(Eryx, Amara, Selene, Thalia)Eryx — L'odeur du désir flotte encore dans l'air, accrochée à la poussière, à la sueur et au sang. La bataille est terminée, mais une guerre plus subtile, plus intime, semble commencer. Ce n'est pas celle des épées, ni des armées, mais celle des âmes. Et celle-ci, je le sais, sera bien plus dévastatrice.Je suis en proie à une étrange sensation, comme si chaque mouvement, chaque regard échangé, me tirait inexorablement vers un abîme que je ne peux plus fuir. Il est trop tard. Les frontières entre nous se sont estompées, et malgré la violence de ce que nous avons vécu, il reste cette tension, plus palpable encore. Elle est là, tout autour de nous, dans les regards fuyants, dans les silences lourds, dans les gestes trop vite réprimés.Je me tiens là, dans cette pièce humide du bastion, un éclairage vacillant me donnant l’impression que tout ici est encore en train de se reconstruire, de se redéfinir. Le crépuscule arrive, et pourtant, tout semble figé, comm
(Eryx, Amara, Selene, Thalia)Eryx — Le vent souffle violemment à l'extérieur, hurlant contre les murailles du bastion comme une bête enragée. Mais le chaos extérieur semble pâle, presque insignifiant, comparé à la tourmente qui fait rage à l’intérieur. L’air ici est plus lourd que jamais, saturé des non-dits qui m'étouffent. Le calme apparent qui a suivi notre confrontation dans la salle est trompeur, car sous la surface, tout bouillonne, tout se brise et se reconstruit.Je ne peux plus ignorer ce que j’ai ressenti avec Amara, ni ce que j’ai vu dans les yeux de Selene. Et Thalia, elle, joue avec les fragments de nos vies comme une artisane habile, façonnant chaque geste, chaque parole pour son propre amusement. Mais tout cela m’échappe. Je suis pris dans un tourbillon, et je ne sais pas si je me noie ou si je nage encore.Je m'éloigne de la fenêtre, le vent de plus en plus fort fouettant mes cheveux. Une partie de moi veut m'enfuir, fuir cette situation, fuir cette attraction si palp
Eryx — L’air est lourd, électrique. Un silence pesant s’est installé, mais il est trompeur. Ce n’est pas un silence de repos, c’est celui qui précède la tempête. Les regards se croisent, se défient, se fuient. La tension entre nous est un fil tendu, prêt à se rompre à tout moment.Amara est à quelques pas de moi, le corps tendu comme une corde d’arc. Son regard cherche le mien, mais je n’ose pas trop longtemps m’y plonger, de peur d’y voir des réponses que je ne suis pas prêt à affronter. Selene, quant à elle, est figée, une statue de marbre aux lèvres scellées. Seule Thalia semble à l’aise, son sourire énigmatique trahissant l’amusement qu’elle retire de la situation.Et puis il y a Kael.Il vient d’entrer, et toute l’atmosphère change. Kael n’a pas besoin de parler pour imposer sa présence. Il est le genre d’homme qui n’a pas besoin de hausser la voix pour qu’on l’écoute, et pourtant, ce soir, son regard noir semble plus tranchant que jamais.Kael — "J’imagine que vous avez tous une
Amara — "On saigne."Son murmure fend le silence. Elle ne parle pas de blessures physiques. Elle parle de ce que nous avons déjà perdu, de ce que nous allons devoir sacrifier. Ses yeux croisent les miens, et j’y lis une détermination effrayante.Kael — "Alors il est temps de tracer la route avec cette encre."Il sort un parchemin noir, un tissu ancien trempé dans la magie ancienne. L’encre utilisée est du sang de dragon, c’est-à-dire le mien. Je le sens dans l’air, cette odeur métallique, entêtante, que je ne peux pas ignorer.Selene — "Tu veux sceller un pacte maintenant ? Alors que rien n’est prêt ?"Kael — "Rien ne le sera jamais si vous continuez à hésiter. Vous êtes les trois reines sauvages, mais tout ce que je vois, ce sont trois filles effrayées par leur propre reflet."Thalia — "Fais attention, Kael. La dernière fois qu’on m’a traitée de fille, le sang a coulé. Et ce n’était pas le mien."Elle sourit. Ce sourire dangereux, qui annonce le chaos. Je sais ce qu’elle est capable
