LéoLe silence dans la salle d’entretien pèse comme une menace.Je fixe la carte de visite."Soit tu restes en cage, soit tu meurs en essayant de sortir."Le message est clair. Erik Vasquez m’offre une alternative simple : la soumission ou la mort.Je serre la mâchoire.— Et si je refuse les deux options ?Personne pour me répondre.L’homme en costume a disparu, mais sa présence continue de flotter dans l’air comme une odeur de soufre.Je glisse la carte dans ma poche. Puis je me lève.Quand la gardienne revient me chercher, elle remarque mon expression.— Des mauvaises nouvelles ?Je la fixe.— Non. Juste un rappel de la réalité.Elle hoche la tête, indifférente, et m’escorte vers ma cellule.Mais dans mon esprit, les engrenages commencent à tourner.---Le Poids du ChoixDe retour dans le bloc, Léa m’attend.Elle se lève immédiatement quand elle me voit entrer.— C’était qui ?Je m’assois sur mon lit avec un grognement. Mes côtes me lancent encore.— Un messager.— Un messager de qu
LéoJe ne dors plus.Depuis que j’ai lu ce message, quelque chose a changé.Ce n’est plus une simple question de survie. Ce n’est plus qu’une guerre de territoire au sein de cette prison.On veut m’effacer.Et si Vasquez veut me voir disparaître, c’est qu’il pense que je suis une menace.Je dois comprendre pourquoi. Vite.---Les Ombres du PasséQuand je sors dans la cour le matin suivant, je scrute chaque visage.Léa est là. Elle me fait un signe de tête discret.— Ça bouge de leur côté ? je demande à voix basse.Elle hoche la tête.— Ouais. J’ai entendu une rumeur. Quelqu’un aurait payé pour avoir des infos sur ton passé.Je fronce les sourcils.— Mon passé ?— Ouais. Ton vrai dossier, pas la version officielle.Je me tends.La version officielle…Trafic, recel, association de malfaiteurs. Un dossier proprement ficelé, suffisant pour me foutre ici sans soulever trop de questions.Mais ce n’est qu’un écran de fumée.Et si quelqu’un cherche à creuser plus loin…— Qui a demandé ces inf
LéoL’idée d’une évasion n’a rien d’un fantasme. C’est une nécessité.Vasquez a donné son ordre. Samira joue avec moi, mais tôt ou tard, elle exécutera sa mission.Si je ne fais rien, je suis mort.Léa est la première à accepter le plan. Mais elle ne suffira pas. Il nous faut plus de monde.Et pour ça, je vais devoir jouer le tout pour le tout.---EvaJe n’ai jamais eu un dossier aussi complexe.Dès que j’ai mis le nez dans les archives de Léo, tout s’est embrouillé.Son inculpation ? Un tissu de contradictions.Son dossier judiciaire ? Des pages manquantes.Son passé ? Un trou noir.Quelqu’un a effacé des informations cruciales.Quelqu’un de puissant.Je n’arrête pas d’y penser, même en dehors du bureau. Même chez moi, tard le soir, un verre de vin à la main, je relis ses déclarations, j’essaie de trouver le maillon faible.Mais il y a autre chose qui me trouble.Léo lui-même.Son regard perçant. Cette façon qu’il a de garder son calme même sous pression. Cette tension entre nous.C
EvaJe n’arrive plus à dormir.Ce dossier me ronge.Léo me ronge.Je passe mes nuits à fouiller, à traquer la faille dans son incarcération. Mais à chaque fois que je pense avoir une piste, elle disparaît.Quelqu’un a nettoyé derrière lui.Trop bien.Mais il y a autre chose. Quelque chose qui n’a rien à voir avec la justice, les lois, ou cette affaire.C’est lui.Léo Morgan.Son regard, son assurance glaciale, cette façon qu’il a de tout observer, de tout analyser. Et la manière dont il me regarde.Il ne me drague pas. Il me sonde.Et moi…Je le laisse faire.---LéoJe ne peux pas me permettre d’être distrait.Pas maintenant.Mais Eva… Eva est un problème.Un problème qui me plaît trop.Quand elle s’est assise en face de moi la dernière fois, quand elle a glissé sa main sur la mienne… j’ai failli craquer.J’ai passé trop d’années à me contrôler, à ériger des murs entre moi et le reste du monde.Elle est en train de les fissurer.Mais je n’ai pas le temps pour ça.Vasquez se rapproche
