Lysandra
Je n’ai pas dormi de la nuit.
Impossible d’effacer son regard de mon esprit, impossible de ne pas ressentir cette brûlure persistante sous ma peau.
Ciel Donovan… Qui est-il vraiment ?
Je me tiens devant le miroir de la salle de repos, observant mon reflet avec insistance, cherchant une trace, un indice qui me prouverait que tout cela n’est qu’un délire.
Mais il n’y a rien. Juste mes propres yeux fatigués et l’écho de ses mots qui résonnent encore dans ma tête.
— Tu as brûlé avec moi…
Je secoue violemment la tête et sors précipitamment. J’ai besoin d’air. D’éloigner cette sensation d’être au bord d’un gouffre.
Je traverse les couloirs de l’hôpital, le pas rapide, comme si je pouvais fuir quelque chose d’invisible. Mais il est partout. Dans mes pensées, dans cette chaleur anormale qui pulse sous ma peau, dans cette obsession qui me dévore sans que je puisse l’expliquer.
J’essaie de me concentrer sur mes patients, sur mes dossiers, mais chaque fois que je baisse ma garde, des images fugaces surgissent dans mon esprit.
— Cours, Lysandra !
Je sursaute, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Une douleur sourde me traverse la tête.
— Docteur Lysandra, vous allez bien ?
Je lève les yeux vers l’infirmière devant moi, une jeune femme aux cheveux attachés en chignon, le regard inquiet.
— Oui, oui… un simple vertige.
Elle hoche la tête sans me croire complètement, mais elle ne pose pas plus de questions. Tant mieux.
Je continue mon chemin, me forçant à respirer lentement, à garder le contrôle. Mais alors que je tourne au bout du couloir, une silhouette familière attire mon attention.
Ciel.
Il est debout.
Mon souffle se bloque. Il ne devrait même pas être capable de marcher après ses blessures, et pourtant, il se tient là, en plein milieu du couloir, son regard braqué sur moi.
— Lysandra…
Mon cœur rate un battement.
— Vous devriez être alité, dis-je d’un ton sec pour masquer mon trouble.
Il s’approche lentement, et je recule malgré moi.
— Il faut que je te parle.
— Non.
Je tourne les talons, mais sa voix me cloue sur place.
— Ce n’est pas la première fois que tu me fuis.
Un frisson me parcourt.
— Je ne sais pas de quoi vous parlez, rétorqué-je, la gorge serrée.
— Tu le sais, Lysandra. Tu le ressens, n’est-ce pas ?
Je ferme les yeux une seconde, luttant contre ce feu intérieur qui semble s’intensifier à chacun de ses mots.
— Ce ne sont que des hallucinations… Je suis fatiguée, c’est tout.
— Tu te mens.
Sa voix est basse, vibrante, pleine d’une douleur que je ne comprends pas encore.
Il fait un pas de plus, et cette fois, je ne recule pas.
— Vous êtes mon patient, Ciel. C’est tout ce que vous êtes pour moi.
Un silence.
Puis un sourire triste étire ses lèvres.
— Si seulement c’était vrai…
Il lève la main, hésite un instant, puis frôle mon bras du bout des doigts.
Une déflagration de chaleur m’envahit instantanément.
Le couloir disparaît.
Les lumières blafardes de l’hôpital s’effacent, remplacées par une obscurité rougeoyante, par des flammes qui lèchent les murs, par des cris que je ne reconnais pas encore… mais qui résonnent dans mon âme comme un écho oublié.
Je suffoque, prise au piège entre deux réalités.
— Lysandra !
Une voix. La sienne. Mais pas celle du présent.
Celle d’un passé que je ne veux pas voir.
Je rouvre brusquement les yeux, et le couloir de l’hôpital me revient en pleine figure.
Ciel est là, toujours devant moi, son regard brûlant d’une certitude effrayante.
Et je comprends.
Ce ne sont pas des hallucinations.
C’est un avertissement.
Un souvenir.
Un amour perdu dans les cendres du temps… qui cherche désespérément à renaître.
Ciel
Je la regarde vaciller sous l’effet du souvenir.
Ses pupilles se dilatent, son souffle s’accélère. Elle lutte, je le vois. Elle refuse de croire ce qu’elle ressent, ce qu’elle voit.
Mais je ne peux plus attendre.
