Prologue : Ma pianiste. Ma malade.

Jour 1 - Mercredi

-Jade, vous êtes sur la bonne voie, quand vous êtes arrivée ici vous étiez au plus mal, et vous aviez toutes les raisons de l'être, mais oui aujourd'hui je pense que vous avez avancé vous avez compris où était le problème, vous avez compris comment vous battre, vous avez compris aussi que ce n'est pas en abandonnant et en lâchant tout que ça réglerait le problème. Vous avancez, vous êtes forte et vous êtes une battante, je pense sincèrement que vous avez bien fait de venir ici. On va pouvoir vous aider jusqu'au bout jusqu'à ce que vous estimiez être capable de retourner dans votre vie de tous les jours, jusqu'à ce que vous alliez mieux. Continuez d'écrire tous les jours trois choses qui vous ont fait du bien, qui vous ont fait sourire. N'hésitez pas non plus à écrire les évolutions dans votre comportement, dans vos émotions, dans votre vie, ainsi que les choses qui peuvent vous faire encore du mal, les choses qui restent insurmontables pour le moment. Nous en parlerons à votre séance de la semaine prochaine, d'ici là continuez votre travail sur vous-même comme vous le faite depuis le début, et n'hésitez pas si vous avez besoin je reste à votre disposition.

-Merci docteur. Souffla Jade, recroquevillée dans le fauteuil blanc, habillée seulement d'un legging noirs et d'un très long pull à col roulé totalement blanc.

Elle se releva doucement, passant une main dans ses cheveux décoiffés puis sur son visage marqué par la fatigue. Elle salua une dernière fois le médecin et quitta son bureau. Dans le couloir elle lâcha un profond soupir, marquant son désespoir et son épuisement. Elle était dans cette maison de repos, depuis plus de trois mois, elle voyait ce psychologue depuis autant de temps, et même pendant le premier mois elle avait vu un médecin généraliste pour quelques blessures qu'elle avait. Aujourd'hui elle restait ici, dans cette maison et ce domaine chaque jour, n'osant pas mettre un pied dehors elle n'était pas prête elle le savait, et le médecin lui avait confirmé que ça ne servait a rien qu'elle se force, elle risquait même de régresser en faisant ça. En vérité, depuis son arrivée dans cette maison, elle sortait peu de sa chambre, en dehors de ses rendez-vous médicaux, elle sortait pour aller manger dans la salle commune de temps à autre, même si elle préférait manger dans sa chambre. Les autres fois, il lui arrivait de passer par la salle commune mais en trois mois de vie ici elle n'avait du y mettre les pieds que moins de dix fois.

En tirant sur ses manches, pour cacher ses bras et ses mains dedans, elle s'éloigna du cabinet du docteur, et arrivée près de l'escalier elle préféra descendre au rez-de-chaussée au lieu de monter au troisième à son étage. Sur un coup de tête elle avança doucement vers la salle commune. Elle avait l'impression d'être un zombie, ou plutôt un fantôme, mais depuis quelques temps maintenant elle avait l'impression de retrouver de la consistance. Depuis cet événement qu'il l'avait fait venir ici, qui l'avait fait abandonner toute sa vie, qui l'avait fait s'effondrer elle avait l'impression de ne plus vraiment exister, d'être seulement une enveloppe charnelle qui errait. Un fantôme, elle était devenu un fantôme. Le docteur Hooper avait raison elle faisait des efforts, elle avançait, elle se rendait compte par ce simple constat : depuis quelques jours deux ou trois semaines peut-être, elle retrouvait tout doucement quelques morceaux d'elle, la rendant consistante. Malgré tout, elle avança lentement, comme si elle était effacée, et s'arrêta à l'embrasure de la porte donnant sur la salle commune. Il y avait une grande table, puis plusieurs petites, un coin canapé et puis un recoin dans la salle ouverte par des baies vitrées où était un piano à queue. La brune s'attarda sur l'instrument imposant et noir, qui brillait sous la lumière du soleil. Autour de celui ci, contre les baies vitrées il y avait des petites banquettes, seul endroit où personne n'était assis. Par contre le siège derrière les touches du piano était pris par une femme blonde, habillée d'un pull et d'un jean, avec une queue de cheval haute bien ajustée. N'ayant rien à faire, et voyant la jeune femme fixer les touches du piano comme si elle allait jouer, elle s'approcha, passant entre les tables et contourna le piano pour aller s'asseoir sur les petites banquettes contre la baie vitrée.

La blonde la suivit du regard, et la vit s'installer, se recroquevillant sur elle même, ses jambes repliées contre sa poitrine, son visage rentré dans son pull, ses manches tirées. Malgré la douleur et la peine, ainsi que la fatigue et la dépression clairement visible chez cette femme, elle la trouva belle, très belle, merveilleuse même.

-Bonjour. Souffla-t-elle. La brune esquissa un sourire au coin de ses lèvres. Je sais pas quoi jouer, vous voudriez pas me donner n'importe quel morceau de musique que vous aimez?

Jade la fixa droit dans les yeux, impassible, les bras autour de ses jambes repliées.

-Lana del Rey. Murmura Jade. Sad girl. Ajouta-t-elle tout bas.

-J'adore cette femme. Souffla la blonde en regardant alors les touches.

Elle laissa deux minutes de blanc, et finalement elle se lança. Mains au dessus du clavier elle souffla et commença à pianoter, en rythme, dessus. Elle joua de tête, sans se tromper, elle fit le morceau, berçant le coeur de Jade sans le savoir. La brune n'en revenait pas, c'était magnifique. Depuis qu'elle était ici elle passait beaucoup de temps à écouter de la musique, la seule chose capable de la rendre moins vide. Quand les notes de musique flirtaient avec ses oreilles, elle avait l'impression d'exister, de prendre de la consistance. La musique n'avait jamais eu autant d'importance dans sa vie qu'aujourd'hui. Et cette pianiste, elle était tout simplement parfaite, ses doigts flirtaient parfaitement avec les touches, enchainant les notes au bon rythme créent l'atmosphère de cette chanson que Jade connaissait par coeur à forcer de l'écouter chaque jour. Le morceau fini, la blonde en joua un autre, et un autre, et un autre. Et puis il y eut celui qui la fit craquer. Pretty when you cry. Jade laissa couler quelques larmes, pourquoi celle ci? Pourquoi elle était autant touchée par cette chanson? Pourquoi plus que par les autres? Elle n'en avait absolument aucune idée, mais elle ne savait plus gérer ses émotions depuis trois mois elle était une boule de nerf, qui ne laissait que de rare émotions sortirent en dehors de la peine, et quand ça arrivait, ce n'était pas contrôlé. Cet après midi, une fois de plus, ça ne l'était pas.

