Lysandra
Ciel détourne les yeux, sa mâchoire se contracte. Il semble hésiter, tiraillé entre me dire la vérité ou garder le silence.
— Tu l’as oublié… mais ton âme, elle, se souvient.
Ses mots me figent.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
Il prend une inspiration tremblante et tire légèrement sur l’encolure de sa blouse. Les marques sur son torse sont encore plus visibles sous cette lumière douce.
— Tu ressens cette douleur, n’est-ce pas ? Ce feu qui te ronge, qui brûle sous ta peau…
Je recule d’un pas.
— Comment vous savez ça ?
Il me regarde comme si la réponse était évidente.
— Parce que moi aussi, je brûle.
Ma gorge se serre.
— Qui êtes-vous ?
Ciel ferme les yeux un instant avant de répondre d’une voix rauque :
— Celui qui t’a aimée… et qui est mort avec toi.
Je suffoque.
Tout mon être rejette ce qu’il dit, mais au fond, une partie de moi sait qu’il dit la vérité.
Et je commence à comprendre que ma vie ne m’a jamais réellement appartenu.
— Vous délirez…
Les mots quittent mes lèvres dans un souffle, tremblants, hésitants. Pourtant, une partie de moi sait que ce n’est pas vrai.
Ciel ne me quitte pas des yeux. Son regard est trop intense, trop chargé d’émotions pour être celui d’un simple inconnu.
— Tu le ressens, Lysandra. Tu le sais.
Je secoue la tête, recule d’un pas.
— Ce n’est pas possible.
— Pourquoi alors, chaque fois que tu me touches, ton corps réagit comme si tu avais déjà connu cette douleur ?
Sa voix est grave, vibrante d’une certitude implacable.
Je serre les poings.
— Ce n’est qu’une coïncidence.
— Une coïncidence ?
Il laisse échapper un rire amer avant de tirer sur sa blouse, dévoilant plus clairement les marques qui couvrent son torse.
— Regarde-moi bien, Lysandra. Regarde ces cicatrices. Elles ne viennent pas d’un accident. Ce sont des traces… des vestiges d’un feu ancien.
Mon souffle se bloque.
— Non…
— Et toi, tu les ressens à l’intérieur. Parce que toi aussi, tu as brûlé.
Une vague de chaleur explose sous ma peau, comme si ses mots réveillaient quelque chose d’enfoui au plus profond de mon être.
Des images surgissent brutalement.
— Cours, Lysandra !
Une voix. La sienne.
Des flammes dévorant la nuit. Une douleur insoutenable.
Je porte mes mains à ma tête, suffoquant sous l’intensité du flash.
— Arrête…
Ciel tend la main vers moi, mais je recule d’un pas précipité.
— Ne me touchez pas !
Il se fige, une ombre de tristesse traversant son regard.
— Je ne veux pas te faire peur. Je veux juste que tu te souviennes…
Je lutte pour reprendre mon souffle, le cœur battant à tout rompre.
Tout ça… Ce n’est pas possible.
Mais alors, pourquoi ai-je la sensation que je viens d’entrevoir une vérité que j’ai toujours connue ?
Je sors de la chambre en titubant, le souffle court, les mains tremblantes. L’air de l’hôpital me semble soudain oppressant, trop lourd, trop chargé d’une vérité que je ne veux pas affronter.
— Ce n’est pas réel… Ce n’est pas possible…
Mais alors pourquoi mon cœur bat-il si vite ? Pourquoi la douleur sous ma peau s’intensifie-t-elle chaque fois que Ciel me parle, chaque fois qu’il me regarde avec ces yeux brûlants de reconnaissance ?
Je me réfugie dans mon bureau et referme la porte derrière moi. Mes jambes lâchent, et je me laisse tomber sur ma chaise, enfouissant mon visage entre mes mains.
— C’est un patient comme un autre… Un simple inconnu…
Mais ce n’est pas vrai.
Je le ressens au plus profond de mon être.
Un frisson glacé me parcourt l’échine. J’attrape mon téléphone, le cœur en vrac, et ouvre l’écran. Toujours aucun message du numéro inconnu. Qui que ce soit, cette personne sait quelque chose.
