LéaIl est près de huit heures quand Inès arrive.Elle ne dit rien. Elle ne pose pas de questions. Elle se contente de m’ouvrir la portière et de m’attendre, moteur allumé, chauffage au maximum.Je m’installe à côté d’elle, trempée, glacée, épuisée. J’ai l’impression d’avoir laissé une part de moi dans cette nuit. Comme si la pluie avait lessivé ma peau jusqu’à la faire disparaître.Personne ne parle. Et c’est peut-être ce que j’aime le plus chez elle.Ce silence qu’elle sait remplir d’une présence entière. Pas un silence gêné, ni un silence d’attente. Un silence de ceux qui comprennent. Qui accueillent. Qui enveloppent.Je fixe la route par la vitre embuée pendant qu’elle conduit. Le jour se lève, timidement. Tout semble gris. Le ciel. L’asphalte. Mon cœur.Je n’ai pas dormi. Pas une minute. J’ai froid jusqu’aux os, et même l’intérieur de moi semble détrempé.Je repense à ses yeux, à Maxime, à la façon dont il m’a regardée. Ou plutôt… à la façon dont il a choisi de ne pas le faire.-
LéaJe n'ai pas fermé les yeux de la nuit.Le silence est lourd, comme une mer calme prête à engloutir tout ce qui se trouve à sa surface.Je n’ai plus de larmes. Il ne reste plus que des souvenirs qui me brûlent. J’ai pris ma décision, mais le poids de chaque mot échangé me semble toujours aussi lourd. Et pourtant, je ne veux pas me perdre dans l'attente, dans l'espérance fragile.Inès est partie tôt ce matin, comme d'habitude. Elle a eu l'air de comprendre que je voulais être seule, même si, une fois de plus, son absence me pèse. Je me retrouve ici, dans ce silence, face à cette solitude que je connais trop bien.Mon téléphone est posé devant moi, comme une promesse qu'il ne tiendra peut-être jamais. Son message résonne encore dans ma tête. Le son de ses mots, sincères ou non, ne me quitte pas. Si j’étais honnête avec moi-même, je dirais que je suis épuisée de cette lutte intérieure.Je suis fatiguée de l'incertitude, fatiguée de l’amour qui me ronge, fatiguée d’espérer qu’il vienne
LéaJe reste là, immobile, les yeux ancrés dans les siens. Son regard est un mélange de douleur et de détermination, et pourtant, il y a quelque chose de doux, d’infiniment sincère dans la façon dont il me fixe.Il n’a pas dit un mot. Il ne m’a pas prise dans ses bras. Il ne m’a même pas souri. Pourtant, il est là. Enfin là. Après tout ce temps.Je n’ai pas bougé. Je ne peux pas bouger. J’ai l’impression que mes jambes sont en béton. C’est étrange, mais cette scène m’est familière. Comme si tout ce qui s’était passé entre nous n’était qu’une préparation à ce moment précis. Mais, même si tout semble suspendu, mon cœur bat trop fort.Il franchit le dernier pas. Il est si proche que je peux sentir sa chaleur, et pourtant, un abîme de silence se creuse entre nous. J’ai l’impression qu’il attend quelque chose de moi, mais quoi ? Un mot, un geste, un regard… Je me demande ce qu’il attend de moi.Je prends une grande inspiration, puis je murmure, presque à moi-même :Léa— Tu as choisi de re
LéaJe ne sais pas pourquoi, mais quelque chose en moi s’est allégé. Il y a quelque chose de libérateur dans cette décision, dans le fait d’avoir accepté de lui accorder cette chance. Pourtant, ce n’est pas facile. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix, si c’est lui ou moi qui aurons la force de tout reconstruire. Mais je crois que la véritable question n’est pas de savoir qui a tort ou raison. C’est une question de volonté. De l’intensité des gestes, de la profondeur des actes. C’est là que tout va se jouer.Je me relève lentement, tout en maintenant son regard. Il reste immobile, à genoux devant moi. J’ai l’impression qu’il attend encore une réponse, une assurance. Mais je n’ai pas la force de lui donner des mots pleins de certitudes. Je veux qu’il comprenne qu’il doit me prouver quelque chose, mais de façon différente. Pas dans le discours, mais dans l’engagement.Léa— Je n’attends pas des promesses, Maxime. Je veux voir ce que tu fais. Parce que des paroles, j’en ai eu assez.