EvaQuand j’ai vu Léo à terre, le sang coulant de sa lèvre, quelque chose en moi s’est brisé.Ce n’était pas de la peur. Pas seulement.C’était de la rage.Une rage froide et brûlante à la fois.J’ai dû me forcer à ne pas hurler sur les gardiens, à ne pas exiger qu’on enferme ce salaud de Vasquez à l’isolement. Parce que je sais comment ça marche ici.Rien ne bouge sans raison.Si Léo a été attaqué, c’est qu’on a autorisé son attaque.Je ne suis pas idiote. Je suis en train de creuser un nid de vipères.Mais je ne peux pas m’arrêter.Je ne veux pas m’arrêter.Alors, quand il me sourit malgré ses blessures, ce foutu sourire insolent qui me rend folle…Je ne sais plus si j’ai envie de le frapper ou de l’embrasser.---LéoJe suis vivant.C’est déjà ça.Mais le message est clair : Vasquez ne jouera plus.La prochaine fois, il ira jusqu’au bout.Je suis assis sur mon lit de cellule, un bout de glace contre ma pommette, quand Léa entre.Elle me regarde, bras croisés.— Tu comptes crever ic
LéoLa douleur pulse dans mon flanc, sourde et cuisante. Je serre les dents, l’adrénaline maintenant ma lucidité. Le goût métallique du sang emplit ma bouche. Samira est plaquée au sol par les matons, mais ses yeux, brûlants de rage, restent braqués sur moi.— T’aurais dû crever, murmure-t-elle.Je ne réponds pas. Je n’ai pas le luxe de perdre du temps en paroles inutiles. Deux gardiennes me soulèvent sans ménagement, leurs doigts s’enfonçant dans mes bras.— Infirmerie, grogne l’une d’elles.Elles m’entraînent dans les couloirs faiblement éclairés, sous les regards avides des détenues. Certaines murmurent entre elles, d’autres sourient en coin. Ici, la violence est un spectacle. Une opportunité. Un avertissement.Mira se tient près des douches, bras croisés, impassible. Mais nos regards se croisent, et je capte un éclat d’intérêt dans ses yeux. Elle sait que ce qui vient de se passer change l’équilibre du bloc.J’ai perdu une bataille, mais la guerre continue.---EvaJ’apprends l’in
LéoLa douleur est devenue une compagne silencieuse.Chaque pas, chaque mouvement me rappelle la lame de Samira. J’ai perdu trop de sang, mais ici, on n’a pas le luxe de se reposer.La prison est un échiquier. Chaque case, une menace. Chaque pièce, un ennemi ou un allié.Et moi, je suis au centre.J’ai trois problèmes immédiats.Le premier, c’est Samira. Elle m’a attaqué, mais elle ne voulait pas me tuer. Pas encore. Elle voulait m’envoyer un message.Le deuxième, c’est l’inconnu qui a payé pour ma tête. Kessie m’a prévenu, et je ne prends jamais une menace à la légère.Le troisième, c’est Sasha.Je l’aperçois dans la cour, assise sur un banc, cigarette entre les doigts. Elle a ce sourire félin, cette façon de regarder les gens comme si elle voyait au-delà des apparences.Et elle sait quelque chose.Je traverse lentement l’espace, ignorant les regards, les murmures.Sasha me voit arriver, un sourire amusé aux lèvres.— T’as l’air d’avoir survécu à ta première leçon.Je m’arrête à quel
Eva Mais je sais que je ne peux pas l’arrêter.Alors je murmure :— D’accord.Je lui prends la main.— On va découvrir la vérité. Ensemble.Il serre mes doigts doucement.Et dans son regard, une lueur.Une faille dans l’ombre.---LéoLe bruit, la chaleur, la tension. La prison est un monde qui ne dort jamais.Je fais tourner la clé USB entre mes doigts, le regard fixé sur la table de la salle de visite. Eva est partie il y a une heure. Mais ce qu’elle m’a dit continue de tourner dans ma tête.J’ai été piégé.Quelqu’un a voulu que je sois ici.La question est : pourquoi ?Je me lève et quitte la pièce, rangeant la clé USB dans ma poche. Si quelqu’un sait quelque chose, c’est Kessie.Je la trouve à l’ombre d’un mur, un livre entre les mains. Elle lève à peine les yeux quand je m’approche.— Qu’est-ce que tu veux, Valera ?Je m’accoude au mur.— Des réponses.Elle referme son livre d’un claquement sec.— Tu commences à être trop curieux.— Tu savais que j’étais un pion avant même que j
