Dans son boudoir, Xavier était installé confortablement. Ses longues jambes posées l'une sur l'autre sur le guéridon centrale, il fumait en silence un cigare, un verre de cognac à la main. Perdu dans ses pensées, il savourait le doux nectar lorsque N'wozan , son domestique signala sa présence.
—Tu peux entrer N'wozan , fit-il à l'intention du domestique.
—Pardonnez de vous déranger mais, monsieur a de la visite, annonça poliment le serviteur.
Intrigué, Xavier haussa un sourcil interrogateur avant de se redresser. Qui cela pouvait-il bien être ? Qui pouvait oser le déranger à une heure pareille ? pensa t-il en reposant son verre sur la petite table.
—Kouamé votre frère il est arrivé dans la soirée, crut bon d'ajouter N'wozan
face au regard interrogateur du jeune maître, il vous attend en bas.A l'annonce de la nouvelle inattendue Xavier ouvrit grand les yeux.
—Dois-je le faire monter ? S'enquit prudemment N'wozan.
L'air absent, Xavier leva des yeux pensifs vers le vieux domestique. Ce dernier qui attendait toujours les instructions se tenait droit, les mains jointes l'une dans l'autre. Patient, il observa son jeune maître revenir de sa surprise avant de consentir à s'exprimer enfin.
— Non, lui répondit enfin Xavier, c'est moi qui descend.
Sans pour autant avoir l'air de vouloir faire le moindre mouvement, le jeune maître regarda le domestique s'éclipser.
Resté seul, Xavier réfléchit encore à la nouvelle qu'il venait d'apprendre. Ainsi, Kouamé était rentré, pensa t-il l'air grave. Trop surpris par la nouvelle, il avait besoin d'encore assez de temps pour digérer celle-ci. Il ne s'y attendait tellement pas. Il ne s'attendait pas à revoir son demi frère. Du retour imminent de ce dernier, Xavier se rappelait pourtant en avoir été informé . Par une missive datant de quelques mois, Kouamé lui avait donné la date de son départ de la métropole et celle de son arrivée probable à la colonie. Ces dates là, Xavier se souvenait les avoir mentalement notées. Mais entretemps, il les avait oublié. Trop occupé par la gestion de la plantation et dans ses efforts à vouloir s'incruster à la fête donnée par le gouverneur Dieudonné François Reste, il avait omis cette information cruciale. A présent, mit devant le fait accompli, il n'avait d'autre choix que d'y faire face. En trouvant la force de se lever enfin, Xavier saisit le verre de cognac qu'il avait posé quelques minutes plus tôt sur la table. D'une traite, il vida celui-ci. Pour garder ses nerfs calmes, il en avait grand besoin. Il avait besoin surtout d'aplomb. Revoir Kouamé après toutes ces années passées ne serait pas une partie de plaisir, il s'en doutait. Quelque peu nerveux, il appréhendait déjà leur échange. Lui et son demi frère ne s'était jamais vraiment bien entendu. Le départ de celui-ci pour la métropole lui avait été salutaire. Volontiers, il aurait préféré qu'il y reste et ce, pour le restant de ses jours. Mais Kouamé était revenu. Il était revenu lui pourrir la vie. A nouveau ! Contrarié, Xavier qui résolut de faire l'effort de ne rien laisser paraître de son mécontentement descendit au salon. Dans la vaste pièce luxueusement meublé, Kouamé attendait. Ce dernier à son entrée se retourna pour lui face.—Bonsoir petit frère, le salua t-il.
En silence, Xavier le considéra un moment. Non, Kouamé n'avait pas changé. Les huit années passées à Toulouse n'avaient pas eut raison de son assurance ni de son air déterminé.
—Heureux de te revoir Kouamé, lui répondit-il à son tour.
A son flagrant mensonge, ce dernier masqua difficilement sa surprise.
—Vraiment ? Lui demanda t-il sceptique.
En plus de n'avoir pas changé physiquement, Xavier constata qu'il semblait toujours aussi peu dupe. Dépité, le mulâtre se força à sourire.
—Vraiment. Tu es mon frère aîné, le seul que j'ai, le seul parent proche qui me reste.
A la chaude déclaration, Kouamé parut y réfléchir un moment. Pensif, il hocha la tête avant de confronter directement l'odieux hypocrite.
