Chapitre 1

Manon s’est tenue sur le balcon de la chambre où elle a dormi ces trois dernières années. Elle n’a pas voulu allumer la lumière, l'obscurité de la nuit cacherait les larmes qui roulaient sur ses joues.

C'est fini ! Je ne peux plus continuer comme ça. Je n'en peux plus, a-t-elle pensé en fixant le vide devant elle.

Soudain, les phares d'une voiture l’ont sortie de ses pensées. Son mari bien-aimé rentrait à la maison, et elle savait exactement ce qui allait se passer. Son mari, Maxime Palmer, était le président du Groupe Palmer, l'un des plus grands conglomérats de Valeria. Ce matin-là, Maxime avait oublié un dossier rempli de documents. Le connaissant, il en aurait sûrement besoin et se retrouverait dans une situation compliquée sans eux.

Elle a essayé de l’appeler plusieurs fois pour l’en informer, mais il n’a pas répondu. Alors, elle a quitté la maison avec la mission de lui apporter les documents en personne. Elle n’a prévenu qu’Emma Rolland, la gouvernante.

« Emma, Maxime ne répond pas. Tu es sûre qu’il avait ces documents en main ce matin ? » a-t-elle demandé, inquiète.

« Oui, madame ! Il rangeait tout dans sa mallette dans le salon, mais il a reçu un appel et je pense qu’il a oublié de les prendre. Je suppose qu’il en aura besoin. »

« D’accord, d’accord ! Je pars tout de suite. J’arriverai peut-être à temps. »

« Conduisez prudemment, madame ! » a lancé Emma en la regardant partir précipitamment.

Après avoir traversé la ville à toute vitesse, Manon est enfin arrivée aux bureaux du Groupe Palmer. En trois ans de mariage, elle n’y avait jamais mis les pieds, mais cette fois, c’était urgent.

Elle est entrée dans le hall et n’a vu personne. Elle savait qu’un ascenseur menait directement au bureau du président. Sans être certaine, mais comme si la chance était de son côté, elle a choisi celui-là. Après plusieurs étages, un ding a annoncé son arrivée. Manon est sortie de l’ascenseur et, par chance, le couloir était désert. Le bureau de la secrétaire de Maxime était vide.

« Où peut bien être Mathias ? Où est tout le monde ? » a-t-elle murmuré pour elle-même, sans attendre de réponse.

Elle s’est avancée vers la grande porte en bois finement sculptée et est entrée sans frapper. Ce qu’elle a vu l’a laissée sans voix. Maxime avait son pantalon baissé, haletant et gémissant d’une manière qu’il n’avait jamais fait avec elle. Elle a immédiatement reconnu la femme blonde avec lui : Alexia Lefèvre, son unique assistante féminine.

Le dossier lui a échappé des mains et est tombé au sol. En entendant le bruit, Maxime s’est retourné, figé. Il s’est empressé de rabattre sa chemise pour cacher son érection, a remonté précipitamment son pantalon, tandis qu’Alexia attrapait sa blouse pour couvrir son corps nu et en sueur.

La réaction de Manon n’avait rien de surprenant.

« Espèce d’ordure ! C’est donc avec elle que tu me trompes depuis tout ce temps ? » a-t-elle explosé. « Sale enfoiré ! Pauvre con ! Je te hais ! »

Puis, se tournant vers Alexia :

« Et toi, pétasse, je vais te tuer ! » a-t-elle crié en se jetant sur elle.

Elle était sur le point d’atteindre la femme nue quand une douleur fulgurante l’a transpercée au ventre. Maxime venait de la frapper, la mettant à genoux. Ces crises d’hystérie étaient devenues fréquentes ces derniers temps, et en la voyant s’approcher de sa maîtresse avec un regard assassin, il n’avait pas eu d’autre choix que de l’arrêter. Profitant du fait que Manon était à terre, il a attrapé son téléphone et a appelé Mathias.

« Mathias, ramène Manon au manoir et assure-toi qu’elle y reste ! »

Il n’a pas fallu longtemps pour que Mathias arrive. Manon était toujours au sol, une main sur son ventre. Il l’a aidée à se relever, évitant de regarder Alexia, à peine couverte d’une blouse mal boutonnée. Il avait de la peine pour Manon. Découvrir son mari dans une telle situation devait être une expérience des plus humiliantes.

« Mme Palmer, rentrons à la maison. Vous devez vous calmer », a-t-il dit en insistant sur Palmer, sachant que cela pourrait lui valoir une remontrance plus tard. Mais en cet instant, il ne pouvait s’empêcher de se mettre à sa place.

« Mathias ? »

« Oui, monsieur ? Assure-toi qu’elle reste au manoir », a ordonné Maxime d’un ton glacial.

Où pourrait-elle bien aller ? a pensé Mathias. Elle était seule dans un pays étranger, mariée à un homme qui ne lui permettait pas de se lier d’amitié avec qui que ce soit.

