AlexioLe noir m’engloutit.Je tombe.Pas comme une chute ordinaire. Il n’y a pas de vent, pas de sensation de vitesse. Seulement cette impression d’être aspiré, avalé par quelque chose de plus vaste que moi.Ma respiration se fait erratique. Mes muscles se crispent, mais je ne touche rien.Puis soudain, j’atterris.Non.Je me tiens debout.Mais où ?Un battement sourd pulse dans l’air.Ce n’est pas un bruit.C’est un appel.J’avance.Sous mes pieds, le sol n’existe pas. Pourtant, je marche.Tout autour de moi, des ombres se tordent, formant des visages qui disparaissent aussitôt.Je ne suis pas seul.Quelque chose veille.Et elle attend que je parle.— Qui es-tu ?Ma voix résonne, étouffée par l’espace qui n’en est pas un.Un murmure me répond.Un chuchotement sans bouche.— Celui qui était avant toi.Un frisson me parcourt l’échine.Avant moi ?— Avant moi… quoi ?Le silence s’étire. Puis :— Celui qui a pris. Celui qui a donné.Une forme se matérialise devant moi.Un homme.Ou ce q
AlexioLa douleur pulse encore dans mes tempes. Comme un écho, une résonance.Je me redresse lentement.Mes muscles hurlent. Mon corps entier est en feu.Mais je suis là.Léna est là.Lysandre aussi.Ils me fixent avec une appréhension que je comprends.Parce que moi aussi, j’ai peur.Je me souviens.De tout.De ce que j’étais. De ce que j’ai fait.De ce que j’ai donné.Et de ce que j’ai perdu.— Alexio…Léna approche d’un pas hésitant.Je lève les yeux vers elle, et je vois l’inquiétude dans ses prunelles.— Ça va…Mensonge.Rien ne va.Tout en moi est fracturé.Mais je ne peux pas me permettre de faiblir maintenant.Lysandre serre son arme. Son regard oscille entre moi et le vide encore béant derrière nous.— Qu’est-ce qui s’est passé ? demande-t-il d’une voix tendue.Je ferme les yeux une seconde.Puis je réponds.— Je l’ai vu.Léna fronce les sourcils.— Vu quoi ?Mon regard se pose sur le sol, là où des cendres flottent encore dans l’air.— L’origine.Lysandre se tend.Léna blêmi
AlexioLe choc de l’énergie déferle à travers moi.Léna brille d’une lueur qui n’a rien d’humain.Elle canalise une force que je ne comprends pas encore, mais qui pulse entre nous comme une vérité absolue.L’ombre, cette chose qui a hanté mes nuits, vacille. Pour la première fois, elle recule, comme si elle sentait le changement.Mais ce n’est pas fini.Léna serre ma main.Et nous chargeons.Le monde explose en lumière et en ténèbres.LénaLa douleur est insupportable.L’ombre ne se laisse pas détruire.Elle lutte.Elle s’accroche à Alexio, à moi, à tout ce que nous sommes.Mais je ne lâche pas.Je ne peux pas.Pas maintenant.Pas après tout ça.Les souvenirs affluent—Des vies passées, des combats oubliés, des sacrifices inscrits dans le sang et la pierre.Je vois l’histoire se répéter, encore et encore.Un cycle cruel, une tragédie sans fin.Mais cette fois…Non.Je refuse.Alors, je tends la main.Et je plonge dans l’ombre.Lysandre— Léna !Son corps disparaît.Avalé par la noirce
AlexioLa douleur pulse sous ma peau. Pas seulement celle de mes blessures, mais une autre, plus profonde, plus sourde. Quelque chose d’ancré en moi que je ne peux pas expliquer.L’ombre n’est plus là.Et pourtant, je la ressens toujours.Léna marche à mes côtés, sa main serrée dans la mienne. Elle ne dit rien, mais son regard est brûlant d’inquiétude. Elle me scrute comme si elle cherchait une faille, une preuve que je ne suis plus le même.Et elle a raison.Je ne suis plus le même.Nous traversons le couloir sombre, nos pas résonnant contre les murs. Lysandre ouvre la marche, son arme toujours prête.Mais moi, je n’ai plus besoin d’arme.Je sens tout.Chaque souffle. Chaque mouvement. Comme si une force nouvelle circulait en moi.Léna s’arrête brusquement et me force à lui faire face.— Qu’est-ce que tu ressens ?Son regard fouille le mien, exige des réponses que je ne suis pas sûr de pouvoir lui donner.— Je ne sais pas… je murmure.C’est un mensonge.Je sais.Je ressens la puissan
