Quand Eba poussa doucement la porte en bois, la jeune fille eût une surprise. Ils étaient là, ses deux parents qu'elle croyait couché depuis fort longtemps. Ils étaient toujours debout et avaient même de la visite. Dans la pièce exiguë qui servait à la nombreuse famille de salle de séjour, son père recevait un inconnu. Jeune, la peau aussi noir que la sienne, ce dernier semblait bien étrange avec sa chemise blanche soigneusement fourrée dans son pantalon beige. Face à son père, lui et ce dernier se tenaient tranquillement assis autour de la table. Debout près d'eux, Effoua sa mère faisait le service. Soigneusement, celle-ci s'appliquait à remplir les deux verres des hommes de «coutoutou». Partout dans la minuscule pièce, l'odeur forte et entêtante de cet alcool artisanale flottait dans l'air. Grisés par le breuvage enivrant, les deux hommes semblaient d'humeur festive. Au sein de la petite maison, l'atmosphère était donc plus que détendue. Ce constat, la jeune fille le réalisa en apercevant les sourires sur les trois visages qui se tournèrent simultanément vers elle à son entrée. En observant celui de sa mère se figer net sur son beau visage ridés, Eba devina sans difficulté l'orage qui l'attendait.
—Tiens, tu rentre enfin, s'exclama Effoua. Où étais-tu passée ?
Réfléchissant à un mensonge, Eba qui cherchait à gagner du temps referma en silence la porte derrière elle. Impatiente d'attendre une réponse qui ne venait toujours pas, Effoua commença à se plaindre du comportement de sa cadette.
—Depuis tout le temps que je te cherche. J'espère que tu n'es pas encore allée traîner à la maison du maître. Je t'ai déjà dit qu'il ne fallait pas abuser de sa bonté...même s'il semble n'y voir aucun inconvénient, tu devrais savoir où est ta place....
—Ah ! L'interrompit le viel Ezan agacé. Laisses la tranquille !
Jovial, l'excellente humeur du vieux contremaître était contrariée par les remontrances à n'en point finir de sa femme. Il voulait qu'elle se taise. Mais très remontée, celle-ci n'était pas décidée à lâcher l'affaire. Il fallait qu'en tant que mère de famille, elle assure correctement l'éducation de ses enfants. Cette résolution, ni la présence de leur invité ni l'autorité de son mari n'allait l'en en dissuader. Les mains sur les hanches, Effoua s'insurgea donc contre la passivité de son mari.
—Comment ça que je la laisse tranquille ? Les gens du domaine parlent tu sais. Il se raconte des rumeurs pas très plaisantes...
Une fois encore, Ezan ne pût s'empêcher d'interrompre son épouse.
—Ha femme ! Tais toi un peu, tu veux ? Qu'est-ce que ça peut bien te faire tous ces ragots. Qu'ils racontent ce qu'ils veulent tiens. A son âge, Eba a droit à un peu de liberté.
Au prénom ainsi prononcé, l'inconnu leva subitement deux yeux incrédules vers Ezan. Lui qui jusque là n'avait affiché qu'une indifférence totale aux querelles du vieux ménage semblait tout à coup intéressé. Le regard marqué par l'étonnement, il interrogea Ezan du regard avant de considérer attentivement la jeune fille. Toujours adossée contre la porte d'entrée, celle-ci baissa timidement les yeux.
—Ne me dis pas que c'est la petite Eba qui a aussi grandit, s'exclama enfin l'inconnu qui semblait à la fois surpris et enchanté.
Animé par une étrange fierté, Ezan acquiesça.
— C'est bien elle. En effet, elle a beaucoup changé depuis ton dernier passage au domaine, il ya quoi, six ou sept ans ?
— Huit ans, précisa l'inconnu en reportant à nouveau son regard sur la jeune fille. C'était avant mon départ pour la métropole, rappelle toi.
