Je suis né dans une famille où le mal rôdait à chaque recoin. Une famille où les ténèbres n’étaient pas qu’une métaphore, mais une réalité ancrée dans les murs, dans les regards, dans les silences pesants. Une famille où les secrets tuaient plus sûrement que les couteaux.
Mon grand-père était un homme respecté, craint même. Il avait quatre femmes, et ce qui aurait pu être un signe de puissance était en réalité le début de notre malheur. Ces femmes n’étaient pas de simples épouses. Elles étaient autre chose. Des ombres en chair et en os. Des entités qui se nourrissaient de peur, de douleur et de souffrance.
Elles étaient des sorcières.
Je ne l’ai pas compris tout de suite. Un enfant ne voit pas le mal quand il vit au milieu de lui. Il l’accepte, il le normalise. Mais les signes étaient là, sous mes yeux.
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Je me souviens de ce soir-là. Un soir où tout a changé.
Mon grand-père m’avait toujours interdit de trop m’approcher de lui. Il m’aimait, je le savais. Mais il gardait toujours une distance. Comme si un mur invisible nous séparait. Comme s’il voulait me protéger de quelque chose que je ne voyais pas encore.
Cette nuit-là, alors que je jouais dans la cour, son cri a fendu l’air.
— Mon fils !
Sa voix tremblait. Je l’entends encore aujourd’hui.
Je me suis précipité vers lui, pensant qu’il était arrivé quelque chose. Mais à peine avais-je franchi le seuil de la maison que je l’ai vu reculer, les mains levées comme pour me repousser.
— Ne t’approche pas.
J’ai stoppé net. Mon cœur battait fort.
— Pourquoi ? ai-je demandé d’une voix tremblante.
Il a baissé la tête, évité mon regard. Puis il a murmuré :
— À cause d’elles.
Il n’a pas eu besoin d’en dire plus.
Je savais de qui il parlait.
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Il y avait la première femme. Je l’appelais Le Corbeau, parce qu’elle portait toujours des vêtements noirs, parce que son regard était perçant, parce que sa voix résonnait comme un présage de mort. Elle n’avait aucune pitié. Elle n’hésitait pas à frapper, à maudire, à punir. J’avais vu son ombre danser sur les murs la nuit, une ombre qui semblait ne pas lui appartenir.
Puis venait La Mouche Tsé-Tsé, la plus dangereuse. Silencieuse. Sournoise. Elle agissait dans l’ombre, frappait sans qu’on ne comprenne comment. Ceux qui la sous-estimaient tombaient malades, perdaient l’esprit. Un regard, un simple regard, et c’était fini.
Et enfin, il y avait Le Hibou. Douce en apparence. Muette, presque invisible. Mais son sourire cachait des abîmes.
Elles étaient là, toujours là. À guetter. À surveiller.
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Ce soir-là, après que mon grand-père m’a ordonné de rester loin de lui, je suis retourné dans ma chambre. Mais je n’ai pas pu dormir.
Un bruit m’a réveillé. Un frottement léger. Comme si quelqu’un glissait sur le sol.
Je n’ai pas bougé.
Puis j’ai entendu un chuchotement.
— Il grandit trop vite.
Mon cœur s’est arrêté.
— Il faudra agir bientôt.
Ma gorge s’est serrée.
J’ai fermé les yeux, espérant que ce n’était qu’un rêve.
Mais au fond de moi, je savais.
Ce n’était que le début.
Les jours qui suivirent cette nuit-là furent marqués par une peur silencieuse. Une peur qui ne s’exprimait pas par des cris, mais par des regards furtifs, par des frissons inexplicables, par des nuits sans sommeil.
Je vivais dans une maison où les ombres avaient une présence propre. Une maison où les murs murmuraient, où l’air était chargé de quelque chose d’invisible, d’indicible. Une maison où la lumière du jour ne chassait jamais vraiment l’obscurité.
J’étais un enfant, mais je n’avais pas droit à l’innocence.
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Mon grand-père s’affaiblissait.
Je le voyais.
Son dos se voûtait de plus en plus, ses yeux perdaient leur éclat. Ses mains tremblaient lorsqu’il me caressait la tête. Pourtant, il s’accrochait à la vie avec une détermination féroce, comme s’il refusait de céder.