Lysandra doit se souvenir.
— Ça va ?
Une voix nous interrompt.
Un médecin s’approche, l’air préoccupé. Son badge indique « Dr. Morel ». Il pose une main sur l’épaule de Lysandra, et une vague de rage me traverse.
Je ne sais pas d’où vient cette jalousie soudaine, mais je la ressens dans chaque fibre de mon être.
— Je vais bien, répond-elle d’une voix faible.
Mensonge.
Ses jambes tremblent encore. Ses doigts se crispent le long de sa blouse comme si elle tentait de s’ancrer dans le présent.
Le Dr. Morel me jette un regard méfiant.
— Vous ne devriez pas être debout, monsieur Donovan. Vous avez besoin de repos.
Je serre les dents, l’envie irrationnelle de lui faire ravaler son ton paternaliste me traversant. Mais ce n’est pas lui l’ennemi.
— Je vais bien.
Il fronce les sourcils mais ne répond rien, reportant son attention sur Lysandra.
— Vous êtes sûre que tout va bien ?
Elle hoche la tête sans me regarder.
— Oui. J’ai juste besoin d’un peu d’air.
Puis, sans un mot de plus, elle s’éloigne.
Je pourrais la retenir.
Je pourrais lui dire que fuir ne changera rien.
Mais je la laisse partir.
Parce que je sais que bientôt, elle reviendra.
Elle n’aura pas le choix.
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Je retourne dans ma chambre, le corps encore douloureux, mais l’esprit trop en alerte pour me soucier de la souffrance physique.
Les souvenirs remontent, plus clairs que jamais.
Je revois Lysandra d’une autre époque. Sa chevelure sombre ondulant sous le vent, ses yeux brillants de défi et de passion. Je revois la façon dont elle courait, ses rires cristallins résonnant contre les murs d’une forteresse oubliée.
Et je revois la fin.
Les flammes.
Sa silhouette disparaissant sous le brasier.
Mon hurlement.
La sensation insoutenable d’être consumé avec elle, de perdre plus qu’une vie… de perdre une partie de mon âme.
Je serre les poings.
Je n’ai jamais cessé de la chercher.
À travers les âges, à travers la mort elle-même, je l’ai cherchée.
Et aujourd’hui, elle est là, vivante, devant moi.
Mais elle ne se souvient pas encore.
— Tu te rappelleras, Lysandra.
Je fais la promesse à voix haute, comme un serment ancré dans mon sang.
Peu importe ce que ça me coûtera.
Cette fois, je ne la perdrai pas.
LysandraJe m’enferme dans mon bureau, le dos contre la porte, le cœur battant à tout rompre.Je tremble encore. Pas à cause de la fatigue, ni du stress… mais à cause de lui.Ciel Donovan.Chaque fois qu’il me parle, chaque fois qu’il me regarde, c’est comme si mon corps se souvenait de quelque chose que mon esprit refuse de voir.Et cette chaleur… cette brûlure sous ma peau…Je passe une main sur mon bras, là où il m’a effleurée. Ma blouse est froide, mais ma peau en dessous est brûlante.— Qu’est-ce qui m’arrive ?Je ferme les yeux, cherchant à apaiser le chaos dans ma tête. Mais aussitôt, des images surgissent. Des fragments, des flashs incohérents.Du feu.Un cri.Des mains qui s’accrochent aux miennes avant d’être arrachées.Je rouvre les yeux en sursaut, une sueur glacée coulant le long de ma nuque.— Non…Ce ne sont pas des souvenirs.Ça ne peut pas l’être.J’ai toujours eu les pieds sur terre. Je suis médecin, rationnelle. Ce que Ciel insinue n’a aucun sens.Et pourtant…Pourq
CielLes portes de l’ascenseur se referment, nous enfermant dans un espace réduit où chaque respiration, chaque battement de cœur semble résonner plus fort.Lysandra est là, si proche, et pourtant elle lutte encore.Je le vois dans la tension de ses épaules, dans la façon dont elle évite mon regard. Elle sent la vérité, elle la devine… mais elle refuse d’y croire.Je pourrais lui laisser du temps.Je pourrais lui permettre de comprendre les choses par elle-même.Mais je ne le ferai pas.Parce que le temps, nous en avons déjà trop perdu.— Pourquoi es-tu venue ? demandé-je doucement.Elle serre les poings, son regard se braquant sur les chiffres de l’ascenseur qui défilent lentement.— Je ne sais pas.Un demi-sourire étire mes lèvres.— Mensonge.Elle tourne enfin la tête vers moi, les sourcils froncés.— Qu’est-ce que tu me fais, Ciel ? murmure-t-elle, la voix plus fragile qu’elle ne voudrait le montrer.Je m’approche légèrement, réduisant encore l’espace entre nous.— Je ne fais rien
