Dans le véhicule de transport en commun qui la ramenait dans son quartier à Marcory Remblais, Pauline ne décolérait pas. Elle avait toujours le visage fermé et la bouche tirée. Contre Sandra, Pauline était très remontée. Pendant tout le trajet en voiture, elle rumina sa rancœur. Pauline était blessée. Les remarques dures de son amie lui avaient fait du mal. Dans sa tête, elle entendait toujours ses reproches.
Insinuer que c'était de sa faute à elle si elle était toujours célibataire à trente ans ! Non mais pour qui Sandra se prennait-elle ? Soit disant parcequ'elle avait eu la chance de se marier très tôt avec un bon parti tel que Léandre Konan, son amie pensait que ce devait être aussi facile pour les autres.
— N'importe quoi ! siffla t-elle amère. Si elle revo
Il faisait nuit. Il faisait noir. L'air était frais.Pauline frissonnait. A cette heure tardive du soir, la brise de la mer apportée par le vent lui glaçait les os. Pauline tremblait. Elle tremblait de froid. Mais pas seleument. Pauline avait également peur. Dans sa bouche, ses dents claquaient. Aux aguets, elle prêtait l'oreille. Ses yeux eux, allaient dans tous les sens. Plusieurs fois, elle se tourna et se retourna sur elle-même. Dans l'obscurité, elle guettait. Elle scrutait les ombres, les fouillait. Elle tentait de détecter la moindre menace. Mais il n'y avait rien. Pauline ne voyait rien. L'obscurité était totale. Les environs étaient désert. Sur cette plage du bidonville d'Adjouffou situé dans la commune de Port-Bouet, il n'y avait personne. Personne d'autre à part elle, Coralie qui la précédait et Mama Lokossoué, la vielle voyante qui ferma
Pauline avait chaud. L'atmosphère à l'intérieur de la boîte de nuit lui paraissait suffoquante. La jeune femme étouffait. Elle transpirait. Junchée sur un tabouret au bar, elle n'arrêtait pas de s'éventer. Pour se rafraîchir, elle se désaltérait. A elle seule, elle avait déjà vidé deux verres de mojitos.Mais rien n'y faisait. Pauline crevait toujours autant de chaleur. Et elle ne comprenait pas. C'était vraiment étrange ! D'abord parce qu'il y avait la climatisation qui donnait à fond. Ensuite parce qu'elle semblait être la seule dans cette situation. Les autres clients avaient l'air de se porter à merveille. On aurait dit qu'ils n'étaient pas dans le même endroit.Occupés à consommer leur boisson, les gens remplissaient allégrement l'espace. La boîte de nuit était pleine &
Chapitre 6Sur son siège, Pauline se redressa, mais resta immobile. Le laissant venir à elle, elle se contenta de le contempler. L'homme qui peuplait ses rêves était beau.Grand, musclé avec de larges épaules, il était encore plus à tomber par terre en vrai que lorsqu'elle le voyait à la télé. Dans son costume deux pièces, il était d'une élégance naturelle. La démarche assurée, il s'avançait. Il fendait la foule sans se presser. Sur son passage, les gens s'écartaient instinctivement, comme poussés par une force invisible. C'était à la fois fascinant et déroutant. Pauline était dans tous ses états. Elle suait. Elle transpirait. Etrangement, la chaleur qui l'accablait semblait s'accroître. Comme une vielle ménauposée, elle était prise de terribles bouf
Entre les mains de ce prince charmant des temps modernes sorti de nulle part, Pauline se sentait transportée de bonheur. Le tube de Teeya « en secret», résonnait. Dans les bras de Sidoine, Pauline se laissait guider.Une main posée au bas de son dos, l'autre jointe à la sienne, Sidoine l'enlaçait. Au rythme de la musique suave, il se déhanchait. Il se serrait tout contre elle. Suggestivement, il frottait son bassin au sien.Tchiaaa ! Pauline fondait.Elle se sentait défaillir. Elle perdait la tête. C'en était trop pour elle ! La pauvre célibataire n'avait plus été aussi proche d'un homme depuis bel lurette.Si ce Sidoine continuait à la chauffer comme il le faisait, elle avait bien peur de finir par jouir sur place.De plus en plus troublé, Pauline se força à reprendre ses esprits. Il lui fallait agi
