BesançonDamien était de sale humeur. Mauvaise nuit, très mauvaise nuit. La veille, pendant le dîner, il leur avait dit qu’il voulait partir tôt, avant les embouteillages. Ils avaient besoin de décompresser et avaient décidé qu’ils feraient un point au petit-déjeuner et, bon sang, ils n’étaient pas levés. Yannis, encore, il comprenait, il avait la trace de l’oreiller jusqu’à 9h tous les matins, mais Sandrine, jamais elle n’était en retard. Il alla toquer à la porte du jeune. Il lui fallut insister longuement ! Quand elle ouvrit enfin, le geek avait vraiment la tête à l’envers.–Yannis, qu’est-ce que tu fous. Magne, je t’attends au p’tit dej.–Oh bordel, chef, tu es con ! Tu veux réveiller tout l’hôtel ou quoi ?Le capitaine lui mit sa montre sous le nez.–Je ne risque pas de déranger grand monde. Il est sept heures, ils sont déjà tous partis !La mauvaise foi était évidente, il était six heures quarante. Le j
BesançonLe bâtiment était d’apparence très moderne, un peu clinquant. Une jolie façade sur un vieil immeuble. Damien avait recherché des renseignements sur la toile pour se guider dans le CHRU. Comme souvent, leur site était superbe. Ils avaient dû dépenser une petite fortune pour faire un site internet: élégant, agréable, informatif et... inutile. La seule chose dont il avait besoin était de savoir où se situait le bâtiment bleu. D’après les informations décrites, il y avait deux sites, mais quid de Minjoz ou Saint-Jacques ? Impossible de trouver le renseignement, ou alors, l’indication était tellement bien cachée qu’il avait jeté l’éponge. Il avait donc appelé.Le bâtiment bleu était le service Oncologie. Étrange! Le nom marqué sur le chambranle de la porte ne lui dit rien du tout: Roger Mongin. Une chambre à un seul malade. Un type grand, d’une maigreur extrême. Son teint crayeux et sa peau translucide évoquaient une visite imminente de la Camarde.
Bois de Pugey2011Séverine terminait d’enfiler ses chaussures de running, trop contente de son cadeau. Son Frédo ne s’était pas moqué d’elle, sa réaction en disait long sur le plaisir qu’il lui avait procuré :–Wow je vais voler avec ces pompes ; elle les avait fait tourner en l’air ! Regarde comme elles sont légères... Et ces semelles, le top de l’amorti.–Va les essayer. Nous, on va faire un tennis avec Matthieu, sauf si tu veux jouer avec nous. On peut faire un tournoi, c’est Nathan qui arbitre.Penser à leur petit bout de huit ans en juge de chaise la fit sourire.–Ah ah! Vous voir courir désespérément après cette balle trop rapide pour vous: l’idée est alléchante, mais non merci. Je vais faire un tour en forêt pour roder mon cadeau, n’oublie pas que j’ai un trail dans un mois près d’Anduze.Frédo la regarda partir à petites foulées. Elle lui jeta un baiser porté par le vent, assorti de son incroyable sou
BesançonL’infirmière arriva dans le couloir. Elle se dirigea droit vers Damien.–Vous pouvez venir. Il vous demande, mais il est très faible. Je vous donne cinqminutes, après il faudra le laisser se reposer.Youri était à nouveau calme, serein. Il fit signe à Damien de s’approcher. En arrivant, il le trouva encore plus délabré que tout à l’heure... en paix, mais au bout du rouleau.Sa peau diaphane faisait ressortir davantage ses tatouages. Ils semblaient presque faux, trop noirs sur une peau trop fine, translucide ! Sa chemise d’hôpital avait mal été repositionnée par les infirmières, découvrant d’étranges tatoos. Sur chaque épaule étaient tracées de larges épaulettes à franges comme celles portées par les officiers de l’ancien temps. Les gallons ajoutés étaient des têtes de mort. Un autre graphisme attira son regard, une étoile à huit branches sur le cœur et l’acronyme SOS…–Nous avons peu de temps. Écoutez, dans mon placard vous