CielLysandra me regarde comme si j’étais une illusion, un mirage qu’elle veut à la fois comprendre et fuir. Son souffle est court, son regard vacille, mais elle ne recule pas davantage.C’est un progrès.Je l’observe, laissant le silence s’installer entre nous. Elle doit assimiler. Je pourrais lui en dire plus, lui donner tous les détails… mais ce n’est pas à moi de forcer son esprit à accepter l’inacceptable.Elle l’a vu. Elle l’a ressenti.Maintenant, elle doit choisir d’y croire.— Et si je refuse d’y croire ? murmure-t-elle.Je croise les bras, la fixant sans ciller.— Alors ton corps continuera de te rappeler que c’est réel.Elle tressaille légèrement, et mon regard glisse sur sa main qui se referme sur son poignet, comme si elle pouvait étouffer le feu sous sa peau.— Ce n’est pas un jeu, Lysandra. Ce n’est pas une coïncidence. Nous avons été détruits une fois. Si nous ne faisons rien, ça recommencera.Elle redresse le menton, une étincelle de défi dans les yeux.— Et si je ne
LysandraMon souffle s’accélère.Je scrute chaque recoin de ma chambre plongée dans l’obscurité, à l’affût du moindre mouvement, du moindre bruit suspect.Mais il n’y a rien.Juste ce silence oppressant, ce vide qui semble sur le point d’exploser.Pourtant, mon instinct hurle qu’elle est là.Quelque part.Je déglutis avec difficulté et me dirige lentement vers la fenêtre. Mon reflet se superpose aux lumières de la ville. Mon cœur cogne contre ma cage thoracique tandis que mes yeux balayent la rue en contrebas.Et c’est là que je la vois.Une silhouette, immobile, sous un lampadaire.Une femme.Elle est trop loin pour que je distingue ses traits, mais quelque chose dans sa posture me glace le sang.Elle ne bouge pas.Elle regarde droit vers ma fenêtre.Vers moi.Un frisson parcourt mon échine et je recule instinctivement. Mon dos heurte la commode et un bruit sourd brise le silence.Quand je lève les yeux à nouveau…Elle a disparu.Je suffoque presque. Mon esprit se bat entre la raison
LysandraMa peau brûle.Je fixe cette marque sombre sur mon poignet, mon cœur battant à tout rompre.Ciel la contemple avec une intensité qui me donne le vertige, comme si cette simple vision confirmait le pire.— Qu’est-ce que ça veut dire ? murmuré-je, la gorge sèche.Il passe une main dans ses cheveux, son expression sombre, et souffle :— C’est un sceau.— Un sceau ?— Une empreinte. Isolde marque toujours ses proies avant de les détruire.Un frisson me traverse.— Et qu’est-ce que ça fait ?Il serre les dents avant de répondre.— Ça ronge ton esprit. Ça sème des doutes, des illusions, des cauchemars… Jusqu’à ce que tu cesses de te battre.Je secoue la tête, refusant d’accepter cette idée.— Je ne vais pas me laisser briser.— Tu n’as pas idée de ce qu’elle est capable de faire, Lysandra.Son regard est grave, mais au lieu de me terrifier, cela me met en colère.— Tu crois que je vais juste me laisser faire ? Que je vais la laisser m’effacer ?Ciel ne répond pas immédiatement.Pui
CielJe fixe la marque qui serpente autour de son poignet.Elle s’étend.Elle s’enracine.Lysandra tremble encore, son souffle court, ses pupilles dilatées par l’horreur de ce qu’elle vient de vivre.Je serre les poings, la rage bouillonnant en moi.— Elle joue avec toi, dis-je d’une voix rauque.Lysandra relève des yeux troublés vers moi.— Ce n’était pas juste un rêve, murmure-t-elle. Je l’ai sentie. Elle était là.Je hoche la tête.— Elle teste son emprise. Elle veut voir combien de temps tu tiendras avant de craquer.Elle secoue la tête, comme pour chasser l’ombre d’Isolde encore ancrée dans son esprit.— Je ne céderai pas.Son courage me frappe. Malgré la peur, malgré la douleur, elle refuse de plier.Mais je sais qu’Isolde est patiente. Elle n’a pas besoin de se précipiter. Elle va s’immiscer dans son esprit, goutte après goutte, jusqu’à ce que Lysandra ne puisse plus distinguer la réalité de l’illusion.Je m’approche et prends doucement son poignet entre mes mains.— On doit ar