—Dans un tel cas, pourquoi n'as tu jamais pris la peine de répondre à mes lettres ?
—J'y ai répondu, se défendit aussitôt Xavier avec ferveur.
—Non, rétorqua de plus bel Kouamé en secouant gravement la tête en signe de négation.
—Si, répliqua vivement Xavier. Tu l'as peut être oublié, mais je t'ai répondu, plusieurs fois même.
—Tu n'as seulement répondu qu'à quelques unes de mes lettres et ce, quand tu jugeais nécessaire de m'informer des nouvelles importantes comme le décès de maman.
A cette vérité, Xavier ne sût quoi répondre. Saisit par l'air grave de son demi frère, il préféra capituler. Mais il se gardait bien de lui cracher ses vérités qui lui remontaient pourtant de l'estomac. Il se gardait bien de lui dire qu'il ne manquait pas de toupet, lui qui l'avait menacé de le tuer après qu'ils se soient sauvagement battu. Ça avait été ses derniers mots: « Je jure que je te ferais la peau ». Ces mots tragiques, Xavier n'avait jamais réussit à les oublier. Il n'avait pas eût cette force pour en faire fi même après le départ de Kouamé, même après toutes ses lettres. Dans celles-ci, son frère qui avait tenu à lui donner des nouvelles de sa vie à Toulouse avait également tenu à s'excuser pour leur différend. Xavier l'avait rassuré. Il avait sentit le besoin de faire miroiter à Kouamé l'illusion de la paix. « tout est oublié » avait écrit Xavier. Mais il n'en était rien. Cette vérité, Xavier venait de constater que Kouamé avait pût l'attester par lui-même. En effet, Xavier n'avait pas eut le courage de continuer à faire semblant. Aux nombreuses autres missives de son frère, il n'y avait répondu que très brièvement. Kouamé avait raison bien évidemment. Il avait toujours raison. C'était en partie pour cela que Xavier le détestait. Pourquoi diable était-il donc revenu ?
— C'est pour ça que tu es revenu ? Tenta de deviner Xavier. C'est pour te recueillir sur sa tombe et t'assurer qu'elle a été enterré dignement...
—Qu'est ce que tu raconte ? s'enquit Kouamé qui avait du mal à le suivre.
—Ne fais pas l'innocent, répliqua Xavier avec véhémence.
Marquant un temps de pose, Xavier détourna la tête. Profondément, le mulâtre inspira. Déjà, il avait besoin de se calmer. Déjà, il se sentait perdre tous moyens. En aussi peu de temps, son demi frère avait réussit à le mettre hors de lui. Mais bravement, il fit l'effort de se reprendre. D'une voix qui se voulait plus calme, il continua:
— De son vivant, tu m'as toujours accusé de ne pas assez prendre soin d'elle...
—Et ça a été la stricte vérité, l'interrompit aussitôt Kouamé avec conviction. Tu as toujours eût honte d'elle. Tu as toujours méprisé cette mère noire de qui tu tiens les origines dont tu aurais bien voulu te passer.
—Balivernes ! Lui cria Xavier hors de lui. Menteur, tu n'ai qu'un menteur...
—Tu n'as jamais vraiment accepté maman.
— Ma mère, je l'ai toujours aimé, répliqua Xavier avec force. J'en ai toujours pris soin contrairement à toi qui t'en ai allé en l'abandonnant pendant huit longues années.
—Je n'avais pas le choix, se justifia Kouamé impuissant. Tu le sais très bien.
Incrédule, Xavier esquissa une moue de mépris.
—Au contraire, partir a toujours été ton souhait, répliqua t-il. Tu as toujours voulu t'évader d'ici. Tu as toujours voulu prouver que tu pouvais faire mieux que tout le monde.
—J'ai toujours voulu partir étudier, nuance, crut bon de lui rappeler Kouamé. Contrairement à toi, je n'ai pas eut la chance d'hériter d'un domaine. La médecine, c'est toute ma vie.
— Dans ce cas, pourquoi n'es tu donc pas resté là bas ? Tu m'avais écrit que tu y avais eut un poste. Pourquoi a t-il fallu que tu lâche tous ces avantages pour débarquer à nouveau ici ?