ÉvaIl y a des moments où le monde semble ralentir, où chaque seconde devient un reflet d’un autre temps, d’une autre vie. Pourtant, ici et maintenant, dans cette pièce baignée par la lumière dorée de l’après-midi, tout se passe à une vitesse fulgurante. Les bruits de la rue s’estompent derrière les fenêtres, la vie continue à l’extérieur, mais ici, dans notre monde à nous, chaque mouvement, chaque pensée est calculée, précise. L’adrénaline de nos vies passées semble se dissiper, mais l’intensité, elle, demeure. Cette intensité silencieuse, palpable, qui flotte entre nous, une force qui nous pousse à avancer, encore et encore. Nous avons survécu à la tempête, à la rage des éléments, à la douleur. Mais ce n’est pas la fin. Non, c’est le début d’autre chose. D’une ère nouvelle.À mes côtés, Léo, toujours aussi calme et concentré, semble avoir trouvé sa place dans ce monde que j’ai reconstruit. Un monde que j’ai voulu solide, implacable, mais aussi, d’une certaine manière, plus doux. Il
ÉvaLes heures se sont glissées dans le silence, dissimulées dans l’ombre de ce que nous avons traversé. Le passé semble si lointain maintenant, presque irréel, et je m’étonne de voir à quel point il peut se dissiper lorsqu’on laisse place à l’instant présent. La ville autour de nous est silencieuse, comme si elle retenait son souffle, comme si elle savait que ce que nous vivons ici est plus grand que tout. Le vent léger de l’aube entre par la fenêtre, caressant ma peau. L’air est frais et pur, mais dans mon cœur, il n’y a plus que la chaleur de ce qui nous lie. Le monde tout entier semble avoir disparu, et il ne reste que lui et moi, dans cet espace intime, où le temps n’a plus d’emprise.Léo est là, adossé contre le mur, ses yeux rivés sur moi. La lumière douce de l’aube se joue de ses traits, éclairant chaque détail de son visage, chaque nuance de son expression. Dans ses yeux, il y a une calme certitude, comme s’il savait que tout ce qui comptait à cet instant n’était pas tout ce
ÉvaLes lumières de la ville brillent au loin, comme des étoiles égarées.Le vent de la nuit fait frissonner les rideaux.Il est tard, trop tard.Mais il n’y a plus de retour possible.Je regarde Léo, assis près de la fenêtre, les yeux perdus dans l’obscurité.Il est là, près de moi, mais tout semble si lointain.Nous avons traversé un océan de sang et de mensonges, et maintenant, l’eau est calme, trop calme.Un silence lourd comme un secret non dit.Tout est terminé, et pourtant, il reste quelque chose, un écho, un murmure d’un autre temps, une promesse que nous avons échangée.Je m’approche de lui, pose une main sur son épaule.Il sursaute à peine, mais je vois la guerre dans ses yeux.La guerre qui ne cesse jamais vraiment.Même quand les coups sont partis, même quand tout est fini.Éva – doucement« Léo, est-ce que tu penses qu’on peut réellement repartir de zéro ?Ou est-ce que tout ce qu’on a fait n’a été qu’un chemin vers un nouveau commencement ? »Il tourne son regard vers mo
LéoLa nuit est tombée en silence, comme une promesse de calme avant l’explosion.Dans le vieux bureau, les papiers sont éparpillés partout.Les dossiers sont maintenant prêts, les preuves rassemblées.L’odeur de l’encre, du vieux papier, et de l’adrénaline flotte dans l’air, imprégnant chaque recoin du lieu comme une alerte avant le départ.Éva n’a pas dit un mot depuis que nous avons commencé à rassembler les morceaux de l’empire.Mais je vois la tension dans ses gestes.Ses doigts effleurent parfois un document, puis se figent.Elle ne me le dit pas, mais je sais.Elle a la même peur que moi : que tout cela n’ait été qu’un rêve.Je m’arrête un instant, le regard plongé dans l’écran de l’ordinateur.Les premières informations sensibles sont en train d’être envoyées à l’adresse codée.Bientôt, le monde saura.Et à cet instant, tout ce que nous avons, tout ce que nous avons bâti – ou détruit – sera exposé à la lumière.Éva – voix calme mais sûre« Qu’est-ce qui nous attend, Léo ?Tu s
ÉvaIl y a quelque chose d’intime, de précieux, dans ce silence entre nous.Pas celui de l’évitement.Non.Un silence qui apaise, qui dit que l’on peut exister l’un à côté de l’autre sans crainte.Quand il se retourne enfin, il s’approche, prend une miette sur ma lèvre avec le pouce.Geste simple. Presque dérisoire.Mais je sens le poids des choses non dites dans son regard.Léo – bas, presque honteux« J’ai peur, tu sais. »Je ne bouge pas.Je ne réponds pas tout de suite.Je laisse son aveu suspendu dans l’air, comme une note fragile qui ne demande qu’à vibrer plus fort.Éva – doucement« Moi aussi. »Nos regards se croisent.Il y a de la peur, oui. Mais aussi une détermination nouvelle.On a déjà trop perdu.On a déjà trop brûlé.Alors maintenant, il ne reste que ce choix : avancer, ensemble.---LéoJe m’assieds en face d’elle, mes coudes sur la table, les mains jointes.Elle me regarde toujours.Pas avec pitié.Pas avec crainte.Mais avec cette lucidité brûlante qui m’a toujours