Ciel Et pourtant…Je fixe Lysandra, assise en face de moi, les doigts effleurant la marque dorée sur son poignet. Son expression oscille entre la fascination et l’inquiétude.— Tu ressens quelque chose ? demandé-je.Elle hoche lentement la tête.— C’est étrange… Comme si… Elle marque une pause, ses yeux se plissant légèrement. Comme si je pouvais deviner tes émotions.Je tressaille.Ce n’était pas censé arriver aussi vite.Le lien est plus fort que je ne l’avais prévu.— Tu es troublé, dit-elle soudain.Je détourne le regard.— Ce n’est rien.— Ne me mens pas.Je soupire, passant une main sur ma nuque.— Le lien est puissant. Plus puissant que je ne l’avais anticipé. Ça veut dire que…— Que nous sommes connectés bien plus que prévu ?Elle a toujours été rapide à comprendre.— Oui.Elle pince les lèvres, réfléchissant.— Ça veut dire que je peux ressentir ce que tu ressens, c’est ça ?Je hoche la tête.Elle plisse les yeux.— Alors pourquoi j’ai l’impression que tu es en colère ?Je m
CielEt tant qu’elle subsiste, Lysandra ne sera jamais libre.Je passe une main dans mes cheveux, cherchant une solution. Il n’existe qu’un seul moyen de couper un lien aussi profond.— On doit purifier ton corps… et ton âme.Elle relève les yeux vers moi, ses pupilles encore dilatées par la peur.— Comment ?— Par le sang.Elle tressaille légèrement.Je m’accroupis devant elle, prenant ses mains glacées entre les miennes.— Je ne te forcerai à rien, Lysandra. Mais c’est notre seule chance. Tant que ce lien existe, Isolde pourra revenir. Elle te traquera, te hantera, jusqu’à ce que tu sois à nouveau sous son contrôle.Son regard se durcit.— Alors faisons-le.Pas une seconde d’hésitation.Je ressens une pointe de fierté mêlée à de l’appréhension.Elle est plus forte qu’elle ne le croit.Je me lève et me dirige vers un tiroir dissimulé derrière un meuble massif. J’en sors un coffret orné de symboles anciens. Son bois sombre est gravé d’inscriptions en langue oubliée, et lorsqu’on l’ouv
LysandraL’aube se lève lentement, teintant le ciel de nuances douces, trop paisibles pour ce que je ressens à l’intérieur. Mon corps est encore brûlant de sa présence, mes lèvres portent la trace de ses baisers, et pourtant, une peur sourde s’accroche à mes entrailles.Ciel dort, son souffle calme, son bras autour de ma taille comme s’il avait peur que je disparaisse. Mais ce n’est pas moi qui fuis.C’est lui.Et ce matin, je refuse de le laisser partir sans avoir mis des mots sur ce qui nous consume.Je me redresse lentement, le cœur battant plus fort que je ne le voudrais. Il grogne légèrement, ses cils frémissent avant qu’il ne cligne des yeux.— Lys…Sa voix est rauque de sommeil, son bras cherche à m’attirer contre lui, mais je ne bouge pas.— On doit parler.Il se fige. Juste un instant. Puis, il pousse un soupir avant de se redresser, s’appuyant sur un coude.— Ça sonne grave.— Ça l’est.Il passe une main dans ses cheveux, visiblement en train de peser ses mots. Je ne lui lai
LysandraCiel dort. Enfin.Son souffle est irrégulier, comme s’il luttait encore contre quelque chose dans son sommeil. Je pourrais passer la nuit à le regarder, à veiller sur lui, mais la tension dans mon corps est insupportable.Je sors.L’air est froid, tranchant. La mer est calme, mais le silence est trompeur. Tout est toujours sur le fil.Comme nous.Je serre mes bras autour de moi. Je devrais être soulagée. Ciel est là. Il est vivant. Pourtant, une angoisse sourde me ronge. Comme si rien n’était réellement terminé.— Tu comptes rester dehors toute la nuit ?Je sursaute.Ciel est sur le seuil, torse nu, une couverture jetée sur ses épaules. Ses yeux sombres me sondent.— Tu devrais te reposer, dis-je doucement.— Toi aussi.Il s’avance lentement. Son visage est fermé, mais son regard brûle.— Je n’y arrive pas, murmuré-je.Il s’arrête juste devant moi.— Pourquoi ?Je détourne les yeux.— Parce que j’ai peur.— De quoi ?— Que tu disparaisses encore.Il pose une main sur ma nuque