— Elles veulent ma peau, mon fils.
Il me disait ça souvent, les yeux rivés sur l’horizon, comme s’il parlait à un fantôme invisible.
— Mais je ne tomberai pas si facilement.
Je ne comprenais pas tout, mais je savais qu’il luttait.
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Un soir, alors que tout le monde dormait, je suis sorti discrètement de ma chambre.
J’avais soif, mais je redoutais la cuisine. C’était là que Le Corbeau passait le plus de temps, marmonnant des mots incompréhensibles en remuant des potions étranges.
Je me suis aventuré dans le couloir, mes pieds nus effleurant le sol froid.
Le silence pesait.
Puis, un murmure.
Je me suis figé.
Un murmure, faible, mais distinct.
Je l’ai suivi, poussé par une curiosité que je ne pouvais pas contenir.
Et ce que j’ai vu ce soir-là m’a glacé le sang.
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Elles étaient là.
Les trois.
Elles se tenaient autour du lit de mon grand-père.
Le Corbeau récitait quelque chose d’inaudible, une litanie sombre qui s’accrochait aux murs comme une ombre vivante.
La Mouche Tsé-Tsé tenait un bol rempli d’un liquide noirâtre, son regard brillant d’une lueur malsaine.
Le Hibou, immobile, observait mon grand-père comme un vautour attendant la mort.
Je voulais crier, mais aucun son ne sortait de ma bouche.
Je voulais courir, mais mes jambes refusaient de bouger.
Puis mon grand-père a ouvert les yeux.
Il m’a vu.
Un éclair de panique est passé dans son regard.
— Pars ! a-t-il soufflé.
Mais c’était trop tard.
Le Corbeau s’est retourné.
Ses yeux noirs m’ont transpercé.
Un sourire lent, terrible, a étiré ses lèvres.
— Viens ici, mon enfant.
Je me suis reculé d’un pas.
— Viens…
Ma gorge s’est serrée.
— Tu es l’avenir, n’aie pas peur.
Son ton était doux, mielleux.
Mais je sentais la menace cachée derrière ses mots.
J’ai secoué la tête.
Puis j’ai couru.
J’ai couru sans me retourner, sans savoir où j’allais.
Tout ce que je savais, c’était que si je restais une seconde de plus, je n’en ressortirais jamais indemne.
Ce fut la première fois que je compris que mon combat venait de commencer.
Après cette nuit-là, rien ne fut plus jamais pareil.Je n’étais plus un simple enfant. J’étais devenu une proie.Les jours passaient, mais le regard des trois femmes avait changé. Avant, elles m’ignoraient. Désormais, elles m’observaient. Partout où j’allais, je sentais leurs yeux sur moi. Pesants. Insistants. Comme si elles attendaient quelque chose. Comme si elles savaient que je savais.Mon grand-père, lui, s’affaiblissait davantage. Il passait de longues heures à fixer le vide, perdu dans des pensées qu’il ne partageait plus. Il ne m’appelait plus comme avant. Il ne m’avertissait plus de rester loin. Peut-être savait-il que c’était inutile.J’étais déjà pris au piège. ---Une nuit, alors que le vent hurlait contre les fenêtres, j’ai entendu des pas devant ma chambre.Lents.Réguliers.J’ai retenu mon souffle, écoutant.Quelqu’un s’arrêtait juste devant ma porte.Puis un grattement. Léger. Presque imperceptible.Je me suis levé sans bruit et j’ai reculé contre le mur, le cœur batt
Depuis ce jour, tout a changé.Je ne pouvais plus dormir sans craindre d’entendre ce grattement sinistre à ma fenêtre ou ce murmure derrière ma porte. Chaque coin de la maison me semblait hanté par une présence invisible. Et surtout, je sentais leur emprise grandir.Le Corbeau ne me lâchait plus du regard. La Mouche Tsé-Tsé rodait toujours autour de moi, silencieuse mais menaçante. Le Hibou, elle, souriait de son air énigmatique, comme si elle connaissait déjà la fin de l’histoire.Mais je ne comptais pas leur laisser le dernier mot.---Une nuit, alors que tout semblait calme, je me suis réveillé en sursaut, pris d’un violent frisson.Mon corps était glacé.Je n’avais pas fait de cauchemar, mais quelque chose n’allait pas.Puis je l’ai senti.Un poids sur ma poitrine.Invisible. Écrasant.Je voulais bouger, mais mes membres refusaient d’obéir. Ma respiration s’accélérait, mon cœur cognait dans ma poitrine.Et alors, dans le silence de la nuit…Une voix.— Il est à nous…Une ombre est