Le morceaux terminé, la blonde se tourna vers Jade, voyant ses larmes, elle se tourna totalement vers elle, pour se mettre face à elle.

-Eh, ne pleurez pas. Souffla la blonde. Est ce que je peux faire quelque chose? Jade nia, reniflant avant d'effacer ses larmes. Vous vivez ici? La brune hésita, silencieuse, puis elle acquiesça de la tête. Ok. Vous ne parlez pas? Ou peu.

-Parlez n'apporte pas grand chose. Marmonna Jade, la voix rauque.

-Oui, vous n'êtes pas la première à me le dire. Souffla tristement la blonde.

-Nora? La blonde se tourna vers l'aide soignante. Elle ne veut pas sortir de sa chambre. Je vous conseille d'aller la voir. Finit-elle en partant.

-D'accord. La blonde se tourna de nouveau vers la jeune femme qui n'avait pas bougé d'un pouce. Du coup je m'appelle Nora. Si vous avez besoin de musique, de piano, de notes parce qu'elle vous transcendent, je viens le mercredi, le samedi et le dimanche, et des fois quand j'ai envie, alors hésitez pas à venir là.

Jade garda son regard ancré dans le sien, immobile. Les deux ne bougèrent pas de longues minutes. Puis Nora se releva, la salua, et s'éloigna pour quitter la salle commune. La brune se tourna alors, pour coller son épaule à la vitre et regarder dehors. Cette femme était incompréhensible, elle lui faisait de l'effet, sans rien dire elle arrivait à rendre Jade plus complète. La brune ne savait pas d'où ça venait, mais le regard vert et unique de cette pianiste la traversait, pas comme si elle était transparente, non plutôt comme si elle lisait en elle. Une étrange sensation. Étrange mais positive. Elle se releva, et monta dans sa chambre, porte fermée elle alla s'asseoir à sa fenêtre avec son carnet et son stylo, et écrivit la première ligne alors que son psy lui demandait de le faire depuis au moins deux mois.

Jour 5 - Dimanche

Habillée d'un pull et d'un pantalon, pas plus coiffée que d'habitude, Jade descendit à la salle commune. Encore dans l'escalier, elle entendit les notes de piano, et reconnu le morceau de suite, le connaissant par coeur, elle aurait pu le chanter, si elle chantait encore. Words as weapons, Birdy. Et il n'y avait qu'une personne qui pouvait le jouer aussi bien. Nora était là. En entrant dans la salle commune, son regard était déjà braqué sur le piano. Habillée d'une salopette, Nora était assise, une jambe pliée sous ses fesses, ses cheveux bouclés tombant dans son dos, ses mains valsaient sur les touches du piano. Sans rien regarder d'autre, Jade s'approcha, slalomant entre les tables et les gens, pour finalement contourner le piano et s'asseoir exactement de la même manière que la dernière fois. De toute manière elle s'asseyait toujours ainsi depuis trois mois, recroquevillée, les jambes pliées contre sa poitrine. Nora lui jeta un regard rapide en la voyant s'asseoir avant de se concentrer de nouveau jusqu'à la fin du morceau. Puis elle tourna la tête vers elle, se fixant elles ne dirent rien pendant un moment.

-Je savais que tu aimerais. Souffla finalement Nora. J'ai remarqué les morceaux qui t'émouvaient de Lana Del Rey alors je me disait que celui ci le ferais aussi, et tes yeux brillent, alors tu es touchée. La brune acquiesça d'un simple léger sourire au coin des lèvres. Je sais que je peux trop parler des fois, une habitude depuis six mois, si je t'ennuie dis le moi, et si tu ne veux pas parler, donnes moi un coup, j'arrêterais. Sourit-elle doucement. Jade.

La concernée fronça les sourcils étonnée.

-Je. Mais elle ne dit rien.

-Je ne vis pas ici. Reprit Nora, marquant avec une note. Mais la personne, la seule et unique personne que j'aime, et pour qui je suis prête à tout vit ici. Une nouvelle note. Elle ne parle à personne et peu à moi, mais il lui arrive de me raconter des petites choses. Une note. Et mercredi je lui ai dis que j'avais jouer du piano pour une belle femme brune, puis j'ai dis qu'elle portait un pull en laine col roulé, et elle m'a dit : Jade. Une autre note. Elle m'a dit qu'elle n'avait jamais entendu votre voix, que vous vous faites discrète, mais que vous la marquer par deux choses. Encore une note. Votre beauté, point sur lequel je suis d'accord, et par votre force. Nora retira ses mains du clavier et se mit en tailleur. Elle a plus parlé qu'elle ne l'avait fait depuis des jours.

-Pardon. Murmura la brune.

-Ne vous excusez pas. Je suis heureuse qu'elle parle. Rétorqua Nora en la regardant, surprenant la brune par sa capacité à comprendre tout ce qu'elle pensait. Je sais que vous ne voulez pas parler, voulez vous jouez? Savez vous jouez? Jade nia. Que voulez vous que je joue?

-Ruins, First Aid Kit. Souffla Jade, après deux minutes de silence.

-Elle est magnifique cette chanson, comme tout l'album. Laissez moi deux minutes que je me souvienne. Réclama la blonde.

En fait, il lui fallu moins de deux minutes, avant que toujours en tailleur elle ne se lance pour jouer le morceau. Elle joua alors sans plus d'hésitation, sans erreurs, berçant alors la brune. Jade n'en revenait pas, elle était émue par cette femme, elle ressentait une émotion. Deuxième fois qu'elle l'entendait jouer, et elle était émue par elle, elle ressentait autre chose que la douleur ou la peine et c'était plaisant après trois mois sans que ça n'arrive. Le morceau terminé, toujours en tailleurs face du clavier, Nora se tourna vers Jade.

-J'aime définitivement cette chanson. Sourit-elle.

-Qui es-tu? Murmura Jade.

