Gabriel de MontreuilL’air est saturé de l’odeur âpre du feu et de la poudre, et les vagues grondent avec une intensité particulière, comme si elles aussi anticipaient l’issue de ce combat. Le vaisseau amiral de l’Empire, désormais à portée de nos canons, déploie ses voiles avec une majesté inquiétante, une force imposante qui se dresse devant nous comme une montagne. Mais rien, rien ne pourrait m’effrayer maintenant. Cette bataille est la nôtre.Le choc des épées, le fracas des canons, tout se mêle dans un tourbillon chaotique, et au milieu de ce vacarme, je sens la présence d’Aïda près de moi, son regard brillant d’une intensité qui me guide à travers le tumulte. Chaque coup porté est une danse parfaite entre nous, chaque mouvement exécuté dans un silence tacite, une communion parfaite entre deux âmes unies par le même désir : la victoire.Je me fraye un chemin à travers les soldats ennemis, mes yeux fixés sur le capitaine du vaisseau amiral, l’homme qui mène cette guerre contre nou
Gabriel de MontreuilLe vaisseau ennemi, désormais englouti dans le tourbillon de sa propre défaite, s’effondre lentement dans les eaux tumultueuses. Il y a des éclats d’acier et des cris, des voix qui s’éteignent dans l’immensité de la mer. Mais pour moi, tout cela semble étranger, presque irréel. Le seul bruit qui résonne dans mes oreilles, c’est le souffle d’Aïda à mes côtés, son regard à la fois fier et apaisé.La bataille s’achève enfin. L’Empire est en déroute, et nos ennemis fuient, leur vaisseau amiral réduite en ruines. Mais à quoi bon célébrer la victoire lorsque la guerre a laissé tant de cicatrices ? La mer nous a offert sa clémence, mais nous savons tous deux, Aïda et moi, que ce n’est pas la fin. Nous sommes fatigués, épuisés, et pourtant, l’horizon semble toujours aussi infini, aussi indomptable.Les hommes s’affairent sur le pont, nettoyant les armes, réparant les voiles, et pourtant, je reste là, immobile, les yeux fixés sur l’horizon. Ce n’est pas la mer qui me troub
Gabriel de MontreuilLes voiles de notre navire se gonflent sous l'impulsion d’un vent inattendu. Un vent qui ne semble ni hostile ni amical, mais porteur de quelque chose de nouveau. À l’horizon, la mer s'étend à perte de vue, une étendue d'eau infinie et mystérieuse, comme un livre ouvert sur de nouvelles aventures. Pourtant, en moi, le poids des années passées se fait toujours sentir. Chaque victoire, chaque perte, chaque tempête traversée a laissé une marque indélébile. Et aujourd'hui, un sentiment étrange me serre la gorge : l'incertitude.Aïda se tient près de moi, ses yeux fixés sur la mer, mais son esprit est ailleurs. Elle est mon reflet, une âme qui, elle aussi, porte le fardeau de la guerre et de l’amour. Je sais qu’elle se pose les mêmes questions que moi. Que faire de tout ce qui vient après la fin des batailles ? Après la dernière bataille gagnée, après les derniers sabres frappant la chair des ennemis ?Le vaisseau déchire l’eau avec une grâce nouvelle, un souffle diffé
Gabriel de MontreuilL’île se profile devant nous, et avec elle, un souffle d’espoir. C’est une terre presque vierge, un lieu que l’on pourrait presque croire épargné par les guerres et les tourments de la mer. Le ciel au-dessus est clair, mais sous cette paix apparente, je sais que des ombres continuent de rôder. Les hommes à bord sont nerveux, l’incertitude flottant autour d’eux comme la brume qui recouvre les flots au matin. Aucun de nous ne sait ce qui nous attend. Cette terre n’est qu’une promesse, et comme toutes les promesses, elle peut se briser au premier coup du sort.Aïda marche à mes côtés, son regard fixé sur la silhouette de l’île. Elle ne dit rien, mais je sens qu’elle partage les mêmes pensées que moi. L’angoisse de l’inconnu, de ce qui se cache au-delà des rivages. Cette terre, aussi séduisante soit-elle, n’est qu’une autre étape dans notre voyage. Nous avons appris à ne jamais nous reposer sur des illusions, et celle-ci n’échappe pas à la règle. Mais il y a quelque c