Je devrais appeler la police, signaler cet étrange message. Mais une partie de moi hésite.
Parce qu’au fond… je veux savoir.
Je ferme les yeux, et l’image de Ciel s’impose à mon esprit. Son regard intense. Sa voix rauque. Ses cicatrices qui ressemblent étrangement aux brûlures que je ressens parfois sous ma peau.
— Il ment… Il doit mentir…
Mais alors, pourquoi ai-je cette impression d’être au bord d’un précipice, prête à me souvenir d’une chose que je n’aurais jamais dû oublier ?
Ciel
Je fixe la porte par laquelle Lysandra vient de disparaître, mes poings serrés sur les draps.
Elle a peur.
Je le vois dans ses yeux, dans la façon dont elle me fuit comme si j’étais un monstre. Et pourtant, son corps se souvient. Son âme reconnaît la mienne, même si son esprit rejette la vérité.
Je ferme les yeux un instant, laissant l’écho du passé me traverser.
— Lysandra…
Je me rappelle la chaleur suffocante des flammes, la douleur insoutenable de la séparation. Ses cris déchirants. La promesse brisée de ne jamais se quitter.
Et maintenant, elle est là, devant moi, sans souvenir de ce que nous avons traversé.
Je serre la mâchoire.
— Ça ne se passera pas comme la dernière fois…
Cette fois, je ne la laisserai pas partir.
Je me redresse lentement, malgré la douleur lancinante qui traverse mon torse. Mes brûlures ne sont pas seulement physiques. Elles sont le poids de mon existence passée, le fardeau d’un amour maudit qui refuse de s’éteindre.
Lysandra peut me repousser autant qu’elle veut.
Mais tôt ou tard… elle se souviendra.
LysandraJe n’ai pas dormi de la nuit.Impossible d’effacer son regard de mon esprit, impossible de ne pas ressentir cette brûlure persistante sous ma peau.Ciel Donovan… Qui est-il vraiment ?Je me tiens devant le miroir de la salle de repos, observant mon reflet avec insistance, cherchant une trace, un indice qui me prouverait que tout cela n’est qu’un délire.Mais il n’y a rien. Juste mes propres yeux fatigués et l’écho de ses mots qui résonnent encore dans ma tête.— Tu as brûlé avec moi…Je secoue violemment la tête et sors précipitamment. J’ai besoin d’air. D’éloigner cette sensation d’être au bord d’un gouffre.Je traverse les couloirs de l’hôpital, le pas rapide, comme si je pouvais fuir quelque chose d’invisible. Mais il est partout. Dans mes pensées, dans cette chaleur anormale qui pulse sous ma peau, dans cette obsession qui me dévore sans que je puisse l’expliquer.J’essaie de me concentrer sur mes patients, sur mes dossiers, mais chaque fois que je baisse ma garde, des im
LysandraJe m’enferme dans mon bureau, le dos contre la porte, le cœur battant à tout rompre.Je tremble encore. Pas à cause de la fatigue, ni du stress… mais à cause de lui.Ciel Donovan.Chaque fois qu’il me parle, chaque fois qu’il me regarde, c’est comme si mon corps se souvenait de quelque chose que mon esprit refuse de voir.Et cette chaleur… cette brûlure sous ma peau…Je passe une main sur mon bras, là où il m’a effleurée. Ma blouse est froide, mais ma peau en dessous est brûlante.— Qu’est-ce qui m’arrive ?Je ferme les yeux, cherchant à apaiser le chaos dans ma tête. Mais aussitôt, des images surgissent. Des fragments, des flashs incohérents.Du feu.Un cri.Des mains qui s’accrochent aux miennes avant d’être arrachées.Je rouvre les yeux en sursaut, une sueur glacée coulant le long de ma nuque.— Non…Ce ne sont pas des souvenirs.Ça ne peut pas l’être.J’ai toujours eu les pieds sur terre. Je suis médecin, rationnelle. Ce que Ciel insinue n’a aucun sens.Et pourtant…Pourq