DavidJe ne peux pas dormir.Les mots de mon grand-père résonnent dans ma tête."Elles ne s’arrêteront pas. Il faut que tu sois prêt."Qu’est-ce que ça veut dire ? Prêt à quoi ?Je me redresse sur mon lit, le souffle court. La sueur colle mes vêtements à ma peau. La chambre est plongée dans l’obscurité, seulement troublée par le reflet de la lune sur le sol.Puis, un bruit.Un chuchotement.Je tends l’oreille.C’est dehors.Le vent souffle, mais ce n’est pas le vent qui parle.Je me lève lentement.Je ne veux pas y aller, mais quelque chose m’y pousse.Je pose la main sur la poignée de la porte.Ma paume est moite.J’ouvre.Le couloir est vide.Mais je sens une présence.Je descends les marches avec précaution, mon cœur battant à tout rompre.En bas, la grande porte qui donne sur la cour est entrebâillée.Quelqu’un est sorti.J’hésite.Et puis, j’entends mon nom.Un murmure.— David…Je sursaute.La voix vient de dehors.Je ne devrais pas y aller.Mais je n’ai pas le choix.---La nui
DavidJ’essaie de bouger.Impossible.Mes jambes sont figées, comme si des chaînes invisibles me retenaient.L’homme sur le trône me fixe, immobile.Son regard me brûle, mais je ne peux pas détourner les yeux.— Qui êtes-vous ? ma voix tremble.Un silence. Puis, il sourit lentement.— Tu me connais déjà.— Non…— Si.Je secoue la tête, tentant d’échapper à cette présence oppressante.— Je ne vous ai jamais vu.— Mais moi, je t’ai vu. Depuis toujours.Je frissonne.Autour de nous, le temple semble respirer, ses murs vibrants d’une énergie obscure.Le sol sous mes pieds devient brûlant.— Je ne comprends pas.— Tu comprendras.Il se lève.Son mouvement est fluide, trop fluide. Comme s’il glissait plutôt que de marcher.Je recule.— Pourquoi suis-je ici ?— Parce que le moment est venu.Le moment ?Mon cœur cogne dans ma poitrine.Tout ceci n’a aucun sens.Je ferme les yeux, tentant de me réveiller.Mais quand je les rouvre…Il est juste devant moi.Je sursaute, étouffant un cri.Il pose
Je ne pouvais plus fuir.Elles étaient là. Trois paires d’yeux brillant dans l’obscurité, me fixant avec une intensité qui m’enserrait la poitrine. J’étais paralysé. Mon souffle s’étranglait dans ma gorge. La marque sur mon bras brûlait, comme si un fer rouge s’enfonçait sous ma peau.Puis, une voix a brisé le silence.— Il est prêt.C’était le Corbeau.Son ombre s’est avancée dans la pièce, glissant comme une silhouette sans poids. Derrière elle, la Mouche Tsé-Tsé et le Hibou restaient en retrait, mais je sentais leur présence, menaçante et oppressante.— Viens.Ma gorge était trop sèche pour parler. Mes jambes refusaient de bouger.— Viens, David.Elle a tendu la main.La marque sur mon bras a pulsé. Une chaleur étrange s’est répandue dans mon corps, affaiblissant ma volonté. Une partie de moi voulait obéir.Non.Je ne pouvais pas.Alors j’ai fait ce que mon grand-père m’avait appris à faire quand j’étais enfant.J’ai prié.Dans ma tête, je répétais les mots qu’il m’avait transmis,
