Chapitre 8

Après ma conversation sans intérêt avec Melissa, je suis allée directement sous la douche.

Mon corps refusait de m'offrir un peu de répit en me laissant enfin dormir paisiblement.

Au lieu de ça, je restais allongé, fixant le plafond abîmé, ressassant les paroles d'Alec et Kade.

Comment pouvaient-ils sérieusement penser que je leur appartenais ? Je venais à peine de commencer l’école ici, je ne les connaissais même pas vraiment. Pourtant, ils affirmaient que j’étais à eux, comme s’ils me connaissaient depuis toujours.

Ça aurait été plus facile d’ignorer les jumeaux si je ne ressentais pas cette étrange connexion entre nous. Certes, ils étaient incroyablement beaux, mais une part de moi avait envie d’être près d’eux. Comme si mes instincts me poussaient vers eux alors que ma raison me disait de m’éloigner. Malgré tout, mon corps réagissait tout seul à leur contact, comme s’il voulait être réclamé par eux.

Le lendemain, je n’avais pas le choix, il fallait aller à l’école. Melissa avait son jour de congé et je ne voulais surtout pas rester coincée avec elle et Frank. Leurs disputes auraient suffi à me rendre folle.

Je me suis levée avec un grognement de fatigue. J'avais dormi à peine quatre heures cette nuit-là.

Je soupirais en regardant la pile de vêtements sales dans ma chambre. J'avais complètement oublié de faire ma lessive hier, ne me laissant que très peu d’options pour m’habiller.

Il me restait une robe fleurie qui arrivait à mi-cuisses, un short ridiculement court et un pantalon de pyjama tout doux.

J'ai choisi la robe fleurie, celle qui attirerait le moins l’attention. Je l’ai assortie à une vieille veste en jean et une paire de baskets usées.

Mes yeux étaient brillants mais un peu rouges quand je me suis regardée dans le miroir. Je fixais les cernes sous mes yeux et maudis intérieurement les jumeaux.

Je suis descendue à la dernière minute, ignorant les regards noirs que Melissa me lançait.

« Aurore, viens ici une minute. » Melissa m’a appelée d'une voix sèche, et je serais les dents.

Mon corps se crispait instinctivement en m’approchant de cette femme qui m'avait portée pendant neuf mois.

« Oui ? » J’ai pincé les lèvres et croisé son regard pâle.

Quand j'avais emménagé chez elle, c'était douloureux de la regarder. Chaque fois que je plongeais dans ses yeux, je voyais ce qu’elle aurait pu être. Elle aurait pu être la maman qui m'apprendrait à comprendre les garçons, qui m'emmènerait faire du shopping et passer des après-midis à rire en regardant des films.

Elle aurait pu être tellement plus, si seulement elle avait essayé, si seulement elle avait un peu tenu à moi.

Avec le temps, j'ai cessé de voir ce qu’elle aurait pu être. Maintenant, je ne voyais plus que ce qu’elle était vraiment.

Il y avait quelque chose de sombre dans son regard, et je savais que toute gentillesse de sa part était feinte.

« Pourquoi tu n’appelles pas l’assistante sociale pour lui dire que tu as juste été dramatique ? » elle a dit, l'air détaché, avec un petit geste de la main.

« Pourquoi je ferais ça ? » Je fronçais les sourcils, les bras croisés, en la fixant.

Frank était assis de côté, sur son fauteuil, à regarder la télévision. Je gardais exprès les yeux loin de lui.

« Je te dis quoi, si tu le fais, je partage les chèques avec toi. » La voix de Melissa était étrangement douce, et je me demandais combien d’efforts elle mettait dans ses paroles.

Parfois, très rarement, Melissa disait ou faisait quelque chose qui me blessait à l’intérieur, ravivant cette envie d’être aimée. Sa douceur perçante était née une douleur vive dans ma poitrine, un rappel cruel que ce n’était qu’un masque.

« Pense à tout ce que ça pourrait t’apporter pour l’université. » elle a ajouté, et la douleur s’intensifiait.

Je ne savais même pas qu'elle était au courant de mes projets pour l'université. Je ne lui en avais jamais parlé, et elle ne m'avait jamais posé la question.

Je serais les dents et luttais contre la douleur, « Je vais y réfléchir. »

« Bien sûr. » Melissa a hoché la tête, retournant à sa tâche dans la cuisine.

Je me suis retournée et me suis dirigé vers la porte d’entrée.

« Bonne journée à l’école. » Ses mots m’ont transpercée comme un couteau, et j’étais certaine qu’elle savait l’effet qu’ils avaient sur moi.

Mon cœur me faisait mal tout le chemin jusqu’à la voiture de Tori, et pour une fois, j’aurais vraiment voulu marcher jusqu’à l’école.

Les larmes montaient à mes yeux, me causant un mal de tête et un nœud dans la gorge.

Juste au moment où je pensais m’être blindée contre toute souffrance venant de Melissa, elle trouvait encore le moyen de me faire mal.