CielLes portes de l’ascenseur se referment, nous enfermant dans un espace réduit où chaque respiration, chaque battement de cœur semble résonner plus fort.Lysandra est là, si proche, et pourtant elle lutte encore.Je le vois dans la tension de ses épaules, dans la façon dont elle évite mon regard. Elle sent la vérité, elle la devine… mais elle refuse d’y croire.Je pourrais lui laisser du temps.Je pourrais lui permettre de comprendre les choses par elle-même.Mais je ne le ferai pas.Parce que le temps, nous en avons déjà trop perdu.— Pourquoi es-tu venue ? demandé-je doucement.Elle serre les poings, son regard se braquant sur les chiffres de l’ascenseur qui défilent lentement.— Je ne sais pas.Un demi-sourire étire mes lèvres.— Mensonge.Elle tourne enfin la tête vers moi, les sourcils froncés.— Qu’est-ce que tu me fais, Ciel ? murmure-t-elle, la voix plus fragile qu’elle ne voudrait le montrer.Je m’approche légèrement, réduisant encore l’espace entre nous.— Je ne fais rien
CielLysandra me regarde comme si j’étais une illusion, un mirage qu’elle veut à la fois comprendre et fuir. Son souffle est court, son regard vacille, mais elle ne recule pas davantage.C’est un progrès.Je l’observe, laissant le silence s’installer entre nous. Elle doit assimiler. Je pourrais lui en dire plus, lui donner tous les détails… mais ce n’est pas à moi de forcer son esprit à accepter l’inacceptable.Elle l’a vu. Elle l’a ressenti.Maintenant, elle doit choisir d’y croire.— Et si je refuse d’y croire ? murmure-t-elle.Je croise les bras, la fixant sans ciller.— Alors ton corps continuera de te rappeler que c’est réel.Elle tressaille légèrement, et mon regard glisse sur sa main qui se referme sur son poignet, comme si elle pouvait étouffer le feu sous sa peau.— Ce n’est pas un jeu, Lysandra. Ce n’est pas une coïncidence. Nous avons été détruits une fois. Si nous ne faisons rien, ça recommencera.Elle redresse le menton, une étincelle de défi dans les yeux.— Et si je ne
LysandraMon souffle s’accélère.Je scrute chaque recoin de ma chambre plongée dans l’obscurité, à l’affût du moindre mouvement, du moindre bruit suspect.Mais il n’y a rien.Juste ce silence oppressant, ce vide qui semble sur le point d’exploser.Pourtant, mon instinct hurle qu’elle est là.Quelque part.Je déglutis avec difficulté et me dirige lentement vers la fenêtre. Mon reflet se superpose aux lumières de la ville. Mon cœur cogne contre ma cage thoracique tandis que mes yeux balayent la rue en contrebas.Et c’est là que je la vois.Une silhouette, immobile, sous un lampadaire.Une femme.Elle est trop loin pour que je distingue ses traits, mais quelque chose dans sa posture me glace le sang.Elle ne bouge pas.Elle regarde droit vers ma fenêtre.Vers moi.Un frisson parcourt mon échine et je recule instinctivement. Mon dos heurte la commode et un bruit sourd brise le silence.Quand je lève les yeux à nouveau…Elle a disparu.Je suffoque presque. Mon esprit se bat entre la raison
LysandraMa peau brûle.Je fixe cette marque sombre sur mon poignet, mon cœur battant à tout rompre.Ciel la contemple avec une intensité qui me donne le vertige, comme si cette simple vision confirmait le pire.— Qu’est-ce que ça veut dire ? murmuré-je, la gorge sèche.Il passe une main dans ses cheveux, son expression sombre, et souffle :— C’est un sceau.— Un sceau ?— Une empreinte. Isolde marque toujours ses proies avant de les détruire.Un frisson me traverse.— Et qu’est-ce que ça fait ?Il serre les dents avant de répondre.— Ça ronge ton esprit. Ça sème des doutes, des illusions, des cauchemars… Jusqu’à ce que tu cesses de te battre.Je secoue la tête, refusant d’accepter cette idée.— Je ne vais pas me laisser briser.— Tu n’as pas idée de ce qu’elle est capable de faire, Lysandra.Son regard est grave, mais au lieu de me terrifier, cela me met en colère.— Tu crois que je vais juste me laisser faire ? Que je vais la laisser m’effacer ?Ciel ne répond pas immédiatement.Pui
