À mon grand désespoir, Ulrys m'abandonna aux mains expertes et ridées de la vieille styliste. J'aurais aimé protester. Pas seulement pour le fait de me laisser seule, mais pour tout ce qui était en train de se passer. Je n'avais pas porté autre chose que ma fourrure ou mon uniforme noir depuis mon treizième anniversaire... Et je n'étais pas vraiment sûre de vouloir que cela change. C'était... Trop rapide ? Trop étrange ? De plus, dès qu'il se détacha de moi, le manque se fit sentir, alors même qu'il devait être dans une pièce adjacente. Était-ce à cela que se résumerait ma vie désormais ? À rester agripper à l'Alpha Ulrys chaque jour où le soleil se lève ? Que devais-je faire pour mener à bien ma quête principale ? Comment sauver mes hommes du péril de la guerre ? Ou ma propre sœur ? Et une autre question encore plus urgente me torturait : que devais-je faire de l'information du Prince Blanc venant faire une visite diplomatique à la Meute Obscure ? Devais-je garder cela sous silence a
Je n'avais jamais fuit une bataille, c'était une chose dont je pouvais être fière. Malheureusement, je ne pouvais pas en dire de même pour les petites tailleuses au chignon volumineux. Son ensemble élégant mauve et ses énormes lunettes me sortaient par les yeux. Ulrys ne revenant pas, je prétextai une envie urgente pour m'extraire de ses doigts tordus. Évidemment, elle était loin d'être dupe."Eh bien... C'est capable de tuer et d'éviscérer des loups, mais pas d'enfiler une robe ?"J'ignorai la remarque, préférant faire comme si je n'avais rien entendu, et poursuivis mon chemin à travers les couloirs à la moquette bleue. Ce n'était pas un château, même pas un gros manoir, à vrai dire. Ce n'était certes pas une maison ordinaire, mais de ce que j'avais pu voir, ce n'était pas si immense. Au rez-de-chaussé
Couper aussi brusquement le lien entre Ryan et moi me déclencha une brusque migraine. Autant que le regard blessé d'Ulrys. Il était assis sur le rebord de mon lit, les poings serrés et tremblants. ça ne faisait aucun doute qu'il était aussi en colère que troublé. "Alors... Tu leur as dit." déclara-t-il d'une voix morne.Je mis quelques secondes avant de rassembler mes pensées, entre les nouvelles informations communiquées par Ryan et mes propres sentiments troublés par la présence de mon compagnon."Non." répondis-je calmement en me redressant dans le lit.Plus rapidement que je ne pus réellement le voir. Ulrys se retrouva sur moi, me maintenant fermement sur le dos."Ne me mens pas." souffla-t-il, son visage transfiguré par la douleur que cette idée ouvrait en lui. Cela me désarçonna. J'avais envie de prendre son visage dans mes mains, de le caresser, de le soulager de toutes ses peines. Un instinct que je n'avais jamais eu. Alors, d'une voix rassurante, je lui expliquai :"Je n'ai
Propre, mes cheveux et mes dents brossés, je retournai dans la chambre vêtue d'un peignoir confortable. Je ne savais combien de temps cela m'avait pris mais assez pour qu'Ulrys s'endorme profondément. Même lorsque je revins m'installer auprès de lui, il ne broncha pas d'un millimètre. Ce n'était pas dans mes habitudes de m'allonger près d'une personne que je ne connaissais pas, néanmoins, j'avais confiance en lui. Je rabattis les couvertures sur Ulrys en premier, tentant de les soustraire à son poids, puis sur moi-même alors que je prenais une place confortable. Instinctivement, je me plaçai au plus proche d'Ulrys, me logeant contre lui. En levant les yeux vers lui, je pouvais voir son visage et je fus étonnée par ce que j'y voyais. Il avait des traits juvéniles et détendus. On aurait dit un tout jeune homme, dénué des soucis ou des obligations liés &agra