LysandraLes jours passent, mais quelque chose s’est brisé en lui.Je le vois. Je le ressens.Ciel ne parle presque pas. Il est là, physiquement, mais son esprit semble toujours perdu dans cet espace entre la vie et la mort. Il dort peu, et quand il ferme les yeux, c’est pour se réveiller en sursaut, tremblant, le souffle court.Je ne pose pas de questions.Je sais ce que c’est.Je sais ce que c’est d’avoir vu l’autre côté et d’en être revenu avec des cicatrices invisibles.Mais ça me tue de le voir ainsi.Alors, aujourd’hui, j’ose.— Viens avec moi.Il lève un regard fatigué vers moi.— Où ?— Juste… viens.Il hésite, puis hoche la tête.Je l’emmène hors de la chambre, hors de ces murs qui semblent l’étouffer. Je l’emmène là où le vent est frais, là où l’air sent autre chose que l’odeur sterile des draps et du désinfectant.Il marche lentement, comme si son corps ne lui appartenait plus tout à fait.Quand nous atteignons la plage, il s’arrête.Le ciel est gris, l’océan agité, mais mo
LysandraLe silence.Il y a ce silence, lourd, oppressant, entre nous.Ciel dort. Enfin, il s’est assoupi, épuisé par la douleur et les jours d’inconscience. Sa main repose toujours dans la mienne, et je me surprends à en suivre du doigt chaque ligne, chaque relief. Comme pour me convaincre qu’il est là. Vraiment là.La peur ne m’a pas quittée.Elle est là, tapie dans l’ombre, prête à bondir au moindre signe de faiblesse.Parce que je sais.Je sais qu’il revient de loin. Trop loin.Son souffle est calme, mais son visage est marqué. La fièvre l’a quitté, mais son corps porte encore les stigmates de ce combat silencieux.Et moi ?Je suis là, prisonnière de ce moment, incapable de me détacher de lui.La porte s’ouvre doucement derrière moi.Je me retourne et croise le regard d’Isolde.— Il dort enfin ? murmure-t-elle.J’acquiesce, incapable de parler.Elle s’approche, pose une main sur mon épaule.— Tu devrais te reposer aussi.Je secoue la tête.— Je ne peux pas.Pas maintenant. Pas tan
LysandraCiel dort.Son souffle est plus régulier. Sa main repose toujours dans la mienne, et je ne peux pas me résoudre à la lâcher.La pièce est silencieuse, troublée seulement par la respiration lointaine des vagues qui s’échouent contre les rochers.Depuis combien de temps suis-je assise là ?Les heures se sont effilochées dans l’attente, mais mon cœur refuse de se détendre. Chaque battement est un rappel brutal de ce que j’ai failli perdre.Je n’ai jamais eu aussi peur.Pas même lorsque tout a basculé, lorsque j’ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même.Parce que cette fois, ce n’était pas moi.C’était lui.Et l’idée de perdre Ciel…Un frisson me parcourt, comme si mon propre corps refusait d’envisager cette pensée.— Tu devrais te reposer.La voix grave me fait sursauter.Je me retourne et trouve Elijah, adossé au mur, les bras croisés. Il a cet air à la fois sévère et soucieux qu’il prend toujours quand il me regarde trop longtemps.Je secoue la tête.— Je ne peux pa
LysandraLe silence après l’orage est toujours plus terrible.Ciel a rouvert les yeux, a murmuré quelques mots, mais son souffle est encore si fragile que je n’ose pas me réjouir. Il oscille entre conscience et inconscience, comme suspendu au bord d’un précipice.Et moi, je suis là, incapable de détourner le regard.Nova et Nash font tout ce qu’ils peuvent. Ils nettoient, suturent, appliquent des compresses imbibées de plantes que je ne connais pas. Je devrais leur faire confiance, mais je n’y arrive pas.— Il va s’en sortir ?Ma voix tremble malgré moi.Nash ne répond pas tout de suite. Il termine de bander la blessure de Ciel, son expression grave.— On a stabilisé l’hémorragie. Mais il a perdu beaucoup trop de sang.— Ça veut dire quoi ?— Que les prochaines heures seront décisives.Un poids s’abat sur ma poitrine.Les prochaines heures.Je les compte déjà. Je m’imagine à chaque minute guetter le moindre changement dans sa respiration, scruter le moindre mouvement de ses paupières.
