Léo
Le silence après un combat est toujours plus pesant que le choc des coups. Je sens encore l’adrénaline vibrer sous ma peau, mes muscles tendus, mes poings serrés. Rasée est au sol, son souffle court, la tête légèrement tournée. Elle ne se relève pas.
Les murmures reprennent. Mira sourit, amusée. Elle aime le spectacle.
Samira, elle, a cessé de sourire. Son regard est froid, calculateur. Elle comprend qu’elle a sous-estimé le "nouveau".
— Bien joué, Morgan.
La voix de Mira claque dans l’air. Je lève la tête vers elle.
— T’as tenu bon.
Elle se tourne vers Samira, son sourire toujours vissé aux lèvres.
— T’en penses quoi ?
Samira descend lentement du muret où elle était perchée. Son regard glisse sur moi, de haut en bas, comme si elle évaluait ma valeur.
— Je pense que c’est pas fini.
Elle s’approche. Les autres se taisent.
— Tu t’es fait une place, Morgan. Mais ici, une place, ça se défend tous les jours.
Elle passe près de moi, s’arrête un instant.
— On se reverra bientôt.
Puis elle s’éloigne, suivie de ses filles.
Mira ricane doucement.
— T’as fait fort, mais t’as aussi signé ton arrêt de mort.
Je la regarde.
— J’ai jamais eu l’intention de vivre vieux.
Elle éclate de rire.
— Putain, t’es un vrai problème. Et j’adore ça.
Elle fait signe à ses filles.
— Allez, on dégage. Le spectacle est fini.
Je reste un instant au milieu de la cour. Les derniers témoins s’éloignent, chacun retournant à sa cellule ou à ses affaires.
Je le sais. Ce soir, j’ai changé la donne.
Mais ici, chaque victoire coûte cher.
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Retour en cellule
Le couloir résonne de pas lointains. L’extinction des feux approche, et tout le bloc se calme lentement. Je passe une main sur ma mâchoire. Mon corps est un champ de douleurs, des bleus déjà visibles sur mes côtes et mon épaule.
Quand j’atteins ma cellule, je vois que la porte est entrouverte.
Mauvais signe.
Je pousse doucement et entre.
Une silhouette est assise sur le lit.
Léa.
Elle a l’air plus calme qu’hier, mais son regard est toujours méfiant, un peu fuyant.
— J’ai entendu ce qui s’est passé.
Je referme la porte derrière moi et m’appuie contre le mur.
— Tout le monde l’a entendu.
Elle baisse la tête, tripote nerveusement l’ourlet de son T-shirt.
— T’as pris un énorme risque.
Je hausse les épaules.
— C’était nécessaire.
Un silence. Elle relève les yeux vers moi.
— Elles vont pas en rester là.
— Je sais.
Elle serre les poings, frustrée.
— Alors pourquoi ? Pourquoi t’as pas juste laissé couler ?
Je croise les bras, l’observe un instant avant de répondre.
— Parce que si tu laisses couler une fois, t’es mort.
Elle ne dit rien. Son regard est trouble, comme si elle hésitait entre l’admiration et l’inquiétude.
— T’es pas comme nous, Léo.
Je souris, mais sans joie.
— Je suis ici comme vous. Ça suffit.
Elle ne répond pas. Elle se lève, hésite un instant, puis murmure :
— Fais gaffe à toi.
Elle sort de la cellule et disparaît dans le couloir.
Je reste seul, dans le silence.
Je repense à tout ce qui m’a mené ici.
À ce foutu procès.
À mon avocate.
À cette femme qui, contre toute attente, a cru en moi.
Et moi, comme un con, j’ai commencé à croire en elle aussi.
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Flashback – L’Avocate et le Coupable
La salle d’audience était glaciale.
J’étais là, menottes aux poignets, l’air blasé. Condamné avant même que le juge ne parle.
Et puis il y avait elle.
Maitresse Eva Lambert.
Brillante.
Rien à faire dans un dossier comme le mien.
— Monsieur Morgan, nous avons encore des options.