-Tu veux une présentation rapide? Proposa la blonde avec un sourire. Jade acquiesça d'un léger signe de tête. Je m'appelle Nora Young, je suis musicienne. Fille unique. Je vis avec ma meilleure amie, on a été ensemble quelques temps, mais maintenant y a pas du tout d'ambiguïté. Donc je suis archi gay aussi, et célibataire en ce moment. Fit rapidement la blonde. Et je viens ici depuis que ma mère y est. Mon père est décédé il y a sept mois, et mes parents étaient fou amoureux depuis toujours, ma mère ne sait pas vivre sans lui, alors elle est ici, et je viens la voir autant que je peux, parce que si ils s'aimaient plus que tout, ils m'aimaient autant. Je les aime de tout mon coeur. Je les aimerais toujours. Quoi qu'il arrive.

Jade remarqua qu'une larme perlait sur la joue de la blonde, alors que celle ci se mit à jouer un air de piano dès la fin de ses mots. Un air extrêmement triste, tellement triste que Jade ne le supporta pas longtemps. Elle se leva et vint s'asseoir sur le tabouret près d'Nora, les mains recroquevillées dans son pull, elle tapa l'épaule de la blonde, sans violence, juste pour qu'elle cesse, ce qu'elle fit.

-Tu n'aimes pas? Demanda Nora en la regardant. Jade la fixa alors dans les yeux, sans rien dire. Si mais c'est trop triste pour être supportable?

-Hmmhmm. Acquiesça seulement la brune.

-Je sais. Depuis la mort de mon père je la joue quand je pleurs. Pour son enterrement c'est moi qui est joué de la musique, et j'ai joué ce morceau. C'est mon père qui me l'avait appris. Raconta la blonde. C'est un homme extraordinaire, toujours joyeux, adorable. Cita-t-elle. C'était. Se reprit-elle. Je m'y ferais jamais je crois.

-Si, ça viendra. Souffla Jade.

Nora tourna la tête vers elle, regardant son profil, suivant la courbe de son visage. La brune replia une jambe contre son torse et posa son menton dessus.

-Donne moi une autre chanson. Proposa-t-elle.

-Ta mère? Murmura la brune.

-Elle est à son rendez vous avec le docteur Hopper, elle va revenir après. Informa Nora. D'ici là si je peux jouer de la musique et aider quelques personnes sans même le vouloir au départ, je le fais. Alors donne moi une chanson que tu veux entendre version piano. Insista-t-elle doucement, pour ne pas brusquer la jeune femme.

-Ina Wroldsen. Souffla Jade après quelques minutes de silence. Sea.

-Je l'ai apprise y a pas longtemps, elle est pas parfaite, alors surtout m'en veut pas pour les fautes. Réclama gentiment la blonde en se mettant en place, mains au dessus piano.

La brune toujours collée à elle, recroquevillée sur elle même, Nora joua le morceaux, ne faisant que quelques erreurs. Puis sans demander de nouveau titre à la brune, elle se lança d'elle même dans d'autres morceaux. Jade ne bougeait pas, respirait à peine, mais la blonde ne s'en formalisa pas, entre chaque morceaux elle lançait un regard vers elle, et voyait alors que même si elle ne bronchait pas au moins Jade ressentait des émotions.

-Nora?

La blonde sursauta et tourna la tête, tout comme Jade, vers la voix. Se trouvaient une femme d'une soixantaine d'années, brune, les cheveux très courts, la peau pâle, habillée d'un vieux cardigan large, les mains fourrées dans ses poches.

-Maman, ça c'est bien passé? Sourit la blonde.

-Oui. Peux tu jouer la chanson de ton père? Demanda la femme.

-Une autre fois, Jade se sens très triste en l'entendant. Rétorqua doucement Nora. Elle prit la main de sa mère. Jade ma mère Diana, maman Jade. Les deux femmes se regardèrent droit dans les yeux, et se serrèrent la main lentement. Vous avez les mêmes théories sur la parole.

-Joue une chanson. Réclama Diana en s'asseyant à côté de la blonde, qui se retrouva entourée par les deux brunes.

-Que veux tu entendre maman? Interrogea la blonde.

-Birds, de la chanteuse que tu écoute tout le temps. Réclama sa mère.

-Kat Cunning. Sourit Nora.

Elle souffla, et se lança, pour jouer. Elle joua deux ou trois morceaux, avant de s'arrêter et de proposer à sa mère d'aller se reposer, la voyant épuisée. Elles se levèrent et Nora se tourna vers la brune.

-Je vous reverrais bientôt, vous allez à votre chambre? Proposa-t-elle.

Jade la regarda et se leva avec elle. La mère de la blonde avait sa chambre au troisième étage aussi, alors Nora pu accompagner les deux jusqu'au bout. La brune resta derrière sa porte entrouverte et regarda Nora enlacer et embrasser sa mère longuement, en lui promettant de passer rapidement, avant de s'éloigner, non sans un coup d'oeil vers sa porte à elle. Jade ferma alors la porte et s'assit devant la fenêtre avec son carnet. "Je ressens quelque chose." Fut sa seule phrase.

Jour 39 - Samedi

Plus d'un mois que la blonde venait au centre voir autant Jade que sa mère. La brune progressait, elle ne parlait pas plus, mais elle était capable de ressentir plus d'émotions qu'avant. Elle tenait son carnet à jour au plus grand plaisir de son psychologue qui voyait ses efforts et sa grande évolution en si peu de temps. Jade ne lui avait évidemment pas dit que c'était la musique, la présence et la gentillesse d'Nora qui l'aidait. Ce samedi là, elle était déjà assise contre la baie vitrée en regardant dehors, quand Nora arriva. Mais elle ne la vit pas tout de suite, elle fut plutôt surprise.

-Salut Jade. Lança la blonde. La concernée se tourna et esquissa un sourire. Comment tu vas aujourd'hui? Bien? Mieux au moins? Enchaina Nora.

-Mieux. Murmura Jade.

-Ça, ça illumine ma journée. Sourit grandement la blonde. Qu'est ce que tu veux que je joue aujourd'hui? Demanda-t-elle.

