visage tandis que la brise venant du large lui emplissait les poumons. Cela le détendait, et en cet instant, il avait vraiment besoin d’évacuer le stress et la colère qui bouillonnaient en lui. Il devait garder l’esprit clair pour prendre des décisions importantes, de celles qui engagent la vie d’autrui, changent des destins, influent sur un pays, voire le monde.L’ivresse du pouvoir dans toute sa splendeur…Urban laissa ce sentiment monter en lui, le pouvoir
La mort de William Hartigan fut annoncée aux informations de la mi-journée sur toutes les chaînes de télévision du pays. Si sa notoriété dans le grand public n’était pas immense, en revanche, elle l’était dans le milieu journalistique. Sa disparition fit l’effet d’une bombe chez ses collègues, qui s’empressèrent de relayer l’information.Angela et Zed déjeunaient dans le grand salon du rez-de-chaussée tout en regardant la télévision lorsque la nouvelle tomba. Le sandwich au concombre que dégustait la jeune femme lui resta dans la gorge. Une intense sensation d’oppression la submergea en même temps qu’un gémissement sourd montait du tréfonds de son être.À ses côtés, Zed resta pétrifié quelques secondes. Il écouta sans rien dire les explications sur les causes de l’accident avant d’exprimer son émotion par une poussée de colère.– Un pneu qui explose sur une Aston ?! Et qui l’envoie dans le décor en plus ! Ces connards veulent nous faire gober ça ?
Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, un an plus tard…Il faisait nuit. Angela était dehors, sur la terrasse de leur magnifique chalet perdu en pleine montagne, à deux heures de route sinueuse de la première ville.La jeune femme était sortie pour contempler les étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne venait troubler, de sorte que le ciel était d’une densité extraordinaire, un véritable océan d’astres sur lequel la Voie Lactée se détachait tel un ruban céleste.Par la porte coulissante laissée ouverte, elle entendait le son de la télévision que Noa regardait encore.Le flash spécial qui passait en boucle depuis des heures sur les chaines du monde entier, annonçait une nouvelle absolument unique dans l’histoire humaine : le dernier conflit de la planète venait de prendre fin.Après des millénaires de guerre et de barbarie, le monde, l’humanité, était enfin en paix.Noa éteignit la télé et sortit rejoindre sa compagn
Le président Pennet marchait d’un pas nerveux dans le bureau ovale pendant qu’il parlait au téléphone avec Karl Urban. Ce dernier écumait d’une rage froide, lançant des mots aussi tranchants à l’encontre de l’occupant de la Maison-Blanche que l’étaient les scalpels qu’il utilisait pour ses exécutions, mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Pennet. Ce dernier s’arrêtait toutes les dix secondes pour regarder, par les hautes fenêtres, la scène qui se déroulait devant les grilles de la Maison-Blanche, là où une foule de plus en plus nombreuse s’agglutinait. Malgré la distance, il était clair que les barrières, sous la pression, commençaient à céder. Dans les jardins, les membres des Services Secrets couraient en tous sens mais c’est leur chef – un grand gaillard nommé Jeffrey Cooper - qui fit irruption dans son bureau. Étrangement, il était parfaitement calme.– Monsieur le Président, nous allons vous évacuer. Suivez-moi je vous prie.Le ton était posé, mais ferme. Un
Le porte-avions USS Georges H.W. Bush, accompagné des croiseurs et destroyers de son groupe d’escorte, fendait les flots à pleine vitesse vers le détroit de Gibraltar. Les cinq autres groupes de combat, ainsi que les navires d’assaut des Marines, suivaient à quelques milles de distance, échelonnés en file indienne.La plus grande force aéronavale depuis la Seconde Guerre mondiale, approchait de la mer Méditerranée.Le commandant de l’armada, l’amiral Necker, était à la passerelle du Georges Bush et observait l’horizon à la jumelle. Les premiers rapports de vol des avions de reconnaissance, faisaient état d’une flottille hétéroclite de bateaux commençant à boucher l’entrée du détroit de Gibraltar. Apparemment, d’après les analystes qui scrutaient les nombreuses photographies aériennes prises ces dernières heures, ils n’étaient pas armés.– Amiral, nous avons un problème !L’officier en chef des services de renseignements du bord, un capitaine de
Deux heures avaient passé depuis la fin de la méditation. Le jour s’était levé mais ils ne s’en étaient même pas aperçus ; depuis ce temps, ils scrutaient fiévreusement leurs écrans, passant d’un site de chaîne d’info à un autre, en attente de quelque chose - un acte, un événement significatif - qui démontrerait un basculement des consciences.Le premier fait marquant apparut à Calcutta, en Inde, lorsqu’une télé locale relata qu’une foule qui grossissait de minute en minute, s’était massée devant le consulat américain, scandant des slogans de paix. Davis laissa l’un des portables branché sur le site en question tandis qu’il surfait avec l’autre. Et il tomba sur un deuxième fait : la même chose se produisait à New Delhi devant l’ambassade US. Puis, un de ses collègues à Princeton lui envoya un lien vers une télévision locale brésilienne, à Rio de Janeiro. Là aussi, une foule énorme avait envahi les rues autour de l’ambassade américaine. Mais le plus étrange, était l