Sa voix était calme, posée. Comme si elle parlait d’un dossier banal.
Je l’avais regardée, intrigué.
— Pourquoi vous vous acharnez ?
Elle avait haussé un sourcil.
— Parce que vous n’êtes pas un tueur. Et moi, je n’abandonne pas.
Son assurance m’avait déstabilisé. Personne n’avait jamais cru en moi comme ça.
Mais ça n’avait pas suffi.
Le juge avait tranché.
Et moi, j’avais atterri ici.
Mais avant que je ne sois emmené, elle m’avait regardé une dernière fois.
Et elle avait murmuré :
— Je trouverai un moyen.
Depuis, j’attends.
Je ne sais pas si elle a abandonné.
Mais moi, je n’ai pas oublié.
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Le Signal
Le lendemain, alors que je sors de la cellule, quelque chose attire mon attention.
Dans le couloir, un gardien distribue du courrier. Une enveloppe tombe sur le sol, à mes pieds.
Je la ramasse et l’ouvre.
Un seul mot à l’intérieur.
"Patience."
Eva.
Mon cœur rate un battement.
Je plie lentement le papier et le glisse dans ma poche.
Elle n’a pas abandonné.
Mais la patience…
Ici, c’est un luxe que je n’ai pas.
LéoL’enveloppe pèse plus lourd que le papier à l’intérieur. Un seul mot. Patience. Comme si c’était possible ici.Je la cache sous mon matelas avant de sortir de ma cellule. Rien ne doit trahir que j’ai reçu quelque chose.Le couloir est bruyant ce matin. Les filles bougent, discutent, échangent des cigarettes volées et des regards en coin. L’atmosphère est différente. Tendue.Quelque chose se prépare.Je le sens.Et je sais que ça me concerne.---Un Déjeuner sous SurveillanceJe m’assois à une table, le plateau en plastique devant moi. L’odeur de purée trop salée et de viande douteuse flotte dans l’air. Léa est en face de moi, silencieuse.Je le vois dans son regard : elle est inquiète.Je ne suis pas encore habitué à ce genre de regard sur moi. L’inquiétude, ça ne m’a jamais suivi. D’habitude, on me regarde avec mépris, indifférence ou crainte.— Ils disent que Samira prépare un truc.Elle parle bas, à peine un murmure entre deux bouchées de pain rassis.Je hoche la tête.— Je m’e
LéoJe suis encore assis dans la salle des parloirs, le combiné toujours entre mes doigts, alors qu’Eva s’éloigne. Elle a trouvé quelque chose.Un trou dans mon dossier. Une faille.Une porte de sortie.Les battements de mon cœur cognent contre mes côtes. Trop tôt pour espérer, trop tard pour l’ignorer.Le gardien frappe du pied contre le sol.— Allez, Morgan, c’est fini.Je repose lentement le téléphone. Retour à la cellule. Retour en enfer.Mais cette fois… quelque chose a changé.---Retour au BlocQuand je rentre dans la cour, tout le monde sent que je suis différent.Je ne sais pas si c’est la lueur dans mon regard, la tension dans mes épaules, mais les regards s’accrochent à moi avec plus d’intensité.Léa m’attend près du mur.— Alors ?— Alors quoi ?Elle fronce les sourcils.— Ta visite.Je la fixe. Je n’ai pas envie de parler. Pas ici. Pas entouré de ces murs qui écoutent tout.— Rien d’important.Elle me scrute, cherchant le mensonge.— Tu mens.Je ne réponds pas.Mais je se
LéoL’air dans le parloir est plus lourd que d’habitude.Je fixe Eva.Elle attend, patiente. Son regard ne vacille pas. Elle sait que je suis sur le point de prendre une décision irréversible.— Un plan ?Ma voix est rauque.Elle hoche la tête.— Vasquez a fait disparaître des preuves. Mais on peut le coincer. J’ai trouvé un enregistrement.Elle sort une clé USB de sa poche et la fait tourner entre ses doigts.— Un appel intercepté. Il parle de toi. Il dit qu’il fallait un coupable, et que tu étais l’option parfaite.Un frisson me traverse.Je n’ai jamais cru aux coïncidences.— Pourquoi maintenant ?— Parce que je viens de me rendre compte que je suis en train de perdre la partie.Ses doigts se crispent sur la clé USB.— Je croyais qu’il suffisait de prouver que tu n’étais pas coupable. Mais Vasquez ne joue pas avec la loi. Il joue avec les règles qu’il écrit lui-même.Mon estomac se serre.— Tu veux dire qu’il sait que tu cherches ?Elle ne répond pas tout de suite.Puis elle murmur