Cette question qui lui brûlait les lèvres, Xavier n'avait pas pût la patience de la retenir plus longtemps. Il voulait savoir. Droit dans les yeux, il fixa son frère en dans l'attente d'un éclaircissement. Mais Kouamé qui s'était bizarrement enfermé dans un mutisme semblait ne pas être encore près à se livrer. Mystérieux, il préféra changer radicalement de sujet.
—A ton accueil si chaleureux, je devine que je ne suis pas le bien venu ici. Moi qui espérais pouvoir profiter du charme paisible de l'antre de l'éléphant au moins quelques temps, je devrais certainement penser à remballer mes valises.
A contrecœur, Xavier fit l'effort de protester. Même s'il n'était pas emballé par l'idée d'avoir Kouamé dans les parages, il se força à lui proposer son hospitalité.
—Tu es ici chez toi, lui affirma t-il sans le penser le moins du monde. Tu peux rester au domaine autant de temps qu'il te faudra.
Loin d'en croire un mot, Kouamé pour une sombre raison n'en laissa rien paraître. Au contraire, lui aussi donna le change en feignant le ravissement.
— Merci petit frère. Mais rassure toi, je ne compte pas rester longtemps. Vois tu, j'ai été affecté à l'hôpital d' Abidjan. D'ici à ce que j'y trouve un logement confortable, je serais déjà parti.
Xavier qui l'espérait bien, se décrispa. Enfin, il consentit à tendre la main à son frère qui la lui serra fermement. Contre toute attente ce dernier fut plus que surpris quand il le prit chaleureusement dans ses bras.
— Bonne arrivée, Kouamé.
—Merci Ezoua.
Dans les bras de son demi frère, Xavier se raidit. S'entendre être appelé par son ancien prénom, celui de son autre vie, cette vie de bâtard qu'il voulait par dessus tout oublier lui fit l'effet d'une gifle. Encore une fois, son aîné lui cherchait ouvertement des poux. Le coeur bouillonnant d'une rage sourde, Xavier devinait aisément que ces quelques jours en compagnie de Kouamé qui était plus un rival qu'un frère n'allaient pas être une partie de plaisir. Déjà, il trépignait d'impatience de voir partir ce gros serpent.
Dans la cuisine située à l'arrière de la vaste demeure de Xavier qui faisait face à l'immense jardin, Effoua s'activait. Le nez dans les marmites, la femme du contremaître préparait le déjeuner pour le propriétaire du domaine et son demi frère. A ses côtés, Eba lui donnait un coup de main. Du moins, c'était ce qu'elle essayait de laisser paraître. Distraire, la fille d'Ezan avait la tête ailleurs. Ses yeux, elle les gardait rivés sur le jardin. Adossée à l'une des fenêtres, elle l'observait. Discrètement, Eba épiait Kouamé, le mystérieux frère de Xavier. A l'ombre du géant acacia, le jeune homme se tenait tranquillement assis. Un livre entre les mains, il semblait plongé dans sa lecture. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lire ? se demandait Eba intriguée. Elle aurait bien voulu savoir. Curieuse,
A l'heure du déjeuner, Xavier était là. Il était de retour de ses plantations. Toute la journée, le propriétaire du domaine l'avait passé sous le soleil. Sur la supervision du vieux Ezan, il avait inspecté le travail de ses manœuvres. A présent, il était éreinté. A grosses gouttes, il suait. Il faisait tellement chaud. Tout de suite, il sentit le besoin de respirer l'air frais du jardin. Sans surprise, il y retrouva son demi frère. Ce dernier n'avait pas bougé. Là où Xavier l'avait laissé plus tôt dans la matinée, Kouamé était toujours assis. Un vrai paresseux, pensa t-il avec dédain. Bien qu'il aurait voulu se passer de cette formalité, Xavier s'obligea à échanger quelques mots avec lui. Sans entrain donc, il le rejoignit en bas du géant acacia où ce dernier était install&
Pendant le déjeuner, Xavier qui mangeait avec son frère surpris une fois encore le regard de ce dernier pour Eba.La jeune fille qui faisait le service se déplaçait autour d'eux discrètement. De la cuisine à la véranda, elle allait et venait en silence. Enervé par l'attitude de Kouamé, Xavier qui n'en pouvant plus, évita de reposer bruyamment ses couverts dans son assiette comme il en avait la furieuse envie. Sans détour, il aborda ouvertement le sujet qui le taraudait.—Elle te plaît à ce que je vois ? Lui demanda t-il une fois la jeune fille repartie pour la cuisine.—De qui est ce que tu parles ? Fit mine d'ignorer Kouamé.— Ne fais pas semblant ! Lui intima Xavier d'une voix où commençait à poindre l'irritation.Je te parle de ma jeune domestique que tu n'arrête pas de manger des yeux d'une maniè
