Chapitre 1

Point de vue de Bailey

Je regarde l'horloge accrochée au mur de ma chambre. Je pense avoir retardé l'inévitable aussi longtemps que possible. Je devrais aller à la maison de la meute pour souhaiter un bon anniversaire à notre futur Alpha. Le fléau de ma vie. Le meilleur ami de mon frère. Un jour, il sera l’Alpha Miles. Aujourd’hui, il va avoir 17 ans et rencontrer son loup Alpha. Pour être honnête, il était déjà assez égocentrique, pensant que le monde tournait autour de lui, même sans l’ajout de son loup. Ce n’était pas non plus un loup-garou ordinaire. Oh non, Miles Davenport était destiné à devenir un Alpha, ce qui signifie qu’il aurait un loup Alpha fort et puissant, qui n’ajouterait qu’à son arrogance et à sa force.

Le plus fou, c’est qu’autrefois, Miles avait été l’un de mes amis les plus proches aussi. Dans mon enfance… Les amitiés, ce genre de chose, ça arrive quand ton père est le Bêta de l’Alpha. Les enfants passent beaucoup de temps ensemble et deviennent amis. Mon frère aîné, Jordan, est devenu le bras droit de Miles. Son meilleur ami et allié, ce qui, vu qu’il allait devenir son Bêta, tombait sous le sens. Mais au fil des années, l’amitié entre Miles et moi a changé.

Notre amitié s’est évanouie à mesure qu’il devenait l’une des stars de sport les plus populaires de notre école. Au fond, il allait toujours être populaire, étant donné qu’il était le futur Alpha, mais en plus, en tant que star du sport, il était idolâtré. Comme l’était mon frère. Toutes les filles de l’école se pressaient autour d’eux comme s’ils étaient des stars, et c’était très bizarre. À ses yeux, je n’étais plus qu’une source d’amusement pour lui et ses potes sportifs. Une geek. Pas une de ces reines de beauté qui le suivaient partout. Juste quelqu’un dont on pouvait se moquer.

J’étais passée du plaisir de passer du temps avec mon futur Alpha, à le détester, en l’espace d’une année scolaire. Il se croyait le cadeau de Dieu, et franchement, si c’était le cas, il était un cadeau que je retournerais volontiers…

« Bailey ! », j’entends ma mère m’appeler depuis le bas des escaliers, me rappelant que je suis sur le point d’être vraiment en retard. Je sais que Jordan est déjà parti à la maison de la meute avec mon père pour voir son ami et notre Alpha.

« Je sais. », je crie en retour, en regardant les livres sur mon bureau, désespérée de continuer le devoir sur lequel je travaille. J’aimerais tellement plus travailler sur mon devoir, gagner les points supplémentaires disponibles, et avancer vers mon objectif de rejoindre l’université que je souhaite, plutôt que d’aller à une fête pour ce crétin vaniteux que je dois considérer presque comme un membre de la famille, vu qu’il est le fils du meilleur ami de mon père.

Je me lève de ma chaise et marche vers mon miroir, ajustant la robe noire évasée que j’ai choisie pour aujourd’hui. Quelque chose de simple et discret, parfait pour se fondre dans le décor, mais une robe quand même, au cas où quelqu’un me demande pourquoi je ne me suis pas « habillée ». Avec mes sandales noires épaisses, je suis présentable, même si je sais que personne ne me regardera. Aujourd’hui, tous les yeux seront tournés vers le garçon de l’anniversaire, comme toujours. Il y veillera. Je passe ma main dans mes cheveux bouclés avant de sortir, redoutant déjà les heures à venir…

Ma mère gare la voiture sur le parking devant la maison de la meute, tandis que ma petite sœur, Morgan, s’amuse à jouer avec mes boucles pour m’agacer. Elle sait que je préférerais être n’importe où ailleurs, et elle en profite au maximum. « Oh, tu veux rentrer à la maison Bailey-chérie ? », me taquine-t-elle.

« Arrêtez toutes les deux, allons-y, votre père nous attend à l’intérieur. Allons trouver le garçon de l’anniversaire. », dit Maman, d’un ton joyeux, complètement ignorante du fait que cette fête pourrait être un désastre. Elle aussi idolâtre Miles. L’ayant vu grandir aux côtés de mon frère, elle pense qu’il est un être exceptionnel. Ça m’a toujours rendue folle.

« Il ne remarquera même pas qu’on est là. », je murmure en montant les marches de la maison de la meute, en secouant la tête devant ma sœur qui semble un peu trop apprêtée. Elle espère peut-être être la compagne de Miles, après tout, il rencontre son loup Alpha aujourd’hui. Il pourrait potentiellement sentir sa compagne prédestinée aujourd’hui. À l’école, ça en parle beaucoup, tellement de filles rêvent d’être « l’élue » que la déesse de la lune a choisie pour lui. Et moi, tout ce que je souhaite, c’est que ce ne soit surtout pas moi. Je ne peux rien imaginer de pire ! Mais en voyant l’effort que ma petite sœur a fait, je commence à croire qu’elle est l’une de ces nombreuses louves qui espèrent secrètement…

Nous avançons dans les couloirs de la maison de la meute, remplie de membres venus célébrer l’anniversaire de l'Alpha en devenir. Les murs sont décorés, et la musique résonne dans toutes les pièces.

« Oups, désolée ! », rigole une louve en me bousculant presque au passage. Je préférerais être n’importe où ailleurs. C’est trop agité, trop bruyant. Je lui lance un regard noir pendant qu’elle s’éloigne, insouciante.

Je suis ma mère et ma sœur, qui avance en sautillant, vers le grand salon. J’imagine que Maman a télépathiquement averti Papa de notre arrivée, car sinon, nous pourrions chercher longtemps ! Il semble que presque tous les membres de la meute sont venus pour célébrer l’anniversaire de ce fichu Miles Davenport.