L'inconnu qui fixait Eba avec une expression d'étonnement paraissait vraiment surpris par la métamorphose qui s'était opérée chez celle-ci. Passée au peigne fin par le regard insistant, la jeune fille aurait volontiers voulu disparaître. Vraiment, cet inconnu la rendait mal à l'aise. Qui était-ce d'ailleurs ? A entendre ses dires, il semblait l'avoir connu par le passé. Mais lui, il lui restait toujours aussi étranger. Toutefois, en l'observant mieux, son visage lui donnait vaguement une impression de déjà vu. Sa physionomie, les traits de son visage lui paraissaient familiers. Il lui faisait étrangement penser à quelqu'un. Cette mâchoire carrée, ce menton volontaire et ses yeux... Tous ces détails lui rappelaient étrangement Xavier. C'était cela! En observant bien le visage de l'inconnu, Eba lui trouva une ressemblance plus que frappante avec le jeune propriétaire du domaine. Était-il possible qu'entre ce mystérieux indigène et le métis, il puisse exister un quelconque lien de parenté ?
—Elle est devenue une bien belle jeune femme ton Eba, l' entendit-elle justement déclarer. Effoua a raison. Tu devrais un peu mieux la surveiller.
L'inconnu qui avait parlé d'une voix doucereuse laissa une fois encore son regard admiratif errer un court instant sur la jeune fille avant de le reporter sur son interlocuteur.
— Ce n'est qu'une enfant Kouamé, fit ce dernier. Mais ma foi, je dois reconnaître que tu n'as pas tort, ajouta Ezan pensif.
— Ce qu'il faudrait, déclara de nouveau Effoua, c'est surtout lui trouver quelque chose à faire....
—Qu'est ce que tu racontes ? L'interrompit aussitôt Ezan exaspéré, elle ne t'aide pas assez comme ça ici à la maison et dans tes tâches chez le jeune maître ?
—Tu parles ! S'exclama Effoua dépitée. A peine si je la vois. Elle passe tout son temps avec le jeune monsieur et ça ne peut plus continuer comme ça. Quand elle n'était qu'une enfant ça ne posait pas de problème, mais maintenant qu'elle devient une jeune femme...
Pensive, la mère d'Eba marqua un instant de pause. Un instant, elle considéra le dénommé Kouamé. Dans l'esprit de la mère de famille, une idée sembla naitre. S'adressant à ce dernier, elle lui en fit part sans détour.
—Tu pourrais peut être lui trouver quelque chose toi, Kouamé. A l'hôpital, ils ont certainement besoin de bras valides là-bas.
Quelque peu surpris par la requête inattendue, le dénommé Kouamé parut embarrassé. Percevant sa gêne, c'est Ezan qui vint à son secours.
— Voyons Effoua, qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir faire dans un hôpital notre Eba. Elle n'a aucune formation.
—Mais elle sait lire et écrire, répliqua fièrement la mère d'Eba.
S'adressant au visiteur, Effoua cru bon de lui donner quelques explications à cet effet.
—C'est ton frère qui le lui a appris, figure toi. Ha celui là, on peut dire qu'il nous a rendu un grand service. Pour se rendre utile auprès de l'administration coloniale, être instruit est amplement suffisante. Tu devrais vraiment penser à l'aider toi aussi Kouamé.
— A vrai dire, commença ce dernier dubitatif, je ne sais pas si je peux avoir un tel pouvoir. Mes fonctions à l'hôpital, je ne les occupe que dans quelques jours seulement. Et pour tout dire, avec ces bêfouê je ne sais pas trop à quoi m'attendre.
— Tout se passera bien, crû bon de le rassurer Ezan bienveillant. Après toutes ces années passées à étudier la médecine dans leur pays, ils ne peuvent pas te créer d'ennui ici.
—Espérons le, se contenta de répondre Kouamé en un soupir.
Le regard soudain songeur, ce dernier fixa son verre rempli d'alcool sans paraître toutefois le voir. Un instant, un silence méditatif retomba sur la maison. Profitant de cette accalmie, Eba qui depuis un certain moment déjà se sentait de trop entreprit de disparaitre. Rapidement, elle quitta la porte d'entrée où elle commençait à prendre racines pour s'engager vers la chambre à coucher. Mais l'interpellant subitement, son père l'arrêta net.