Plus tard, alors que la forteresse s’endort lentement dans le murmure des gardes et le crépitement des torches, je la retrouve.Selene. Seule. Debout dans la cour intérieure, le regard levé vers les étoiles. Ses cheveux volent comme des fils d’argent noir sous la brise.Eryx — "Tu pries ?"Selene — "Non. J’écoute."Eryx — "Écouter quoi ?"Selene — "Le chant du destin. Il est faible, parfois. Et violent, d’autres soirs. Ce soir… il pleure."Eryx — "Je ne veux pas qu’il pleure pour toi."Elle se retourne. Me regarde. Puis s’approche lentement.Selene — "Tu ne pourras pas me sauver, Eryx. Ni moi, ni Thalia. Ni même Amara."Eryx — "Mais je peux essayer."Elle frôle ma joue de ses doigts. Son regard est une tempête.Selene — "Alors essaie. Mais sache que le prix sera le tien. Et que je ne reculerai pas."Elle s’éloigne, me laissant là, avec ses mots tatoués sur ma peau comme une brûlure sacrée.Eryx — Je suis prisonnier de trois reines. Trois flammes qui me consument différemment. L’une m’
Amara — Le retour au palais me laisse une amertume dans la gorge. On m’attendait avec des acclamations, des sourires feints et des promesses de reconnaissance. Mais je ne vois que des murs plus hauts, des regards méfiants, des pièges tendus dans l’ombre.Kael reste silencieux derrière moi, mais je sens sa colère. Il marche comme un loup tenu en laisse.Kael — "Ils célèbrent ta victoire alors qu’ils boivent encore le sang des morts de Ferune."Amara — "C’est toujours comme ça ici."Kael — "Tu ne peux pas te contenter de survivre dans ce nid de vipères."Je m’arrête. Je me retourne vers lui. Le hall est désert, baigné d’un soleil d’hiver. Froid. Tranchant.Amara — "Je ne survis pas. Je conquiers."Il soutient mon regard. Il y a quelque chose de trop intense dans ses yeux. Une douleur qui cherche à éclater.Kael — "Et qui paiera le prix de ta conquête ?"Je n’ai pas le temps de répondre. Un messager surgit. Il me tend une note. Les mots sont tracés à la hâte.Eryx — "Viens. Seule. Salle
EryxJe sens d’abord son absence.Ce vide. Cette béance discrète, mais brûlante.Ce matin-là, Amara ne vient pas.Pas même un regard dans la cour d’entraînement.Pas un mot dans la salle du conseil.Pas un souffle partagé.Elle évite mes yeux comme on évite une lame. Et je sens la coupure, même sans le contact.Alors je comprends.Quelque chose a changé.Quelque chose entre elle et moi. Quelque chose qu’elle tente d’effacer.Et je la hais pour y parvenir aussi bien.Je ne pose pas de question. Je n’interroge pas Kael, même s’il a ce sourire en coin qu’il n’a jamais quand il gagne une bataille. Non, c’est un autre genre de triomphe.Et cela me rend fou.Je serre les dents. Les phalanges blanchies autour de la coupe que je tiens.Le vin est rouge. Rouge comme ce que je retiens à l’intérieur.Rouge comme ce que j’imagine sur la peau de Kael. Sur celle d’Amara.Thalia s’approche.Elle voit ce que je dissimule mal. Elle, elle sait lire les cendres dans les regards.Elle sait reconnaître un
AmaraLa nuit m’engloutit.Je ne dors pas.Je ne rêve plus.Je fixe le plafond de ma chambre comme s’il allait m’offrir des réponses. Mais il ne me renvoie que le vide. Le même que je ressens quand je pense à Eryx. Quand je repense à son regard. À cette douleur qu’il cache mal. Ce reproche silencieux. Cette tendresse qui se change en colère.Je n’ai jamais voulu choisir. Pas comme ça. Pas entre deux flammes. Pas en brûlant.Mais j’ai touché Kael.Et quelque chose en moi a basculé.Je ne sais pas si c’est de l’amour. Je ne sais même plus ce que je ressens. Tout est trop confus. Trop lourd. Trop rapide.Je me lève. Pieds nus sur le sol glacé. J’étouffe.Je quitte ma chambre sans but. Je marche dans les couloirs déserts du palais. Les pierres murmurent les secrets des siècles. Ce lieu ne dort jamais. Il observe. Il retient. Il juge.Et moi, je fuis.Je finis par pousser une porte que je ne reconnais pas. Une terrasse oubliée, haute, exposée au vent nocturne. Je m'y adosse, les bras autou