A ce stade du récit, Pauline qui me narrait les faits s'est interrompue. Sans raison apparente, elle a marqué une pause. J'ai attendu. La tête baissée, elle s'est mise à triturer une bague qu'elle portait à son annulaire droit.Tenu en haleine jusque là, je l'ai regardé faire un moment. N'en pouvant plus, je n'ai pas pu me retenir. Impatient, je l'ai brusqué :— Et ensuite ? Vous avez couché avec lui cette nuit là ?Lentement, la jeune femme a levé le regard vers moi. Visiblement mal à l'aise, elle a détourné aussitôt les yeux. En signe de négation, elle a secoué la tête.— Non pasteur, m'a t-elle répondu. Je n'ai pas couché avec lui. Du moins, pas cette nuit-là.Et ce mérite ne lui reve
Les faits se déroulèrent aux environs de Marcory-Bietry. Il était entre une heure et deux heures du matin. Dehors, il n'y avait personne. Bravaient encore la solitude de la nuit, certains noctambules comme des policiers en patrouille, de rares gardiens au regard ensomeillé et quelques prostituées qui battaient le pavé. A part ceux-là, les rues étaient pratiquement désertes.Le boulevard de Marseille était vide lui aussi. Sur l'axe routier qui grouillait habituellement de véhicules, seul le taxi qui transportait Sidoine et Pauline roulait.A bord, le vieux Karamoko conduisait difficilement. Il était distrait. Il n'arrivait pas à rester concentré. Un œil sur la circulation, l'autre sur le rétroviseur, le vieux chauffeur épiait ses étranges clients. Ce qu'ils trafiquaient à l'arrière de son véhi
Pauline ne reprit pas tout de suite connaissance. A vrai dire, revenir à elle ne fut guère chose facile. Tombée en syncope, elle fut rejointe par Sidoine. Sans qu'elle ne sache comment, ce démon réussit à se glisser dans sa tête.Depuis son subconscient, le son de sa voix lui parvint. Elle l'entendait distinctement. Il l'appelait.— Pauline, murmurait-il, Pauline...Pauline se troubla. Tout de suite, la peur la gagna. Immédiatement, elle voulut se réveiller. Mais impossible ! Elle n'y arrivait pas. Sidoine la tenait. Il l'alourdissait et pesait sur elle. Elle avait beau lutter pour se libérer du poids de cette torpeur, son corps demeurait engourdi. Pauline était emprisonnée dans un profond sommeil. Par son pouvoir maléfique, Sidoine l'y avait entraîné. Et résolument, il la maintenait dans cet état pr
Incertaine, Pauline s'abandonna tacitement aux mains de Sidoine. Sans attendre, le démon profita de la situation. Les caresses et les mots doux reprirent. Retour dans le grand lit ! Voilà à nouveau Pauline entièrement nue, subissant les assauts de Sidoine.L'étreinte infernale reprenait exactement là où elle s'était interrompue. En Pauline, Sidoine recommençait de plus bel à aller et à venir. Il se faisait langoureux. Il s'appliquait. Avec une redoutable constance, il s'acharnait à la bourrée de coup de boutoir. Ses efforts finirent par porter fruits.La chair de Pauline s'enflamma. Ses sens s'éveillèrent. Son corps répondait au contact de celui de Sidoine. Le plaisir ne tarda pas à jaillir. En source intarissable, des sensations de pure volupté s'élevaient et se répandaient. Partout dans le