Le salon est plein de monde, la musique résonne, et tout le monde semble s’amuser. Tout le monde sauf moi. Mon frère, appuyé contre le mur, lève les yeux vers moi, me fait un signe, puis se détourne aussitôt.

« T’aurais pu faire un effort, Bailey. », me dit-il dans un lien mental. « C’est un anniversaire, pas un enterrement, tu sais ? »

Mon cœur se serre à ses mots. Génial, les insultes commencent déjà, ce qui signifie que ce n’est qu’une question de temps avant que Miles s’y mette aussi. Ils adorent faire équipe pour m’embêter. Ils semblent trouver une grande joie à me harceler. J’avais espéré que les insultes s’atténueraient en grandissant, mais au contraire, elles empirent. Tout ça parce que je ne suis pas comme les filles qui les intéressent. Je ne suis pas comme les autres filles. Ma mère dit que je me rends moi-même vulnérable en aimant les études et la lecture. Le plan était de m’en sortir en trouvant un moyen de quitter tout ça…

« Jordan dit que ta robe ressemble à celle d’un enterrement, Bailey. », taquine Morgan, en agitant mes boucles encore une fois. Ma longue chevelure brune retombe en épaisses boucles indomptables dans mon dos. Elles me rendent folle parfois. Surtout quand mon frère et ma sœur s’amusent à les embêter.

« Bon, j’ai mis une robe, comme tu l’as demandé. », je rétorque, déjà furieuse, tentée de rentrer directement chez moi, mais je sens la main de Maman me retenir.

« Nous allons souhaiter un bon anniversaire à Miles. Tu resteras un peu, au moins. Je n’ai pas envie d’expliquer encore une fois à ta tante pourquoi tu as quitté un événement social, Bailey. », me prévient Maman d’un ton grognon. Elle doit avoir deviné mes pensées, j’en suis sûre. Je suis certaine qu’elle aurait préféré une fille plus sociable, une qui aime les rassemblements, au lieu de celle qui préfère rester la tête plongée dans un livre.

« Joyeux anniversaire, Miles ! », s’écrie ma sœur avec une voix si aiguë qu’on dirait que seuls les chiens peuvent l’entendre. Pourquoi tant d’excitation ? Ce n’est qu’un anniversaire. Et je parie qu’il s’en fiche…

Lorsque je lève les yeux, je croise le regard de Miles, ses yeux bleus plongent dans les miens, puis virent à un bleu plus sombre… Serait-ce son loup ? Un sourire tordu apparaît sur son visage avant qu’il ne quitte brusquement la pièce. Mais qu’est-ce que ça signifie ?

« Sors. », ordonne-t-il soudain dans mon esprit. Il semble loin d’être content. Sa voix et son expression me disent qu’il y a quelque chose qui cloche. Aurait-il préféré que je ne vienne pas ? Eh bien, il n’est pas le seul.

« Quoi ? », je demande, complètement perdue. Serait-il aussi contrarié par ma tenue ? Bon sang, c’est juste une robe. Est-ce si important ? Je serais rentrée si ça posait un problème.

« Dehors, maintenant. » Il exige une nouvelle fois, d’un ton encore plus agacé, me faisant comprendre que je n’avais guère d’autre choix que de lui obéir. Alors, je m’éclipse de la fête, retournant discrètement vers les portes de la maison de la meute.

À l’extérieur, je trouve Miles qui fait les cent pas au bas des marches, l’air mêlé de confusion et de colère. Pourquoi m’avait-il fait venir ? Avait-il juste besoin de quelqu’un pour passer ses nerfs ? Pas question que je me laisse faire. Juste au moment où je pense à m’en aller, il lève les yeux vers moi.

« Putain, t’as mis du temps ! », lance-t-il avec irritation.

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qui se passe. Ça n’a aucun sens, tout ça. En le regardant depuis le haut des marches, je remarque que ses yeux virent encore une fois à un bleu plus sombre, comme à l’intérieur. Son loup est là, clairement…

« Qu’est-ce qui se passe, Miles ? Tu veux que j’aille chercher Jordan ? », je demande, hésitante.

« Non ! Je ne veux que personne le sache. », gronde-t-il, un grognement échappant de ses lèvres. Je ne sais pas s’il est dirigé contre moi ou si son loup est en colère contre lui…

« Je ne pense pas comprendre… », je commence.

« Tu vas bientôt comprendre. », réplique-t-il d’un ton sarcastique, et je ne peux qu’observer, déconcertée. Rien de ce qu’il dit n’a de sens pour moi. Jusqu’à ce qu’il continue. « C’est seulement aujourd’hui que j’ai réalisé. Rien que d’y penser, ça me dégoûte. Pourquoi notre propre déesse de la lune s’amuserait-elle à me faire un coup pareil, je ne sais pas. Je suis un Alpha. Un putain d’Alpha. Je mérite une compagne forte. Une belle compagne dont je pourrais être fier. Pas une pauvre petite plante insignifiante. »

Mon corps se met à trembler sous le choc de ses mots. Non. Je n’ai pas encore reçu mon loup. Je ne le savais pas. Pourquoi… Pourquoi lui, de toutes les personnes ? « Je suis ta compagne prédestinée ? », je demande, la voix vacillante. « T’es sûr ? »

« Tu doutes de moi, là ? », hurle-t-il. « Et tu ne le seras plus. Dès que tu auras ton loup, je déciderai du moment où je te rejetterai. »

Mon cœur se serre et se tord rien qu’à l’idée. Le rejet est censé être la pire douleur possible. Pourquoi voudrait-il rejeter la compagne que notre déesse de la lune elle-même lui a choisie ? Suis-je vraiment aussi repoussante ?