Sur l'antre de l'éléphant, la nuit avait finit d'étirer son voile sombre . A présent, un paisible silence y régnait. En cette soirée, tous avaient trouvé refuge dans leur doux foyer. Dans la modeste maison en bois du contremaître, il en était de même. Les parents et trois sur sept de leurs enfants étaient présent et on s'affairait. Avec entrain, les membres de cette modeste famille se hâtaient dans les derniers préparatifs d'un dîner qui s'annonçait spécial. A leur table, ils devaient recevoir Kouamé, le demi frère du propriétaire du domaine. Et ce n'était pas rien. En tout cas,pour Effoua la maîtresse de maison, c'était plus qu'un honneur. Alors, elle était animée d'engouement. Perfectionniste, elle veillait scrupuleusement à ce que tout soit parfait. Occupée à disposer
Accoudé à la balustrade de la véranda, Xavier vit son auto démarrer. Dans un nuage de poussière celle-ci disparue bientôt de la propriété. Soulagé, il soupira. Kouamé était partit. Enfin ! Il allait revenir d'ici peu mais Xavier disposait d'assez de temps. Pour faire ce qu'il avait en tête, il ne lui fallait guère plus de quelques minutes. Or Kouamé n'était pas prêt de revenir de si tôt. Parti pour Abidjan où il devait rencontrer son supérieur à l'hôpital, il en avait pour toute la journée. Xavier allait pouvoir souffler. Enfin, il allait pouvoir s'entretenir avec Eba. Seul à seul. C'est seulement dans le dessein de tenir Kouamé éloigné le plus longtemps possible qu'il avait accepté de céder son auto à ce dernier. En temps normal, il aurait refusé bien &eacu
A Abidjan, Kouamé ne tarda pas. A l'heure du déjeuner, le jeune médecin était déjà là. Comme depuis les précédents jours qui avaient suivi son arrivée, il déjeunait avec son demi frère. Assis à la véranda, les deux jeunes hommes se régalaient du succulent plat préparé par Effoua. Étrangement, Xavier se montrait cordiale. Contrairement à ses habitudes, il essayait obstinément d'instaurer la conversation. Pour faire parler son frère, le métis posait plusieurs questions. Plus banales les unes que les autres, Kouamé n'y prêtait qu'une oreille distraite. Enfermé dans un sombre mutisme, ce dernier ne lui répondait qu'à demi mot. Le jeune médecin était d'humeur maussade.—Apparemment, ton rendez-vous à l'hôpital ne s'est pas passé comme prévu, re
Chapitre 12Effoua et Eba étaient fort occupées. Elles s'activaient dans la cuisine. Pendant que la mère passait le balaie, la fille faisait la vaisselle.Revenue un peu plus tôt que prévu de son service, la jeune fille avait trouvé refuge à l'écart, dans un coin de la pièce. Cachée derrière les ustensiles de cuisine qu'elle récurait, Eba se terrait dans un étrange silence. A vrai dire, la jeune fille pleurait discrètement. A l'abri du regard inquisiteur de sa mère, elle extériorisait sa peine. Effoua n'y voyait que du feu, occupée comme elle était à poser d'inombrables questions.— Tu lui as au moins expliqué pourquoi est-ce que tu étais en retard pour le service ? demanda la mère de famille.—Non ma, lui répondit Eba d'une voix brisée par un sanglot
Sur le pas de la porte de la cuisine, Eba resta un moment troublée. Elle ne savait pas quoi faire. Depuis la fenêtre, sa mère n'arrêtait pas de lui faire des injections silencieuse. Avec des gestes de la mains frénétiques, elle l'encourageait à rejoindre Kouamé.Eba restait perplexe. Devait-elle vraiment obéir à sa mère ou suivre son instinct ? La fille du contremaître hésitait. Elle se sentait prise entre deux feus. Elle avait bien envie de défier sa mère. Elle voulait jeter le panier de fruits, courir le plus loin possible et aller se cacher quelque part, près de la lagune, là où personne n'irait déranger sa quiétude. Mais agir ainsi c'était prendre le risque de tenir à sa mère et Eba connaissait trop la fureur de celle-ci pour oser ainsi la défier.Alors, Eba décida d'obtempé