Ryan ne m'embêta plus autant par la suite. D'ailleurs, je finis même par gagner sa confiance, voire même son respect. Cela ne se fit pas en un jour, mais plutôt en plusieurs semaines, voire en plusieurs mois. La faible petite oméga que j'étais à ses yeux, relevait tous les défis imbéciles qu'il me lançait. Le dépasser à la course ? Le mettre à terre lors d'un combat d’entraînement ? Grimper sur le mur d'escalade plus haut que lui ? Je tentais à chaque fois ma chance. Parfois je réussissais, parfois je me ridiculisais. Il arrivait même que nous finissions par courir des heures après le coucher du soleil pour tenter de gagner une course improvisée l'un contre l'autre. C'était grâce à lui si j'évoluai aussi bien malgré mes faibles capacités.Durant toute cette
Le liquide chaud, presque brûlant, coulait à travers ma gueule pour se déverser sur ma poitrine, poisseux, puant. Le goût du sang me rendait nauséeuse. C'était presque insoutenable de sentir les pulsations du cœur de ma victime s'éteindre sous mes crocs. C'était pourtant mon quotidien depuis près de six ans. Je ne connaissais mon loup que sous sa forme de guerrier. Et il me semblait que ma forme humaine n'était que secondaire depuis tout ce temps.Je relâchai ma victime, la laissant tomber mollement sur le sol, tandis que je m'extirpais à temps d'une attaque ennemie. Des griffes frôlèrent ma fourrure, arrachant ici et là quelques uns de mes poils gris. Je l'évitai, mon corps lupin se mouvant sans même que je n'eusse à y penser. Il s'agissait d'un instinct animal précieux. Un loup guerrier imposant, au pelage ondoyant d'or, attaqua mon ennemi au flanc, le déchirant avec ses crocs acérés. Son dernier souffle se perdit au milieu des gémissements et grognements environnant. Les yeux verts
Les prunelles d'ambre d'un loup noir majestueux me fixaient avec une once d'incompréhension. Son pelage foncé tendu par des muscles façonnés, sa stature imposante, sa puissance, tout indiquait qu'il s'agissait d'un alpha. L'alpha de la meute ennemie.C'était une évidence à présent. Cette sensation était celle d'un lien d'âmes. Ce loup magnifique était mon compagnon, mon âme sœur.Je me sentais trahie par les Dieux. Qu'avaient-ils fait en nous liant ainsi ? Encore combien de temps allaient-ils jouer avec moi ?Aussi soudainement qu'ils avaient disparu, tous les sons environnant réapparurent. Si bien que je trébuchai sur mes propres pattes, manquant de m'étaler au sol. Alors que je me rattrapais, un jeune loup me défia, ses crocs me manquant de peu lors de ma maladresse. Me dressant contre lui, je pus voir que ce jeune loup au pelage sombre et aux reflets chocolat, était à peine sorti de l'adolescence. Je n'aimais pas tuer, et encore moins un si jeune garçon.Nous nous jetâmes l'un sur
Quand mes lourdes paupières s'ouvrirent de nouveau, je ne reconnu pas l'endroit où je m'éveillais. Il faisait sombre et le temps que ma vision s'adapte à mon nouvel environnement, je ne pus rien discerner de plus que l'obscurité. J'inspirais profondément, cherchant à renifler la présence d'ennemis aux alentours. Il n'y avait personne. Pourtant, mon ouïe m'indiquait que c'était faux. Au loin, au-delà des murs qui semblaient m'entourer, il y avait au moins quatre personnes qui échangeaient quelques paroles indistinctes.Mes yeux s'étant habitués à la lumière, je remarquais que j'étais allongée sur un simple matelas, à même le sol. Une sorte de long tee-shirt blanc unisexe attendait plié près de ma couche. Apparemment, quelqu'un s'attendait à me voir sous forme humaine. Un grognement s'échappa de ma gorge, écho à mon mécontentement. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas repris ma forme d'origine que je me sentais vulnérable d'être contrainte à le faire. La seule chose qui me pouss
Ryan ne m'embêta plus autant par la suite. D'ailleurs, je finis même par gagner sa confiance, voire même son respect. Cela ne se fit pas en un jour, mais plutôt en plusieurs semaines, voire en plusieurs mois. La faible petite oméga que j'étais à ses yeux, relevait tous les défis imbéciles qu'il me lançait. Le dépasser à la course ? Le mettre à terre lors d'un combat d’entraînement ? Grimper sur le mur d'escalade plus haut que lui ? Je tentais à chaque fois ma chance. Parfois je réussissais, parfois je me ridiculisais. Il arrivait même que nous finissions par courir des heures après le coucher du soleil pour tenter de gagner une course improvisée l'un contre l'autre. C'était grâce à lui si j'évoluai aussi bien malgré mes faibles capacités.Durant toute cette