Besançon.La tonalité d’attente du légiste retentit deux fois avant qu’il ne réponde:–Allo Pierre ? c’est Damien.–Salut Dam, tu viens aux nouvelles ? Je n’ai rien de neuf, désolé.–Non! Il faudrait que tu me rendes un service. Je t’ai fait envoyer par « taxi colis » un sac de sport qui contient un chapeau.–Attends Dam, je note.–Tu l’emmènes personnellement aux TIC, tu vois Jonathan Guscioni. Tu lui dis que j’ai besoin d’une recherche ADN ultra-rapide. C’est très important. Après, tu lui demandes une comparaison dans le FNAEG avec la trace de sang retrouvée sur la disparition d’une certaine Séverine Bonaud, tu notes ?–Oui, B O deux N–Non, B O N A U D–Ah OK, disparue quand ?–CinqAout 2012 à Pugey, départementvingt-cinq. C’est à côté de Besançon.–Tu cherches quoi ?–À établir un lien sur la
BesançonUne dame encore jolie et bien mise vint ouvrir aux deux policiers. Bien sûr, elle fut étonnée par l’heure matinale, il n’était même pas huit heures. « Bien heureuse que j’aie mon cours, sinon ils me trouvaient en peignoir » telles étaient les pensées profondes que lui inspiraient cette visite inattendue.–Oui, bonjour, que puis-je pour vous ?Les deux policiers présentèrent leurs cartes de service.–Bonjour, madame Allard ?–Non il n’y a pas de madame Allard, enfin je l’espère… ajouta-t-elle avec un petit rire. Mon compagnon s’appelle Pierre Allard, mais nous ne sommes pas mariés.–OPJ Sandrine Martin, et mon collègue, Yannis Amraoui. Pouvons-nous lui parler ?–Oui je vous l’appelle, mais moi je ne reste pas. J’ai Tai-chi-chuan!Pierre ! On te demande. Sur ce, au revoir, messieurs dame.Au moment de partir, elle se ravisa et s’enquit soudain avec un brin d
BesançonLes deux flics s’apprêtaient à frapper à la porte.–Cette fois s’il me prend pour une demeurée, je lui refais le portrait et je le jette par la fenêtre !–OK, et moi je te filme et je balance ça sur le net, répliqua le jeune geek en cognant à la porte.La porte s’entrebâilla. La puanteur qu’ils avaient oubliée leur sauta à la gorge.–C’est tôt, putain. Vous voulez réveiller l’immeuble ou quoi ?–Police, tu nous remets ? Ouvre !–Et pourquoi je le fera ?–Attention à toi, que je lui donne une raison pour qu’il le fera… lança le flic à l’attention de sa collègue.Il se mit en porte-à-faux arrière pour prendre de l’élan, et lança le plat du piedprès de la poignée. La chaînette capitula sans insister. La porte s’ouvrit en grand. Le nez de Kevin n’eut pas la présence d’esprit de l’entrebâilleur. Il éclata comme une cerise gorgée de soleil. Le pauvre idiot se retrou
BesançonLe capitaine Sergent attendait qu’on le fasse entrer dans le bureau du juge Kambert. Un petit juge qui ne faisait pas l’unanimité! Il en faisait trop d’après radio SPP... Dans tous les prétoires, il y avait ces bruissements de couloir, ces échanges de rumeurs. Le lieu des petits et grands règlements de compte, radio SPP: radio Salle des Pas Perdus. Il n’y avait pas que les pas qui se perdaient, les mots aussi s’envolaient. Parfois, ils ne s’égaraient pas tout à fait, et allaient se nicher au creux d’une oreille attentive. Damien les avait recueillies, ces petites bribes lâchées en l’air, juste avant que l’huissier ne l’annonce dans le saint des saints. Une petite confidence faite par un flic du coin, un habitué de Kambert ! Il lui avait expliqué à mots couverts que le petit juge avait parfois la langue bien pendue avec la presse… et qu’il pouvait lâcher des infos si ça pouvait lui apporter un peu de lumière. Damien ne savait pas encore ce qu’il allait en fai