Il m'en a fallu du temps pour me remettre de ma surprise. Au lieu de réagir sur le coup, j'ai perdu de précieuses minutes à observer le démon, incrédule, les yeux exorbités. J'étais tellement décontenancé. Pas seleument par son apparition soudaine, mais également par son apparence. Pour m'affronter, cet ange déchu avait choisi de se présenter sous son meilleur jour. Il s'était mis sur son trente et un. Alors que moi le serviteur du Dieu tout puissant j'étais vêtu d'un maillot de corps troué et d'un vieux pantalon jogging, l'acolyte du père du mensonge était élégant dans un impéccable costume. Il avait même une cravate ! Ainsi apprêté, il avait plus l'air d'un homme d'affaires que d'un esprit malin.Ce constat m'a dérouté sur le moment. Mais après réflexion, je n'ai rien trouvé d'
Séance tenante, j'ai décidé de prier pour Pauline. Contrairement aux visionnaires de l'église du christianisme céleste, je n'ai pas pris de disposition particulière. Pas de bâillon. Pas de lien. Je ne lui ai même pas imposé les mains. J'ai fait comme j'en avais l'habitude. C'est à dire que je lui ai simplement demandé de se tenir debout, à peu près à un mètre de distance de moi, les mains levées. Docilement, Pauline a obéit. Elle a fermé les yeux et s'est disposée. J'ai alors élévé la voix pour invoquer la puissance de l'Eternel. J'ai demandé à ce dernier de rompre tous les liens qui liaient son enfant et par l'autorité dans le nom de Jésus, j'ai ordonné à l'esprit du mal de quitter Pauline.Honte à moi, c'est avec sceptisisme que je prononçais tous ces mots. Je priais sa
Quand je lui ai posé la question, Pauline n'a pas su quoi me répondre.— Je ne sais pas, a t-elle lâché confuse. Je vous jure que je ne m'en souviens pas.Je n'ai pas pu m'empêcher de la regarder bizarrement. Comment ça elle ne s'en souvenait pas ? Ce n'était pas logique. Elle devait forcément me mentir. J'ai même cru à un instant qu'elle se foutait de moi. Alors, je l'ai pressé. Au moyen d'un discours moralisateur, je l'ai sommé de me dire la vérité. Mais la jeune dame restait campée sur sa position.— C'est vrai pasteur. Je ne me souviens pas. Je vous l'ai dit. A partir du moment où j'ai vu les portes se refermer, c'est le trou noir....Ce n'est que bien plus tard dans la matinée que Pauline revint à elle. Et elle ne se retrouva pas couchée dans un lit quelque part à l'abris bien en
Conduite par l'homme de Dieu, Pauline pénétra dans le temple de l'église du christianisme céleste. Celle-ci était petite et vide. Il n'y avait aucun siège. Dans un coin,les chaises en plastique avaient été empilées. La salle comportant des piliers avait les murs peint en bleu. La décoration de l'église du christianisme céleste semblait être copiée sur celle de l'église catholique à des limites près. Pauline s'y croyait avec l'estrade tout au fond où trônait l'autel et une grande croix représentant le Christ crucifié, à l'exception de ce gigantesque œil surmonté d'un arc-en-ciel.Il semblait la fixer tandis qu'elle avançait dans la salle où tous semblaient l'attendre. Parmi eux, Pauline aperçut tout de suitele chef Samuel. On ne pouvait pas ne pas le remarquer avec l
A peine les yeux fermés, Pauline sombra dans un profond sommeil. La chaleur étouffante qui régnait dans la sinistre pièce ne l'empêcha pas de dormir à poing fermés. Sa position inconfortable non plus. Encore moins les chaînes qui liaient ses poignets. Malgré ses circonstances peu adéquates, Pauline roupillait. Elle en oubliait la situation dramatique qu'elle traversait. Elle en oubliait son angoisse. Elle s'oubliait. Elle oubliait tout. Plus rien n'existait. Le sinistre cagibi où elle était enfermée semblait avoir disparu. Pauline s'imaginait être ailleurs. Elle n'était plus couchée à même le sol mais dans un lit. Un grand lit. Un grand lit bien confortable avec des draps soyeux.Ces draps l'enveloppaient. Ils lui effleuraient la peau. Ils la caressaient. Quel délice ! C'était le paradis. Dans son rêve, Pauline frémissait.