Assise, Jade sortit son carnet, l'ouvrit et arracha la dernière page, pour la tendre à la jeune femme. Nora laissa un petit rire passé, et la prit. Elle la posa sur le piano, et lu la liste de chanson, et en choisit une. The Irrepressibles, In this shirt. Elle se mit alors à jouer, elle enchaina plusieurs musiques sous le regard tendre de Jade. Cette dernière était toujours plus émue par la musique de la blonde et lui en était reconnaissante. Après de longues dizaines de minutes, la brune se leva pour venir s'asseoir aux côtés d'Nora sur le dernier morceau. Il était tard, l'heure des visites allait par tarder à se terminer, mais surtout personne n'était dans la salle commune, elles étaient totalement seules ici.

-Je suis ici depuis quatre mois. Lança Jade une fois le morceau terminé. Nora ne dit rien attendant. J'ai échoué ici après la mort de ma femme et de ma fille. Révéla-t-elle, en regardant ses mains qu'elle triturait.

-Que c'est il passé? Demanda Nora, la voix basse.

-On sortait d'une soirée pour son travail, j'étais au volant. On ne sait toujours pas ce qui m'est arrivé, mais j'ai perdu le contrôle de la voiture. Expliqua Jade. Elle tendit le bras et appuya sur une touche du clavier. La voiture à fait des tonneaux, je m'en suis sortie avec des coupures, des cicatrices, des égratignures, mais rien de grave. Elle appuya sur une nouvelle touche. Ma femme qui était assise à mes côtés est morte sur le coup, ma fille est restée dans le coma suite à un choc à la tête, et est décédée après trois semaines. Une nouvelle note. Deux mois après ma fille me hantait. Je la voyais partout. Alors je suis venue chercher de l'aide. Une nouvelle note. En fait c'est un mensonge. Ma fille me hantait tellement que j'ai cessé de dormir, mais avec le temps j'étais à bout de force. Encore une note. J'ai fais un mal à l'aise, et une fois à l'hôpital ils m'ont dit que c'était une maison de repos qui était appropriée dans mon cas. Expliqua-t-elle.

-Je suis désolée pour ta fille et ta femme. Souffla Nora en se tournant vers elle, étonnée de l'avoir autant entendue.

-Merci. Murmura Jade. Ma femme et moi étions en plein divorce. Mais sa mort m'a secouée. Par contre ma fille était tout mon monde, sans elle j'ai l'impression que tout s'écroule. Je suis dans le vide.

-Le vide se remplit lentement. Le monde reprend de la consistance avec le temps. Ne pressez rien, ça arrivera au bon moment. Assura Nora retrouvant le vouvoiement face à la douleur de cette femme. Vous êtes une femme forte, dont la douleur est si grande qu'elle vous écrase, mais malgré ça vous ne vous laissez pas abattre. Vous êtes une femme admirable.

La brune releva la tête pour la regarder droit dans les yeux, et se sentit faiblir devant l'assurance et la douceur qui s'émanait d'Nora. Elle ne s'était pas sentit aussi bien depuis plus de six mois. La blonde était la seule personne capable de la faire se sentir ainsi. Quelques semaines auparavant, Hooper lui avait dit que des fois le déclic se faisait avec une rencontre, une personne, qu'elle seule est capable de nous aider, de nous donner le courage que l'on ne trouve pas seule. Nora était sa personne. Et cette idée lui faisait du bien, tellement de bien qu'elle ne contrôlait rien, et lâcha une larme.

-Eh, non, ne pleurez pas. Souffla Nora en venant recueillir la larme de son pouce. Tout va bien aller, je vous le promets. Vous méritez tout le bonheur du monde, et il arrivera, c'est promis. Assura-t-elle en caressant son dos. Jurez, tout ira bien, calmez vous, je suis là, je vous laisse pas. Murmura-t-elle en passant un bras autour de ses épaules, laissant Jade reposez sa tête contre son torse.

-Pourquoi es tu avec moi? Ta mère? Demanda la brune.

-Elle était fatiguée, j'ai passé du temps avec elle dans sa chambre, et quand je suis descendue je t'ai trouvée. Commença la blonde. Et je reste avec toi, parce que même quand tu ne parles pas je te comprends, parce que tu te laisses emporté par la musique comme je le fais et comme j'aime le faire. Parce que ton regard me touche, ton histoire aussi. Et que je voudrais réellement que tu ailles mieux, je reste persuadée que tu as le plus beau sourire du monde, et je ne mentais pas, à mes yeux, tu mérites tout le bonheur du monde, je voudrais vraiment le voir quand ça arrivera. Finit-elle finalement, avant de se rendre compte. Et je suis désolée de changé tout le temps entre vous et tu.

-Continu le tu. Murmura Jade.

-T'es adorable tu sais. Sourit tendrement la blonde en effaçant les traces de larmes.

-Excusez moi, mademoiselle Young, les visites sont terminées. Informa une aide soignante.

-Je vais y aller. Accepta Nora en tentant de se reculer. Mais la brune se cramponna à elle. Je dois y aller. Les mains de Jade serrèrent un peu plus à son pull. La soirée a été forte en émotion, je suis prête à parier que tu n'avais jamais raconté tout ça à quelqu'un en dehors des médecins. T'as besoin de te reposer.

-J'arrive pas à bouger. Souffla Jade.

-Alors je t'y emmène. Décida la blonde.

Elle passa un bras sous les jambes de la brune, un autre autour de ses épaules, et la souleva en se mettant debout. Elle quitta alors la salle commune.

-Mademoiselle Young. Appela l'aide soignante en voyant la blonde commencer à monter les escaliers sans voir la brune cramponnée à elle.

-J'escorte madame à sa chambre et je m'en vais. Assura Nora.

Elle monta les trois étages, avec une Jade complètement pétrifiée dans ses bras. À sa chambre, elle entra et la déposa sur le lit, avant de tirer le drap sur elle. Elle n'avait jamais vu une femme aussi abimée par la vie, mais dont il émanait une force et une beauté invraisemblable. La jeune femme sous la couette elle caressa son front et sa joue.

-Tu sais, parlez n'apporte pas grand chose, sauf quand on parle à des gens qui peuvent nous comprendre et nous aimer comme on est. Murmura Nora. N'hésites jamais à me parler, je suis une tombe et je serais toujours là pour toi. Assura-t-elle avant d'embrasser son front. Bonne nuit, à demain.

Elle se redressa, et quitta la chambre, laissant Jade seule dans son lit.