LéoLe silence dans la salle d’entretien pèse comme une menace.Je fixe la carte de visite."Soit tu restes en cage, soit tu meurs en essayant de sortir."Le message est clair. Erik Vasquez m’offre une alternative simple : la soumission ou la mort.Je serre la mâchoire.— Et si je refuse les deux options ?Personne pour me répondre.L’homme en costume a disparu, mais sa présence continue de flotter dans l’air comme une odeur de soufre.Je glisse la carte dans ma poche. Puis je me lève.Quand la gardienne revient me chercher, elle remarque mon expression.— Des mauvaises nouvelles ?Je la fixe.— Non. Juste un rappel de la réalité.Elle hoche la tête, indifférente, et m’escorte vers ma cellule.Mais dans mon esprit, les engrenages commencent à tourner.---Le Poids du ChoixDe retour dans le bloc, Léa m’attend.Elle se lève immédiatement quand elle me voit entrer.— C’était qui ?Je m’assois sur mon lit avec un grognement. Mes côtes me lancent encore.— Un messager.— Un messager de qu
LéoJe ne dors plus.Depuis que j’ai lu ce message, quelque chose a changé.Ce n’est plus une simple question de survie. Ce n’est plus qu’une guerre de territoire au sein de cette prison.On veut m’effacer.Et si Vasquez veut me voir disparaître, c’est qu’il pense que je suis une menace.Je dois comprendre pourquoi. Vite.---Les Ombres du PasséQuand je sors dans la cour le matin suivant, je scrute chaque visage.Léa est là. Elle me fait un signe de tête discret.— Ça bouge de leur côté ? je demande à voix basse.Elle hoche la tête.— Ouais. J’ai entendu une rumeur. Quelqu’un aurait payé pour avoir des infos sur ton passé.Je fronce les sourcils.— Mon passé ?— Ouais. Ton vrai dossier, pas la version officielle.Je me tends.La version officielle…Trafic, recel, association de malfaiteurs. Un dossier proprement ficelé, suffisant pour me foutre ici sans soulever trop de questions.Mais ce n’est qu’un écran de fumée.Et si quelqu’un cherche à creuser plus loin…— Qui a demandé ces inf
LéoL’idée d’une évasion n’a rien d’un fantasme. C’est une nécessité.Vasquez a donné son ordre. Samira joue avec moi, mais tôt ou tard, elle exécutera sa mission.Si je ne fais rien, je suis mort.Léa est la première à accepter le plan. Mais elle ne suffira pas. Il nous faut plus de monde.Et pour ça, je vais devoir jouer le tout pour le tout.---EvaJe n’ai jamais eu un dossier aussi complexe.Dès que j’ai mis le nez dans les archives de Léo, tout s’est embrouillé.Son inculpation ? Un tissu de contradictions.Son dossier judiciaire ? Des pages manquantes.Son passé ? Un trou noir.Quelqu’un a effacé des informations cruciales.Quelqu’un de puissant.Je n’arrête pas d’y penser, même en dehors du bureau. Même chez moi, tard le soir, un verre de vin à la main, je relis ses déclarations, j’essaie de trouver le maillon faible.Mais il y a autre chose qui me trouble.Léo lui-même.Son regard perçant. Cette façon qu’il a de garder son calme même sous pression. Cette tension entre nous.C