LénaJe n’ai jamais vu Alexio se battre comme ça.C’est… effrayant.Il bouge avec une rapidité surnaturelle, ses coups précis, brutaux. Chaque ennemi qui s’approche est fauché en un instant.Mais ce qui me terrifie le plus…C’est son sourire.Un sourire froid, inhumain.— Alexio !, crié-je.Il ne m’entend pas.Ou il ne veut pas m’entendre.Son poing s’abat sur l’un des assaillants avec une violence qui fait craquer les os. L’homme hurle, s’effondre, mais Alexio ne s’arrête pas.L’ombre en lui prend le contrôle.Et je ne sais pas comment l’arrêter.Lysandre me retient avant que je ne fasse quelque chose de stupide.— Laisse-le faire., murmure-t-il.— Il va le tuer !— Ils nous auraient tués sans hésiter.Ce n’est pas ce qui me dérange.Ce qui me terrifie, c’est qu’Alexio prend plaisir à les détruire.Quand enfin le dernier ennemi s’écroule dans un râle, Alexio reste debout, haletant, les poings ensanglantés.Il ne bouge pas tout de suite.Puis, lentement, il tourne la tête vers moi.So
AlexioLe silence nous avale.La nuit est tombée depuis longtemps, mais ici, sous les lumières blafardes de la ville, le temps semble suspendu. Lysandre marche devant, un spectre parmi les ombres. Léna est près de moi, trop près. Chaque mouvement de son corps effleure le mien, chaque respiration est une provocation silencieuse.Je lutte.Contre ce qui gronde en moi. Contre cette noirceur qui me pousse à serrer les poings jusqu’au sang.Mais Léna refuse de reculer.Elle est là, à portée de main, me fixant avec cette foutue intensité qui me fait vaciller.— Tu comptes me dire ce qui se passe ?Sa voix est calme, posée. Mais je la connais trop bien. Elle est tendue, sur le fil.Je ferme les yeux un instant, inspirant profondément.— Léna…— Ne commence pas avec ça., coupe-t-elle, agacée.Je rouvre les yeux et elle me défie, le menton légèrement relevé, son regard brûlant.— J’ai besoin de comprendre, Alexio., insiste-t-elle.Elle s’approche encore, envahissant mon espace, et cette proxim
AlexioLéna serre ma main, mais son regard me transperce comme une lame glacée. Je sais ce qu’elle a vu. Ce que je suis.Lysandre ouvre la marche. On sort de l’appartement comme des fantômes, silencieux, l’odeur du sang collée à nos vêtements. L’attaque n’était qu’un avertissement. Un rappel que nos ennemis sont partout.— On va où ? demande Léna d’une voix rauque.— Quelque part où on pourra respirer deux secondes., grogne Lysandre.Le garage souterrain nous engloutit dans sa pénombre. Je monte à l’avant, Léna glisse à l’arrière, les bras croisés sur sa poitrine comme une barrière invisible.Je démarre.Le moteur gronde et on disparaît dans la nuit.LénaLes lumières de la ville défilent, trop rapides, trop floues.Je devrais avoir peur. Après tout, je viens de voir Alexio abattre des hommes sans une hésitation. Mais ce n’est pas la peur qui m’étrangle. C’est autre chose.Un vertige. Un désir dangereux.Parce qu’une part de moi accepte ce qu’il est.Et cette prise de conscience me te
Léna Lysandre nous attend déjà dans le couloir, arme à la main.— On bouge., annonce-t-il en nous voyant arriver.L’hôtel est calme. Trop calme.Chaque pas que nous faisons résonne comme une menace.Alexio me fait passer devant lui, sa main pressée contre le creux de mon dos.— Si je te dis de courir, tu cours., murmure-t-il à mon oreille.Un frisson glacé me traverse.On atteint le parking souterrain.Et c’est là qu’ils nous attendent.AlexioJe les vois avant qu’ils ne bougent.Trois voitures, moteurs allumés, vitres teintées.Des ombres se détachent, avançant lentement vers nous.Un piège.Mais je suis né dans ce monde.Je lève la main, et en une fraction de seconde, Lysandre dégaine.Les balles fusent.Léna se fige. Je l’attrape et la plaque derrière une colonne.— Reste là !Je me retourne et tire à mon tour.L’un des hommes s’effondre, mais d’autres surgissent.Bordel.Ils ont prévu le coup.Lysandre balance une grenade fumigène.Un écran blanc nous engloutit.— Bouge !, hurlé-
AlexioL’odeur du sang est partout.Elle imprègne l’air, s’accroche à notre peau, glisse entre nos lèvres.Mais ce n’est pas ce qui me trouble.C’est Léna.Elle se tient immobile, le corps raide, les yeux rivés sur le vide.Ses doigts, encore souillés du cœur qu’elle vient d’écraser, tremblent imperceptiblement.Je connais ce regard.Je sais ce qui l’envahit.Le pacte.Il gronde en elle, réclame plus.C’est une faim qui ne se contente jamais, qui consume tout sur son passage.Et je sens que ce soir, elle a franchi un seuil.Je m’approche lentement, mes mouvements mesurés.— Léna…Elle ne réagit pas immédiatement.Puis, d’un battement de cils, elle revient à moi.Son regard s’ancre au mien, vacillant entre lucidité et ténèbres.— On doit partir, murmure-t-elle finalement.Elle a raison.Nous sommes trop exposés ici.Mais avant que nous puissions bouger, une autre présence surgit.---LénaUne silhouette se détache de l’ombre.Grande. Élégante.Ses pas sont lents, presque paresseux, com