Jour 57 - Mercredi

-Bon Jade, cela fait plus d'un mois et demi que vous renaissez, allez vous me dire qui est ce ou qu'est ce qui est responsable de ça? Demanda Hooper, à sa patiente qui était en tailleur sur le canapé.

-Je...La pianiste. Nora Young. Avoua enfin la brune.

-Qu'a-t-elle fait? Questionna le psychologue.

-Elle est là. Souffla Jade en triturant ses manches. Elle joue du piano. Et elle m'écoute, me parle, ne me juge pas.

-Vous lui avez racontez votre histoire? Interrogea l'homme.

-Elle sait pour ma femme et ma fille. Répondit la brune.

-Mais votre histoire ne se limite pas à ça. Souffla Hooper en se redressant dans son siège. Écoutez Jade, vous avez trouvé une personne qui vous écoute, vous accepte, et je l'ai rencontrée plusieurs fois pour sa mère, je sais ce que cette une personne dévouée et à l'écoute, elle ne peut que être bénéfique. Ne vous limitez pas au drame de votre vie, parlez lui de vous. Je sais que vous ne voulez pas parler, et je ne dis pas que vous devez parler à tout le monde, mais seulement à Nora Young qui à l'air de vous faire beaucoup de bien.

Jade hocha la tête, elle le savait, elle devait parler à Nora, cette femme était si géniale de toute manière.

-Puis je y aller? Demanda-t-elle.

-Allez vous lui parler? Questionna Hooper.

-Elle doit être à la salle commune. Nous sommes mercredi. Souffla Jade. Puis je?

-Bonne semaine Jade. Sourit l'homme.

La brune se leva, et quitta le bureau. Elle prit une grande inspiration, descendit au rez-de-chaussée, et se rendit à la salle commune avec une grande appréhension au ventre. Elle voulait qu'Nora l'aime, depuis pratiquement deux mois la blonde lui donnait une raison de respirer encore, de se réveiller tout les jours, de se battre contre le passé et la douleur. Mais elle s'y était accroché plus qu'à personne d'autre, elle ne voulait surtout pas que la jeune femme se mette à penser des choses négatives à son égard. En entrant dans la salle commune, elle entendit le piano, et su de suite que ce n'était pas Nora qui jouait. Cette dernière était assise dans un canapé près de la fenêtre avec sa mère, et la brune voulu faire demi tour.

-Jade! S'exclama la blonde en arrivant rapidement vers elle pour attraper son bras. Ne pars pas. J'attends que l'autre est fini, pour me mettre derrière le piano. Sourit-elle. Viens. Ma mère parle de toi. Elle veut te connaître. Tu l'impressionnes tu sais. Viens. Incita-t-elle doucement.

-Je suis pas impressionnante. Nia Jade en restant dans le couloir. Avant tout ça j'étais institutrice, je vivais dans une maison familiale tout ce qu'il y a de plus banal. J'avais de l'argent de par ma famille que j'ai déçu en décidant de devenir institutrice et non avocate, juge ou présidente. Mon monde tournait autour de ma fille ce qui a fini par me coûter mon mariage, mais je n'aimais plus ma femme, elle était juste devxtenue avec le temps ma meilleure amie. Fit-elle rapidement. Je suis quelqu'un d'abimé, et tu m'aides à aller mieux. S'il te plaît viens me voir des fois.

-Je viens pour toi autant que pour ma mère, tu sais. Argua Nora, avec un tendre sourire. Tu comptes beaucoup pour moi. Et viens avec moi, tu devrais t'entendre avec ma mère. Elle ne parle à personne sauf à moi, tout comme toi. Elle était institutrice. Et son monde tourne et tournait autour de moi et de mon père. Vous avez des valeurs familiales similaires, des douleurs et des espoirs égaux. Et vous vous reposez sur moi, vous avez confiance en moi et c'est le plus grand des bonheurs et une immense fierté pour moi. La blonde remarqua alors les larmes dans ses yeux. Eh ne pleurs pas. Murmura-t-elle en venant caresser ses joues.

-Merci. Souffla Jade en s'approchant d'elle.

Nora comprit le message, et l'enlaça, passant ses bras autour de ses épaules pour la serrer contre elle.

-Je suis là, je serais toujours là pour toi. Assura Nora. Tu n'es plus seule, tu ne le seras plus jamais. Je prendrais soin de toi jusqu'à ce que tu trouves une personne pour prendre ma place. Souffla-t-elle.

-Je veux personne. Que toi. Marmonna Jade, contre elle.

-Viens. Le piano ne joue plus, je vais pouvoir m'y installer. Encouragea Nora, en l'entrainant avec elle dans la salle commune où elle eu la surprise de voir sa mère derrière le piano l'attendant. Elle la rejoignit et s'installa derrière les touches, sa mère à droite, Jade à gauche. Alors je joue quoi?

-Wonderful Life, de Colin Vearncombe. Proposa Diana.

Nora acquiesça et se mit à jouer de suite. Les morceaux s'enchainèrent, les deux femmes demandant un titre tour à tour. Puis après une longue demie heure, Diana se leva, et Nora arrêta tout pour la regarder.

-Où vas tu maman? S'inquiéta-t-elle.

-N'aie pas peur comme ça. Je vais me reposer, rien de plus. On se voit samedi ma fille. Souffla Diana en embrassant son front. À demain Jade. Ajouta-t-elle.

-Bisou, je t'aime maman. Rappela la blonde en la laissant partir.

Jade derrière sursauta en entendant la phrase de son amie, assaillie par un souvenir de sa fille. Elle lui manquait tellement, un vide immense dans sa poitrine. Vide qui la submergea en cet instant, provoquant une crise de panique, la faisant pleurer, coupant sa respiration, elle se mit à haleter aux côtés d'Nora qui paniqua en la voyant ainsi. Les aides soignantes se précipitèrent vers elle pour l'aider, mais elle les repoussa, refusant d'être touché. Nora face à elle, attrapa sa main et cette fois la jeune femme ne bougea pas.

-Jade écoute moi, tu n'es pas seule. Ta fille n'est plus sur terre, mais elle t'aimera toujours, tout comme tu l'aimeras toujours. Assura Nora. Respires, pour elle, pour son souvenir, tu la fais exister à travers toi. Tant que tu vis, elle vit. Respires. Ta fille serait fière de toi, j'en suis sûre, tu es extraordinaire. Respire, tout va bien. Comment s'appelle ta fille? Demanda-t-elle en voyant que la brune se calmait.