— Toi qui reviens du dehors, as-tu vu le jeune maître ? Est-il enfin rentré ?
Craignant la réaction de sa mère qui la fixait justement le regard en coin, Eba préféra mentir. Innocemment, la jeune fille haussa les épaules.
—Je n'en sais rien. Mais par contre en rentrant, j'ai cru apercevoir son auto non loin de la grande maison.
—Il doit donc être rentré, déduisit aussitôt Ezan. Tu devrais y aller Kouamé. Ton frère sera tellement ravi de te revoir.
—Certainement, se contenta t-il de lui répondre. Certainement.
L'air sombre, le jeune homme esquissa par la suite un sourire énigmatique qui en disait long. Sans toutefois s'étendre sur le sujet, il se contenta plutôt de se lever. Après avoir brièvement pris congés de ses hôtes, il s'en alla enfin. Tenant à l'escorter, le viel Ezan l' accompagna.
Dans son boudoir, Xavier était installé confortablement. Ses longues jambes posées l'une sur l'autre sur le guéridon centrale, il fumait en silence un cigare, un verre de cognac à la main. Perdu dans ses pensées, il savourait le doux nectar lorsque N'wozan , son domestique signala sa présence.—Tu peux entrer N'wozan , fit-il à l'intention du domestique.—Pardonnez de vous déranger mais, monsieur a de la visite, annonça poliment le serviteur.Intrigué, Xavier haussa un sourcil interrogateur avant de se redresser. Qui cela pouvait-il bien être ? Qui pouvait oser le déranger à une heure pareille ? pensa t-il en reposant son verre sur la petite table.—Kouamé votre frère il est arrivé dans la soirée, crut bon d'ajouter N'wozanface au regard interrogateur du jeune maître, il vous attend en bas.A l'a
Dans la cuisine située à l'arrière de la vaste demeure de Xavier qui faisait face à l'immense jardin, Effoua s'activait. Le nez dans les marmites, la femme du contremaître préparait le déjeuner pour le propriétaire du domaine et son demi frère. A ses côtés, Eba lui donnait un coup de main. Du moins, c'était ce qu'elle essayait de laisser paraître. Distraire, la fille d'Ezan avait la tête ailleurs. Ses yeux, elle les gardait rivés sur le jardin. Adossée à l'une des fenêtres, elle l'observait. Discrètement, Eba épiait Kouamé, le mystérieux frère de Xavier. A l'ombre du géant acacia, le jeune homme se tenait tranquillement assis. Un livre entre les mains, il semblait plongé dans sa lecture. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lire ? se demandait Eba intriguée. Elle aurait bien voulu savoir. Curieuse,
A l'heure du déjeuner, Xavier était là. Il était de retour de ses plantations. Toute la journée, le propriétaire du domaine l'avait passé sous le soleil. Sur la supervision du vieux Ezan, il avait inspecté le travail de ses manœuvres. A présent, il était éreinté. A grosses gouttes, il suait. Il faisait tellement chaud. Tout de suite, il sentit le besoin de respirer l'air frais du jardin. Sans surprise, il y retrouva son demi frère. Ce dernier n'avait pas bougé. Là où Xavier l'avait laissé plus tôt dans la matinée, Kouamé était toujours assis. Un vrai paresseux, pensa t-il avec dédain. Bien qu'il aurait voulu se passer de cette formalité, Xavier s'obligea à échanger quelques mots avec lui. Sans entrain donc, il le rejoignit en bas du géant acacia où ce dernier était install&
Pendant le déjeuner, Xavier qui mangeait avec son frère surpris une fois encore le regard de ce dernier pour Eba.La jeune fille qui faisait le service se déplaçait autour d'eux discrètement. De la cuisine à la véranda, elle allait et venait en silence. Enervé par l'attitude de Kouamé, Xavier qui n'en pouvant plus, évita de reposer bruyamment ses couverts dans son assiette comme il en avait la furieuse envie. Sans détour, il aborda ouvertement le sujet qui le taraudait.—Elle te plaît à ce que je vois ? Lui demanda t-il une fois la jeune fille repartie pour la cuisine.—De qui est ce que tu parles ? Fit mine d'ignorer Kouamé.— Ne fais pas semblant ! Lui intima Xavier d'une voix où commençait à poindre l'irritation.Je te parle de ma jeune domestique que tu n'arrête pas de manger des yeux d'une maniè
