Louis Je détourne un instant les yeux, juste une seconde, cherchant dans la foule un visage qui n’est pas là. Anna. Partie. Cachée. Et moi… condamné.Ma voix est froide, implacable.— Oui.Camille sourit. Un sourire victorieux. Elle croit qu’elle m’a eu. Elle ignore qu’elle ne sera jamais plus qu’un nom sur un papier. Une marionnette.On m’apporte l’anneau. Je le glisse à son doigt sans trembler. Elle frissonne, se sentant enfin à sa place, là où son ambition l’a menée.Mais au fond de moi, tout s’éteint. Et dans ce silence intérieur, une seule image subsiste : celle d’Anna, nue dans mes draps, le regard suppliant, les larmes aux cils.Je me marie aujourd’hui. Mais je n’appartiens qu’à elle. À jamais.AnnaLe ciel de Paris est gris, lourd, menaçant. Tout en moi est à son image : morne, vide, écrasé par un poids invisible qui me broie lentement. Je marche sans but dans les ruelles du quartier, fuyant cette chambre qui n’est plus qu’une cage dorée, fuyant surtout la douleur qui me dévo
AnnaJe ne comprends pas ce qu’il se passe. Il est là, devant moi, debout dans cette chambre étouffante où j’ai trop pleuré, trop gémi, trop souffert. Et ses mots tombent, tranchants, sans appel.— Tu quittes cet endroit. Aujourd’hui.Je le regarde, interdite, la gorge nouée.— Qu… quoi ?Louis s’avance, son regard brûlant ancré dans le mien. Il ne laisse aucune place à la discussion.— Tu ne restes plus ici, Anna. Je t’ai laissée trop longtemps dans cette putain de maison close. C’est terminé. Tu viens avec moi.Je me lève doucement, fébrile, tentant de comprendre ce qu’il mijote encore.— Où… Où veux-tu m’emmener ?Il esquisse un sourire froid.— J’ai acheté une villa. Assez grande, à l’écart de Paris. Personne ne viendra t’y chercher. Personne n’aura le droit d’y mettre un pied sans mon autorisation.Je fronce les sourcils, la colère et la peur s’entremêlant.— Tu veux m’enfermer ailleurs, c’est ça ? Me cacher comme une honte, loin des regards, loin d’elle…Il claque la main sur la
AnnaLes jours s’étirent dans cette villa aux murs trop blancs, aux dorures étouffantes. Je m’y perds, prisonnière d’un luxe qui m’éloigne de tout ce que j’étais. Pourtant, doucement, une présence s’immisce dans ce vide. Clara.Elle est différente d’Hélène. Moins froide, moins distante. Mais jamais elle ne dépasse la limite invisible que Louis a posée. Toujours, elle me parle avec cette retenue qui m’arrache un pincement au cœur. Toujours, elle m’appelle Madame.— Madame… il fait beau aujourd’hui. Peut-être pourriez-vous prendre l’air, dans le jardin. Je pourrais vous accompagner… si vous le souhaitez.Sa voix tremble légèrement. Je lève les yeux, surprise qu’elle ose même me proposer cela.— Louis ne veut pas…Clara baisse aussitôt la tête.— Pardon, Madame… Je n’aurais pas dû… C’est que… le jardin est vaste. Et je me disais… vous ne risquez rien.Je laisse échapper un soupir, lasse de cette soumission permanente. Mais la solitude me ronge plus encore que ses manières. Alors, j’acqui
AnnaLe jour se lève à peine lorsque je sens son regard sur moi. Allongée nue dans ses draps, je me sens vulnérable, exposée. Louis ne dort pas. Il me fixe, le regard sombre, pensif.— Réveille-toi, murmure-t-il en caressant ma hanche d’un geste possessif. Je t’emmène.Je rouvre les yeux, la gorge nouée. Mon corps me fait mal, souvenir de sa brutalité de la veille. Mais je n’ose rien dire. Je me contente d’hocher la tête.Louis se lève, s’habille sans détourner les yeux de moi. Toujours ce regard qui me cloue sur place, qui me rappelle à chaque seconde à qui j’appartiens.— Prépare-toi. Clara t’aidera. Tu seras belle. Je veux que tous te voient. Que tous sachent.Je fronce les sourcils, surprise.— Où… Où m’emmènes-tu ?Il sourit, un sourire froid.— Au casino. Tu dois apprendre à marcher à mes côtés. À être vue comme la mienne.Une boule d’angoisse se forme dans ma poitrine. Je sais ce que cela signifie. Les regards, les murmures. Sa femme officielle, Camille, les hommes, les femmes,