-Elisa. Haleta la brune.

-C'est un joli prénom. Murmura la blonde avec un sourire. Alors respire pour Elisa. Parce qu'elle t'aimait, parce que tu l'aimes, parce que tu vas te battre jusqu'au bout pour elle. Elle posa une main sur la joue mate. Respire pour elle, maman. Sourit-elle.

La respiration de Jade se calma, avant qu'elle ne se mette à pleurer. La blonde l'enlaça de suite pour la bercer, tentant de la calmer, alors que les aides soignantes étaient toujours autour pour la soigner au besoin.

-Elle me manque tellement. Marmonna Jade.

-Je sais, je sais. Souffla la blonde en la berçant encore. Je gère, vous inquiétez pas. Ajouta-t-elle vers les aides. Jade, donne moi une musique. Celle que tu veux.

-Lady Gaga, Million reasons. Murmura la brune.

Nora se tourna alors face au clavier, inspira un coup, avant de se mettre à jouer ce morceau. Elle jouait depuis à peine une minute, quand elle entendit Jade murmurer les paroles à ses côtés. Étonnée, elle la regarda et vit les larmes dans ses yeux, elle comprit alors que cette chanson devait avoir une réelle importance pour elle. Connaissant elle aussi les paroles, elle se mit à chanter, sans pousser trop sa voix, partageant ainsi avec elle ce moment. Puis les derniers mots et les dernières notes. Et le silence.

-C'était sa chanson préférée. Susurra Jade.

-Elle avait quel âge? Demanda la blonde.

-Neuf ans. Sourit la brune. Tu veux la voir? Nora hocha la tête, surprise. Viens.

Suivant la brune, Nora monta au troisième avec elle, vers sa chambre. Dans cette dernière, la porte fermée, Jade alla à la commode et attrapa un cadre avant de s'asseoir sur son lit. Nora se permit de lui faire face dessus, et elle lui tendit le cadre.

-Wahou, elle est magnifique.S'exclama Nora. On dirait toi. C'est fou, c'est ton portrait craché. Remarqua-t-elle, en voyant le visage mate, les boucles brunes, et les yeux bruns.

-C'est moi qui l'ai portée. J'aimais tellement la sentir bouger. C'était...Jade perdit son sourire. C'était magique de la sentir grandir et vivre en moi.

-Elle vit en toi aujourd'hui d'une autre manière, par ta façon de penser, vivre et aimer. Murmura la blonde. Elisa serait fière de toi, j'en suis sûre, tu es une battante, tu es forte, et admirable.

-C'est grâce à toi. Souffla Jade.

Nora vint caresser sa joue avant d'embrasser son front.

-Je vais y aller les visites se finissent bientôt. On se voit samedi? Proposa-t-elle.

-Je t'attendrais. Accepta Jade.

La blonde l'embrassa une nouvelle fois sur le front, avant de se relever, pour aller vers la porte. Mais avant de quitter la chambre, elle se tourna vers la brune.

-Oublies pas de faire une liste de musiques. Sourit-elle. Elle la laissa alors, fermant la porte. Quand elle se tourna pour aller vers l'escalier elle se retrouva face au psychologue. Oh docteur Hooper! Vous m'avez fait peur. Soupira-t-elle.

-Ce n'était pas mon intention, je voulais vous parlez. Fit l'homme.

-Je vous écoute. Accepta Nora. Un problème avec ma mère ou Jade?

-Non, au contraire. Votre musique a un bon effet sur elles deux. Assura le psychologue. Avec les médecins de la maison, nous cherchons d'autres manières d'aider nos patients, et je crois que vous êtes une solution.

-Pardon? S'étonna la blonde en commençant à descendre l'escalier.

-La musicothérapie. Nous vous proposons un emploi à temps partiel, pour ainsi aider les patients qui seraient d'accord. Vous auriez votre bureau, on voit pour les instruments, vous pourriez commencer dans deux semaines et demi. Enchaina le docteur.

-Mais je devrais faire quoi? Si je peux aider avec la musique je suis partante, c'est tout ce que j'ai toujours essayé de faire. Assura Nora. Mais je voudrais comprendre comment faire.

-Comme vous le faites avec madame Lee et votre mère. Jouer des morceaux que les patients choisissent, les noter, nous ensuite on verra si ils peuvent avoir un lien avec l'histoire des patients, mais ça c'est mon travail. Et si certain patient sont partants pour jouer, ne surtout pas hésiter à le faire. Lista le médecin. En fait j'aurais envie de dire, faites ce qui vous parait bien, suivez votre instinct comme vous l'avez fait avec-

-Avec Jade et ma mère. Comprit la blonde. Je prends. Accepta-t-elle. Petite question, tout autre. Comment va Jade?

-Je ne peux pas entrez dans les détails comme vous le savez, mais elle progresse énormément depuis qu'elle vous connais. Elle me parle plus. Assura Hooper.

-Est ce que je fais une erreur en étant amoureuse d'elle? Lâcha sincèrement Nora alors qu'ils étaient devant la porte d'entrée.

-Non. Je pense qu'elle l'est aussi sans le savoir. Il vous faudra être extrêmement patiente. Affirma l'homme. Elle n'est pas prête, et je ne sais pas quand elle le sera, à se rendre compte qu'elle peut aimer encore, qu'elle a le droit d'être amoureuse, et qu'elle est éprise de vous.

-Je saurais être patiente. Personne sur cette Terre, en trente deux ans de vie, n'a su me toucher, comme elle l'a fait en quelques heures, et chaque jours où je la vois est plus beau grâce à elle. Je voudrais qu'il en soit de même pour elle, que se soit moi ou quelqu'un d'autre. Expliqua Nora.

-Vous rendez chaque jours plus beau pour elle. Elle m'a dit qu'elle aimait trois jours dans la semaine, le mercredi et le week-end, mais qu'elle ne savait pas pourquoi. J'ai cru comprendre que vous veniez ces jours là non? Demanda Hooper.

-Exact. Sourit Nora. Merci docteur.

-Edouard. Rectifia-t-il. Nous travaillons ensemble, appelez moi par mon prénom.

-Alors je suis Nora. Sourit-elle en serrant sa main. Bonne soirée.

L'homme lui souhaita aussi avant de la laisser partir.