SeleneJe suis restée figée au centre du cercle.Le sol est redevenu pierre. Le dessin a disparu, englouti dans la poussière. Mais sa trace palpite encore. Elle s’imprime dans l’air, dans mes os, dans le silence qui nous entoure. Mon souffle est lourd, chargé de cendre. Le vent ne souffle plus. Le monde entier semble suspendu, comme s’il attendait ma chute.Mais je ne tombe pas.Chaque battement de cœur est une gifle. Un rappel. Je suis liée. À eux. À lui. À moi-même. Je sens chaque fil du pacte me traverser, me relier à quelque chose de plus vaste que moi.Je tourne lentement sur moi-même.Ils sont là. Eryx, Thalia, Amara. Leurs regards sont différents, mais tous brûlent d’une même attente. Ils veulent comprendre. Savoir ce que j’ai vu. Ce que j’ai fait. Ce que je suis devenue.Et soudain, je comprends.Ce n’était pas la fin.Ce n’était même pas le début.C’était l’ouverture.Le seuil.L'invocation.La véritable épreuve commence maintenant.EryxJe la vois debout. Le dos droit. Le vi
Mais la nuit tombe.Et avec elle, un murmure.Un souffle étrange glisse sur le temple.Les torches s’éteignent une à une, sans que personne ne les touche.L’obscurité nous avale sans violence.Elle nous enveloppe.Comme un linceul.Et dans l’ombre, une voix s’élève.Froide. Ancienne. Inhumaine.Voix — "Le Cercle est ouvert."**Amara entre.Vêtue de noir.Les symboles qu’elle a tracés sur sa peau brillent d’une lumière pâle.Comme des cicatrices vivantes.Elle ne dit rien.Elle n’a pas besoin.Quelque chose commence.Quelque chose qu’on ne pourra pas arrêter.Et dans les yeux d’Eryx, quand il franchit la porte, je vois qu’il a compris.Ce n’est plus une épreuve.C’est une sentence.Et nous sommes les témoins.Ou les victimes.**Demain n’existe plus.Il ne reste que ce chant ancien, murmuré dans les couloirs du temple.Le chant du jugement.Et il porte nos noms.SeleneLa nuit n’a pas de fin.Elle s’étire comme un fil de fer barbelé, entaillant chaque heure.Pas de lune. Pas d’étoiles
SeleneLe matin se lève sur un ciel de fer.Pas une trace de lumière.Seulement cette masse lourde de nuages, qui presse contre les toits du temple comme un couvercle prêt à céder.L’air est figé. Même les oiseaux se sont tus.Je n’ai pas faim.Je n’ai pas froid non plus.Je ne ressens rien de ce qui devrait m’être familier. Comme si la veille avait tout absorbé. Mes pensées. Mon corps. Mon nom.Tout ce que j’étais semble s’être effacé entre deux battements de cœur.Je traverse les couloirs du sanctuaire sans réfléchir.Mes pas résonnent, sourds, réguliers, sur la pierre.À chaque détour, je m’attends à voir une silhouette, un visage, un souvenir surgir. Mais il n’y a que le vide.Le silence du temple est presque sacrilège. Comme s’il retenait son souffle.Je ne cherche personne.Mais je sens que quelque chose est sur le point de se briser.**Je retrouve Amara dans la salle des offrandes.Elle est seule, agenouillée devant l’autel.Ses mains sont couvertes de cendre et d’encre.Elle
SeleneJe n’ai pas dormi non plus.Je reste assise sur le toit du temple, les jambes pendantes dans le vide, le regard perdu dans les brumes de l’aube. Le vent siffle à mes oreilles, mais il ne m’emporte pas. Pas encore. Il me teste. Il me frôle comme s’il attendait que je cède enfin.J’ai passé la nuit à écouter les silences.Ceux d’en bas, ceux de la pierre, ceux qui hantent les murs du sanctuaire.Ceux qui tombent entre deux battements de cœur.En bas, la tour est calme. Trop calme. Le genre de silence qui précède une tempête. Une tension feutrée, invisible, qui se glisse dans la moelle des os. Tout est en attente.Je l’ai embrassé.Je l’ai fait parce qu’il avait peur.Parce qu’il allait s’effondrer.Parce qu’il me regardait comme on regarde une vérité oubliée. Quelque chose d’ancien, de sacré, d'interdit.Et pourtant, je savais.Je savais que Thalia me verrait.Et je savais ce que ça lui ferait.Mais je l’ai fait quand même.Parce que je suis égoïste.Parce que je voulais sentir,
ThaliaJe ne dors plus.Je reste là, les yeux ouverts, à fixer le plafond sculpté de la tour. Les drapés bougent avec le vent. Le silence n’est pas calme. Il est acide. Il me ronge.Il l’a embrassée.Selene.Et puis il a écouté Amara. Et il s’est agenouillé.Pas devant moi.Devant elles.Je devrais rire.Je devrais hurler.Mais j’ai envie de tuer.**Le lendemain, je ne descends pas pour le repas.Ni pour l’entraînement.Je reste enfermée dans ma chambre, volets clos, la chaleur montante collée à ma peau. Mon corps tremble sans que je ne sache si c’est de rage ou de douleur.Je brise la lame contre la pierre.Je frappe le mur jusqu’au sang.Et quand mes phalanges ne répondent plus, je hurle.Pas pour qu’on m’entende.Pour me rappeler que j’existe.J’arrache les draps. Je piétine les restes.Tout devient cendres.Moi comprise.**Il vient.Évidemment qu’il vient.Il frappe à ma porte. Une fois. Deux fois.Je ne réponds pas. Je m’assois contre le mur, jambes repliées, la respiration cou