DavidJe ne peux pas dormir.Les mots de mon grand-père résonnent dans ma tête."Elles ne s’arrêteront pas. Il faut que tu sois prêt."Qu’est-ce que ça veut dire ? Prêt à quoi ?Je me redresse sur mon lit, le souffle court. La sueur colle mes vêtements à ma peau. La chambre est plongée dans l’obscurité, seulement troublée par le reflet de la lune sur le sol.Puis, un bruit.Un chuchotement.Je tends l’oreille.C’est dehors.Le vent souffle, mais ce n’est pas le vent qui parle.Je me lève lentement.Je ne veux pas y aller, mais quelque chose m’y pousse.Je pose la main sur la poignée de la porte.Ma paume est moite.J’ouvre.Le couloir est vide.Mais je sens une présence.Je descends les marches avec précaution, mon cœur battant à tout rompre.En bas, la grande porte qui donne sur la cour est entrebâillée.Quelqu’un est sorti.J’hésite.Et puis, j’entends mon nom.Un murmure.— David…Je sursaute.La voix vient de dehors.Je ne devrais pas y aller.Mais je n’ai pas le choix.---La nui
DavidJ’essaie de bouger.Impossible.Mes jambes sont figées, comme si des chaînes invisibles me retenaient.L’homme sur le trône me fixe, immobile.Son regard me brûle, mais je ne peux pas détourner les yeux.— Qui êtes-vous ? ma voix tremble.Un silence. Puis, il sourit lentement.— Tu me connais déjà.— Non…— Si.Je secoue la tête, tentant d’échapper à cette présence oppressante.— Je ne vous ai jamais vu.— Mais moi, je t’ai vu. Depuis toujours.Je frissonne.Autour de nous, le temple semble respirer, ses murs v
DavidL’ombre me fixe.Ses yeux rouges transpercent l’obscurité.Mon souffle se bloque.Mon corps refuse de bouger.Derrière moi, Le Corbeau resserre son étreinte, ses doigts glacés m’empêchant de fuir.— Tu ne peux plus reculer, David.Sa voix est un murmure, mais elle résonne comme une sentence.Mon grand-père continue de murmurer des paroles incompréhensibles.Il ne semble pas voir l’ombre derrière lui.Ou peut-être qu’il sait.Peut-être qu’il l’attendait.Mon cœur bat à tout rompre.Je veux crier.Je veux lui dire d’arrêter.Mais aucun son ne franchit mes lèvres.L’ombre fait un pas en avant.Le sol tremble sous son poids.L’air devient plus lourd, presque irrespirable.Et soudain…Elle parle.— David.Ma gorge se serre.Comment connaît-elle mon nom ?Je recule d’un pas, mais Le Corbeau me retient fermement.— Il est temps.Je secoue la tête.Non.Je ne sais pas de quoi il parle, mais je refuse.L’ombre tend une main vers moi.Ses doigts sont longs, démesurés.Un frisson me parcou
DavidLe vent hurle à travers la nuit, soulevant la poussière et les cendres laissées par le combat. Mon souffle est court, mon corps meurtri, mais je tiens debout. J’observe les ruines du sanctuaire, là où, quelques instants plus tôt, la Déesse du Corbeau et le Hibou Silencieux tentaient encore de m’anéantir.Elles ont disparu.Mais je sais qu’elles reviendront.Elles ne renoncent jamais.Je serre les poings, sentant encore l’écho du feu sacré dans mes veines. Une force ancienne s’est réveillée en moi, une puissance que je ne contrôle pas encore totalement. Mais une chose est sûre : je ne suis plus celui qu’elles pouvaient manipuler à leur guise.J’avance lentement à travers les décombres, mes pas résonnant sur les pierres brisées. L’odeur de suie et de souffre imprègne l’air, un rappel amer de la bataille qui vient de se jouer.Et pourtant, ce n’est que le début.— "David…"Une voix.Faible.À peine un murmure.Je me fige.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête, scrutant les
DavidLe vent hurle à travers les ruines du sanctuaire. Les colonnes brisées projettent des ombres difformes sur le sol de pierre, et la chaleur de mon feu sacré se mêle au froid surnaturel qui suinte de la Déesse du Corbeau et du Hibou Silencieux.Je suis pris entre elles.Elles avancent lentement, comme des prédateurs certains de leur victoire.— "Tu ne comprends toujours pas, n’est-ce pas ?" murmure la Déesse du Corbeau.Elle tend une main pâle vers moi.L’air se charge d’une énergie glaciale.Un mur invisible m’écrase la poitrine, me clouant au sol.Mes genoux frappent la pierre dure.Je suffoque.Mais je ne baisse pas les yeux.Elles veulent me voir briser.Elles veulent voir la peur.Je leur refuse ce plaisir.Mon feu crépite, luttant contre leur influence.Le Hibou Silencieux lève son bras.Elle ne parle jamais.Mais ses gestes suffisent.Un chuintement traverse l’air.Un trait noir fuse vers moi.Je roule sur le côté.Juste à temps.Le sol où je me trouvais un instant plus tôt