Gabriel de MontreuilL’île se dessine à l’horizon, massive, imposante, un monolithe que le ciel caresse de ses nuances d’or et de bleu. La mer autour de nous est étrangement calme, comme si le monde entier s’était suspendu dans un souffle. Pourtant, une énergie vibrante habite l’air, une tension silencieuse qui précède chaque grand changement. Les hommes sur le pont sont muets, leurs regards rivés sur la terre promise. Chaque pas, chaque mouvement semble un prélude à un événement plus grand. L’instant est suspendu, suspendu comme l’ancre qui attend de s’abattre sur la mer.À mes côtés, Aïda n’a pas détourné les yeux de l’île. Elle ne parle pas, mais je la sens tendue, son corps vibrant d’une énergie contenue. Elle sait, comme moi, que cet endroit sera notre dernier refuge ou notre dernier combat. Rien ne nous sera épargné. Pourtant, malgré l’incertitude, je perçois dans son regard une flamme qui ne s’éteint pas, une lueur de détermination.— Nous y sommes, dis-je, brisant le silence d
Gabriel de MontreuilL’instant où nos pieds foulent cette terre inconnue semble suspendu. Le sable sous nos bottes est doux, presque moelleux, mais chaque grain semble vibrer avec l’énergie de ce nouveau monde qui s’offre à nous. La mer, elle, continue de rouler lentement, comme une mélodie lointaine, tandis que nos regards scrutent le paysage qui s’étend devant nous. La jungle dense, presque impénétrable, se dresse comme un mur vert, et au loin, les montagnes semblent dominer l’horizon, leur cime caressant les nuages lourds.Je respire profondément, laissant l’air humide envahir mes poumons, une odeur étrange, un mélange de sel, de terre et de végétation. Cette terre, ce nouveau territoire, n’a rien à voir avec ce que nous avons connu. Elle porte en elle la promesse d’un avenir à écrire. Mais derrière cette promesse, je sais aussi que l’ombre des épreuves passées nous poursuit. Et l’idée que ce paradis pourrait rapidement devenir un enfer ne me quitte pas.Aïda s’avance à mes côtés,
Gabriel de MontreuilLa nuit est tombée, mais l’atmosphère ne se calme pas. La jungle semble se réveiller à l’heure où le ciel se pare de ses plus sombres étoffes. Chaque crépitement de feuillage, chaque bruissement d’ailes résonne comme un avertissement. Nous sommes des intrus, et la nature le sait. Les hommes sont plus nerveux que jamais, les regards fuyants, les mains serrées sur leurs armes. Pourtant, le camp reste silencieux, comme une forteresse que le monde extérieur cherche à pénétrer, mais qui résiste encore.À l’écart, Aïda et moi restons debout, observant les ténèbres qui nous enveloppent. Je sens son regard sur moi, une présence qui me soutient même dans le silence. À côté de nous, le feu crépite, lançant des ombres dansantes sur nos visages. Le goût de la mer est encore dans mes lèvres, mais il est assiégé par la terre, cette terre nouvelle qui me défie de tous ses mystères.— Gabriel, dit-elle, sa voix douce mais emplie d’une inquiétude palpable, tu ne crois pas qu’ils v
Gabriel de MontreuilLe vent souffle à travers la jungle, portant avec lui l’odeur métallique du sang. La bataille fait encore rage autour de moi, mais mon esprit est ailleurs, en alerte. Chaque coup d’épée, chaque cri résonne dans mes os comme un tambour de guerre. L’Empire est là, ses hommes vêtus de noir surgissant des ombres comme des spectres. Mais nous sommes prêts.Aïda combat à mes côtés, son regard brûlant de cette fièvre qui ne l’abandonne jamais. Son sabre fend l’air avec une précision mortelle, et je l’entends haleter, sa respiration syncopée par l’effort et l’adrénaline. Nous sommes dos à dos, comme toujours. Comme si le chaos nous appartenait.— Gabriel, grogne-t-elle entre deux assauts, ces chiens ne sont pas venus seuls. Ils savaient où nous trouver. Quelqu’un nous a trahis.Ses mots résonnent en moi comme une lame plantée dans mon flanc. La trahison… Encore elle. Toujours cette ombre qui rôde dans nos vies, prête à frapper quand nous nous croyons hors d’atteinte.Je p
Gabriel de MontreuilM’BalaJe plante mon coutelas dans la poitrine d’un des spectres.Il ne bronche pas.Ses mains se referment sur mon cou.Je suffoque.Puis, soudain, une lumière jaillit derrière moi.Je tombe à genoux, haletant.Le médaillon.Aïda s’est levée.Son regard est brûlant.Et le médaillon brille d’une lueur qui n’a rien de naturel.Les morts s’arrêtent.L’ombre, elle, avance.Gabriel de MontreuilLa jungle se déchire dans un rugissement de vent et de cendres.La silhouette cachée dans l’ombre révèle enfin son visage.Un visage que je connais.Mon père.Ou du moins, ce qu’il est devenu.Son regard est froid, inhumain.— Tu aurais dû rester en mer, Gabriel.Sa voix est un murmure de tempête, un écho de mille âmes perdues.Je serre les poings.— Pourquoi es-tu encore là ?Un sourire tordu se dessine sur son visage.— Parce que j’ai échoué.Un silence s’abat sur nous.Puis il lève la main.Et la terre tremble sous nos pieds.DiegoLe sol s’ouvre en un fracas assourdissant.