Sur l'antre de l'éléphant, la nuit avait finit d'étirer son voile sombre . A présent, un paisible silence y régnait. En cette soirée, tous avaient trouvé refuge dans leur doux foyer. Dans la modeste maison en bois du contremaître, il en était de même. Les parents et trois sur sept de leurs enfants étaient présent et on s'affairait. Avec entrain, les membres de cette modeste famille se hâtaient dans les derniers préparatifs d'un dîner qui s'annonçait spécial. A leur table, ils devaient recevoir Kouamé, le demi frère du propriétaire du domaine. Et ce n'était pas rien. En tout cas,pour Effoua la maîtresse de maison, c'était plus qu'un honneur. Alors, elle était animée d'engouement. Perfectionniste, elle veillait scrupuleusement à ce que tout soit parfait. Occupée à disposer
Accoudé à la balustrade de la véranda, Xavier vit son auto démarrer. Dans un nuage de poussière celle-ci disparue bientôt de la propriété. Soulagé, il soupira. Kouamé était partit. Enfin ! Il allait revenir d'ici peu mais Xavier disposait d'assez de temps. Pour faire ce qu'il avait en tête, il ne lui fallait guère plus de quelques minutes. Or Kouamé n'était pas prêt de revenir de si tôt. Parti pour Abidjan où il devait rencontrer son supérieur à l'hôpital, il en avait pour toute la journée. Xavier allait pouvoir souffler. Enfin, il allait pouvoir s'entretenir avec Eba. Seul à seul. C'est seulement dans le dessein de tenir Kouamé éloigné le plus longtemps possible qu'il avait accepté de céder son auto à ce dernier. En temps normal, il aurait refusé bien &eacu
A Abidjan, Kouamé ne tarda pas. A l'heure du déjeuner, le jeune médecin était déjà là. Comme depuis les précédents jours qui avaient suivi son arrivée, il déjeunait avec son demi frère. Assis à la véranda, les deux jeunes hommes se régalaient du succulent plat préparé par Effoua. Étrangement, Xavier se montrait cordiale. Contrairement à ses habitudes, il essayait obstinément d'instaurer la conversation. Pour faire parler son frère, le métis posait plusieurs questions. Plus banales les unes que les autres, Kouamé n'y prêtait qu'une oreille distraite. Enfermé dans un sombre mutisme, ce dernier ne lui répondait qu'à demi mot. Le jeune médecin était d'humeur maussade.—Apparemment, ton rendez-vous à l'hôpital ne s'est pas passé comme prévu, re
Chapitre 12Effoua et Eba étaient fort occupées. Elles s'activaient dans la cuisine. Pendant que la mère passait le balaie, la fille faisait la vaisselle.Revenue un peu plus tôt que prévu de son service, la jeune fille avait trouvé refuge à l'écart, dans un coin de la pièce. Cachée derrière les ustensiles de cuisine qu'elle récurait, Eba se terrait dans un étrange silence. A vrai dire, la jeune fille pleurait discrètement. A l'abri du regard inquisiteur de sa mère, elle extériorisait sa peine. Effoua n'y voyait que du feu, occupée comme elle était à poser d'inombrables questions.— Tu lui as au moins expliqué pourquoi est-ce que tu étais en retard pour le service ? demanda la mère de famille.—Non ma, lui répondit Eba d'une voix brisée par un sanglot
