Île de Martha’s Vineyards, État du Massachusetts, côte Est…Frank Urban contemplait les vagues de l’océan Atlantique en dégustant un Cherry depuis la terrasse en teck de sa somptueuse villa. Située à l’ouest du village d’Oak Bluffs, tout au nord de l’île, la vaste propriété s’ouvrait directement sur la côte sablonneuse, offrant une vue splendide sur le grand large, au-delà du Nantuket Sound.Urban ferma les yeux un instant, laissant le doux soleil de l’après-midi lui réchauffer le visage tandis que la brise venant du large lui emplissait les poumons. Cela le détendait, et en cet instant, il avait vraiment besoin d’évacuer le stress et la colère qui bouillonnaient en lui. Il devait garder l’esprit clair pour prendre des décisions importantes, de celles qui engagent la vie d’autrui, changent des destins, influent sur un pays, voire le monde.L’ivresse du pouvoir dans toute sa splendeur…Urban laissa ce sentiment monter en lui, le pouvoir
La mort de William Hartigan fut annoncée aux informations de la mi-journée sur toutes les chaînes de télévision du pays. Si sa notoriété dans le grand public n’était pas immense, en revanche, elle l’était dans le milieu journalistique. Sa disparition fit l’effet d’une bombe chez ses collègues, qui s’empressèrent de relayer l’information.Angela et Zed déjeunaient dans le grand salon du rez-de-chaussée tout en regardant la télévision lorsque la nouvelle tomba. Le sandwich au concombre que dégustait la jeune femme lui resta dans la gorge. Une intense sensation d’oppression la submergea en même temps qu’un gémissement sourd montait du tréfonds de son être.À ses côtés, Zed resta pétrifié quelques secondes. Il écouta sans rien dire les explications sur les causes de l’accident avant d’exprimer son émotion par une poussée de colère.– Un pneu qui explose sur une Aston ?! Et qui l’envoie dans le décor en plus ! Ces connards veulent nous faire gober ça ?
Italie...Le vol qui ramenait Noa du Pérou atterrit à l’aéroport de Fiumicino en fin d’après-midi. Les formalités d’immigration terminées, Noa récupéra ses bagages, passa la douane sans encombre puis emprunta la passerelle suspendue conduisant au terminal du train express. Il acheta un billet pour le centre-ville de Rome à l’un des guichets automatiques et s’avança vers la rame qui venait d’entrer en gare et crachait déjà son flot de voyageurs pressés.Trente minutes plus tard, il arriva gare Termini et sortit Piazza del Cinquecento, qu’il traversa d’un pas rapide pour s’engouffrer dans une des petites rues adjacentes, en direction du sud. Il avait choisi à dessein un quartier populaire où il trouva rapidement un hôtel modeste, Via Turati, à deux pas du marché des antiquaires, sentant confusément que sa présence dans la capitale romaine devait rester discrète, loin du foisonnement touristique où il n’était pas à l’abri d’être reconnu par quelque connaiss
Cité du Vatican...Le cardinal Danielli, de par sa fonction au sein du musée – il en était le directeur – avait accès à chacune des mille quatre cents salles que comptaient ces illustres lieux. Celle qu’il venait de déverrouiller se situait dans l’enceinte du musée grégorien étrusque, à l’écart des lieux ouverts au public. Il l’avait choisie non pour son intérêt historique ou artistique, mais par souci de discrétion. Car la réunion qui allait s’y dérouler devait rester parfaitement secrète.Danielli ouvrit la porte, s’effaça et laissa entrer la douzaine d’hommes d’Église qui l’avaient suivi dans le dédale du musée. La pièce était de taille respectable mais cependant dépourvue des enluminures, gravures et autres fresques murales qui décoraient le muséum, comme si ses concepteurs, dès le départ avaient décidé d’en faire un endroit des plus sobres entièrement dédié au travail. La seule concession à l’art était une peinture d’un artiste inconnu - m
