Chapitre 5

Mon prochain cours comptait Alec, Tori et Grace.

Je commençais à avoir une relation d’amour-haine avec cette classe en particulier.

D’un côté, j’aimais bien parce que je pouvais m’asseoir à côté de Tori, ce qui empêchait Alec de me tourmenter. Mais d’un autre côté, Grace et ses copines ne cessaient de m’envoyer des insultes. Elle se donnait un air de fille intouchable, mais ses piques me blessaient plus que je ne l’aurais imaginé.

Toute la journée, j’avais redouté le cours de sport. Ce mois-ci, on devait choisir entre volley-ball et basket-ball.

Le sport, ça a toujours été un défi pour moi. Et, aussi drôle que ça puisse paraître, le ballon semblait toujours attiré par mon visage.

J’ai donc choisi le volley-ball, car Alec et Kade n’y étaient pas. Malheureusement, Grace y était.

Mes options étaient donc assez limitées : jouer au basket et subir les mains baladeuses des jumeaux, ou bien choisir le volley et supporter les méchancetés de Grace.

Clairement, je préférais les commentaires acerbes.

Bien que le t-shirt de sport soit à ma taille, ils ne m'avaient trouvé qu’un short en taille petite. Je suis plutôt mince, mais j’ai les hanches larges et un fessier bien présent. Les shorts remontaient sans cesse sur mes cuisses et j’avais l’impression qu’ils allaient craquer à tout moment. Heureusement, ce tissu en maille des shorts de sport est assez résistant.

J’ai réussi à éviter le ballon pendant quinze minutes, mais bien sûr, quelque chose devait arriver.

Grace avait servi et quelqu’un de l’autre équipe avait renvoyé la balle. Elle venait droit sur mon visage et je me préparais à l’impact.

Sauf qu’au lieu de me prendre la balle en pleine figure, je me suis fait violemment pousser au sol. Ma tête a rebondi sur le plancher avec un craquement sourd. Un gémissement étouffé a échappé de mes lèvres alors que mes dents claquaient.

« Mince, Aurore, ça va ? » La voix familière d’Automne s’est élevée au-dessus de moi.

Elle me tendait la main, et je la prenais avec reconnaissance pour me relever.

La terre tanguait légèrement, et je savais que j’allais avoir un mal de tête terrible le lendemain, mais je m’en sortirais.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? » J’ai grogné en passant mes doigts sur ma tempe pour vérifier s'il y avait du sang.

Je suivais le regard d’Automne et tombais sur les yeux pleins de suffisance de Grace. Elle ricanait avec une autre fille et, quand elle a vu que je la regardais, elle m’a fait un signe de la main, plein de moquerie.

« Grace est ce qui s’est passé. » J’ai grincé des dents, répondant à ma propre question.

Je remarquais que tout le monde avait arrêté de jouer au basket pour regarder ce qui venait de se passer.

Mes yeux ont balayé les élèves avant de se poser sur Alec et Kade.

Mon cœur faisait un bond en voyant leurs physiques dégoulinants de sueur et leurs cheveux en bataille. Mais ce qui me glaçait le sang, c’était les regards assassins qu’ils me lançaient.

« Automne, emmène Aurore à l’infirmerie », le prof de sport a claqué. « Et les autres, retournez jouer ! »

Après quelques coups de sifflet, tout était redevenu comme avant.

Automne m’accompagnait à l’infirmerie, où nous nous sommes assises en attendant.

« Je reviens tout de suite, ma chérie. Il y a un pauvre gosse qui a vomi en cours de sciences », frissonnait l’infirmière avant de quitter la pièce en trombe.

« Au moins, tu n’es pas la seule à passer une mauvaise journée ? » Automne a lâché avec un petit rire.

« Juste », j’ai répondu en soupirant, alors que la douleur commençait à pulser sur le côté de ma tête. « Heureusement, tout le monde l’a vue me mettre à terre. »

« Ça ne changera rien pour elle », Automne grimaçait en serrant les lèvres.

Je fronçais les sourcils. « Pourquoi elle ne se ferait pas punir ? Tout le monde a vu ce qu’elle a fait, c’est loin d’être normal. »

« Parce que c’est Grace, la petite chérie de Kade », soupirait Automne, amère.