Léa & MaximeLéaIl y a ce silence entre nous, doux et fragile. Il a ma main dans la sienne, comme si ce simple contact suffisait à tout dire. Peut-être que, pour lui, c’est déjà immense. Un geste chargé d’espoir. De repentir. De promesse muette.Mais moi, je sens autre chose remonter. Une pensée enfouie. Un doute tenace. Un prénom.Clara.Je ne veux pas briser ce moment. Pas maintenant, alors que quelque chose en nous recommence à respirer. Mais je ne peux pas faire semblant. Pas si on veut repartir sur des bases honnêtes. Pas si je veux croire, vraiment croire, en ce qu’il prétend vouloir construire avec moi.Je retire doucement ma main de la sienne. Pas violemment. Juste assez pour poser une distance. Une frontière fine mais claire. Il fronce légèrement les sourcils. Je le vois. Il sent que quelque chose vient. Et il ne recule pas. Il ne fuit pas. Il attend.Léa— Et avec Clara… ça se passe comment ?Ma voix est calme. Presque posée. Mais à l’intérieur, c’est une tempête contenue.
MaximeElle ne part pas.Elle reste.Et dans ce silence entre nous, quelque chose respire encore.C’est minuscule. Un souffle.Mais assez pour me faire tenir debout.Léa est là, face à moi, les bras croisés, le visage fermé. Pas dans une colère explosive. Non. C’est plus dangereux que ça. C’est ce genre de calme qui précède les tempêtes. Où tout peut encore basculer. Où chaque mot compte.Je sens que je suis sur un fil. Et qu’un seul faux pas me renverrait dans ce vide que j’ai moi-même creusé.Je prends une longue inspiration.Maxime— Tu veux tout savoir, Léa ? Même les zones grises ? Parce qu’il y en a. Et je veux pas que tu t’embarques dans quelque chose d’injuste pour toi.Elle ne dit rien.Elle attend.Et je déteste ce silence, parce que je sais ce qu’il veut dire : elle me laisse une chance de dire la vérité. Une seule. Une vraie.Alors je parle.Maxime— J’ai été paumé. Vraiment. Avec Clara, j’ai cru que je pouvais faire ce qu’il fallait. Être un bon gars. Le père présent. Le
LéaJe ne dors pas.Je suis allongée dans le noir, les yeux grands ouverts, le cœur battant dans mes tempes comme un rappel que tout est encore là. Les mots de Maxime tournent dans ma tête. Ce qu’il m’a dit. Ce qu’il n’a pas dit. Ce qu’il a laissé deviner dans les silences.J’ai l’impression d’avoir encaissé une vérité qui me traverse encore. Elle ne m’a pas détruite, non. Pas complètement. Mais elle a fissuré quelque chose en moi. Une paroi que j’avais érigée. Un bouclier que je croyais solide.Je tourne sur le côté. L’oreiller à côté du mien est vide. Froid. Trop vaste. Trop silencieux.Je repense à ses yeux. À cette façon qu’il a eue de ne pas me supplier. De rester droit, vulnérable, mais digne. Et je me déteste un peu d’avoir envie de croire en cette version de lui.Léa— T’es vraiment prêt à rester… même dans le doute, hein ?Je murmure sans y croire, juste pour briser le silence. Mais même le silence ne répond pas.Je me lève. J’enfile un vieux sweat trop grand, celui qu’il m’a
MaximeJe n’ai pas bougé.Après son départ, le monde s’est remis à tourner à un rythme étrange. Tout semblait identique autour de moi, mais en moi, quelque chose avait changé. Léa n’avait rien promis. Elle n’avait même pas dit qu’on se reverrait. Mais elle était venue. Elle s’était assise. Elle avait écouté.Et j’ai senti, dans ce silence à deux, plus de vérité que dans toutes nos disputes passées.Je reste là, longtemps après son départ, le regard posé sur la trace encore tiède de sa tasse. Je me rejoue la scène encore et encore. Son regard quand elle est entrée. Ce moment suspendu où elle a hésité avant de s’approcher. Sa voix. Sa sincérité brute, sans fioritures.Je me lève enfin, le cœur gonflé d’un espoir discret. Pas un feu d’artifice. Plutôt une lueur. Un éclat ténu, fragile, mais réel.Et c’est suffisant. Pour aujourd’hui.LéaJe croyais que j’étais vide.Mais en rentrant, je sens quelque chose vibrer en moi. Un écho. Une mémoire physique de sa présence. J’aurais pu l’ignorer.