Il était un peu plus de vingt et une heures lorsque Noa vit le panneau indiquant Oxford surgir dans la lueur de ses phares. Il conduisait sa propre voiture, un cabriolet Honda S 2000 qu’il avait récupéré dans le parking de son immeuble londonien, ayant pris le temps de passer par son appartement après s’être posé à Heathrow. Il en avait aussi profité pour renouveler sa garde-robe mais n’avait pas donné signe de vie à son journal.Les hautes flèches de la cathédrale Christ Church et de l’église de Wesley, savamment éclairées, s’élançaient vers un ciel noir, sans étoile. À mesure qu’il approchait, Noa reconnut les parties hautes illuminées d’autres édifices. Le donjon de pierre du château d’Oxford, le dôme du Sheldonian Theatre et celui du Radcliffe Camera.Un flot de souvenirs le submergea. Ode à l’architecture anglaise, tous les styles s’y côtoyant depuis son édification à l’époque des Saxons, la cité d’Oxford était la ville anglaise préférée de Rachel. Ils
Philadelphie, quartier universitaire...Angela et Zed grimpèrent d’un pas alerte les quelques marches menant vers le Smith Walk, une étroite voie piétonne très arborée passant entre les bâtiments en brique du Hayden Hall et du Towne Building. Ces deux immeubles, comme la plupart des constructions du quartier étudiant, ne dépassaient pas quatre étages et s’encadraient dans un écrin de verdure mettant particulièrement en valeur leurs façades rouges. L’endroit, bucolique à souhait, regorgeait de pelouses bien entretenues, d’arbres bien taillés. De nombreux étudiants y déambulaient en discutant joyeusement ; d’autres, assis sur les pelouses, travaillaient, écoutaient de la musique, devisaient entre eux. L’atmosphère était à la détente mais Zed ne se relâchait pas pour autant. Angela et lui étaient traqués, cela ne faisait plus aucun doute depuis qu’il s’était aperçu d’une intrusion dans son système informatique. Une intrusion assez performante et discrète pour
Washington, Maison-Blanche...L’atmosphère dans le bureau ovale était à l’orage. Le Président se renversa dans son fauteuil et regarda la secrétaire à la sécurité intérieure, Veronica Lake, s’en prendre à l’un de ses conseillers en communication.– Nous subissons une véritable attaque de notre système, de nos valeurs ! C’est une guerre déclarée et comme dans toute guerre, il y a des mesures radicales à prendre ! Vous allez finir par le comprendre oui ou non ?! lança Lake au visage du conseiller qui vira cramoisi.– Du calme Veronica, tempéra le Président. Il n’est pas question pour le moment de censurer Internet. Les médias télévisuels et la presse écrite, pour la grande majorité, ne nous sont pas hostiles et mesurent leurs propos.– Justement Monsieur ! Profitons-en pendant que nous le pouvons encore et ne laissons pas les choses déraper sur la Toile !– Monsieur, nous ne contrôlons absolument pas Internet, fit Bill North,
Région des Mille Îles, à la frontière canadienne...Le canot remontait lentement le fleuve Saint-Laurent dans la lumière déclinante du soleil couchant.Angela se tenait à la proue, observant la berge boisée qui défilait sur sa droite tandis qu’un chapelet d’îles – Saint-Elmo Island, Florence, Sunken Rock et d’autres plus petites dont le nom n’était pas indiqué sur sa carte – défilaient à gauche.Quelques maisons apparaissaient çà et là, parfois uniques sur les îles les plus petites, perdues dans un écrin de conifères, prélude aux immenses forêts canadiennes dont Angela apercevait la ligne sombre sur la rive nord du fleuve. La nature donnait ici sa pleine mesure, belle et sauvage, peu marquée par l’homme, si ce n’était la pollution invisible du fleuve.Quelque part devant, perdue dans l’obscurité naissante et les nappes de brume que la baisse de température faisait surgir, Deer Island, l’île des Skull and Bones, se dressait, farouche et