EryxJe les sens.Même quand elles ne sont pas là.Leur odeur. Leur présence. L’écho de leurs voix dans ma tête. Elles me tournent autour comme trois crocs prêts à m’arracher la gorge. Et je ne sais plus si je veux fuir ou m’offrir à leurs morsures.Thalia m’a brûlé.Selene m’a glacé.Et Amara… Amara ne dit rien. Mais elle observe. Elle attend. Elle est celle qui frappera quand tout vacillera.Je quitte la serre au matin, mais la moiteur des fleurs ne me quitte pas. Le souvenir de Selene non plus. Sa voix, ses mots. Cette promesse douce et toxique : Je veux que tu tombes amoureux de moi. Et que tu nous détruises toutes les deux en le faisant.Je devrais partir.Je ne le fais pas.**Le soir, je m’entraîne.Les coups résonnent dans la salle vide. Le bois des armes d’entraînement siffle dans l’air. Je frappe, j’esquive, je frappe encore. Je transpire leur absence.Mais elle arrive.Thalia.Toujours sans prévenir. Toujours comme une tempête.Elle s’approche sans un mot. Elle saisit une a
Thalia Mais il s’arrête. Son front contre le mien. Le souffle court.Eryx — "Si je tombe… ce sera pour de bon."Thalia — "Alors chute avec moi."Nous restons là. Corps à corps. Chair contre chair. Dans ce bain brûlant où la loyauté se fissure et le désir gouverne.Quand je sors de l’eau, bien plus tard, je ne regarde pas en arrière. J’ai laissé quelque chose en lui. Je le sais.Et quand je remonte dans les étages, je sens leur regard.Amara, qui m’attendait.Selene, qui comprend sans un mot.Eryx nous échappe. Mais cette nuit…Cette nuit, il a brûlé avec moi.SeleneJe les ai vus.Leurs corps enlacés dans la vapeur, leurs bouches qui s’écrasent avec une urgence presque violente, cette fièvre animale qui gronde même à travers les murs de pierre. Le souffle court, les gestes tremblants, les doigts qui agrippent comme s’ils allaient se perdre.Je n’ai rien dit. Je n’ai pas eu besoin.Je suis restée dans l’ombre, à l’entrée des bains, invisible mais présente. Le silence m’enveloppait, co
AmaraLa nuit m’engloutit.Je ne dors pas.Je ne rêve plus.Je fixe le plafond de ma chambre comme s’il allait m’offrir des réponses. Mais il ne me renvoie que le vide. Le même que je ressens quand je pense à Eryx. Quand je repense à son regard. À cette douleur qu’il cache mal. Ce reproche silencieux. Cette tendresse qui se change en colère.Je n’ai jamais voulu choisir. Pas comme ça. Pas entre deux flammes. Pas en brûlant.Mais j’ai touché Kael.Et quelque chose en moi a basculé.Je ne sais pas si c’est de l’amour. Je ne sais même plus ce que je ressens. Tout est trop confus. Trop lourd. Trop rapide.Je me lève. Pieds nus sur le sol glacé. J’étouffe.Je quitte ma chambre sans but. Je marche dans les couloirs déserts du palais. Les pierres murmurent les secrets des siècles. Ce lieu ne dort jamais. Il observe. Il retient. Il juge.Et moi, je fuis.Je finis par pousser une porte que je ne reconnais pas. Une terrasse oubliée, haute, exposée au vent nocturne. Je m'y adosse, les bras autou
EryxJe sens d’abord son absence.Ce vide. Cette béance discrète, mais brûlante.Ce matin-là, Amara ne vient pas.Pas même un regard dans la cour d’entraînement.Pas un mot dans la salle du conseil.Pas un souffle partagé.Elle évite mes yeux comme on évite une lame. Et je sens la coupure, même sans le contact.Alors je comprends.Quelque chose a changé.Quelque chose entre elle et moi. Quelque chose qu’elle tente d’effacer.Et je la hais pour y parvenir aussi bien.Je ne pose pas de question. Je n’interroge pas Kael, même s’il a ce sourire en coin qu’il n’a jamais quand il gagne une bataille. Non, c’est un autre genre de triomphe.Et cela me rend fou.Je serre les dents. Les phalanges blanchies autour de la coupe que je tiens.Le vin est rouge. Rouge comme ce que je retiens à l’intérieur.Rouge comme ce que j’imagine sur la peau de Kael. Sur celle d’Amara.Thalia s’approche.Elle voit ce que je dissimule mal. Elle, elle sait lire les cendres dans les regards.Elle sait reconnaître un