Propre, mes cheveux et mes dents brossés, je retournai dans la chambre vêtue d'un peignoir confortable. Je ne savais combien de temps cela m'avait pris mais assez pour qu'Ulrys s'endorme profondément. Même lorsque je revins m'installer auprès de lui, il ne broncha pas d'un millimètre. Ce n'était pas dans mes habitudes de m'allonger près d'une personne que je ne connaissais pas, néanmoins, j'avais confiance en lui. Je rabattis les couvertures sur Ulrys en premier, tentant de les soustraire à son poids, puis sur moi-même alors que je prenais une place confortable. Instinctivement, je me plaçai au plus proche d'Ulrys, me logeant contre lui. En levant les yeux vers lui, je pouvais voir son visage et je fus étonnée par ce que j'y voyais. Il avait des traits juvéniles et détendus. On aurait dit un tout jeune homme, dénué des soucis ou des obligations liés &agra
Couper aussi brusquement le lien entre Ryan et moi me déclencha une brusque migraine. Autant que le regard blessé d'Ulrys. Il était assis sur le rebord de mon lit, les poings serrés et tremblants. ça ne faisait aucun doute qu'il était aussi en colère que troublé. "Alors... Tu leur as dit." déclara-t-il d'une voix morne.Je mis quelques secondes avant de rassembler mes pensées, entre les nouvelles informations communiquées par Ryan et mes propres sentiments troublés par la présence de mon compagnon."Non." répondis-je calmement en me redressant dans le lit.Plus rapidement que je ne pus réellement le voir. Ulrys se retrouva sur moi, me maintenant fermement sur le dos."Ne me mens pas." souffla-t-il, son visage transfiguré par la douleur que cette idée ouvrait en lui. Cela me désarçonna. J'avais envie de prendre son visage dans mes mains, de le caresser, de le soulager de toutes ses peines. Un instinct que je n'avais jamais eu. Alors, d'une voix rassurante, je lui expliquai :"Je n'ai
Je n'avais jamais fuit une bataille, c'était une chose dont je pouvais être fière. Malheureusement, je ne pouvais pas en dire de même pour les petites tailleuses au chignon volumineux. Son ensemble élégant mauve et ses énormes lunettes me sortaient par les yeux. Ulrys ne revenant pas, je prétextai une envie urgente pour m'extraire de ses doigts tordus. Évidemment, elle était loin d'être dupe."Eh bien... C'est capable de tuer et d'éviscérer des loups, mais pas d'enfiler une robe ?"J'ignorai la remarque, préférant faire comme si je n'avais rien entendu, et poursuivis mon chemin à travers les couloirs à la moquette bleue. Ce n'était pas un château, même pas un gros manoir, à vrai dire. Ce n'était certes pas une maison ordinaire, mais de ce que j'avais pu voir, ce n'était pas si immense. Au rez-de-chaussé
À mon grand désespoir, Ulrys m'abandonna aux mains expertes et ridées de la vieille styliste. J'aurais aimé protester. Pas seulement pour le fait de me laisser seule, mais pour tout ce qui était en train de se passer. Je n'avais pas porté autre chose que ma fourrure ou mon uniforme noir depuis mon treizième anniversaire... Et je n'étais pas vraiment sûre de vouloir que cela change. C'était... Trop rapide ? Trop étrange ? De plus, dès qu'il se détacha de moi, le manque se fit sentir, alors même qu'il devait être dans une pièce adjacente. Était-ce à cela que se résumerait ma vie désormais ? À rester agripper à l'Alpha Ulrys chaque jour où le soleil se lève ? Que devais-je faire pour mener à bien ma quête principale ? Comment sauver mes hommes du péril de la guerre ? Ou ma propre sœur ? Et une autre question encore plus urgente me torturait : que devais-je faire de l'information du Prince Blanc venant faire une visite diplomatique à la Meute Obscure ? Devais-je garder cela sous silence a