CielJe fixe la marque qui serpente autour de son poignet.Elle s’étend.Elle s’enracine.Lysandra tremble encore, son souffle court, ses pupilles dilatées par l’horreur de ce qu’elle vient de vivre.Je serre les poings, la rage bouillonnant en moi.— Elle joue avec toi, dis-je d’une voix rauque.Lysandra relève des yeux troublés vers moi.— Ce n’était pas juste un rêve, murmure-t-elle. Je l’ai sentie. Elle était là.Je hoche la tête.— Elle teste son emprise. Elle veut voir combien de temps tu tiendras avant de craquer.Elle secoue la tête, comme pour chasser l’ombre d’Isolde encore ancrée dans son esprit.— Je ne céderai pas.Son courage me frappe. Malgré la peur, malgré la douleur, elle refuse de plier.Mais je sais qu’Isolde est patiente. Elle n’a pas besoin de se précipiter. Elle va s’immiscer dans son esprit, goutte après goutte, jusqu’à ce que Lysandra ne puisse plus distinguer la réalité de l’illusion.Je m’approche et prends doucement son poignet entre mes mains.— On doit ar
Ciel Et pourtant…Je fixe Lysandra, assise en face de moi, les doigts effleurant la marque dorée sur son poignet. Son expression oscille entre la fascination et l’inquiétude.— Tu ressens quelque chose ? demandé-je.Elle hoche lentement la tête.— C’est étrange… Comme si… Elle marque une pause, ses yeux se plissant légèrement. Comme si je pouvais deviner tes émotions.Je tressaille.Ce n’était pas censé arriver aussi vite.Le lien est plus fort que je ne l’avais prévu.— Tu es troublé, dit-elle soudain.Je détourne le regard.— Ce n’est rien.— Ne me mens pas.Je soupire, passant une main sur ma nuque.— Le lien est puissant. Plus puissant que je ne l’avais anticipé. Ça veut dire que…— Que nous sommes connectés bien plus que prévu ?Elle a toujours été rapide à comprendre.— Oui.Elle pince les lèvres, réfléchissant.— Ça veut dire que je peux ressentir ce que tu ressens, c’est ça ?Je hoche la tête.Elle plisse les yeux.— Alors pourquoi j’ai l’impression que tu es en colère ?Je m
LysandraL’aube se lève lentement, teintant le ciel de nuances douces, trop paisibles pour ce que je ressens à l’intérieur. Mon corps est encore brûlant de sa présence, mes lèvres portent la trace de ses baisers, et pourtant, une peur sourde s’accroche à mes entrailles.Ciel dort, son souffle calme, son bras autour de ma taille comme s’il avait peur que je disparaisse. Mais ce n’est pas moi qui fuis.C’est lui.Et ce matin, je refuse de le laisser partir sans avoir mis des mots sur ce qui nous consume.Je me redresse lentement, le cœur battant plus fort que je ne le voudrais. Il grogne légèrement, ses cils frémissent avant qu’il ne cligne des yeux.— Lys…Sa voix est rauque de sommeil, son bras cherche à m’attirer contre lui, mais je ne bouge pas.— On doit parler.Il se fige. Juste un instant. Puis, il pousse un soupir avant de se redresser, s’appuyant sur un coude.— Ça sonne grave.— Ça l’est.Il passe une main dans ses cheveux, visiblement en train de peser ses mots. Je ne lui lai
LysandraCiel dort. Enfin.Son souffle est irrégulier, comme s’il luttait encore contre quelque chose dans son sommeil. Je pourrais passer la nuit à le regarder, à veiller sur lui, mais la tension dans mon corps est insupportable.Je sors.L’air est froid, tranchant. La mer est calme, mais le silence est trompeur. Tout est toujours sur le fil.Comme nous.Je serre mes bras autour de moi. Je devrais être soulagée. Ciel est là. Il est vivant. Pourtant, une angoisse sourde me ronge. Comme si rien n’était réellement terminé.— Tu comptes rester dehors toute la nuit ?Je sursaute.Ciel est sur le seuil, torse nu, une couverture jetée sur ses épaules. Ses yeux sombres me sondent.— Tu devrais te reposer, dis-je doucement.— Toi aussi.Il s’avance lentement. Son visage est fermé, mais son regard brûle.— Je n’y arrive pas, murmuré-je.Il s’arrête juste devant moi.— Pourquoi ?Je détourne les yeux.— Parce que j’ai peur.— De quoi ?— Que tu disparaisses encore.Il pose une main sur ma nuque