AlexioLa nuit est lourde. Chargée d’électricité.Chaque ombre semble nous observer, chaque souffle du vent murmure un avertissement.Léna marche à mes côtés, mais je ressens sa fébrilité. Elle lutte contre le pacte. Contre ce feu dévorant qui pulse entre nous.Et moi aussi.Nous avons quitté Joran sans un mot de plus. Son sourire narquois nous hante encore, ses paroles résonnant dans mon esprit."Un pacte de sang doit être nourri, sinon il vous dévorera."Je n’arrive pas à m’en défaire.Parce que je ressens déjà cette faim.Un besoin primitif, viscéral.Pas seulement de sang.Pas seulement de pouvoir.Mais d’elle.Et c’est ce qui me terrifie le plus.— On doit trouver un endroit sûr, murmure Léna.Je hoche la tête, les mâchoires serrées.Nous avançons dans les ruelles sombres, nos pas silencieux sur les pavés humides. La ville dort, inconsciente de la tempête qui gronde dans nos veines.Léna vacille légèrement.Je la rattrape avant qu’elle ne tombe.Son corps est brûlant sous mes doi
LénaLes flammes des bougies vacillent, projetant des ombres mouvantes sur les murs délabrés du manoir.Tout mon corps tremble sous l’intensité du lien.C’est comme si chaque cellule de mon être s’ouvrait à lui. Comme si je percevais ses pensées, ses émotions, ses désirs avec une acuité terrifiante.Et ce que je ressens en ce moment…C’est vertigineux.Alexio est une tempête sous contrôle, un prédateur aux abois. Il lutte contre lui-même, contre moi, contre cette chose qui nous lie désormais.Joran s’écarte légèrement, nous laissant seuls dans le cercle d’incantation.— Il va falloir que vous alliez au bout du processus.Sa voix est basse, presque amusée.— Ou alors, tout ça n’aura servi à rien.Je l’ignore.Mon regard est rivé sur Alexio.Il est tendu. Son torse se soulève rapidement, ses prunelles sont noires d’un désir qu’il s’efforce de contenir.Et pourtant, je ne ressens aucune peur.Seulement cette attraction dévorante qui pulse entre nous.— Léna… Sa voix est rauque, comme un
AlexioL’air à l’intérieur du manoir est épais, chargé de poussière et d’un silence inquiétant. Les murs sont tapissés de vieilles bibliothèques, les meubles recouverts de draps jaunis. Le temps semble s’être figé ici, comme si aucun souffle de vie n’avait traversé ces pièces depuis des siècles.Joran referme la porte derrière nous.Un verrou claque.Léna sursaute légèrement, et son regard se pose sur moi. Elle attend. Mais moi, je scrute l’homme devant nous. Joran n’a pas changé. Toujours cette même posture décontractée, cette même lueur cynique dans les yeux. Pourtant, quelque chose est différent. Une tension sous-jacente.— Tu es plus imprudent que dans mes souvenirs, Alexio.Il se laisse tomber dans un fauteuil de velours élimé et croise les jambes.— Ramener une humaine ici… c’est suicidaire.Léna serre les poings, mais je l’arrête d’un regard.— J’ai besoin de ton aide.Joran ricane.— Je me doutais bien que tu n’étais pas venu pour le plaisir de revoir un vieil ami.— On nous t
AlexioLa porte explose dans un fracas assourdissant.Une rafale d’air glacial envahit la pièce.Ils sont trois.Trois vampires aux yeux d’un rouge incandescent.Le premier est grand, élancé, un sourire carnassier aux lèvres.Le second est plus massif, son visage marqué par des cicatrices anciennes.Le troisième…Je me fige.Le troisième, je le connais.— Raphaël.Son sourire s’élargit.— Alexio. Ça faisait longtemps.Léna frissonne contre moi.Raphaël…L’un des plus anciens vampires que j’aie jamais connus.Un monstre parmi les monstres.Et il est ici pour elle.— Tu as fait une erreur, Alexio. Son ton est presque affectueux. Tu sais ce que ça signifie, n’est-ce pas ?Je serre les dents.— Laisse-la partir.Raphaël éclate de rire.— Partir ? Oh, mais non. Il s’approche, lentement. Tu l’as réclamée. Nous venons voir si elle en vaut la peine.Je m’interpose immédiatement entre lui et Léna.— Elle n’est pas un jouet.— Non. Mais elle est à toi. Et ça, mon frère, c’est bien pire.Il fait