Cinq heures vingt minutes du matin, à Mac Leod Ganj…Malgré l’heure matinale, il y avait foule dans le temple, dans les rues adjacentes ainsi que dans le village et même sur la route y conduisant. Non seulement tous les moines de la région avaient rejoint le temple bouddhiste pour la Grande Méditation, mais également les habitants des villages alentour et une bonne partie de ceux de Dharamsala. L’instant de la méditation arrivant – il serait minuit, heure de Greenwich, dans dix minutes - tout le monde s’était assis en silence, certains directement sur les routes et chemins menant au temple.Angela et Noa s’étaient joints aux moines dans le monastère, ainsi que Foller.Davis, lui, était installé à un bureau de fortune dressé dans un coin de la salle principale, ses deux ordinateurs portables connectés au Pearl Lab via une liaison Skype, et un téléphone satellite à portée de main. Il observait les méditants qui se préparaient à cet instant unique da
Le porte-parole du Dalaï Lama, aidé par Adam Foller et ses nombreux contacts, fit venir en un temps record deux équipes de télévisions indiennes à Dharamsala. Les correspondants des grands groupes de presse occidentaux siégeant à Delhi furent également contactés, mais, étrangement, ils refusèrent de venir.Apparemment, le message d’un homme de paix en ces temps de guerre, n’était pas le bienvenu. Cela ne surprit guère Noa, qui savait parfaitement comment fonctionnait le système. Les grands groupes de presse étaient aux ordres et participaient à la mascarade.Qu’à cela ne tienne, il y avait d’autres solutions. Davis lança la nouvelle sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la nouvelle devint virale et fit le tour de la planète Internet : les deux journalistes qui avaient annoncé la venue de Ö étaient avec le Dalaï Lama.Et ils avaient une solution pour stopper la guerre.Les caméras avaient été installées sur la terrasse extér
Dharamsala, État de l’Himachal Pradesh, Inde du Nord…Le voyage avait duré plus de vingt heures et Angela se sentait exténuée. Après tout, il y a peu, elle était encore morte et sa résurrection lui avait laissé quelques séquelles en terme de fatigue. Le jet de Foller les avait déposés à Delhi, d’où ils avaient pris un avion à hélice qui les avait ensuite conduits à Gagal, l’aérodrome de Dharamsala. De là, un taxi les avait emmenés dans un petit village au nord de la ville indienne qui dominait la vallée de Kangra, plus précisément à Mc Leod Ganj, lieu de villégiature des bouddhistes en exil et de leur chef suprême, le Dalaï Lama.Le taxi les avait déposés au centre et depuis, ils poursuivaient à pied sur un chemin sinuant au beau milieu d’une multitude de maisons blanches, vertes, bleues, ocre et jaunes, toutes à plusieurs étages, s’accrochant à flanc de colline au sein d’une verdure aussi exubérante que chatoyante. Tout autour, des centaines de fanions
Base navale de Norfolk, Virginie…Les six porte-avions quittèrent leurs quais à dix minutes d’intervalle, poussés par de puissants remorqueurs qui les aidèrent à déhaler des pontons. Les deux cent soixante mille chevaux de leurs turbines alimentées par les réacteurs nucléaires Westinghouse prirent le relais, ébranlant les lourds navires sur la James River.Sur les ponts, les équipages, en grande tenue, étaient alignés au cordeau afin de saluer la foule immense. Car toute la population de la région était venue assister au départ et s’était massée sur les rives, les plages et même les ponts de la baie de Chesapeake - qui avaient été fermés à la circulation pour l’occasion. Les sirènes de bord firent retentir leurs hurlements gutturaux, auxquels répondirent les cris et les encouragements des spectateurs tandis que dans le ciel, le ballet des hélicoptères des chaînes de télévision battait son plein.La fanfare de la garde nationale avait
Université de Princeton…Le docteur Richard Madison résidait quelques rues plus loin, de sorte qu’ils furent chez lui en peu de temps.Davis tambourina à la porte qui ne tarda pas à s’ouvrir sur un homme dans la soixantaine, vêtu d’un jean et d’une chemise bleu clair. Son épaisse chevelure poivre et sel lui donnait un air juvénile, que renforçait le large sourire qu’il afficha lorsqu’il reconnut Davis.– Brad ! Que me vaut le plaisir ?– Docteur Madison, désolé de vous déranger à l’improviste, mais nous avons besoin de votre aide.Madison les fit entrer et les installa dans son salon. Davis fit les présentations, suivi d’un résumé exhaustif de la situation.– Je crois savoir pourquoi vous êtes venus me trouver, Brad, fit le scientifique.– Vous pensez à la même chose que moi ?– Oui. La méditation.– Le docteur Richard Madison est professeur de psychologie et de psychiatrie à l’université de Prin