DavidLe feu danse autour de mon bras, vibrant d’une puissance ancestrale. Il ne me consume pas. Au contraire, il me reconnaît. Comme s’il savait.Ce n’est pas seulement une arme.C’est un héritage.Un don laissé par ceux qui ont combattu avant moi.Et un poids immense s’abat sur mes épaules.Je ne suis plus seulement une proie.Je suis celui qui peut les détruire.Mais pour ça…Je dois comprendre.Je dois savoir ce qu’elles veulent vraiment.Et je dois être prêt à affronter la vérité.---Le sanctuaire tremble encore sous la force du feu sacré.Je ferme les yeux et inspire profondément.Mon grand-père m’a toujours appris à écouter avant d’agir.À sentir le danger avant qu’il ne frappe.Et en cet instant, je le ressens.Quelque chose approche.Un murmure glisse entre les colonnes effondrées.Une voix trop basse pour être humaine.Puis…Le silence.Mais ce n’est pas un silence ordinaire.C’est un vide.Comme si quelque chose venait d’aspirer tout le son autour de moi.Je me retourne le
DavidL'obscurité m’enveloppe alors que je continue de courir. Mes jambes brûlent, mes poumons hurlent, mais je ne m'arrête pas. Derrière moi, l’ombre des trois sorcières plane toujours. Invisibles, mais terriblement présentes.Je ne suis plus un enfant. Je le leur ai prouvé en brûlant leur marionnette d’ombre. Pourtant, elles n’abandonneront pas. Elles veulent me récupérer. Elles veulent m’anéantir ou me plier à leur volonté.Mais je ne suis pas comme elles.Je suis autre chose.Quelque chose qu’elles n’ont pas prévu.---La route s’étend devant moi, interminable, comme si elle voulait me conduire quelque part où tout changerait. Où je pourrais enfin leur échapper.Mais je sais que c’est un mensonge.On ne fuit pas les ombres en courant.Je dois les affronter.Un vieux panneau surgit sur le bas-côté : "Prochaine ville : Black Hollow - 12 km"Black Hollow… Ce nom fait remonter en moi un souvenir ancien.Mon grand-père m'en avait parlé autrefois."Si un jour tu dois fuir, trouve la lum
DavidLe noir.Un gouffre sans fond, sans lumière.Je tombe.Ou peut-être que je flotte.Je ne sais plus.Je n’ai plus de corps. Plus de poids. Seulement une conscience suspendue dans l’éther.Puis, une voix.— David…Elle murmure mon nom, sinueuse, caressante, s’enroulant autour de mon esprit comme un serpent lové dans l’ombre.Je veux fuir, mais où courir quand on est prisonnier du vide ?Un frisson me parcourt.Je ne suis pas seul ici.Quelque chose… quelqu’un m’observe.Et soudain, le néant s’efface.---Je me réveille en sursaut.La douleur me frappe d’un coup, fulgurante.Mes tempes battent. Mon corps est glacé.Lentement, je me redresse.Où suis-je ?Le salon. Ma maison.Mais quelque chose ne va pas.L’odeur.L’air sent l’encens brûlé, le soufre et… quelque chose d’autre. Quelque chose de pourri.Mon regard balaie la pièce.Et je les vois.Les trois.Assises en cercle dans mon propre salon.Elles me fixent.Le Corbeau, grande et imposante, le regard tranchant comme une lame.La