Il m'en a fallu du temps pour me remettre de ma surprise. Au lieu de réagir sur le coup, j'ai perdu de précieuses minutes à observer le démon, incrédule, les yeux exorbités. J'étais tellement décontenancé. Pas seleument par son apparition soudaine, mais également par son apparence. Pour m'affronter, cet ange déchu avait choisi de se présenter sous son meilleur jour. Il s'était mis sur son trente et un. Alors que moi le serviteur du Dieu tout puissant j'étais vêtu d'un maillot de corps troué et d'un vieux pantalon jogging, l'acolyte du père du mensonge était élégant dans un impéccable costume. Il avait même une cravate ! Ainsi apprêté, il avait plus l'air d'un homme d'affaires que d'un esprit malin.Ce constat m'a dérouté sur le moment. Mais après réflexion, je n'ai rien trouvé d'
Séance tenante, j'ai décidé de prier pour Pauline. Contrairement aux visionnaires de l'église du christianisme céleste, je n'ai pas pris de disposition particulière. Pas de bâillon. Pas de lien. Je ne lui ai même pas imposé les mains. J'ai fait comme j'en avais l'habitude. C'est à dire que je lui ai simplement demandé de se tenir debout, à peu près à un mètre de distance de moi, les mains levées. Docilement, Pauline a obéit. Elle a fermé les yeux et s'est disposée. J'ai alors élévé la voix pour invoquer la puissance de l'Eternel. J'ai demandé à ce dernier de rompre tous les liens qui liaient son enfant et par l'autorité dans le nom de Jésus, j'ai ordonné à l'esprit du mal de quitter Pauline.Honte à moi, c'est avec sceptisisme que je prononçais tous ces mots. Je priais sa
Quand je lui ai posé la question, Pauline n'a pas su quoi me répondre.— Je ne sais pas, a t-elle lâché confuse. Je vous jure que je ne m'en souviens pas.Je n'ai pas pu m'empêcher de la regarder bizarrement. Comment ça elle ne s'en souvenait pas ? Ce n'était pas logique. Elle devait forcément me mentir. J'ai même cru à un instant qu'elle se foutait de moi. Alors, je l'ai pressé. Au moyen d'un discours moralisateur, je l'ai sommé de me dire la vérité. Mais la jeune dame restait campée sur sa position.— C'est vrai pasteur. Je ne me souviens pas. Je vous l'ai dit. A partir du moment où j'ai vu les portes se refermer, c'est le trou noir....Ce n'est que bien plus tard dans la matinée que Pauline revint à elle. Et elle ne se retrouva pas couchée dans un lit quelque part à l'abris bien en
Conduite par l'homme de Dieu, Pauline pénétra dans le temple de l'église du christianisme céleste. Celle-ci était petite et vide. Il n'y avait aucun siège. Dans un coin,les chaises en plastique avaient été empilées. La salle comportant des piliers avait les murs peint en bleu. La décoration de l'église du christianisme céleste semblait être copiée sur celle de l'église catholique à des limites près. Pauline s'y croyait avec l'estrade tout au fond où trônait l'autel et une grande croix représentant le Christ crucifié, à l'exception de ce gigantesque œil surmonté d'un arc-en-ciel.Il semblait la fixer tandis qu'elle avançait dans la salle où tous semblaient l'attendre. Parmi eux, Pauline aperçut tout de suitele chef Samuel. On ne pouvait pas ne pas le remarquer avec l
A peine les yeux fermés, Pauline sombra dans un profond sommeil. La chaleur étouffante qui régnait dans la sinistre pièce ne l'empêcha pas de dormir à poing fermés. Sa position inconfortable non plus. Encore moins les chaînes qui liaient ses poignets. Malgré ses circonstances peu adéquates, Pauline roupillait. Elle en oubliait la situation dramatique qu'elle traversait. Elle en oubliait son angoisse. Elle s'oubliait. Elle oubliait tout. Plus rien n'existait. Le sinistre cagibi où elle était enfermée semblait avoir disparu. Pauline s'imaginait être ailleurs. Elle n'était plus couchée à même le sol mais dans un lit. Un grand lit. Un grand lit bien confortable avec des draps soyeux.Ces draps l'enveloppaient. Ils lui effleuraient la peau. Ils la caressaient. Quel délice ! C'était le paradis. Dans son rêve, Pauline frémissait.