LysandraLes jours passent, mais quelque chose s’est brisé en lui.Je le vois. Je le ressens.Ciel ne parle presque pas. Il est là, physiquement, mais son esprit semble toujours perdu dans cet espace entre la vie et la mort. Il dort peu, et quand il ferme les yeux, c’est pour se réveiller en sursaut, tremblant, le souffle court.Je ne pose pas de questions.Je sais ce que c’est.Je sais ce que c’est d’avoir vu l’autre côté et d’en être revenu avec des cicatrices invisibles.Mais ça me tue de le voir ainsi.Alors, aujourd’hui, j’ose.— Viens avec moi.Il lève un regard fatigué vers moi.— Où ?— Juste… viens.Il hésite, puis hoche la tête.Je l’emmène hors de la chambre, hors de ces murs qui semblent l’étouffer. Je l’emmène là où le vent est frais, là où l’air sent autre chose que l’odeur sterile des draps et du désinfectant.Il marche lentement, comme si son corps ne lui appartenait plus tout à fait.Quand nous atteignons la plage, il s’arrête.Le ciel est gris, l’océan agité, mais mo
LysandraLe silence.Il y a ce silence, lourd, oppressant, entre nous.Ciel dort. Enfin, il s’est assoupi, épuisé par la douleur et les jours d’inconscience. Sa main repose toujours dans la mienne, et je me surprends à en suivre du doigt chaque ligne, chaque relief. Comme pour me convaincre qu’il est là. Vraiment là.La peur ne m’a pas quittée.Elle est là, tapie dans l’ombre, prête à bondir au moindre signe de faiblesse.Parce que je sais.Je sais qu’il revient de loin. Trop loin.Son souffle est calme, mais son visage est marqué. La fièvre l’a quitté, mais son corps porte encore les stigmates de ce combat silencieux.Et moi ?Je suis là, prisonnière de ce moment, incapable de me détacher de lui.La porte s’ouvre doucement derrière moi.Je me retourne et croise le regard d’Isolde.— Il dort enfin ? murmure-t-elle.J’acquiesce, incapable de parler.Elle s’approche, pose une main sur mon épaule.— Tu devrais te reposer aussi.Je secoue la tête.— Je ne peux pas.Pas maintenant. Pas tan
LysandraCiel dort.Son souffle est plus régulier. Sa main repose toujours dans la mienne, et je ne peux pas me résoudre à la lâcher.La pièce est silencieuse, troublée seulement par la respiration lointaine des vagues qui s’échouent contre les rochers.Depuis combien de temps suis-je assise là ?Les heures se sont effilochées dans l’attente, mais mon cœur refuse de se détendre. Chaque battement est un rappel brutal de ce que j’ai failli perdre.Je n’ai jamais eu aussi peur.Pas même lorsque tout a basculé, lorsque j’ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même.Parce que cette fois, ce n’était pas moi.C’était lui.Et l’idée de perdre Ciel…Un frisson me parcourt, comme si mon propre corps refusait d’envisager cette pensée.— Tu devrais te reposer.La voix grave me fait sursauter.Je me retourne et trouve Elijah, adossé au mur, les bras croisés. Il a cet air à la fois sévère et soucieux qu’il prend toujours quand il me regarde trop longtemps.Je secoue la tête.— Je ne peux pa
LysandraLe silence après l’orage est toujours plus terrible.Ciel a rouvert les yeux, a murmuré quelques mots, mais son souffle est encore si fragile que je n’ose pas me réjouir. Il oscille entre conscience et inconscience, comme suspendu au bord d’un précipice.Et moi, je suis là, incapable de détourner le regard.Nova et Nash font tout ce qu’ils peuvent. Ils nettoient, suturent, appliquent des compresses imbibées de plantes que je ne connais pas. Je devrais leur faire confiance, mais je n’y arrive pas.— Il va s’en sortir ?Ma voix tremble malgré moi.Nash ne répond pas tout de suite. Il termine de bander la blessure de Ciel, son expression grave.— On a stabilisé l’hémorragie. Mais il a perdu beaucoup trop de sang.— Ça veut dire quoi ?— Que les prochaines heures seront décisives.Un poids s’abat sur ma poitrine.Les prochaines heures.Je les compte déjà. Je m’imagine à chaque minute guetter le moindre changement dans sa respiration, scruter le moindre mouvement de ses paupières.