Je secouais la tête. « Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez ces gens ? Comment ils arrivent à ne jamais se faire prendre ? »

« Apparemment, leurs parents contrôlent la ville ou un truc comme ça », elle a haussé les épaules. « Personne ne veut se mettre les jumeaux à dos. »

« Faudrait que ça change », marmonnais-je. « T’as pas besoin de rester avec moi, tu sais. »

« N’importe quelle excuse pour rater un cours de sport est bonne à prendre », Automne a ri. « Et ta tête, ça va ? »

« On dirait que j’aurais besoin d’une nouvelle », j’ai répondu en espérant que l’infirmière me filerait au moins un cachet.

« Oh, ça me rappelle, y a une soirée samedi et je veux que tu viennes avec moi. Je vais inviter Tori après les cours », elle a dit avec un grand sourire.

J’ai haussé un sourcil. « Comment ça t’a fait penser à une soirée ? »

Elle a haussé les épaules. « Aucune idée, mais ça te tente ? »

Automne faisait partie de ces filles qui arrivaient à s’intégrer dans tous les groupes sociaux. La plupart de ses amis étaient des sportifs, mais elle avait des contacts partout.

« Pourquoi pas », j’ai répondu en haussant les épaules. Je ne bossais que de 8 heures à 18 heures ce jour-là, ça me laissait le temps de me préparer.

« Super ! » Elle a souri encore plus. « Mets une robe ou un truc comme ça. J’ai des talons que je rêve de porter. »

Je me mordillais les lèvres, hésitant à interrompre son monologue sur les chaussures. « Je n’ai pas de robes, et de toute façon je préfère être à l’aise », j’ai répondu-.

Pas d’alcool ni de cigarettes pour moi, j’y allais juste pour accompagner une amie. La dernière chose que je voulais, c’était me faire remarquer.

« Attends, y aura les jumeaux ? » Je grimaçais. Je n’irais certainement pas s’ils venaient.

« Oh non, ils ne viennent jamais à nos fêtes », Automne a ricané. « Ils doivent croire que les leurs sont mieux, je suppose. Sérieux, qui fait des fêtes en pleine forêt ? Ces gens sont bizarres. »

« C’est super chelou, et un peu flippant », j’ai acquiescé.

Quand l’infirmière est revenue avec un élève au visage verdâtre, Automne devait retourner en cours.

Après m’avoir brièvement examinée et donné quelques cachets d’Advil, l’infirmière m’a proposée de rentrer chez moi.

« Non merci », j’ai répondu. « Une copine me ramène, et franchement, je n’ai pas envie de marcher. »

« Je peux toujours appeler ta maman, ma petite », l’infirmière a proposé avec un sourire doux.

Je secouais la tête un peu trop vigoureusement, et grimaçais sous la douleur. « Non, ce n’est pas la peine. Elle est au boulot et elle ne serait pas contente de recevoir un appel. »

« Bon, d’accord, chérie. Repose-toi bien et bois beaucoup d’eau. Et n’hésite pas à te faire examiner par un médecin », elle a ajouté avec un regard curieux mais un sourire poli.

Je hochais la tête, désireuse de partir. « Oui, bien sûr. J’irai voir un médecin. »

Il n’y avait aucune chance que j’aille voir un médecin. Un, je ne savais même pas où était le plus proche. Et deux, j’étais quasiment sûre de ne pas avoir d’assurance.

Je suis sorti du bureau avant qu’elle n’ait ajouté autre chose et me dirigé vers mon casier.

Je me suis assis dans le couloir pendant une demi-heure, essayant de trouver le courage de me relever.

Rentrer chez moi plus tôt n’était vraiment pas une option. Frank serait probablement là, et il irait directement en parler à Melissa s’il me voyait.

La cloche retentissait enfin pour signaler la fin du cours.

Je prenais mon temps pour ouvrir mon casier et y fourrer mes livres. Une odeur familière et enivrante de parfum et de sueur masculine me chatouillait les narines. Je réprimais un soupir et claquais mon casier.

