Chapitre Cinquième

Ulrys, fils de l'Alpha Kain qui était sans aucun doute l'un des trois Alphas les plus puissants au monde. et sans doute celui qui avait l'avantage dans cette guerre interminable.

La Guerre des Cent Meutes avait commencé des dizaines et des dizaines d'années avant ma naissance et son origine aujourd'hui était plus qu'incertaine. Il relevait d'avantage de récits légendaires que de faits réels. Nous nous racontions tantôt que les clans s'étaient battus pour avoir les faveurs d'un alpha puissant, tantôt que ce même alpha avait levé les clans les uns contre les autres afin de détenir seul le pouvoir. Qu'importait puisqu'au final, le résultat était le même. Aujourd'hui, les cent meutes qui avaient autrefois existé, avait été réduites au nombre de quinze ces dix dernières années. Tout cela par la faute de trois alphas ambitieux : Abraham, Syrius et Kain. Abraham était discret depuis quelques années et tentait d'extirper son épingle du jeu en signant des traités provisoires ici et là. Nous n'étions pas dupes, il réunissait les petites meutes rescapées pour grossir ses rangs. Mais la paix qu'il nous offrait, arrangeait Syrius. Un ennemi à la fois, disait-il. Syrius était avare, il voulait toujours plus de territoires, et se fichait des pertes encourues. Il me dégoûtait. Nous n'étions pas une grande meute, nous avions joué de chance et de stratagèmes pour survivre. Mais pour combien de temps encore ? Si je me battais chaque jour, c'était pour que tout cela s'arrête. Détruire de l'intérieur, ce que nul ne semblait pouvoir faire de l'extérieur. Étions-nous seulement de taille ? Cela semblait peu probable.

Kain était le plus redoutable, à la tête d'une meute dont nous ne connaissions pas réellement les effectifs. Nous savions qu'elle était immense, bien plus que la nôtre. C'était celui qui était le plus à même de gagner cette guerre. Tout semblait lui réussir. Chaque bataille menée était gagnée d'avance. Jusqu'à il y a trois ans. Il semblait que quelque chose s'était produit, dont nous ne connaissions aucun détail, qui avait éloigné Kain des batailles pour laisser la régence de son clan à son fils, Ulrys. Et tout ce que j'avais entendu de lui le glorifiait en tant que futur chef de son clan. Guerrier, meneur, négociateur. Il était l'ennemi numéro de chacun.

Et mon compagnon prédestiné.

La sensation de tiraillement dans mon nombril était si présente qu'elle me faisait tourner la tête. Je voulais qu'il soit là, malgré moi. Allongée sur le matelas, j'essayai d'ignorer cette envie presque irrésistible de le rejoindre. J'inspirai profondément et fermai les yeux afin de raviver ma concentration. je tentai de rassembler chaque lien mental que je possédais. C'était tel des fils très fins entre mes mains, plus fins que des cheveux. Certains ne menaient plus qu'au néant, d'autres étaient fébriles, instables, et d'autres encore étaient ténus. dans ces derniers, j'isolai facilement celui qui me reliait à Ryan. Il sentit ma présence et m'accueillit avec entrain. Je fus soulagée de le sentir entier et en bonne santé. Il me laissa plus de place. Je sentis ses pattes volumineuses fouler la terre meuble de la forêt comme si elles étaient miennes. Sa truffe était emplie de l'odeur de la résine des pins qui l'entouraient. Ses muscles s'échauffaient sous sa course ininterrompue sous les éclats de la lune. Au loin, les loups noirs grognaient en le pourchassant. Ryan riait presque devant mon inquiétude. Il m'expliqua rapidement que lui et deux autres de nos frères les plus rapides, détournaient l'attention de nos ennemis, un camion emmenant nos blessés et nos autres soldats en direction inverse. Ryan était confiant, alors je l'étais aussi. Il prenait cela presque comme un jeu. Il avait l'endurance pour ce genre de mission, et nous connaissions les terres autour de Grey Castle comme si nous avions toujours vécu ici. Il rit à mes pensées qu'il percevait pleinement. Il prit un virage très serré à droite, juste derrière un arbre tout tordu et glissa volontairement dans un ancien cours d'eau tari. Il le remonta à pleine puissance, sa vie en dépendait, et parvint à un barrage improvisé. Nous l'avions mis en place cet hiver, quand le niveau de l'eau était au plus bas, mais alors que le printemps était bien avancé, il ne tenait que par la volonté d'un miracle. Un coup de patte suffit pour que le barrage cède et emporte les poursuivants de Ryan. L'eau s'engouffra dans sa gueule, dans ses yeux, mais rien ne vint le perturber. Il planta ses pattes profondément dans la terre et résista au torrent qui s'abattait sur lui.

Peu de loups savait nager, ou appréciait de le faire. Moi-même n'était pas des plus à l'aise. Mais Ryan, lui, adorait passer du temps dans l'eau. Cela faisait ressortir le louveteau en lui. La rigolade n'était pas de rigueur aujourd'hui, mais il appréciait d'avoir cette faculté. Il nagea férocement pendant de longues minutes, jusqu'à atteindre une berge opposée. Il regarda derrière lui, personne ne le suivait.

"Mission accomplie, Cheffe." me dit-il, satisfait de lui-même, repartant dans une course folle.