EvaJe n’arrive plus à dormir.Ce dossier me ronge.Léo me ronge.Je passe mes nuits à fouiller, à traquer la faille dans son incarcération. Mais à chaque fois que je pense avoir une piste, elle disparaît.Quelqu’un a nettoyé derrière lui.Trop bien.Mais il y a autre chose. Quelque chose qui n’a rien à voir avec la justice, les lois, ou cette affaire.C’est lui.Léo Morgan.Son regard, son assurance glaciale, cette façon qu’il a de tout observer, de tout analyser. Et la manière dont il me regarde.Il ne me drague pas. Il me sonde.Et moi…Je le laisse faire.---LéoJe ne peux pas me permettre d’être distrait.Pas maintenant.Mais Eva… Eva est un problème.Un problème qui me plaît trop.Quand elle s’est assise en face de moi la dernière fois, quand elle a glissé sa main sur la mienne… j’ai failli craquer.J’ai passé trop d’années à me contrôler, à ériger des murs entre moi et le reste du monde.Elle est en train de les fissurer.Mais je n’ai pas le temps pour ça.Vasquez se rapproche
EvaQuand j’ai vu Léo à terre, le sang coulant de sa lèvre, quelque chose en moi s’est brisé.Ce n’était pas de la peur. Pas seulement.C’était de la rage.Une rage froide et brûlante à la fois.J’ai dû me forcer à ne pas hurler sur les gardiens, à ne pas exiger qu’on enferme ce salaud de Vasquez à l’isolement. Parce que je sais comment ça marche ici.Rien ne bouge sans raison.Si Léo a été attaqué, c’est qu’on a autorisé son attaque.Je ne suis pas idiote. Je suis en train de creuser un nid de vipères.Mais je ne peux pas m’arrêter.Je ne veux pas m’arrêter.Alors, quand il me sourit malgré ses blessures, ce foutu sourire insolent qui me rend folle…Je ne sais plus si j’ai envie de le frapper ou de l’embrasser.---LéoJe suis vivant.C’est déjà ça.Mais le message est clair : Vasquez ne jouera plus.La prochaine fois, il ira jusqu’au bout.Je suis assis sur mon lit de cellule, un bout de glace contre ma pommette, quand Léa entre.Elle me regarde, bras croisés.— Tu comptes crever ic
ÉvaIl y a des moments où le monde semble ralentir, où chaque seconde devient un reflet d’un autre temps, d’une autre vie. Pourtant, ici et maintenant, dans cette pièce baignée par la lumière dorée de l’après-midi, tout se passe à une vitesse fulgurante. Les bruits de la rue s’estompent derrière les fenêtres, la vie continue à l’extérieur, mais ici, dans notre monde à nous, chaque mouvement, chaque pensée est calculée, précise. L’adrénaline de nos vies passées semble se dissiper, mais l’intensité, elle, demeure. Cette intensité silencieuse, palpable, qui flotte entre nous, une force qui nous pousse à avancer, encore et encore. Nous avons survécu à la tempête, à la rage des éléments, à la douleur. Mais ce n’est pas la fin. Non, c’est le début d’autre chose. D’une ère nouvelle.À mes côtés, Léo, toujours aussi calme et concentré, semble avoir trouvé sa place dans ce monde que j’ai reconstruit. Un monde que j’ai voulu solide, implacable, mais aussi, d’une certaine manière, plus doux. Il
ÉvaLes heures se sont glissées dans le silence, dissimulées dans l’ombre de ce que nous avons traversé. Le passé semble si lointain maintenant, presque irréel, et je m’étonne de voir à quel point il peut se dissiper lorsqu’on laisse place à l’instant présent. La ville autour de nous est silencieuse, comme si elle retenait son souffle, comme si elle savait que ce que nous vivons ici est plus grand que tout. Le vent léger de l’aube entre par la fenêtre, caressant ma peau. L’air est frais et pur, mais dans mon cœur, il n’y a plus que la chaleur de ce qui nous lie. Le monde tout entier semble avoir disparu, et il ne reste que lui et moi, dans cet espace intime, où le temps n’a plus d’emprise.Léo est là, adossé contre le mur, ses yeux rivés sur moi. La lumière douce de l’aube se joue de ses traits, éclairant chaque détail de son visage, chaque nuance de son expression. Dans ses yeux, il y a une calme certitude, comme s’il savait que tout ce qui comptait à cet instant n’était pas tout ce