Inquiet, le chef visionnaire se demandait si ce n'était pas le cas. Il fallait vérifier. Il se hâta de s'agenouiller près de Pauline. Il posa deux doigts sur sa carotide et attendit. Il ne tarda pas à avoir un poul. Sous la peau de ses doigts, il pouvait sentir les pulsations cardiaques. Ouf ! soupira profondément l'homme de Dieu.Pauline était vivante. Dieu soit loué ! Le chef Samuel était soulagé. Au moins, il n'avait plus de soucis à se faire de ce côté là.En effet, Pauline commença à manifester des signes vitaux. Elle clignait des paupières. Elle gémissait et remuait doucement les lèvres, murmurant des mots imperceptibles.— Quoi ? lui demanda le chef Samuel qui baissa un peu plus la tête vers elle et pencha son oreille plus prêt de sa bouche. Qu'est-ce que tu dis ?
J'avais tout le corps couvert de chair de poule. Saisi par l'horreur des faits que m'a narré Pauline, je ne me suis même pas rendu compte que celle-ci avait arrêté de parler. Depuis quelques minutes, elle s'était interrompue. Encore !Pour moi qui buvais chacun de ses mots, cette nouvelle interruption a été de trop. Mais quand j'ai remarqué l'état de stress dans lequel elle était, j'ai vite ravalé ma frustration.En effet, le simple fait d'évoquer les évènements qu'elle avait vécu dans cette chambre d'hôpital avait paru lui faire revivre son cauchemar. Si vous l'aviez vu à cet instant précis ! On l'aurait cru en transe.Une expression de panique sans nom animait son regard terrifié. En plus, elle avait les mains qui tremblaient. A la voir ainsi, j'en ai été intimement convaincu : ce qu'elle avait vécu ce fameux soir était terrible !Mais...à bien y réfléchir, que lui était-il arrivé exactement ?Au début, moi-même je n'ai pas compris. C'est que Pauli
Chapitre 21« Que le sang de Jésus me couvre, que le sang de Jésus me couvre...» priait Pauline. Elle n'arrêtait pas. Les deux mains jointes l'une dans l'autre, elle ne se lassait pas d'implorer le secours divine. Pauline avait tellement peur. Son cœur battait fort. Dans sa poitrine, il tambourinait à tout rompre. Elle en avait le souffle court. Paralysée, elle ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Les yeux déments, elle fixait le vide.Pauline attendait. Crispée, elle attendait que les évènements s'échaînent, que le pire arrive, que du néant surgisse Sidoine.Mais ce dernier semblait prendre son temps... Il se faisait désirer. Il faisait durer le suspense. Fidèle à lui-même, il prenait un malin plaisir à la tourmenter.« Pauline ! Pauline...mon amour !", continuait-il de l'appeler.A deux doigts de
Le temple de l'église du christianisme céleste était animée en ce milieu de journée. Certes, il n'y avait pas foule. Neamoins, quelques fidèles étaient présents. A sa guise,chacun d'eux s'occupait. Attroupé sous le préau qui donnait accès au lieu de culte, les uns étaient assis en groupe. Dans la cour, les autres se pavanaient. Vêtus de longue robe blanche pour certains et de vêtement ordinaire pour d'autres, ils étaient tous pieds nus.Pauline et Odile ne dérogèrent pas à cette règle. Dès l'entrée, les deux jeunes femmes durent se délester de leur chaussures. — J'espère qu'on ne va pas nous les voler, déclara Pauline en ôtant sa paire de sandales.— Bien-sûr que non, lui promit Odile qui en faisait de même. Il n'y a pas d'inqu