ClaraLe jour avance, mais il reste terne. Un gris poisseux, collé aux vitres, aux murs, à la peau. Ce n’est pas un matin qui commence, c’est un sursis. Une attente. Une lézarde dans la routine. L’air est figé, comme en apnée. Rien ne bouge vraiment, sauf le temps qui s’étire entre nous.On ne parle pas. On ne crie pas. On n’explique plus. On respire, côte à côte, comme deux survivants d’une même tempête. Deux âmes froissées, encore humides de l’orage. Je sens sa main frôler la mienne, par moments. Des gestes hésitants, fantômes, presque involontaires. Il ne sait pas quoi en faire. Moi non plus. Mais elle est là. Comme un rappel. Comme une question sans réponse. Comme une pulsation encore vivante.Je me lève, sans un mot. Aller dans la cuisine n’a jamais été un acte si lourd de sens. Je m’y traîne comme on avance vers une scène de crime : doucement, pour ne pas déranger les traces. Préparer un thé devient un acte presque sacré. Un rituel d’ancrage. Je mesure chaque geste. La cuillère
ClaraLe matin est gris. Un de ces matins où même la lumière semble hésiter à percer les rideaux. Un matin suspendu, où chaque seconde pèse, lente et lourde. Le genre de matin qui semble être là pour nous rappeler que quelque chose est en train de glisser, doucement, mais sûrement.Je me suis réveillée seule.Le drap froissé à côté de moi était froid, l’oreiller intact. Il n’est pas venu. Ou s’il est venu, il est reparti avant que je m’en rende compte. Un creux à peine marqué dans la mémoire du matelas, comme s’il n’avait jamais été là. Comme s’il s’éloignait un peu plus chaque nuit.Je reste allongée longtemps, les yeux ouverts. À écouter. Le silence. Le souffle du vent. Un volet qui claque faiblement quelque part. L’horloge du salon qui bat, inlassable. Et cette absence… vivante. C’est ça, le pire. Le silence n’est plus vide, il est habité. Par ce qu’on ne dit pas. Par ce qu’on n’ose plus dire.Je finis par me lever. Le sol est froid sous mes pieds nus, et je frissonne, plus de l’in
ClaraIl est tard. Le silence est devenu une habitude, une sorte de couverture inconfortable qu’on partage sans le vouloir. Maxime est assis dans le salon, absorbé dans ses pensées. Je le regarde depuis l'encadrement de la porte. Il ne m’a pas regardée de toute la soirée. Ou peut-être que je n’ai pas voulu voir.Je m’approche doucement, pieds nus sur le parquet froid. J’ai enfilé cette nuisette bleu nuit qu’il aimait tant. Celle qu’il appelait sa faiblesse. Ce soir, j’aimerais qu’il se souvienne. Qu’il se souvienne de nous.Je me glisse derrière lui, passe mes bras autour de ses épaules. Il tressaille légèrement, mais ne bouge pas. Je sens sa respiration, lente, contenue.« Maxime… » je murmure contre son cou, « je suis encore là. Je suis là pour toi. » Je glisse une main le long de son torse. Mon geste est tendre, hésitant. Presque une prière.MaximeJe ferme les yeux. J’aimerais répondre à cette chaleur, à cette main douce qui cherche encore à me garder. J’aimerais redevenir celui q
LéaJe me tiens devant la fenêtre, les yeux perdus dans la vue floue de la rue en bas. Il pleut, encore une fois. Les gouttes glissent le long du verre, comme des larmes que je n’ai pas su verser. Je les observe, hypnotisée par ce rythme qui semble refléter le chaos de mes pensées.Maxime. Il est là, quelque part, dans un monde qui n’est plus le mien. Un monde que je ne peux plus rejoindre, malgré les souvenirs qui viennent m’étreindre à chaque instant. Il a ses raisons. Je le sais. Il a sa vie, ses choix. Et moi… moi, je suis ici, à attendre, dans cette petite pièce où le temps semble suspendu. Chaque minute qui passe me rappelle qu’il m’a oubliée, que je fais partie du passé, que mes rêves sont devenus des ombres.Mais… est-ce vraiment terminé ? Est-ce que je suis prête à laisser tout ça s’échapper comme un souffle dans l’air ? Je me surprends à rêver d’un autre avenir, d’un monde où il reviendrait vers moi, où il me trouverait de nouveau. Mais ces pensées sont des illusions, je le
MaximeJe me réveille dans un lit différent. Les draps sont encore fraîchement repassés, parfumés à la lavande, une légère brise du matin filtrant à travers la fenêtre. Clara dort à côté de moi, paisible. Elle est belle dans son sommeil, comme toujours. Mais quelque chose a changé, et ce n’est pas seulement la courbe douce de son ventre, qui se fait de plus en plus évidente.Je caresse doucement son bras, frôlant sa peau. Elle murmure un mot, un rêve, je ne sais pas. Je ferme les yeux, mais une image persiste : celle de Léa. Un souvenir flou, lointain, comme une empreinte dans le sable. Je me secoue, me concentre sur Clara. Elle a besoin de moi, je le sais. Elle a ce regard attendri chaque fois que je la regarde. Ce regard plein de confiance.Je respire profondément et me lève. Pas de place pour l’hésitation. Pas maintenant.ClaraMaxime semble différent, ce matin. Il est plus distant, et pourtant, il me sourit comme il le fait toujours. Ce sourire qui me réchauffe, mais qui aujourd’h
MaximeJe n’ai pas bougé.Après son départ, le monde s’est remis à tourner à un rythme étrange. Tout semblait identique autour de moi, mais en moi, quelque chose avait changé. Léa n’avait rien promis. Elle n’avait même pas dit qu’on se reverrait. Mais elle était venue. Elle s’était assise. Elle avait écouté.Et j’ai senti, dans ce silence à deux, plus de vérité que dans toutes nos disputes passées.Je reste là, longtemps après son départ, le regard posé sur la trace encore tiède de sa tasse. Je me rejoue la scène encore et encore. Son regard quand elle est entrée. Ce moment suspendu où elle a hésité avant de s’approcher. Sa voix. Sa sincérité brute, sans fioritures.Je me lève enfin, le cœur gonflé d’un espoir discret. Pas un feu d’artifice. Plutôt une lueur. Un éclat ténu, fragile, mais réel.Et c’est suffisant. Pour aujourd’hui.LéaJe croyais que j’étais vide.Mais en rentrant, je sens quelque chose vibrer en moi. Un écho. Une mémoire physique de sa présence. J’aurais pu l’ignorer.