ÉvaLes lumières de la ville brillent au loin, comme des étoiles égarées.Le vent de la nuit fait frissonner les rideaux.Il est tard, trop tard.Mais il n’y a plus de retour possible.Je regarde Léo, assis près de la fenêtre, les yeux perdus dans l’obscurité.Il est là, près de moi, mais tout semble si lointain.Nous avons traversé un océan de sang et de mensonges, et maintenant, l’eau est calme, trop calme.Un silence lourd comme un secret non dit.Tout est terminé, et pourtant, il reste quelque chose, un écho, un murmure d’un autre temps, une promesse que nous avons échangée.Je m’approche de lui, pose une main sur son épaule.Il sursaute à peine, mais je vois la guerre dans ses yeux.La guerre qui ne cesse jamais vraiment.Même quand les coups sont partis, même quand tout est fini.Éva – doucement« Léo, est-ce que tu penses qu’on peut réellement repartir de zéro ?Ou est-ce que tout ce qu’on a fait n’a été qu’un chemin vers un nouveau commencement ? »Il tourne son regard vers mo
LéoLa nuit est tombée en silence, comme une promesse de calme avant l’explosion.Dans le vieux bureau, les papiers sont éparpillés partout.Les dossiers sont maintenant prêts, les preuves rassemblées.L’odeur de l’encre, du vieux papier, et de l’adrénaline flotte dans l’air, imprégnant chaque recoin du lieu comme une alerte avant le départ.Éva n’a pas dit un mot depuis que nous avons commencé à rassembler les morceaux de l’empire.Mais je vois la tension dans ses gestes.Ses doigts effleurent parfois un document, puis se figent.Elle ne me le dit pas, mais je sais.Elle a la même peur que moi : que tout cela n’ait été qu’un rêve.Je m’arrête un instant, le regard plongé dans l’écran de l’ordinateur.Les premières informations sensibles sont en train d’être envoyées à l’adresse codée.Bientôt, le monde saura.Et à cet instant, tout ce que nous avons, tout ce que nous avons bâti – ou détruit – sera exposé à la lumière.Éva – voix calme mais sûre« Qu’est-ce qui nous attend, Léo ?Tu s
ÉvaIl y a quelque chose d’intime, de précieux, dans ce silence entre nous.Pas celui de l’évitement.Non.Un silence qui apaise, qui dit que l’on peut exister l’un à côté de l’autre sans crainte.Quand il se retourne enfin, il s’approche, prend une miette sur ma lèvre avec le pouce.Geste simple. Presque dérisoire.Mais je sens le poids des choses non dites dans son regard.Léo – bas, presque honteux« J’ai peur, tu sais. »Je ne bouge pas.Je ne réponds pas tout de suite.Je laisse son aveu suspendu dans l’air, comme une note fragile qui ne demande qu’à vibrer plus fort.Éva – doucement« Moi aussi. »Nos regards se croisent.Il y a de la peur, oui. Mais aussi une détermination nouvelle.On a déjà trop perdu.On a déjà trop brûlé.Alors maintenant, il ne reste que ce choix : avancer, ensemble.---LéoJe m’assieds en face d’elle, mes coudes sur la table, les mains jointes.Elle me regarde toujours.Pas avec pitié.Pas avec crainte.Mais avec cette lucidité brûlante qui m’a toujours