DavidLa porte se referme derrière moi dans un bruit sourd.Un courant d’air glacé me traverse.Ma grand-mère ne parle pas tout de suite.Elle me scrute de ses yeux fatigués, usés par trop d’années de secrets.Puis elle soupire, s’assoit dans son vieux fauteuil en bois et me fait signe de m’asseoir en face d’elle.— Tu es venu pour des réponses.Je hoche la tête.— Elles ne vont pas te plaire.Elle tend la main vers la table basse, attrape une boîte en fer cabossée. Ses doigts tremblent légèrement quand elle l’ouvre.À l’intérieur, des lettres jaunies, un médaillon en argent terni, et un morceau de tissu rouge sombre.Rouge… ou taché de sang séché ?— Ceci appartenait à ton grand-père.Elle me tend le médaillon.Je l’attrape du bout des doigts.Le métal est froid, trop froid.Je l’ouvre.À l’intérieur, une photo en noir et blanc.Mon grand-père, jeune, debout à côté d’une femme.Une femme que je ne connais pas.---— Qui est-ce ?Ma grand-mère détourne le regard.— Sa véritable épouse
DavidLe bracelet en cuir repose sur la table de nuit. Petit, insignifiant en apparence, mais il pèse plus lourd que du plomb sur ma poitrine.Mon grand-père ne s'en séparait jamais. Il disait que c'était une protection. Un rempart contre leurs pouvoirs.Alors pourquoi est-il ici ?Je tends la main, hésitant. Mon instinct me crie de ne pas le toucher. Pourtant, mes doigts frôlent la surface usée, et aussitôt, une sensation glaciale me traverse.Un murmure résonne dans la pièce.— David...Je sursaute, mon cœur tambourinant violemment contre ma cage thoracique.L'hôtel est silencieux.Le murmure n'existe que dans mon esprit.Je serre les dents et attrape le bracelet, le glissant autour de mon poignet d’un geste nerveux.Si elles veulent me hanter, alors qu’il en soit ainsi.Mais je ne fuirai plus.---La journée est lourde.Je marche dans la ville, tentant d’oublier ce qui s’est passé cette nuit. Les passants me frôlent, indifférents à l’angoisse qui me ronge.Mais je les sens.Leurs r
DavidL'air du matin est glacé. L'humidité s'infiltre jusque dans mes os alors que je referme ma valise usée, seul bagage que je peux emporter. Mon grand-père m'observe en silence, debout dans l’ombre du couloir. Ses yeux sont fatigués, marqués par des années de lutte contre ces femmes qui gangrènent notre famille.— Tu pars maintenant.Sa voix est ferme, mais je perçois l’émotion derrière. Il ne veut pas me voir partir, mais il sait que c'est ma seule chance.Je hoche la tête.Le silence s’installe.Puis il ajoute, plus bas :— Ne regarde pas en arrière. Quoi que tu entendes, quoi que tu ressentes, ne te retourne jamais.Un frisson court le long de mon échine.Je sers la lanière de ma valise entre mes doigts.Puis je sors.---L’air du dehors est plus lourd que d’habitude. Comme si quelque chose s’accrochait à mes épaules, m’écrasant de son poids invisible.Je traverse la cour, le pas rapide.Mais alors que je m’approche du portail en fer, un murmure me parvient.Faible. Doux. Envoût
DavidLa nuit s’étire, lourde et oppressante. Je suis allongé sur mon matelas de fortune, dans la chambre qui m’a été attribuée, mais le sommeil me fuit comme une ombre insaisissable.Les mots du Corbeau résonnent encore en moi."Tu es des nôtres."Non.Je refuse.Mais quelque chose en moi vacille.Je ressens encore la chaleur qui a couru dans mes veines, cette sensation étrange de puissance brute, ce battement sourd qui ne m’appartient pas totalement.Je passe une main tremblante sur mon front. Froid. Glacé.Autour de moi, le silence est pesant. La maison semble retenir son souffle.Même mon grand-père n’a pas reparu depuis notre confrontation avec le Corbeau. Comme s’il savait qu’il devait me laisser seul. Comme s’il comprenait ce qui se passe mieux que moi.Et puis…Un bruit.Un chuchotement.Infime, à peine perceptible, mais bien là.Je me redresse brusquement, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.— Qui est là ?Rien.Je tends l’oreille.Puis, soudain, un grattement à ma porte.