La main d'Ulrys ne quittait plus la mienne, comme si nous avions collé nos mains ensemble. Il me traînait partout, souvent sans un mot, sans un regard, mais ce simple contact nous comblait l'un et l'autre. Nos âmes voulaient plus sans aucun doute, mais nous n'en avions pas le temps. L'effervescence des préparations de l'arrivée du Prince Blanc, ne nous permettait aucun repos. Ulrys était sollicité de toute part pour tel ou tel détail. Quel loup inviter ? Quelle fleurs pour embellir la pièce ? Tout cela m'horripilait. Je n'avais jamais été trop mondaine, et il m'était arrivée de m'éclipser en douce quand j'étais obligée d'assister à ce genre de mondanités. Ou pour dire la vérité, je l'avais fait à chaque fois. Ma sœur était au contraire très à l'aise, me souvins-je.Cela prit toute la journée pour organiser ce genre de choses. Je ne comprenais pas pourquoi Ulrys n'avait pas délégué, et quand j'avais osé poser la question, il m'avait répondu :"Le travail ne sera jamais mieux accompli q
Trois jours. C'était sans doute très peu pour préparer la venue si importante d'un chef de guerre ennemi. Et pourtant, il fallait que tout soit prêt pour l'impressionner et lui donner envie de signer un accord. D'après ce que j'avais compris, du moins. N'étant pas spécifiquement inclue dans les préparatifs, je voyais tout cela d'un œil extérieur. Ici et là, autant de loups s'affairaient pour cet événement. Surtout des Omégas, évidemment.Dans notre monde, la hiérarchie supplantait tout, d'autant que notre sang ne pouvait qu'obéir aux êtres supérieurs à nous, et inversement. Les Alphas étaient les plus puissants, en particuliers ceux issus de la très ancienne royauté, puis venaient les Bêtas. Ces derniers étaient nés pour être guerriers, ils étaient les bras et les épées des Alphas. Ensuite venaient les Gammas, des soldats obéissants, mais qui ne faisaient que se plier aux ordres des deux rangs supérieurs, puis les Deltas qui... rendaient beaucoup d'entre nous mal-à-l'aise. C'étaient l
Son grognement fit trembler la terre sous nos pieds. Il perdait le contrôle. Son loup apparaissait sous sa forme humaine. Des poils noirs poussaient sur la peau de ses bras, ses griffes s'étaient plantés dans les paumes de ses mains, et même son visage laissait apparaître son museau allongé. Et je sentis soudainement le lien plus puissamment que jamais. Écrasant, oppressant. Je ne pouvais pas le renier. Ulrys était moi. Mon âme reconnaissait son miroir en lui. J'étais vaincue, je le savais. Jamais je ne pourrais me défaire de l'emprise du lien, et une part de moi ne le voulait déjà plus. Fichu truc de loups ! Et pour la première fois de ma vie, je me détournais de mes devoirs et de mes hommes. Pour la première fois de ma vie, je me choisis.Dès mon choix fait, le déchirement intérieur que je ressentais disparu, remplacé par un soulagement intense. Mes pieds firent le chemin qui me séparaient d'Ulrys si vite qu'il ne le remarqua pas immédiatement. Il ne s'en aperçut que lorsque ma mai
Un visage fin encadré de longues boucles blondes presque dorées était tourné vers moi. Ses yeux bleus comme le ciel étaient protecteurs et bienveillants. Ses lèvres rosées s'étirèrent en un sourire compatissant. "Ne t'inquiète pas pour moi, Eri." souffla sa voix lointaine "Je m'en sortirai très bien. Et je reviendrai très vite."J'avais envie de lui crier qu'elle avait tort, qu'elle ne serait plus jamais la même et que nous ne nous reverrions probablement jamais. Elle avait dix-huit ans, et moi seulement douze. C'était à cet instant, tandis qu'elle tournait les talons habillée de son uniforme noir, que mon monde changea. J'aurais dû la retenir, saisir sa main pour la ramener auprès de moi. Mais je ne fis rien de tout cela, je la regardais s'éloigner d'un pas assuré en me jurant que dès que mon loup serait assez fort, je la rejoindrais. Ce fut la dernière fois que je vis ma sœur.J'avais dû m'assoupir après mon copieux petit-déjeuner. Si copieux, que j'en avais des crampes d'estomac.