Chapitre 6 – Le Sang des Liens

La tension était palpable dans l’air. Dans l’une des voitures stationnées à l’aire de repos, Lukas tapait frénétiquement sur l’écran de son téléphone. Les sourcils froncés, le regard sombre, il tentait de garder son calme, mais l’absence prolongée de nouvelles de sa sœur l’étranglait de l’intérieur.

— Toujours rien..., souffla-t-il, le regard fixé sur le vide.

Julian, le plus jeune, tenait son volant fermement, les jointures de ses doigts blanchies par la pression.

— On aurait dû l’attendre à la sortie de la ville, dit-il. Quelque chose cloche, j’en suis sûr...

— Il se passe un truc, répondit Matteo depuis sa propre voiture, via l’appel groupé. Elliana aurait déjà dû arriver.

Lukas inspira un grand coup, puis composa le numéro du poste de police local.

— Bonjour, je suis à la recherche de ma sœur, Elliana Voss. Elle était en route pour nous rejoindre ici à l’aire de repos, mais elle n’est jamais arrivée. Est-ce que vous pourriez consulter les caméras routières ? Sa voiture est un modèle gris foncé, plaque 38L-VS.

---

Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres de là, dans une voiture roulant à travers les routes sinueuses menant à un village isolé, Caleb gardait les mains crispées sur le volant. Le silence pesant dans le véhicule était seulement brisé par les soupirs exaspérés de sa mère Miranda et les petits gloussements moqueurs de Cassie.

Sur le siège passager, Elliana était inconsciente, le teint pâle, les lèvres sèches. Des mèches de cheveux collaient à son front. Caleb, malgré ses actes récents, semblait légèrement inquiet. Il jeta un coup d’œil vers elle, puis reprit la route.

— Je te l’avais dit, marmonna-t-il, presque pour lui-même. Si tu faisais moins de caprices...

Miranda leva les yeux au ciel.

— On aurait dû la laisser là. C’est à peine si elle est capable de s’occuper d’elle-même.

— Maman, dit Caleb, si quelqu’un l’avait trouvée là, seule, dans son état... ça aurait fait mauvais genre. Je n’ai pas besoin de scandale maintenant.

---

Au poste de police, l’inspecteur leva enfin les yeux de son écran.

— On a quelque chose. Une voiture correspondant à votre description a été repérée. Elle a quitté la nationale à l’intersection Est, en direction de la zone rurale des collines de Caurel.

Lukas s’approcha, Matteo et Julian sur ses talons. L’agent leur montra une séquence vidéo.

— Voilà, regardez.

L’écran montrait une aire de repos. Elliana, debout, échangeait des mots avec Caleb. Soudain, la portière s’ouvrait brusquement. Caleb attrapait son bras et la poussait violemment dehors. Elle tombait au sol, tenant son ventre. Ensuite, on la voyait courir après la voiture, trébucher, tomber à nouveau.

Lukas devint livide. Matteo ferma les poings. Julian se leva d’un bond.

— Il... il l’a jetée dehors comme une moins que rien, siffla Lukas.

Il prit aussitôt son téléphone et appela leur père.

— Papa, on a une vidéo... Caleb a jeté Elliana hors de la voiture. Il l’a laissée tomber alors qu’elle est enceinte !

— Quoi ? hurla leur père au téléphone.

Lukas entendit au loin un bruit sourd. Puis la voix affolée de son père.

— Chérie ? Hé, réveille-toi !

— Papa ?! Qu’est-ce qui se passe ?!

— Ta mère... elle vient de faire un malaise. Ce vaurien de Caleb... si jamais il lui arrive quoi que ce soit, je...

— On va la retrouver. Je te le promets, répondit Lukas avec fermeté.

---

Dans la voiture, Elliana reprit doucement conscience. Ses paupières lourdes se soulevèrent avec difficulté. Le paysage flou se découpait à travers le pare-brise. Caleb remarqua son réveil.

— Tu es réveillée ? Bois un peu d’eau.

Il lui tendit une bouteille, qu’elle prit sans un mot. Ses mains tremblaient. Elle but quelques gorgées, le regard vide.

— Il faut que tu arrêtes d’agir comme une enfant, Elliana. Ce n’est pas en jouant les victimes que les choses vont s’arranger.

Elle ne répondit pas. Elle tourna lentement la tête vers la vitre, ses pensées tourbillonnant dans sa tête.

Reste calme, Elliana... Fais comme s’ils avaient gagné, pour l’instant. Une fois chez eux, tu trouveras un moyen de t’échapper. Tu n’es pas seule. Tes frères vont venir. Tu le sais...

---

À nouveau sur la route, Lukas et ses deux frères fonçaient vers le village signalé. Ils n’étaient plus que rage et inquiétude. Matteo, les yeux humides, s’exclama :

— Trois ans. Trois longues années sans elle. Et voilà ce qu’il lui fait.

— Il paiera, ajouta Julian. On va la sortir de là.

Lukas, les traits fermés, fixait la route.

— Quoi qu’il arrive... on ramène Elliana à la maison.

Et dans leur sillage, un vent de révolte soufflait. Car quand une famille de sang se lève pour protéger l’une des leurs… rien ne peut les arrêter.