ÉvaLe soleil n’a pas encore franchi l’horizon.Pourtant, une clarté douce et chaude baigne déjà la chambre.Non celle du jour, mais la sienne.Sa chaleur, son souffle régulier dans mon cou, sa main qui repose encore sur ma hanche.Il dort.Et pour la première fois depuis si longtemps, son visage s’est détendu.Ses traits d’ordinaire tendus par la douleur ou l’inquiétude sont apaisés, presque juvéniles.Je me retourne lentement, veillant à ne pas rompre cette quiétude fragile.Je le contemple.Léo.Mon tumulte. Mon refuge.Ses cils frémissent, effleurent sa joue.Un soupir glisse de ses lèvres. Peut-être rêve-t-il.Peut-être de nous. Peut-être de rien.Je tends la main, effleure sa joue du bout des doigts.Il ouvre les yeux. Ils sont encore lourds de sommeil, mais leur éclat me frappe comme une évidence.Léo – voix rauque, veloutée par la nuit« Tu es encore là. »Je hoche la tête.Je ne réponds pas.Ce silence contient plus d’engagement que n’importe quelle promesse formulée à voix h
LéoJe croyais que j’aurais plus de temps.Mais à peine deux jours se sont écoulés que déjà, les ombres de mon monde remontent à la surface.Le téléphone vibre. Trois fois. Toujours le même numéro.Celui de mon père.Je n’ai pas décroché.Pas encore.Mais je sens que ça approche. Que le moment vient.Éva est dans la pièce d’à côté.Elle trie des papiers, fait semblant de ranger.Depuis qu’on s’est retrouvés, tout est fragile.Chaque mot pèse. Chaque geste est une promesse silencieuse qu’on n’ose pas encore prononcer à voix haute.Et pourtant, elle est là.Présente.Belle dans ses silences.Je m’approche. Je pose ma main sur sa nuque.Léo – bas« Je dois lui parler. »Elle ne se retourne pas.Éva – calme« Je sais. »---ÉvaJe le sens reculer.Même quand il s’avance vers moi.Il pense que je vais le retenir.Mais ce n’est pas ce qu’il me faut.Je ne veux pas d’un homme qui fuit.Je veux quelqu’un qui reste debout. Même quand tout vacille.Alors je me tourne.Je l’embrasse doucement su
LéoLe train file à travers la campagne.Le paysage défile si vite que j’en ai mal à la tête.Mais je ne détourne pas les yeux.J’ai quitté le manoir cette nuit.Pas un mot. Pas un bruit.Je n’ai pris que l’essentiel : la lettre de ma mère, les documents, et la bague qu’Éva a oubliée sur ma table de chevet un matin où elle était pressée.Elle croyait que je ne l’avais pas vue.Mais je l’ai gardée.Parce qu’elle sentait encore sa peau.Je ne sais pas ce qui m’attend.Mais je sais ce que je laisse derrière.Et je n’ai aucun regret.J’ai tout dit au journaliste.Tout.Les noms. Les comptes. Les morts qu’on a voulu faire taire.Il a promis de publier. De tout dévoiler.Moi, je n’ai rien demandé.Pas de reconnaissance. Pas de pardon.Seulement… que ça s’arrête.Que le silence cesse de couvrir les hurlements.Je pense à elle.À Éva.À la façon dont elle me regardait quand je pensais ne plus rien valoir.À sa patience. Sa colère. Son absence de jugement.Je me suis brûlé à son amour.Mais c’
ÉvaDeux jours.Quarante-huit heures à regarder les aiguilles tourner, à guetter les messages qui ne viennent pas, à remplir les silences avec des souvenirs qui font plus mal qu’ils ne réconfortent.Je fais semblant d’avoir une vie. Je vais au travail, je ris aux blagues de collègues dont je n’entends pas les mots, je rentre chez moi comme si c’était normal.Mais je ne suis plus là. Je suis ailleurs.Là où il est.Ou là où il n’est plus.Le café n’a plus de goût.La musique m’agace.Je n’écoute que les battements irréguliers de mon propre cœur, comme s’il me rappelait chaque minute que Léo me manque. Que tout en moi le réclame.Je dors mal. Les nuits sont pleines de rêves troués.Je me réveille en sursaut, persuadée de l’avoir entendu frapper à la porte.Mais il n’y a que le vent. Et le vide.Le mot qu’il a laissé… je l’ai relu cent fois.Je le garde plié dans mon livre préféré, au creux d’un chapitre sur les départs.Ça me semble ironique. Cruel, même.Et puis ce matin, la lettre.Gl