Jour 76 - Lundi

Nora souffla un grand coup en entrant dans le bâtiment, mais elle eut une surprise de suite, Jade était assise sur les dernières marches de l'escalier, jouant avec la manche de son large pull, patientant.

-Tu attends quelqu'un? Demanda la blonde avec un sourire.

-Nora. Souffla la brune avec un sourire, en se levant. Je voulais te..te souhaiter bonne chance. Mais maintenant je me rends compte que c'est stupide, t'en a pas besoin.

-Si crois moi, j'ai besoin. Je suis morte de trouille. Rétorqua Nora, les mains serrées autour de la lanière de son sac.

-Tu vas jouer de la musique, c'est ce que tu es, ne te prends pas la tête. Sois toi même. J'ai progresser parce tu as joué, c'est tout ce qu'on te demande. Souris et joues. Sourit timidement Jade.

-Tu..tu es géniale. Sourit Nora en s'approchant.. Je veux jamais que tu l'oublies. Tu es géniale. Assura-t-elle en posant sa main sur sa joue. Et tu mérites tout le bonheur du monde.

-Tais toi. Tu vas me faire pleurer. Grogna la brune. Va travailler au lieu de parler avec moi.

-Je fais ce que je veux. Gloussa la blonde. J'ai une pause à midi, tu auras qu'à venir me voir.

-Et ta mère? Demanda Jade.

-J'irais la voir ce soir, elle refuse de sortir de son lit depuis trois jours. L'anniversaire de leurs mariage est demain, elle n'est pas prête a affronter ça. Révéla Nora.

-Ma fille est morte deux mois et demi avant son anniversaire, j'étais ici ce jour là. J'ai eu l'impression pendant toute la journée, que quelqu'un me martelait le ventre, je ne tenais pas debout. Raconta Jade. Même avec tout les efforts et les progrès qu'on peut faire, un traumatisme se révèle à certaines dates qu'on le veuille ou non. Moi j'ai trois dates, la première celle de l'accident évidemment, la seconde celle de mon accouchement et donc du premier souffle de ma fille, et la troisième celle où j'ai appris que la fécondation avait marché et que j'étais enceinte. Trois dates où quoi qu'il arrive dans ma vie, même retrouvant le bonheur resteront douloureuses d'après le docteur Hooper. Il dit aussi que ça n'empêche pas de vive car c'est trois jours sur trois cent cinquante cinq.

-Il a raison. Et moi je te tiendrais à ces trois dates là si tu me le permets. Sourit tendrement la blonde. Par contre là je vais être à la bourre, alors je vais travailler, on se voit à midi, et bonne matinée. Fit-elle.

-Vas y. Je serais à midi dans ton bureau. Promit Jade.

Elle la regarda partir, avant d'aller dans sans sa chambre, au troisième, les bureaux des médecins étant au premier. Durant toute la matinée elle resta dans sa chambre, écrivit quelques lignes dans son carnet, puis resta dans son lit avec un livre. Elle avait recommencé à lire depuis un mois, ce qu'elle n'avait plus fait depuis la mort de sa fille. Elle ne s'autorisait plus de joie ou de plaisir, elle restait figée dans sa chambre, à attendre les rendez vous, l'heure de manger -même si elle ne mangeait pas beaucoup- et attendre la nuit pour dormir ce qu'elle arrivait à faire après quelques temps de traitement.

À midi, Nora ramassait sa guitare quand la brune entra. Elle lui sourit doucement et Jade vint s'asseoir au sol, sur l'un des coussins qu'elle avait installer le matin même rapidement suivie de la blonde.

-J'ai aidé deux personnes ce matin. Souffla Nora. Elles sont arrivées avec un air...

-Vide. Ajouta Jade.

-Oui vide, alors que quand elles sont sorties elles étaient moins vides. Comment dire? Soupira la blonde. Leurs regards avaient l'air bien moins morts, c'était comme si elles avaient trouvé le quelque chose qui leurs permettait de s'accrocher. Expliqua-t-elle.

-C'est l'espoir. Marmonna la brune.

-Tu crois? Interrogea Nora.

-J'en suis sûre. Tu me l'as donné. Murmura Jade.

-Tu as tant progressé depuis la première fois que je t'ai vue. Remarqua la blonde. Tu ne disais pas un mot, en dehors des titres de chanson, et de "parler n'apporte pas grand chose".

-Parler n'apporte grand chose si ce n'est pas la bonne personne. Souffla la brune. Tu es la seule à me comprendre, m'accepter et-

-Et t'aimer. Coupa Nora.

Jade incapable de dire quelque chose se pencha pour poser sa tête sur l'épaule de la jeune femme, elle ferma les yeux et inspira, tentant de se calmer. Elle ne pouvait pas être en colère, elle n'avait pas le droit. Elle était en colère contre elle même, en colère d'avoir fait du mal à sa fille, énervée d'être incapable d'aimer la blonde à sa juste valeur. Elle ne pouvait pas l'aimer abimer comme elle l'était.

-Ne te ferme pas, un jour tu seras capable de plus d'amour que la plupart des gens. Souffla la blonde, en posant sa tête sur la sienne. Tu es une personne forte et entière, avec une douceur et un coeur énorme. Murmura-t-elle. Je t'aime pour ce que tu es, et n'attends rien, ne te déteste pas, ne t'en veux pas, un jour tu aimeras quelqu'un, quand tu seras prête. Je n'attends rien, je veux juste que tu ailles mieux, que tu sois de nouveau heureuse, que tu retrouves ta joie de vivre, parce que je suis sure que tu en avais une. Ajouta-t-elle en embrassant sa tête.

-Ne pars jamais Nora. Murmura la brune en se cramponnant à son bras.

-Je suis là tant que tu le veux. Assura la blonde. Tu veux manger?

-Non, mais toi tu devrais. Remarqua Jade.

-Tu as mangé? Demanda Nora, la brune nia. Vas tu manger pour ce midi? Une fois de plus elle nia. Tu dois manger. Attends, j'ai un truc trop bon. Elle tira son sac, pour en sortir une boite avec une salade de fruits secs et de noix, et avec des billes de chocolat. Fais moi plaisir et mange quelques trucs.

-C'est ton repas? Questionna la brune.