AnnaLe matin se lève doucement sur la villa. J’ouvre les yeux avec difficulté, chaque muscle de mon corps me rappelle la nuit que je viens de traverser. Une nuit à la fois brûlante et cruelle, marquée de sa possessivité. Louis n’est plus à mes côtés.Le lit est froid. Mon cœur se serre. Je me redresse lentement, le regard perdu dans la pièce immense et silencieuse. Cette villa ressemble plus à une prison dorée qu’à un refuge.La porte s’ouvre sans un bruit. Clara apparaît, les yeux baissés, les mains croisées devant elle.— Monsieur m’a demandé de vous servir le petit-déjeuner dans la chambre, madame.Toujours ce « madame » qui me glace. Une barrière invisible entre elle et moi, imposée par Louis.Je hoche la tête en silence. Clara s’exécute, dépose le plateau sur la table basse.— Monsieur est dans son bureau. Il m’a ordonné de vous rappeler qu’aujourd’hui… vous ne sortez pas.Mon ventre se noue. Il me prive encore de cette maigre liberté.Clara s’éclipse, me laissant seule avec le
AnnaJe me réveille lentement, le corps engourdi, douloureux. La lumière filtre à travers les rideaux, douce, presque irréelle après la nuit que je viens de vivre. Chaque parcelle de ma peau me rappelle ses gestes, ses morsures, ses mains possessives. Je ferme les yeux un instant, la gorge serrée. Je me sens marquée, dévorée… brisée et entière à la fois.Un bruit de verre me fait sursauter. Je tourne la tête et le découvre, assis dans un fauteuil près de la fenêtre. Il me regarde, un verre de whisky à la main, la mâchoire serrée. Son regard est sombre, indéchiffrable.— Réveille-toi, Anna… murmure-t-il d’une voix rauque.Je me redresse difficilement, la couverture glissant sur mes épaules nues. Mes joues s’empourprent sous son regard lourd.— J’ai commandé à manger… Tu as besoin de reprendre des forces.Il se lève, s’approche et caresse ma joue du bout des doigts. Son geste me fait frissonner. Pourquoi ai-je cette impression qu’il est en train de se battre contre quelque chose qu’il n
CamilleLe silence pèse dans cette demeure où je ne suis qu’une présence vide, une épouse que l’on tolère sans jamais regarder. Une semaine déjà… Une semaine de ce mariage imposé, de cette farce mondaine où je porte son nom sans jamais goûter à sa peau. Il m’ignore, me fuit comme si j’étais une malédiction.Mais ce soir… ce soir, je refuse d’accepter cette distance. Je suis Camille Moreau désormais, et il apprendra que je ne suis pas une femme qu’on repousse.Je l’entends. L’eau s’abat sur lui dans la salle de bain. Le clapotis régulier résonne dans le couloir vide, m’attirant comme une sirène maudite. Lentement, j’avance. Mon cœur bat trop fort, mon orgueil saigne déjà d’avance, mais je me force à ouvrir cette porte qui le cache à mon regard depuis trop longtemps.La vapeur m’enveloppe, suffocante. Il est là, dos à moi, l’eau ruisselant sur ses épaules larges, sa nuque que j’imagine brûlante. Sa puissance animale me coupe le souffle. Il est mien, mais je ne l’ai jamais eu.Je dégluti