LéaJe ne dors pas.Je suis allongée dans le noir, les yeux grands ouverts, le cœur battant dans mes tempes comme un rappel que tout est encore là. Les mots de Maxime tournent dans ma tête. Ce qu’il m’a dit. Ce qu’il n’a pas dit. Ce qu’il a laissé deviner dans les silences.J’ai l’impression d’avoir encaissé une vérité qui me traverse encore. Elle ne m’a pas détruite, non. Pas complètement. Mais elle a fissuré quelque chose en moi. Une paroi que j’avais érigée. Un bouclier que je croyais solide.Je tourne sur le côté. L’oreiller à côté du mien est vide. Froid. Trop vaste. Trop silencieux.Je repense à ses yeux. À cette façon qu’il a eue de ne pas me supplier. De rester droit, vulnérable, mais digne. Et je me déteste un peu d’avoir envie de croire en cette version de lui.Léa— T’es vraiment prêt à rester… même dans le doute, hein ?Je murmure sans y croire, juste pour briser le silence. Mais même le silence ne répond pas.Je me lève. J’enfile un vieux sweat trop grand, celui qu’il m’a
MaximeElle ne part pas.Elle reste.Et dans ce silence entre nous, quelque chose respire encore.C’est minuscule. Un souffle.Mais assez pour me faire tenir debout.Léa est là, face à moi, les bras croisés, le visage fermé. Pas dans une colère explosive. Non. C’est plus dangereux que ça. C’est ce genre de calme qui précède les tempêtes. Où tout peut encore basculer. Où chaque mot compte.Je sens que je suis sur un fil. Et qu’un seul faux pas me renverrait dans ce vide que j’ai moi-même creusé.Je prends une longue inspiration.Maxime— Tu veux tout savoir, Léa ? Même les zones grises ? Parce qu’il y en a. Et je veux pas que tu t’embarques dans quelque chose d’injuste pour toi.Elle ne dit rien.Elle attend.Et je déteste ce silence, parce que je sais ce qu’il veut dire : elle me laisse une chance de dire la vérité. Une seule. Une vraie.Alors je parle.Maxime— J’ai été paumé. Vraiment. Avec Clara, j’ai cru que je pouvais faire ce qu’il fallait. Être un bon gars. Le père présent. Le
Léa & MaximeLéaIl y a ce silence entre nous, doux et fragile. Il a ma main dans la sienne, comme si ce simple contact suffisait à tout dire. Peut-être que, pour lui, c’est déjà immense. Un geste chargé d’espoir. De repentir. De promesse muette.Mais moi, je sens autre chose remonter. Une pensée enfouie. Un doute tenace. Un prénom.Clara.Je ne veux pas briser ce moment. Pas maintenant, alors que quelque chose en nous recommence à respirer. Mais je ne peux pas faire semblant. Pas si on veut repartir sur des bases honnêtes. Pas si je veux croire, vraiment croire, en ce qu’il prétend vouloir construire avec moi.Je retire doucement ma main de la sienne. Pas violemment. Juste assez pour poser une distance. Une frontière fine mais claire. Il fronce légèrement les sourcils. Je le vois. Il sent que quelque chose vient. Et il ne recule pas. Il ne fuit pas. Il attend.Léa— Et avec Clara… ça se passe comment ?Ma voix est calme. Presque posée. Mais à l’intérieur, c’est une tempête contenue.