-Oui, ma coloc' est partie avant moi ce matin, et elle m'a piqué ma boite avec le repas que je m'étais préparé. Bougonna la blonde, comme une enfant. Jade ne pu retenir un rire franc. Waouh c'est la première fois que je t'entends rire.

-T'étais adorable, j'ai pas géré. Marmonna Jade.

-Ne retiens jamais ton rire, c'est le meilleur des médicaments pour l'âme. Sourit Nora.

-Promets moi, que quoi qu'il arrive tu seras toujours là. Promets le moi. Imposa la brune.

Nora se dandina, pour se mettre face à son amie, et prendre ses mains dans les siennes. Elle embrassa la paume gauche puis la droite, et garda les deux mains dans les siennes.

-Quoi qu'il arrive, quoi que l'avenir nous réserve, je serais toujours là pour toi. Tu es tout ce que je veux. Assura-t-elle.

Jade lâcha ses mains, pour les passer autour de ses épaules, et la serrer contre elle. Nora n'hésita pas et passa ses bras autour de son corps pour la bercer.

Jour 99 - Mercredi

-Entrez! S'exclama Nora assise à son bureau faisant un résumé de sa séance avec un patient.

La porte s'ouvrit rapidement et claque derrière. La blonde releva la tête, et découvrit Jade debout les mains sur les hanches. Depuis quelques jours maintenant elle avait retrouvé sa pêche, et avec son caractère bien trempé, elle continuait de ne parler qu'à Nora et un peu à Diana, elle restait renfermée, mais avait des piques où son caractère ressortait.

-Pourquoi t'as rien dis? S'exclama la brune.

-Quoi? De quoi tu parles? Demanda la blonde.

-J'étais avec le docteur Hooper. Reprit Jade agacée. Pour ma séance. On parlait de toi, et il m'a fait remarqué que depuis un mois je n'avais rien d'autre à dire que toi, toi et encore toi. Je sais que tu m'aimes, tu me l'as dis. Mais pourquoi tu m'as rien dis pour moi? S'agaça-t-elle.

-Mais te dire quoi sur toi? Questionna Nora.

-Que je t'aime aussi! Cria la brune.

Nora se tendit, n'en revenant pas. Elle ne s'était absolument pas attendue à ce qu'elle lui dise si tôt, en fait elle s'était presque résignée à ne jamais l'entendre, mais voilà que maintenant tout arrivait.

-Parce que je voulais pas. Je voulais que t'ailles mieux, je voulais pas que tu penses que je t'aidais parce que que je voulais que tu m'aimes. Je t'aidais parce que je t'aime et que je veux que tu sois heureuse. Expliqua Nora en s'approchant. Et qu'en plus de ça, je voulais que si jamais un jour tu voulais me parler, me dire que tu m'aimais, je voulais que ça vienne de toi, je voulais rien précipiter. Je voulais juste te préserver, tu sais.

Jade la fixait depuis le début, avant de s'effondrer en larmes, retenue de justesse par la blonde. Le pic de caractère avait disparu, la peine et la douleur reprenaient le dessus, alors Nora la récupéra dans ses bras, l'enlaçant, la soutenant.

-J'ai pas le droit de t'aimer. Marmonna Jade accrochée à ses épaules. J'ai tué ma fille et ma presque ex femme. J'ai pas le droit de t'aimer. J'ai pas le droit.

-Eh..Chut. Berça Nora en caressant son dos. Dis pas ça, tu as tué personne Jade, je te le n'y es pour rien. Et il y a des choses qu'on contrôle pas. Souffla-t-elle.

-Je vais te détruire. Je veux pas t'emmener dans mon gouffre. Je suis une cata Nora, une cata. Je te ferais tellement de mal, je ne veux plus faire du mal et encore moins à toi, tu es ma sauveuse, et tu es parfaite. Je veux pas te faire du mal. Bredouilla la brune en larmes, en la tenant.

-Arrête, tu ne me feras pas de mal. Sois toi même, toujours, parce que je t'adore, parce que je t'aime exactement comme tu es. Je n'ai pas peur de tes ténèbres et de ton passé. Je n'ai pas peur de toi, ni du gouffre comme tu dis. Rassura Nora. Et je veux juste que tu n'es pas peur. Murmura-t-elle dans son oreille. Je n'attends rien et n'ai jamais rien attendu de toi, à part que tu sois heureuse. Avec ou sans moi. Alors s'il te plaît, n'ai pas peur, n'ai peur de rien, je te protège.

-Je peux pas échouer encore pour quelque chose qui pourrait me détruire. Expliqua Jade en se redressant. Je peux pas commencer et tout détruire encore. Et je peux encore moins te perdre. Souffla-t-elle en caressant les joues de la blonde. Hooper m'a amené à dire que je t'aimais sans que je me rende compte. J'ai du le répéter au moins dix fois en parlant avant de me rendre compte de ce que j'avais dis.

-Tu vas rien détruire et tu ne vas pas me perdre. Assura Nora en la berçant. Elle laissa un silence avant de reprendre. Jade, ta fille savait que toi et ta femme vous divorciez? Demanda-t-elle.

-Oui, elle voulait vivre avec moi. Elle disait qu'elle m'aimait plus que son autre mère, qui ne s'occupait pas trop d'elle. Elle avait dit que je devais être heureuse et que c'est tout ce qui comptait. Raconta la brune. Elle pensait comme toi sur tout plein de chose. Elle vouait devenir musicienne. Elle t'aurait tant aimée.

-Je suis sûre que je l'aurais aimée. Sourit tendrement Nora.

Jade la détailla, longuement, comme transportée par sa beauté et toute la tendresse émanant d'elle.

-Je...Embrasse moi. Réclama la brune en la fixant.

-Quoi? Mais je..Bredouilla la blonde.

-Je sais pas. Hooper dit que je dois vivre de mes envies quand elles arrivent. Et c'est pas la première fois que j'ai envie que tu m'embrasses. Mais cette fois je l'accepte, le reconnais, et te le demande, embrasse moi. Murmura Jade.

Nora esquissa un sourire, et frotta leur nez doucement ensemble, avant de tendrement poser ses lèvres sur les siennes pour lui offrir un baiser calme et doux, sans la brusquer. Puis elle sentit Jade lui rendre, tout aussi léger, une caresse, avant de la prendre dans ses bras.

-Ma sauveuse. Murmura la brune, serrée contre elle, à l’abris.