AlexioJe la contemple, immobile, le goût de son sang encore brûlant sur ma langue.Léna ne bouge pas.Elle ne fuit pas.Elle me regarde comme si rien n’avait changé.Mais tout a changé.Son souffle est plus court, son cœur bat un peu plus vite. Elle est à moi, maintenant. Ce lien, je ne peux plus le briser.Et elle ne le pourra jamais.— Tu ne devrais pas être si calme.Elle passe ses doigts sur la morsure encore fraîche à sa gorge.— Je savais ce que je faisais.Je serre les poings.— Non, Léna. Tu crois comprendre, mais tu es loin du compte.Elle fronce les sourcils, défiante.— Alors explique-moi.Je me lève brusquement, l’obscurité de la pièce me paraissant soudain trop lourde, trop étouffante.— Tu sens ? Je ferme les yeux, inspirant profondément. Ton sang pulse en moi. Je ressens chaque battement de ton cœur comme si c’était le mien. Tu as franchi une limite qu’aucun humain ne devrait franchir.Elle ne détourne pas le regard.— Et qu’est-ce que ça change, Alexio ?Je ricane, am
AlexioLa nuit est tombée depuis longtemps, mais je ne ressens pas la fatigue. Seule la faim demeure.Pas celle du sang.Pas celle qui me déchire habituellement le ventre, celle qui me pousse à traquer, à tuer.Celle-ci est différente. Plus sourde, plus insidieuse.C’est la faim d’elle.De Léna.De sa peau brûlante sous mes doigts.De ses lèvres contre les miennes.De ce qu’elle m’offre sans même s’en rendre compte : une place dans sa lumière.Mais cette lumière, je vais l’éteindre si je la garde près de moi.— Tu ne devrais pas rester ici.Ma voix est rauque, plus dure que je ne l’aurais voulu.Elle ne recule pas.Ses yeux s’accrochent aux miens, brûlants d’une détermination que je connais trop bien.— Et si je décide de rester ?Son souffle effleure ma peau. Une tentation.Un supplice.Je ferme les yeux une seconde.Me battre contre elle, c’est comme tenter de résister à l’appel du sang après des siècles de famine.C’est inutile.C’est douloureux.— Léna…Je tends la main, frôle son
LénaJe ne peux plus bouger.Je le regarde, les yeux écarquillés, incapable d’inspirer, incapable d’accepter ce que je vois.Alexio, couvert de sang, immobile devant moi.Le vampire qu’il vient de tuer gît sur le sol, le corps brisé.Il n’y a plus rien d’humain en lui.Il n’a pas juste combattu.Il l’a détruit.Et maintenant, il se tourne vers moi.Ses prunelles sont encore sombres, sauvages, habitées par cette rage qu’il n’a pas complètement éteinte.Un frisson glacé me traverse.Il tend une main vers moi.— Léna…Ma respiration se bloque.Je devrais fuir.Je devrais m’éloigner de lui.Mais mes jambes ne répondent plus.Je me sens piégée, acculée entre lui et ce monde dont je ne fais pas partie.Et pourtant, quand il fait un pas de plus, quand son regard s’adoucit malgré la violence qui l’habite encore…Je vacille.— Tu as peur de moi.Ce n’est pas une question.C’est une évidence.Une douleur invisible traverse son regard, aussi brève qu’un éclair.Je le vois.Mais je ne peux pas lu
AlexioJe suis à un fil de la rupture.Mon cœur, ma raison, mon désir…Tout se fracasse en elle.Elle ne bouge pas.Elle me défie du regard, refusant de fuir.Mais elle ne comprend pas.Je ne suis pas un homme.Je suis un vampire.Et elle est trop proche de la seule chose qui peut me faire basculer.Je grogne.Je recule, me forçant à mettre de la distance entre nous.Mais elle me suit.Son courage est aussi admirable que suicidaire.— Je ne partirai pas.Son murmure est une promesse.Une menace.Mon souffle s’accélère.Puis, sans prévenir, je disparais dans la nuit.Avant de faire ce que je regretterais à jamais.---LénaIl est parti.Me laissant seule, bouleversée, et avec mille questions brûlant en moi.Mais une seule chose m’obsède :Il lutte pour me protéger.Mais combien de temps avant qu’il ne cède ?LénaL’obscurité l’a englouti.Il a disparu dans la nuit, me laissant seule avec mon souffle court, mes pensées éparpillées et cette brûlure encore présente sur mes lèvres.Alexio.