LysandraL’eau scintille sous les premières lueurs du jour, mais je ne vois rien.Tout ce qui compte, c’est la main glacée que je serre entre les miennes.Le souffle de Ciel est si faible que chaque seconde qui passe me semble être la dernière.Je devrais prier. Supplier. Mais les dieux ont tourné le dos à ceux comme nous depuis longtemps.Alors je me contente de murmurer son prénom, encore et encore.Calloway est en vue.Un port de contrebandiers, un repaire pour ceux que la mer a brisés.— Préparez-vous à accoster ! crie Kael.Je l’entends à peine.Quand le bateau tangue légèrement en s’approchant des quais, je serre les dents. Chaque mouvement me rappelle que le temps nous est compté.Nova est déjà en train d’attraper son sac de soins, mais elle sait autant que moi que ce qu’il lui faut dépasse ce qu’elle peut offrir.— On va devoir le porter, dit-elle.— Je m’en occupe.Ma voix est plus tranchante que je ne l’aurais voulu.Je passe un bras sous ses épaules, un autre sous ses jambe
Lysandra— Non !Mon cri se perd dans le vacarme. Je me précipite vers Ciel, mes jambes brûlantes d’effort, mes poumons en feu. Le sang s’écoule sous lui, tachant les pavés déjà souillés. Une balle logée quelque part dans son torse, trop près du cœur.— Ciel !Je tombe à genoux à ses côtés, mes mains cherchant désespérément la blessure, pressant la plaie pour ralentir l’hémorragie. Son regard se pose sur moi, fiévreux, mais il reste conscient.— Lysandra…— Ne parle pas.Ma voix tremble. Je ne peux pas le perdre. Pas maintenant.— On doit bouger ! crie Kael derrière moi.Les derniers hommes encore debout nous encerclent. J’attrape mon arme d’une main, déterminée à ne laisser personne l’approcher. Nova abat un homme à ma droite, Kael tire sans relâche, couvrant notre retraite.— Lys, il faut qu’on parte !Mais je refuse de lâcher Ciel.Il tressaille sous moi, sa respiration saccadée.— Tuez-les tous, rugit une voix derrière nous.Le chef ennemi.Je lève les yeux. Il s’avance, un sourir
LysandraLe vent marin s’est chargé de cendres et de sang. L’odeur est âcre, poisseuse, et pourtant, elle n’a rien d’inhabituel. Je suis accroupie derrière un amas de débris, mon souffle contrôlé, ma lame encore tiède de la dernière vie que j’ai prise. Mes doigts la serrent plus fort que nécessaire.Le silence après une bataille est toujours le plus étrange. Juste après l’explosion, le chaos, les hurlements, il y a ce vide absolu. Comme si le monde retenait son souffle, comme si la mort elle-même observait, satisfaite.Nova sort de sa cachette le premier, essuyant son front d’un revers de main. Il nous jette un regard rapide, analyse la situation, et murmure :— On doit bouger.Ses mots sont inutiles. On le sait. Ciel, lui, est déjà en mouvement, ses pas légers, ses gestes précis. Kael descend du toit et atterrit souplement, ses yeux fixés sur les corps à terre.— Ils avaient des renforts. Pas loin.Je hoche la tête, mon cœur reprenant un rythme plus violent. On n’a pas le luxe de s’a