« Madame, allons-y. Je vous ramène. »

« Non ! Je ne veux pas rentrer chez moi ! »

« S’il vous plaît, ne compliquez pas les choses, madame. Vous savez comment est le patron quand il perd patience. »

« Mathias, je ne veux pas rentrer chez moi ! Je veux retourner dans mon pays ! Je veux retrouver ma vie d’avant ! »

En entendant ces mots, Mathias s’est senti mal à l’aise. Il connaissait les raisons qui avaient poussé Manon à quitter son pays. Y retourner serait risqué, pour elle comme pour sa famille.

« Je n’ai pas le choix, madame. Je dois vous ramener. »

« Oui, Mathias, je sais… C’était juste un rêve, l’illusion d’être libre, de retrouver mon ancienne vie. »

« Vous savez que ce n’est pas possible, madame. C’est trop dangereux pour votre grand-père. »

« C’est la seule raison pour laquelle je supporte tout ça, et tu le sais. Si ce n’était pas pour mon grand-père, je serais déjà partie, mariée ou non. »

De retour au manoir Palmer, Mathias a ouvert la portière et a regardé Manon en sortir. Elle était brisée, humiliée, oubliée. Il a senti son cœur se serrer, mais il savait qu’il valait mieux ne pas s’impliquer. Maxime ne tolérait aucun commentaire sur son mariage. La seule personne qui aurait pu intervenir était Catherine Palmer, sa grand-mère, mais elle n’était pas là.

Manon est restée longtemps à observer la lune, cherchant la force d’affronter ce qui l’attendait. Puis, elle est entrée sans allumer la lumière. Elle est allée directement dans la salle de bain et s’est lavé le visage, tentant d’effacer les traces de ses larmes. Ses mains tremblaient. Elle savait que l’orage arrivait.

« Emma ? »

« Oui, monsieur ? »

« Où est Manon ? »

« Dans sa chambre. Mathias m’a demandé de veiller sur elle, pour éviter qu’elle ne fasse une bêtise. Tout va bien ? »

« Oui, Emma. Tu peux disposer pour ce soir. »

« J’allais justement me retirer… »

« Non, je veux être complètement seul avec Manon. »

« Mais monsieur… »

« Sors ! »

Emma n’a pas insisté. Elle a quitté la pièce avec une boule au ventre.

Maxime est entré dans la chambre.

« Manon ! »

« Oui ? »

« J’attends des explications pour ton comportement au bureau aujourd’hui. »

« Il n’y a rien à expliquer. »

« Il n'y a rien à expliquer », a répondu Manon sèchement.

« Manon ! » a lancé Maxime d'un ton sec.

« Ne t'inquiète pas, je ne remettrai plus jamais les pieds dans ton bureau. Si je trouve quelque chose qui pourrait t'être utile, j'appellerai Mathias pour qu'il vienne le récupérer. »

« C'est ce que j'espère. Il t'est totalement interdit d'aller au bureau. En fait, j'ai donné l'ordre qu'on ne t'accorde plus l'accès. »

« Je t'ai déjà dit de ne pas t'inquiéter. Ça ne se reproduira plus », a dit Manon en se dirigeant vers son dressing pour mettre son pyjama. « Maintenant, si tu n'as rien d'autre à me dire, pourrais-tu sortir de ma chambre ? »

Face à l'indifférence de Manon, Maxime ne pouvait plus argumenter. Il a serré les poings de frustration. Sur le chemin, il avait préparé un long discours pour sa femme, s'attendant à ce qu'elle soit pleine d'insultes et de reproches.

« Manon, tu sais très bien que je ne t'aime pas. Je t'ai épousée à cause de ma grand-mère. Celle que j'aime vraiment, c'est Alexia. Toi et moi ne sommes ensemble qu'à cause de la vieille amitié entre ton grand-père et le mien. »

« Je sais. Tu n'as pas besoin de me le rappeler à chaque fois que tu fais quelque chose qui va à l'encontre de notre mariage », a répondu Manon en entrant dans son dressing et en fermant la porte.

En voyant la tristesse dans les yeux de Manon, Maxime a senti sa gorge se nouer et une douleur sourde commencer à naître. Il ne savait pas pourquoi, mais il valait mieux qu'il sorte de cette chambre.

Après avoir quitté la chambre de sa femme, il s'est dirigé vers la chambre principale, a pris une douche et a décidé de se coucher tôt. Pendant son sommeil, c'était comme si son esprit lui jouait un tour cruel, lui rappelant sa première rencontre avec sa femme.

À l'époque, tôt le matin, il était épuisé et voulait simplement un verre d'eau. À la place, il avait trouvé une fille en pyjama qui buvait du lait, incapable de lui dire un mot. Ses grands yeux expressifs couleur amande avaient immédiatement attiré son attention. Bien qu'il ait réussi à feindre l'indifférence, son cœur avait été captivé par ce regard.