Chaque fois que Melissa voulait quelque chose, elle utilisait tout ce qu’elle avait sous la main. Elle savait, au fond, que je voulais une mère, que je voulais être aimée et acceptée. Elle faisait semblant de s’en soucier, le temps d’obtenir ce qu’elle voulait, avant de redevenir elle-même.

« Ça va ? » Tori a levé un sourcil en me regardant, en quittant l'allée de la maison.

J’ai pris quelques secondes pour me reprendre, repoussant les larmes qui menaçaient de couler.

« Oui. » Je forçais le mot hors de mes lèvres, « J’ai mal dormi. »

C’était l’une des choses que j’appréciais vraiment chez Tori. Quand tu ne voulais pas parler d’un sujet, elle n’insistait pas. Elle se contentait de suivre le mouvement.

« J’adore ta robe, au fait. » Tori a souri, en hochant la tête vers ma robe fleurie.

Je haussais les épaules, « Je l’ai depuis quelques années. J’ai oublié de faire ma lessive hier. »

« Il faut vraiment que je t'emmène faire du shopping un jour. » Tori soupirait en secouant la tête, ses boucles flamboyantes dansant autour de son visage.

« Je t’ai déjà dit que je n'avais pas d'argent pour des vêtements en ce moment. » J’ai haussé un sourcil, sachant qu’elle pouvait être très têtue.

« Je t'ai déjà dit que— » elle a commencé, mais je l’ai coupée.

« Non non, pas question. Tu ne vas pas m’acheter des vêtements. » Je secouais la tête, « Je ne pourrais jamais te rembourser. »

« Encore une fois, je t’ai dit que je ne voulais pas que tu me rembourses. » Tori a levé les yeux au ciel, « Ma famille peut clairement se le permettre. »

« Si je te dis peut-être, ça te suffira ? » J’ai levé un sourcil, grimaçant en voyant un sourire apparaître sur son visage.

« Oui, oui, ça me suffira. » Tori a souri.

« D'accord. » Je roulais des yeux, mais un sourire naissait sur mes lèvres. « Peut-être. »

« Bien, peut-être est à deux pas de oui. » Tori souriait encore plus largement.

« Et à un pas de non. » Je ricanais.

Les deux premières classes se sont parfaitement déroulées. J’ai réussi à maintenir une moyenne de A et à rendre mes devoirs à temps. L’école n’a jamais été difficile pour moi, c’était le reste qui l'était.

Ma troisième classe n’était qu’un obstacle de plus dans ma journée.

Kade et Alec étaient, comme toujours, assis aux extrémités de la table, me forçant à choisir à qui je voulais m'asseoir à côté.

Ils avaient ce regard arrogant et séduisant alors qu'ils me fixaient.

Je sentais mon visage chauffer désagréablement alors que leurs regards sombres suivaient la ligne de mes jambes exposées.

J’aurais dû porter mon pantalon de pyjama tout doux à l’école.

Kade s’adossait à sa chaise, ses cheveux courts en désordre parfait, tandis que son t-shirt moulait ses bras musclés. Alec, lui, avec ses cheveux délicieusement en bataille et son blouson en cuir, avait l’air du mauvais garçon tout droit sorti d’un film.

Si je suis honnête, je n’avais pas vraiment besoin de choisir à côté de qui m’asseoir. Kade, plus stoïque et sérieux, contrastait avec Alec, toujours un peu plus joueur.

Sans trop réfléchir, j’ai choisi au hasard. De toute façon, je savais que j’allais être tourmentée, peu importe mon choix.

Je me suis laissée tomber à côté de Kade, en prenant soin de bien tirer ma robe sous moi.

« On dirait que la petite poupée t’a choisi cette fois-ci. » Alec a lancé avec un sourire en coin, un regard dangereux parcourant mon corps.

Kade s’étira un peu plus dans sa chaise, passant son bras autour du dossier de ma chaise. Quelques élèves jetaient des coups d'œil curieux, mais personne ne disait rien.

J'ai poussé un long soupir, posant mes livres sur le bureau avant de les ouvrir pour commencer les devoirs du jour.

« Quelque chose ne va pas, ma belle ? » La voix grave de Kade a résonné tout près de mon oreille, me faisant sursauter.

« Je me demande juste si un jour je pourrai avoir un peu de répit. » Je les fixais tous les deux, Kade et Alec.

J’ai presque eu envie de rire en voyant l’air faussement innocent sur leurs visages. Malgré mon malaise, je devenais plus audacieuse dans mes réactions. Ils repoussaient mes limites, et je commençais à répondre.

« Pourquoi tu voudrais une pause, ma belle ? » Kade a murmuré à mon oreille, un sourire en coin.

« Surtout qu’on s’amuse tellement, petite poupée. » Alec a ajouté, le même sourire malin que son frère sur les lèvres.

Je levais un sourcil en les regardant, ignorant la chaleur qui montait à mon visage.

« Les seuls à s’amuser ici, c’est vous deux. » Je grimaçais, tournant enfin mon attention vers le professeur et son enthousiasme pour le XIXe siècle.