Quelque part dans les Montagnes Rocheuses, un an plus tard…Il faisait nuit. Angela était dehors, sur la terrasse de leur magnifique chalet perdu en pleine montagne, à deux heures de route sinueuse de la première ville.La jeune femme était sortie pour contempler les étoiles qu’aucune pollution lumineuse ne venait troubler, de sorte que le ciel était d’une densité extraordinaire, un véritable océan d’astres sur lequel la Voie Lactée se détachait tel un ruban céleste.Par la porte coulissante laissée ouverte, elle entendait le son de la télévision que Noa regardait encore.Le flash spécial qui passait en boucle depuis des heures sur les chaines du monde entier, annonçait une nouvelle absolument unique dans l’histoire humaine : le dernier conflit de la planète venait de prendre fin.Après des millénaires de guerre et de barbarie, le monde, l’humanité, était enfin en paix.Noa éteignit la télé et sortit rejoindre sa compagn
Le président Pennet marchait d’un pas nerveux dans le bureau ovale pendant qu’il parlait au téléphone avec Karl Urban. Ce dernier écumait d’une rage froide, lançant des mots aussi tranchants à l’encontre de l’occupant de la Maison-Blanche que l’étaient les scalpels qu’il utilisait pour ses exécutions, mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Pennet. Ce dernier s’arrêtait toutes les dix secondes pour regarder, par les hautes fenêtres, la scène qui se déroulait devant les grilles de la Maison-Blanche, là où une foule de plus en plus nombreuse s’agglutinait. Malgré la distance, il était clair que les barrières, sous la pression, commençaient à céder. Dans les jardins, les membres des Services Secrets couraient en tous sens mais c’est leur chef – un grand gaillard nommé Jeffrey Cooper - qui fit irruption dans son bureau. Étrangement, il était parfaitement calme.– Monsieur le Président, nous allons vous évacuer. Suivez-moi je vous prie.Le ton était posé, mais ferme. Un
Le porte-avions USS Georges H.W. Bush, accompagné des croiseurs et destroyers de son groupe d’escorte, fendait les flots à pleine vitesse vers le détroit de Gibraltar. Les cinq autres groupes de combat, ainsi que les navires d’assaut des Marines, suivaient à quelques milles de distance, échelonnés en file indienne.La plus grande force aéronavale depuis la Seconde Guerre mondiale, approchait de la mer Méditerranée.Le commandant de l’armada, l’amiral Necker, était à la passerelle du Georges Bush et observait l’horizon à la jumelle. Les premiers rapports de vol des avions de reconnaissance, faisaient état d’une flottille hétéroclite de bateaux commençant à boucher l’entrée du détroit de Gibraltar. Apparemment, d’après les analystes qui scrutaient les nombreuses photographies aériennes prises ces dernières heures, ils n’étaient pas armés.– Amiral, nous avons un problème !L’officier en chef des services de renseignements du bord, un capitaine de
Deux heures avaient passé depuis la fin de la méditation. Le jour s’était levé mais ils ne s’en étaient même pas aperçus ; depuis ce temps, ils scrutaient fiévreusement leurs écrans, passant d’un site de chaîne d’info à un autre, en attente de quelque chose - un acte, un événement significatif - qui démontrerait un basculement des consciences.Le premier fait marquant apparut à Calcutta, en Inde, lorsqu’une télé locale relata qu’une foule qui grossissait de minute en minute, s’était massée devant le consulat américain, scandant des slogans de paix. Davis laissa l’un des portables branché sur le site en question tandis qu’il surfait avec l’autre. Et il tomba sur un deuxième fait : la même chose se produisait à New Delhi devant l’ambassade US. Puis, un de ses collègues à Princeton lui envoya un lien vers une télévision locale brésilienne, à Rio de Janeiro. Là aussi, une foule énorme avait envahi les rues autour de l’ambassade américaine. Mais le plus étrange, était l
Cinq heures vingt minutes du matin, à Mac Leod Ganj…Malgré l’heure matinale, il y avait foule dans le temple, dans les rues adjacentes ainsi que dans le village et même sur la route y conduisant. Non seulement tous les moines de la région avaient rejoint le temple bouddhiste pour la Grande Méditation, mais également les habitants des villages alentour et une bonne partie de ceux de Dharamsala. L’instant de la méditation arrivant – il serait minuit, heure de Greenwich, dans dix minutes - tout le monde s’était assis en silence, certains directement sur les routes et chemins menant au temple.Angela et Noa s’étaient joints aux moines dans le monastère, ainsi que Foller.Davis, lui, était installé à un bureau de fortune dressé dans un coin de la salle principale, ses deux ordinateurs portables connectés au Pearl Lab via une liaison Skype, et un téléphone satellite à portée de main. Il observait les méditants qui se préparaient à cet instant unique da