Inquiet, le chef visionnaire se demandait si ce n'était pas le cas. Il fallait vérifier. Il se hâta de s'agenouiller près de Pauline. Il posa deux doigts sur sa carotide et attendit. Il ne tarda pas à avoir un poul. Sous la peau de ses doigts, il pouvait sentir les pulsations cardiaques. Ouf ! soupira profondément l'homme de Dieu.Pauline était vivante. Dieu soit loué ! Le chef Samuel était soulagé. Au moins, il n'avait plus de soucis à se faire de ce côté là.En effet, Pauline commença à manifester des signes vitaux. Elle clignait des paupières. Elle gémissait et remuait doucement les lèvres, murmurant des mots imperceptibles.— Quoi ? lui demanda le chef Samuel qui baissa un peu plus la tête vers elle et pencha son oreille plus prêt de sa bouche. Qu'est-ce que tu dis ?
J'avais tout le corps couvert de chair de poule. Saisi par l'horreur des faits que m'a narré Pauline, je ne me suis même pas rendu compte que celle-ci avait arrêté de parler. Depuis quelques minutes, elle s'était interrompue. Encore !Pour moi qui buvais chacun de ses mots, cette nouvelle interruption a été de trop. Mais quand j'ai remarqué l'état de stress dans lequel elle était, j'ai vite ravalé ma frustration.En effet, le simple fait d'évoquer les évènements qu'elle avait vécu dans cette chambre d'hôpital avait paru lui faire revivre son cauchemar. Si vous l'aviez vu à cet instant précis ! On l'aurait cru en transe.Une expression de panique sans nom animait son regard terrifié. En plus, elle avait les mains qui tremblaient. A la voir ainsi, j'en ai été intimement convaincu : ce qu'elle avait vécu ce fameux soir était terrible !Mais...à bien y réfléchir, que lui était-il arrivé exactement ?Au début, moi-même je n'ai pas compris. C'est que Pauli
Chapitre 21« Que le sang de Jésus me couvre, que le sang de Jésus me couvre...» priait Pauline. Elle n'arrêtait pas. Les deux mains jointes l'une dans l'autre, elle ne se lassait pas d'implorer le secours divine. Pauline avait tellement peur. Son cœur battait fort. Dans sa poitrine, il tambourinait à tout rompre. Elle en avait le souffle court. Paralysée, elle ne bougeait plus. Elle ne respirait plus. Les yeux déments, elle fixait le vide.Pauline attendait. Crispée, elle attendait que les évènements s'échaînent, que le pire arrive, que du néant surgisse Sidoine.Mais ce dernier semblait prendre son temps... Il se faisait désirer. Il faisait durer le suspense. Fidèle à lui-même, il prenait un malin plaisir à la tourmenter.« Pauline ! Pauline...mon amour !", continuait-il de l'appeler.A deux doigts de
Le temple de l'église du christianisme céleste était animée en ce milieu de journée. Certes, il n'y avait pas foule. Neamoins, quelques fidèles étaient présents. A sa guise,chacun d'eux s'occupait. Attroupé sous le préau qui donnait accès au lieu de culte, les uns étaient assis en groupe. Dans la cour, les autres se pavanaient. Vêtus de longue robe blanche pour certains et de vêtement ordinaire pour d'autres, ils étaient tous pieds nus.Pauline et Odile ne dérogèrent pas à cette règle. Dès l'entrée, les deux jeunes femmes durent se délester de leur chaussures. — J'espère qu'on ne va pas nous les voler, déclara Pauline en ôtant sa paire de sandales.— Bien-sûr que non, lui promit Odile qui en faisait de même. Il n'y a pas d'inqu