Gabriel de MontreuilMon père me regarde, ou du moins… ce qui reste de lui.Son visage n’est qu’une ombre du souvenir que j’en avais, ses traits mangés par le temps et la mort. Pourtant, dans ses yeux vides, quelque chose brûle encore. Une lueur. Un avertissement.Le médaillon que j’ai ramassé pulse dans ma main, sa surface froide vibrant contre ma peau.Et derrière lui, la jungle change.Les arbres semblent se courber, leurs racines noires s’étirent comme des griffes prêtes à m’engloutir. Le sol lui-même palpite sous mes pieds. Quelque chose… non, quelqu’un m’observe.— Gabriel…La voix de mon père est un murmure brisé, un souffle venu d’un autre monde.Je serre les dents.— Tu es mort.Il incline lentement la tête, et un rictus tord ses lèvres décomposées.— Oui.Un frisson glacé parcourt mon échine.Puis il lève un doigt décharné et pointe mon cœur.— Mais toi… tu es en train de suivre mon chemin.Le médaillon pulse plus fort.Autour de moi, la jungle se resserre.Et soudain, une v
Gabriel de MontreuilLa mer s’est tue.Les derniers vestiges des galions espagnols dérivent entre les vagues, des planches brisées, des voiles déchirées, et des cadavres flottants que la mer n’a pas encore engloutis. L’odeur du sel et du sang se mélange dans l’air. Le Pavillon Noir est toujours debout, mais il tangue, meurtri par la bataille et les fureurs des eaux maudites.Je serre la barre à m’en blanchir les jointures, le regard fixé sur l’horizon voilé d’une brume épaisse.Derrière moi, Diego s’appuie contre le bastingage, la main sur ses côtes blessées. M’Bala surveille le pont d’un œil attentif, prêt à bondir à la moindre menace.Et Aïda…Aïda respire encore.À chaque inspiration laborieuse qui s’échappe de ses lèvres, je sens une étincelle de rage et d’espoir s’allumer en moi.— Terre en vue !Le cri vient du nid de pie.Je lève les yeux.Devant nous, une masse sombre se découpe lentement dans la brume.Une île.Notre seule chance de survie.Mais aussi notre plus grande menace
Gabriel de MontreuilAïda s’accroche à la vie.Elle respire difficilement, allongée sur le pont du Pavillon Noir, son sang s’infiltrant entre les planches de bois comme une promesse maudite. Ses yeux sont mi-clos, sa peau, plus pâle que je ne l’ai jamais vue.Je presse ma main contre la plaie, ignorant le chaos qui nous entoure.— Tiens bon, Aïda. Tu m’entends ?Sa main tremble, se referme sur mon bras.— Gabriel…Sa voix est un souffle. Faible. Trop faible.M’Bala s’agenouille à côté de moi, son visage d’ordinaire impassible déformé par l’angoisse.— Il faut la descendre à la cabine. Vite.J’acquiesce, incapable de parler.Je la soulève avec précaution. Son corps est léger contre le mien, mais je sens la chaleur de son sang qui s’imprègne dans ma chemise. Je descends d’un pas rapide l’escalier menant à ma cabine, Diego à mes trousses, son bras toujours serré contre ses côtes blessées.À peine la pose-t-on sur la couchette qu’un cri résonne sur le pont.— L’ennemi revient !Je me fige
Gabriel de MontreuilJe serre la sphère dans ma main. Elle pulse, chaude contre ma paume, comme un cœur qui bat au rythme de la tempête à venir.— Au bateau ! crié-je.Aïda passe devant, Diego s’appuie sur M’Bala, les mâchoires crispées sous la douleur, mais il ne ralentit pas. Il sait que s’arrêter, c’est mourir.Nous dévalons la pente rocailleuse qui mène à la crique où nous avons laissé nos canots. Derrière nous, les premiers coups de semonce retentissent.— Ils tirent du large ! hurle Aïda.Je lève les yeux .Une lueur s’élève dans le ciel nocturne.Un boulet enflammé.Il fend l’air avec un sifflement sinistre avant de s’écraser sur la plage, soulevant une gerbe de sable et de roche.Trop près. Beaucoup trop près.— Plus vite !Nos canots sont là, amarrés sous les hautes falaises, bercés par une mer agitée. Nos hommes nous attendent, armes en main. Lorsque nous bondissons à bord, les rames plongent immédiatement dans l’eau noire, propulsant nos frêles esquifs vers la haute mer.Et