Il m'en a fallu du temps pour me remettre de ma surprise. Au lieu de réagir sur le coup, j'ai perdu de précieuses minutes à observer le démon, incrédule, les yeux exorbités. J'étais tellement décontenancé. Pas seleument par son apparition soudaine, mais également par son apparence. Pour m'affronter, cet ange déchu avait choisi de se présenter sous son meilleur jour. Il s'était mis sur son trente et un. Alors que moi le serviteur du Dieu tout puissant j'étais vêtu d'un maillot de corps troué et d'un vieux pantalon jogging, l'acolyte du père du mensonge était élégant dans un impéccable costume. Il avait même une cravate ! Ainsi apprêté, il avait plus l'air d'un homme d'affaires que d'un esprit malin.Ce constat m'a dérouté sur le moment. Mais après réflexion, je n'ai rien trouvé d'
Séance tenante, j'ai décidé de prier pour Pauline. Contrairement aux visionnaires de l'église du christianisme céleste, je n'ai pas pris de disposition particulière. Pas de bâillon. Pas de lien. Je ne lui ai même pas imposé les mains. J'ai fait comme j'en avais l'habitude. C'est à dire que je lui ai simplement demandé de se tenir debout, à peu près à un mètre de distance de moi, les mains levées. Docilement, Pauline a obéit. Elle a fermé les yeux et s'est disposée. J'ai alors élévé la voix pour invoquer la puissance de l'Eternel. J'ai demandé à ce dernier de rompre tous les liens qui liaient son enfant et par l'autorité dans le nom de Jésus, j'ai ordonné à l'esprit du mal de quitter Pauline.Honte à moi, c'est avec sceptisisme que je prononçais tous ces mots. Je priais sa
Quand je lui ai posé la question, Pauline n'a pas su quoi me répondre.— Je ne sais pas, a t-elle lâché confuse. Je vous jure que je ne m'en souviens pas.Je n'ai pas pu m'empêcher de la regarder bizarrement. Comment ça elle ne s'en souvenait pas ? Ce n'était pas logique. Elle devait forcément me mentir. J'ai même cru à un instant qu'elle se foutait de moi. Alors, je l'ai pressé. Au moyen d'un discours moralisateur, je l'ai sommé de me dire la vérité. Mais la jeune dame restait campée sur sa position.— C'est vrai pasteur. Je ne me souviens pas. Je vous l'ai dit. A partir du moment où j'ai vu les portes se refermer, c'est le trou noir....Ce n'est que bien plus tard dans la matinée que Pauline revint à elle. Et elle ne se retrouva pas couchée dans un lit quelque part à l'abris bien en
Conduite par l'homme de Dieu, Pauline pénétra dans le temple de l'église du christianisme céleste. Celle-ci était petite et vide. Il n'y avait aucun siège. Dans un coin,les chaises en plastique avaient été empilées. La salle comportant des piliers avait les murs peint en bleu. La décoration de l'église du christianisme céleste semblait être copiée sur celle de l'église catholique à des limites près. Pauline s'y croyait avec l'estrade tout au fond où trônait l'autel et une grande croix représentant le Christ crucifié, à l'exception de ce gigantesque œil surmonté d'un arc-en-ciel.Il semblait la fixer tandis qu'elle avançait dans la salle où tous semblaient l'attendre. Parmi eux, Pauline aperçut tout de suitele chef Samuel. On ne pouvait pas ne pas le remarquer avec l
A peine les yeux fermés, Pauline sombra dans un profond sommeil. La chaleur étouffante qui régnait dans la sinistre pièce ne l'empêcha pas de dormir à poing fermés. Sa position inconfortable non plus. Encore moins les chaînes qui liaient ses poignets. Malgré ses circonstances peu adéquates, Pauline roupillait. Elle en oubliait la situation dramatique qu'elle traversait. Elle en oubliait son angoisse. Elle s'oubliait. Elle oubliait tout. Plus rien n'existait. Le sinistre cagibi où elle était enfermée semblait avoir disparu. Pauline s'imaginait être ailleurs. Elle n'était plus couchée à même le sol mais dans un lit. Un grand lit. Un grand lit bien confortable avec des draps soyeux.Ces draps l'enveloppaient. Ils lui effleuraient la peau. Ils la caressaient. Quel délice ! C'était le paradis. Dans son rêve, Pauline frémissait.
