Chapitre Quatrième

La louve en moi était plus excitée que jamais. Elle voulait bondir joyeusement sur son compagnon, l'enlacer, l'embrasser, le... Je me forçai à abandonner ces idées loufoques, tandis que les trois vieillards sortaient sans un mot de plus de la pièce lugubre. 

Le bel homme prit place sur une chaise qui attendait dans un des quatre coins de la pièce. Il s'assit juste face à moi et resta silencieux. Nous nous murâmes dans le silence le plus complet, figés tels des statues de pierre. Nous nous contemplâmes minutieusement l'un l'autre. 

Même sans le lien d'âmes, je savais qu'il était magnifique. Il aurait pu faire la couverture de n'importe quel magazine. Il avait un carrure parfaitement taillée, des épaules droites et un maintient exemplaire. Son visage avait des traits fins comme ceux de certains mannequins, des pommettes discrètes et une ligne de mâchoire qui menait à un menton étroit et imberbe. Sans parler de ses yeux étranges et envoûtants.

J'eus soudainement honte de ma propre apparence qui était tout l'inverse de ce que je voyais chez lui. J'étais petite et frêle, dû à ces dernières années de privations. Mes cheveux étaient hirsutes, pleins de branchages et d'épines de pin. Ma peau était couverte de sang sec et de terre, je devais sentir la mort et la bataille. Il devait me trouver repoussante.

Je ne savais combien de temps s'était écoulé depuis que nous étions seuls. Une heure ? Deux ? Une demie-journée ? Rien n'était sûr. Un jeune loup soumis entra dans la pièce, un plateau de victuailles dans les bras. Il fit une petite salutation respectueuse vers son alpha avant de s'avancer vers la porte de verre de ma cage. Il passa le plateau par le petit espace dédié à cela, puis s'éloigna aussi tôt pour sortir de la pièce.

Le plateau contenait des aliments que je n'avais pas vu depuis très longtemps : un croissant, du beurre, de la confiture, une sorte de porridge de riz aux fruits frais et d'autres petits trésors sucrés. Mon ventre grogna, je retins un gémissement. Mes guerriers et moi-même souffrions de la faim. Si nous n'avions rien à chasser, nous ne mangions pas, et l'hiver avait été rude. 

"Mange." Dit le bellâtre, avec un doux sourire.

J'appréciais qu'il n'ait pas utilisé ses capacités d'alpha pour m'obliger à obéir. Il me laissait le choix. J'hésitai une petite seconde, cherchant à savoir si mes hôtes avait pu glisser du poison dans ces plats succulents, mais parvins vite à la conclusion qu'il n'était pas dans leur intérêt de me tuer sans avoir les réponses à toutes leurs questions.

Je me levai et approchai du plateau, l'odeur était enivrante. Sans plus réfléchir, j'avalai tout ce que je pouvais attraper. Je ne devais pas ressembler à un être humain, vue de l'extérieur, mais plus à un chien affamé qui venait de tomber sur un copieux repas. Je mangeai tout, même la plaquette de beurre sans accompagnement, je léchai jusqu'à la dernière goutte de confiture, ramassai jusqu'à la dernière miette de croissant. Le plateau fut aussi vide que s'il n'avait jamais rien contenu. 

Je surpris le sourire de mon hôte. À la fois doux et amusé. Pourtant ses yeux reflétaient une certaine tristesse. Prise d'une impulsion, je voulais le toucher, le rassurer. Je ne fis que serrer les dents en détournant mon regard. Il était mon ennemi. Il fit un mouvement, ramenant mon regard sur lui. Un air embêté apparut sur son visage, il se leva.

"Je dois y aller." Déclara-t-il "Je reviendrais plus tard."

Il fit deux pas, s'arrêta et se tourna vers moi de nouveau. 

"Je m'appelle Ulrys." Dit-il avant de repartir aussitôt vers la porte.

Ulrys, fils de l'Alpha Kain. Mon cœur se serra.