LysandraL’eau scintille sous les premières lueurs du jour, mais je ne vois rien.Tout ce qui compte, c’est la main glacée que je serre entre les miennes.Le souffle de Ciel est si faible que chaque seconde qui passe me semble être la dernière.Je devrais prier. Supplier. Mais les dieux ont tourné le dos à ceux comme nous depuis longtemps.Alors je me contente de murmurer son prénom, encore et encore.Calloway est en vue.Un port de contrebandiers, un repaire pour ceux que la mer a brisés.— Préparez-vous à accoster ! crie Kael.Je l’entends à peine.Quand le bateau tangue légèrement en s’approchant des quais, je serre les dents. Chaque mouvement me rappelle que le temps nous est compté.Nova est déjà en train d’attraper son sac de soins, mais elle sait autant que moi que ce qu’il lui faut dépasse ce qu’elle peut offrir.— On va devoir le porter, dit-elle.— Je m’en occupe.Ma voix est plus tranchante que je ne l’aurais voulu.Je passe un bras sous ses épaules, un autre sous ses jambe
Lysandra— Non !Mon cri se perd dans le vacarme. Je me précipite vers Ciel, mes jambes brûlantes d’effort, mes poumons en feu. Le sang s’écoule sous lui, tachant les pavés déjà souillés. Une balle logée quelque part dans son torse, trop près du cœur.— Ciel !Je tombe à genoux à ses côtés, mes mains cherchant désespérément la blessure, pressant la plaie pour ralentir l’hémorragie. Son regard se pose sur moi, fiévreux, mais il reste conscient.— Lysandra…— Ne parle pas.Ma voix tremble. Je ne peux pas le perdre. Pas maintenant.— On doit bouger ! crie Kael derrière moi.Les derniers hommes encore debout nous encerclent. J’attrape mon arme d’une main, déterminée à ne laisser personne l’approcher. Nova abat un homme à ma droite, Kael tire sans relâche, couvrant notre retraite.— Lys, il faut qu’on parte !Mais je refuse de lâcher Ciel.Il tressaille sous moi, sa respiration saccadée.— Tuez-les tous, rugit une voix derrière nous.Le chef ennemi.Je lève les yeux. Il s’avance, un sourir
LysandraLe vent marin s’est chargé de cendres et de sang. L’odeur est âcre, poisseuse, et pourtant, elle n’a rien d’inhabituel. Je suis accroupie derrière un amas de débris, mon souffle contrôlé, ma lame encore tiède de la dernière vie que j’ai prise. Mes doigts la serrent plus fort que nécessaire.Le silence après une bataille est toujours le plus étrange. Juste après l’explosion, le chaos, les hurlements, il y a ce vide absolu. Comme si le monde retenait son souffle, comme si la mort elle-même observait, satisfaite.Nova sort de sa cachette le premier, essuyant son front d’un revers de main. Il nous jette un regard rapide, analyse la situation, et murmure :— On doit bouger.Ses mots sont inutiles. On le sait. Ciel, lui, est déjà en mouvement, ses pas légers, ses gestes précis. Kael descend du toit et atterrit souplement, ses yeux fixés sur les corps à terre.— Ils avaient des renforts. Pas loin.Je hoche la tête, mon cœur reprenant un rythme plus violent. On n’a pas le luxe de s’a