Inquiet, le chef visionnaire se demandait si ce n'était pas le cas. Il fallait vérifier. Il se hâta de s'agenouiller près de Pauline. Il posa deux doigts sur sa carotide et attendit. Il ne tarda pas à avoir un poul. Sous la peau de ses doigts, il pouvait sentir les pulsations cardiaques. Ouf ! soupira profondément l'homme de Dieu.Pauline était vivante. Dieu soit loué ! Le chef Samuel était soulagé. Au moins, il n'avait plus de soucis à se faire de ce côté là.En effet, Pauline commença à manifester des signes vitaux. Elle clignait des paupières. Elle gémissait et remuait doucement les lèvres, murmurant des mots imperceptibles.— Quoi ? lui demanda le chef Samuel qui baissa un peu plus la tête vers elle et pencha son oreille plus prêt de sa bouche. Qu'est-ce que tu dis ?
J'avais tout le corps couvert de chair de poule. Saisi par l'horreur des faits que m'a narré Pauline, je ne me suis même pas rendu compte que celle-ci avait arrêté de parler. Depuis quelques minutes, elle s'était interrompue. Encore !Pour moi qui buvais chacun de ses mots, cette nouvelle interruption a été de trop. Mais quand j'ai remarqué l'état de stress dans lequel elle était, j'ai vite ravalé ma frustration.En effet, le simple fait d'évoquer les évènements qu'elle avait vécu dans cette chambre d'hôpital avait paru lui faire revivre son cauchemar. Si vous l'aviez vu à cet instant précis ! On l'aurait cru en transe.Une expression de panique sans nom animait son regard terrifié. En plus, elle avait les mains qui tremblaient. A la voir ainsi, j'en ai été intimement convaincu : ce qu'elle avait vécu ce fameux soir était terrible !Mais...à bien y réfléchir, que lui était-il arrivé exactement ?Au début, moi-même je n'ai pas compris. C'est que Pauli
Chapitre 21« Que le sang de Jésus me couvre, que le sang de Jésus me couvre...» priait Pauline. Elle n'arrêtait pas. Les deux mains jointes l'une dans l'autre, elle ne se lassait pas d'implorer le secours divine. Pauline avait tellement peur. Son cœur battait fort. Dans sa poitrine, il tambourinait à tout rompre. Elle en avait le souffle court. Paralysée, elle ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Les yeux déments, elle fixait le vide.Pauline attendait. Crispée, elle attendait que les évènements s'échaînent, que le pire arrive, que du néant surgisse Sidoine.Mais ce dernier semblait prendre son temps... Il se faisait désirer. Il faisait durer le suspense. Fidèle à lui-même, il prenait un malin plaisir à la tourmenter.« Pauline ! Pauline...mon amour !", continuait-il de l'appeler.A deux doigts de
Le temple de l'église du christianisme céleste était animée en ce milieu de journée. Certes, il n'y avait pas foule. Neamoins, quelques fidèles étaient présents. A sa guise,chacun d'eux s'occupait. Attroupé sous le préau qui donnait accès au lieu de culte, les uns étaient assis en groupe. Dans la cour, les autres se pavanaient. Vêtus de longue robe blanche pour certains et de vêtement ordinaire pour d'autres, ils étaient tous pieds nus.Pauline et Odile ne dérogèrent pas à cette règle. Dès l'entrée, les deux jeunes femmes durent se délester de leur chaussures. — J'espère qu'on ne va pas nous les voler, déclara Pauline en ôtant sa paire de sandales.— Bien-sûr que non, lui promit Odile qui en faisait de même. Il n'y a pas d'inqu