« On dirait que la petite poupée a passé une mauvaise journée », Alec a sifflé, son regard sombre passant de son frère à moi. Alec se tenait à un côté de moi, bien trop près.

Kade était de l’autre côté, ses yeux noirs rivés sur ma tête.

« Comment va ta tête, ma belle ? » Sa voix rauque était adoucie par un léger froncement de ses lèvres.

Leurs jeux psychologiques me faisaient encore plus mal à la tête, et j'avais l'impression que j'allais avoir un torticolis à force de leurs changements d'humeur. Un instant, ils m'insultaient, me balançaient des piques. Et l'instant d'après, Alec ne pouvait plus garder ses mains loin de moi. Puis ils me lançaient des regards noirs avant de s'inquiéter pour ma fichue tête.

Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, la main rugueuse de Kade a attrapé mon menton, tournant mon visage vers le sien. Son contact m’a fait frissonner, et je tremblais en sentant le souffle d'Alec chatouiller mon oreille.

L’autre main de Kade, beaucoup plus douce que ce à quoi je m'attendais, ne faisait qu’augmenter ma confusion.

Il a touché doucement l'endroit où ma tête avait heurté le sol de la salle de gym.

Un sifflement de douleur s'échappait de mes lèvres sous son contact, et je m'éloignais un peu, me rapprochant d'Alec.

« Pauvre petite poupée blessée », Alec a murmuré à mon oreille. « Tu sais ce que ça veut dire, Kade. »

« On va te faire aller mieux, ma belle », Kade a murmuré d'une voix rauque en tenant fermement mon menton.

Mon cœur battait à tout rompre, et l'envie de fuir se faisait de plus en plus présente dans mon esprit. Je me retrouvais en pleine guerre intérieure. Une partie de moi voulait partir en courant, mais une autre appréciait leur contact doux, l'attention qu'ils me donnaient.

Un cri de surprise m'échappait quand Alec a saisi ma taille. Ses doigts effleuraient l'ourlet de mon t-shirt, frôlant la peau tendre en dessous.

« A-Arrête », j’ai balbutié, essayant de repousser ses mains.

Mes mains ont été écartées sans effort alors que Kade penchait ma tête de côté.

« Chut », son souffle mentholé a glissé mon visage, délicieusement.

Kade a incliné ma tête avec une telle aisance que j’ai sursauté quand une paire de lèvres douces s’est posée sur mon cou.

« Qu'est-ce que tu fais ! » J'ai crié en sentant ses lèvres descendre le long de mon cou.

Dire que ça faisait du bien serait un euphémisme. Une partie cachée de moi voulait rester dans ce couloir désert avec eux pour toujours, oublier le monde extérieur et nos tourments. Un monde où ils reviendraient à leurs jeux cruels dès qu'ils en auraient l'occasion.

« On te soigne, poupée », Alec a murmuré à mon oreille, ses doigts traçant des motifs sur la peau nue de mon ventre.

Kade semblait très doué avec sa bouche. Il a déposé des baisers légers et des mordillements le long de mon cou et de mon épaule, me faisant haleter de douleur et de plaisir.

« Aurore ? » La voix familière de Tori a résonné dans le couloir, accompagnée du bruit de ses pas rapides.

L'horloge accrochée au mur indiquait 14h12, deux minutes après la deuxième sonnerie.

Plus vite que je ne pouvais le réaliser, Kade et Alec se sont éloignés de moi.

« À la prochaine, ma belle », Kade a murmuré à mon oreille, sa légère barbe effleurant ma joue. J’ai frissonné visiblement sous sa voix grave. Mes yeux restaient fixés sur le sourire en coin qui ornait ses lèvres pleines.

Je voulais les embrasser tous les deux, mais en même temps, je voulais les repousser et partir en courant. À quoi jouaient-ils exactement ? Je commençais à penser qu’on aurait dû rester en Californie.

Ils se sont retournés et me laissée seule dans le couloir. Tori est apparu une seconde plus tard, une expression étrange sur le visage.

Eh bien, les jumeaux avaient raison sur un point : mon mal de tête n'était plus qu'un lointain souvenir.