ÉvaLe soleil n’a pas encore franchi l’horizon.Pourtant, une clarté douce et chaude baigne déjà la chambre.Non celle du jour, mais la sienne.Sa chaleur, son souffle régulier dans mon cou, sa main qui repose encore sur ma hanche.Il dort.Et pour la première fois depuis si longtemps, son visage s’est détendu.Ses traits d’ordinaire tendus par la douleur ou l’inquiétude sont apaisés, presque juvéniles.Je me retourne lentement, veillant à ne pas rompre cette quiétude fragile.Je le contemple.Léo.Mon tumulte. Mon refuge.Ses cils frémissent, effleurent sa joue.Un soupir glisse de ses lèvres. Peut-être rêve-t-il.Peut-être de nous. Peut-être de rien.Je tends la main, effleure sa joue du bout des doigts.Il ouvre les yeux. Ils sont encore lourds de sommeil, mais leur éclat me frappe comme une évidence.Léo – voix rauque, veloutée par la nuit« Tu es encore là. »Je hoche la tête.Je ne réponds pas.Ce silence contient plus d’engagement que n’importe quelle promesse formulée à voix h
LéoJe croyais que j’aurais plus de temps.Mais à peine deux jours se sont écoulés que déjà, les ombres de mon monde remontent à la surface.Le téléphone vibre. Trois fois. Toujours le même numéro.Celui de mon père.Je n’ai pas décroché.Pas encore.Mais je sens que ça approche. Que le moment vient.Éva est dans la pièce d’à côté.Elle trie des papiers, fait semblant de ranger.Depuis qu’on s’est retrouvés, tout est fragile.Chaque mot pèse. Chaque geste est une promesse silencieuse qu’on n’ose pas encore prononcer à voix haute.Et pourtant, elle est là.Présente.Belle dans ses silences.Je m’approche. Je pose ma main sur sa nuque.Léo – bas« Je dois lui parler. »Elle ne se retourne pas.Éva – calme« Je sais. »---ÉvaJe le sens reculer.Même quand il s’avance vers moi.Il pense que je vais le retenir.Mais ce n’est pas ce qu’il me faut.Je ne veux pas d’un homme qui fuit.Je veux quelqu’un qui reste debout. Même quand tout vacille.Alors je me tourne.Je l’embrasse doucement su
LéoLe train file à travers la campagne.Le paysage défile si vite que j’en ai mal à la tête.Mais je ne détourne pas les yeux.J’ai quitté le manoir cette nuit.Pas un mot. Pas un bruit.Je n’ai pris que l’essentiel : la lettre de ma mère, les documents, et la bague qu’Éva a oubliée sur ma table de chevet un matin où elle était pressée.Elle croyait que je ne l’avais pas vue.Mais je l’ai gardée.Parce qu’elle sentait encore sa peau.Je ne sais pas ce qui m’attend.Mais je sais ce que je laisse derrière.Et je n’ai aucun regret.J’ai tout dit au journaliste.Tout.Les noms. Les comptes. Les morts qu’on a voulu faire taire.Il a promis de publier. De tout dévoiler.Moi, je n’ai rien demandé.Pas de reconnaissance. Pas de pardon.Seulement… que ça s’arrête.Que le silence cesse de couvrir les hurlements.Je pense à elle.À Éva.À la façon dont elle me regardait quand je pensais ne plus rien valoir.À sa patience. Sa colère. Son absence de jugement.Je me suis brûlé à son amour.Mais c’
ÉvaDeux jours.Quarante-huit heures à regarder les aiguilles tourner, à guetter les messages qui ne viennent pas, à remplir les silences avec des souvenirs qui font plus mal qu’ils ne réconfortent.Je fais semblant d’avoir une vie. Je vais au travail, je ris aux blagues de collègues dont je n’entends pas les mots, je rentre chez moi comme si c’était normal.Mais je ne suis plus là. Je suis ailleurs.Là où il est.Ou là où il n’est plus.Le café n’a plus de goût.La musique m’agace.Je n’écoute que les battements irréguliers de mon propre cœur, comme s’il me rappelait chaque minute que Léo me manque. Que tout en moi le réclame.Je dors mal. Les nuits sont pleines de rêves troués.Je me réveille en sursaut, persuadée de l’avoir entendu frapper à la porte.Mais il n’y a que le vent. Et le vide.Le mot qu’il a laissé… je l’ai relu cent fois.Je le garde plié dans mon livre préféré, au creux d’un chapitre sur les départs.Ça me semble ironique. Cruel, même.Et puis ce matin, la lettre.Gl