« Tu ne t’amuses pas ? » Kade a demandé, amusé, me faisant frissonner avec sa voix.

« Ce n’est pas évident ? » J’ai marmonné en gardant les yeux rivés sur le prof.

« On va devoir changer ça, frère. » Alec a dit d’une voix rauque, un sourire mystérieux aux lèvres.

J’ai essayé de me concentrer sur le cours pour le reste de l’heure, mais les paroles d’Alec résonnaient encore dans ma tête. Il y avait quelque chose dans la manière dont il avait dit ça, comme une promesse sous-jacente. Mon estomac se tordait, et je me doutais qu'ils préparaient quelque chose.

Mon cours suivant a été un vrai calvaire.

Je me suis installée à côté de Tori, comme d’habitude, mais cela n’a pas empêché Grace d’être particulièrement désagréable aujourd’hui.

D’habitude, je pouvais ignorer ses commentaires moqueurs, mais elle devenait de plus en plus audacieuse.

« Quelle honte. » Grace a ricané avec ses copines, « La petite bizarroïde n’était pas là aujourd’hui, j’espérais qu’il lui soit arrivé quelque chose. Dommage qu’elle soit de retour. »

Grace soupirait comme si ma présence était une immense gêne pour elle, et ses amies ont éclaté de rire.

J’ai fait l’erreur de lever les yeux au ciel, sans vraiment trouver sa remarque amusante.

En général, j’ai beaucoup de maîtrise avec les gens comme elle, mais ces derniers temps, j’étais particulièrement irritable. J’étais constamment sur les nerfs, sans raison apparente.

« Qu’est-ce que t’as dit, la bizarroïde ? » Grace a craché en se levant de sa chaise et en marchant vers moi.

Son parfum de luxe était tellement fort que j’en avais la nausée. C’était comme si ma tête flottait dans une brume lourde et étouffante.

Je sentais mon estomac se retourner, et je me demandais vaguement si j’étais enceinte. La première fille a enceinté sans jamais avoir eu de relation, une anomalie hilarante.

Tori, assise à côté de moi, était rigide comme un piquet. Son visage devenait aussi rouge que ses boucles flamboyantes.

Alec était de l’autre côté de la salle, en train de parler avec des gars de quelque chose sans importance.

« Pourquoi tu ne la laisses pas tranquille ? » Tori a lancé, plus agressive que je ne l’avais jamais entendue.

Grace s’est tournée vers Tori et ricané, « Ah, la petite bizarroïde peut plus se défendre toute seule maintenant ? »

« Fous-lui la paix, Grace. » Tori a grogné, un son surprenant venant d'une fille aussi petite qu’elle.

« Ouh, t’es trop menaçante. » Grace feignait la surprise, « Pourquoi tu ne la laisses pas se défendre elle-même ? T’as un petit faible pour elle ou quoi ? »

« Je ne pense pas qu’Alec aimerait la façon dont tu parles à Aurore. » Tori a lancé en regardant Grace avec un regard assassin, suffisamment fort pour capter l’attention d’Alec.

Mes yeux se tournaient vers Alec, et je n’ai pas pu m’empêcher de m’attarder sur son allure imposante, sur la façon dont ses muscles dessinaient des lignes parfaites sous son t-shirt.

Les yeux sombres d’Alec se sont posés sur moi, puis ont dérivé vers une Tori furieuse et une Grace stupéfiait.

Ce qui s’est passé ensuite était assez étrange, et j’y aurais sûrement réfléchi plus si je n'avais pas la tête complètement embrouillée par le parfum envahissant de Grace.

Alec n’a rien dit à Grace, mais son regard s’est fait soudain glacial et menaçant.

Grace pâlissait, tout signe de colère s’effaçant de son visage fin.

Avec un dernier regard noir qui suintait la haine, Grace est retourné à sa place en tremblant.

Alec a hoché la tête en direction de Tori avant de reporter son attention sur moi.

« Quelle idiote. » Tori a marmonné entre ses dents.

J’ai posé ma tête contre le bureau frais et pris quelques respirations profondes. Ma tête tournait complètement, le parfum de Grace s’insinuant partout dans mes sinus.

« Ça va, Aurore ? » Tori a demandé, la voix pleine d’inquiétude.

J’ai ouvert un œil et regardé son visage inquiet, « Ouais, juste un peu nauséeuse. »

« Tu veux aller à l’infirmerie ? » Tori a proposé, son regard dérivant de l’autre côté de la salle.

« Non. » J’ai soupiré, relevant lentement la tête du bureau. « Ça va passer. C’est juste le parfum de Grace qui est trop fort. »

« Si tu le dis. » Tori m’a regardée bizarrement, « Moi je le sens à peine. »

« Peut-être que c’est mon nez qui a un problème. » J’ai haussé les épaules.

Tori s’est levé et allait ouvrir la fenêtre, laissant une bouffée d’air frais envahir la salle.

« T’es géniale. » J’ai soupiré, appuyant ma tête sur ma main.

Tori a éclaté de rire, « Tu me dragues, Aurore ? »

« Peut-être bien. » J’ai ri avec elle.