Gabriel de MontreuilLe coup de feu éclate.Le commandant espagnol, toujours posté à l’entrée de la crypte, nous observe avec un sourire cruel. Autour de lui, ses hommes s’engouffrent dans la salle, fusils braqués.— Fin de la route, capitaine Montreuil.Il recharge calmement son pistolet, sûr de lui, sûr de sa victoire.Mais il ignore une chose.Nous avons la sphère.Et ce temple est vivant.Je serre l’orbe dans ma main, et dès que mes doigts effleurent les symboles gravés sur sa surface, une onde étrange pulse à travers mes veines.Les murs vibrent.Les fresques illuminées par la lueur des torches s’animent, comme si les figures sculptées s’éveillaient d’un long sommeil.Puis, dans un grondement sourd, la pierre sous nos pieds commence à se fissurer.L’instant d’après, une explosion d’énergie jaillit du cœur de la sphère.Un vent violent balaye la crypte, projetant poussière et éclats de pierre dans toutes les directions.Le commandant espagnol recule d’un pas, pris de court.— Que
Gabriel de MontreuilIls sont là.Aïda, Diego et M’Bala se placent à mes côtés, leurs armes prêtes. Nous échangeons un regard. Il n’y a pas besoin de mots. Nous savons tous ce qui nous attend.Puis la première silhouette émerge de l’obscurité.Un soldat espagnol, fusil en main, la cuirasse poussiéreuse mais l’œil alerte.Derrière lui, d’autres apparaissent, une colonne disciplinée, armée jusqu’aux dents.Et au milieu d’eux, une silhouette plus imposante, drapée dans un manteau noir.Le commandant en charge.Il fait un pas en avant, nous observant comme un prédateur jaugeant ses proies.Puis il sourit.— Gabriel de Montreuil…Sa voix est calme, posée, et pourtant, elle me glace le sang.— L’Empire sait qui tu es. Nous suivons tes traces depuis longtemps. Et aujourd’hui, nous mettons enfin la main sur ce que tu cherchais.Je serre les dents, mon sabre fermement tenu dans ma main.— Si vous êtes venus chercher un trésor, vous vous êtes trompés d’endroit, lancé-je d’une voix glaciale.L’h
Gabriel de MontreuilJe m’approche à mon tour. Les motifs aztèques s’entrelacent avec des inscriptions en espagnol, comme si deux mondes s’étaient affrontés ici. Je lis à voix basse :"Là où dorment les rois, seule la clé ouvrira le passage."Je serre le médaillon dans ma main. Mon père a suivi ces mêmes indices. Il a tenu ce même médaillon. Mais lui… n’est jamais revenu.— On continue, dis-je en avançant.Le couloir s’enfonce dans les entrailles du temple, serpentant entre des colonnes massives et des alcôves remplies de statues de guerriers figés dans la pierre.Puis nous arrivons devant une immense porte de pierre, barrée par une barre de métal rongée par le temps.Je m’approche et examine le centre de la porte.Là, gravé en relief, se trouve le même œil que sur mon médaillon.Je prends une profonde inspiration et pose le bijou contre l’empreinte.Un grondement sourd résonne dans le temple.La pierre tremble.Puis la porte s’ouvre lentement, révélant une salle gigantesque.---Aïda
Gabriel de MontreuilDepuis que nous avons quitté le San Telmo, une tension sourde s’est installée à bord du Pavillon Noir. L’équipage murmure, certains parlent de malédiction, d’autres de trésor interdit. Mais moi, je garde les yeux rivés sur l’horizon. Je serre le médaillon dans ma main comme si ce simple objet pouvait répondre à toutes mes questions.L’inconnu qui nous a guidés jusqu’ici n’a pas cherché à nous suivre. Il s’est contenté de nous indiquer une direction, quelques coordonnées approximatives, avant de disparaître dans la nuit comme un spectre.Mon père est venu ici. Il a suivi cette même route, il a tenu ce même médaillon… et il a disparu.Je ne ferai pas la même erreur.— Gabriel, dit Aïda en s’approchant.Elle se tient droite, les bras croisés, mais je vois l’inquiétude danser dans ses yeux sombres.— L’équipage murmure, continue-t-elle. Certains disent que nous naviguons vers un piège. D’autres veulent savoir ce qu’on cherche exactement.Je soupire.— Qu’est-ce que tu