Le porte-parole du Dalaï Lama, aidé par Adam Foller et ses nombreux contacts, fit venir en un temps record deux équipes de télévisions indiennes à Dharamsala. Les correspondants des grands groupes de presse occidentaux siégeant à Delhi furent également contactés, mais, étrangement, ils refusèrent de venir.Apparemment, le message d’un homme de paix en ces temps de guerre, n’était pas le bienvenu. Cela ne surprit guère Noa, qui savait parfaitement comment fonctionnait le système. Les grands groupes de presse étaient aux ordres et participaient à la mascarade.Qu’à cela ne tienne, il y avait d’autres solutions. Davis lança la nouvelle sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la nouvelle devint virale et fit le tour de la planète Internet : les deux journalistes qui avaient annoncé la venue de Ö étaient avec le Dalaï Lama.Et ils avaient une solution pour stopper la guerre.Les caméras avaient été installées sur la terrasse extér
Dharamsala, État de l’Himachal Pradesh, Inde du Nord…Le voyage avait duré plus de vingt heures et Angela se sentait exténuée. Après tout, il y a peu, elle était encore morte et sa résurrection lui avait laissé quelques séquelles en terme de fatigue. Le jet de Foller les avait déposés à Delhi, d’où ils avaient pris un avion à hélice qui les avait ensuite conduits à Gagal, l’aérodrome de Dharamsala. De là, un taxi les avait emmenés dans un petit village au nord de la ville indienne qui dominait la vallée de Kangra, plus précisément à Mc Leod Ganj, lieu de villégiature des bouddhistes en exil et de leur chef suprême, le Dalaï Lama.Le taxi les avait déposés au centre et depuis, ils poursuivaient à pied sur un chemin sinuant au beau milieu d’une multitude de maisons blanches, vertes, bleues, ocre et jaunes, toutes à plusieurs étages, s’accrochant à flanc de colline au sein d’une verdure aussi exubérante que chatoyante. Tout autour, des centaines de fanions
Base navale de Norfolk, Virginie…Les six porte-avions quittèrent leurs quais à dix minutes d’intervalle, poussés par de puissants remorqueurs qui les aidèrent à déhaler des pontons. Les deux cent soixante mille chevaux de leurs turbines alimentées par les réacteurs nucléaires Westinghouse prirent le relais, ébranlant les lourds navires sur la James River.Sur les ponts, les équipages, en grande tenue, étaient alignés au cordeau afin de saluer la foule immense. Car toute la population de la région était venue assister au départ et s’était massée sur les rives, les plages et même les ponts de la baie de Chesapeake - qui avaient été fermés à la circulation pour l’occasion. Les sirènes de bord firent retentir leurs hurlements gutturaux, auxquels répondirent les cris et les encouragements des spectateurs tandis que dans le ciel, le ballet des hélicoptères des chaînes de télévision battait son plein.La fanfare de la garde nationale avait
Université de Princeton…Le docteur Richard Madison résidait quelques rues plus loin, de sorte qu’ils furent chez lui en peu de temps.Davis tambourina à la porte qui ne tarda pas à s’ouvrir sur un homme dans la soixantaine, vêtu d’un jean et d’une chemise bleu clair. Son épaisse chevelure poivre et sel lui donnait un air juvénile, que renforçait le large sourire qu’il afficha lorsqu’il reconnut Davis.– Brad ! Que me vaut le plaisir ?– Docteur Madison, désolé de vous déranger à l’improviste, mais nous avons besoin de votre aide.Madison les fit entrer et les installa dans son salon. Davis fit les présentations, suivi d’un résumé exhaustif de la situation.– Je crois savoir pourquoi vous êtes venus me trouver, Brad, fit le scientifique.– Vous pensez à la même chose que moi ?– Oui. La méditation.– Le docteur Richard Madison est professeur de psychologie et de psychiatrie à l’université de Prin