AnnaLa nuit s’étire, pesante, suffocante. Je ne trouve pas le sommeil. La villa est silencieuse, si grande que chaque craquement du bois me fait sursauter. J’attends. Comme chaque nuit. J’attends son retour, incapable d’ignorer cette douleur sourde qui dévore mes entrailles.Et puis, enfin, les phares d’une voiture percent l’obscurité. Mon cœur se serre. Je me lève d’un bond, le souffle court. C’est lui. Je le sais. J’en suis certaine. Même l’air change quand Louis approche.La portière claque, résonne comme un coup de tonnerre dans la nuit. Ses pas résonnent sur les dalles de marbre de l’entrée. Lourds. Implacables. Il est là. Mon bourreau. Mon unique obsession.Je me tiens face à la porte, pieds nus, frêle silhouette dans cette immense demeure qu’il m’a donnée comme une cage dorée. Quand la porte s’ouvre, je retiens mon souffle. Louis entre, son manteau noir encore sur les épaules, les traits fermés, les mâchoires crispées. Ses yeux sombres se plantent dans les miens.Le silence es
LouisLe terminal mexicain est tout ce qu’on peut attendre d’un endroit où la chaleur et la poussière semblent se mêler. Mais rien ne m’impressionne. Pas cette chaleur étouffante qui me frappe dès que je mets un pied à l’extérieur. Pas ce bruit incessant de moteurs, de voitures et de marchés qui semblent s’étirer à l’infini autour de moi. Ce n’est pas la ville qui m’importe. C’est ce que je suis venu chercher. Elle.J’ai quitté l’aéroport dans la précipitation, une vague d’impatience et de colère en moi. C’est un autre monde ici, un endroit où les règles sont différentes, mais c’est aussi un endroit où je peux obtenir ce que je veux, peu importe les obstacles.Je prends l’un de mes jets privés. Pas un vol commercial, ni une étape trop lente. Non, cette fois-ci, il n’y a pas de place pour les demi-mesures. Un jet. Directement vers la petite ville où Clara m’a dit qu’Anna se cachait. Rien de plus. La rapidité, la discrétion. Je n’ai pas le temps d’errer dans des hôtels ou des quartiers
LouisJe suis épuisé, mentalement et physiquement. Chaque respiration est lourde, chaque pensée me tire plus profondément dans un abîme sans fin. Rien dans ce foutu casino ne parvient à me distraire. Rien ne parvient à éteindre ce feu brûlant dans ma poitrine. Camille me pèse, l’impossibilité d’échapper à mes responsabilités me hante, et l’absence d’Anna me consume chaque jour un peu plus.Je n’ai plus la force d’être ce que je devrais être, ce que tout le monde attend de moi. L’homme impitoyable. L’homme de fer.Je sors du bureau, je laisse derrière moi la lumière crue, les éclats de voix des employés et les regards inquiets de ceux qui m’observent toujours, un peu trop attentivement. Mes pas résonnent dans le hall désert. La nuit, la vraie, m’enveloppe dès que je franchis la porte.La voiture m’attend, fidèle, silencieuse, prête à m’emporter là où personne ne me connaît. Là où je peux m’oublier, ne serait-ce qu’un instant. Là où je peux fuir cette cage dorée que j’ai construite pour
LouisLa maison est plongée dans un silence lourd, oppressant. Je suis toujours là, dans mon bureau, les yeux rivés sur les écrans, à attendre, à chercher des indices, à analyser chaque détail comme un fauve prêt à bondir. Mais rien ne me fait oublier. Rien ne me fait oublier qu’elle m’a échappé. Anna. La pensée de sa fuite me ronge de l’intérieur, encore et encore.Camille n’est pas encore revenue. Je sens son absence comme une présence, comme une pression qui m’écrase la poitrine. Elle a été distante toute la soirée, plus absente que jamais. Je sais qu’elle s’inquiète. Mais ça m’agace. Ce n’est pas le moment. Pas pour ses questions, ni pour ses tentatives d’approches.Je regarde l’heure. Il est déjà bien après minuit. Le son des clefs dans la serrure me tire de mes pensées. Camille est de retour. Je me redresse, mais je ne bouge pas. J’attends, une tension croissante se formant dans l’air. La porte du bureau s’ouvre doucement. Elle entre, un peu hésitante, comme si elle savait qu’el
LouisJe suis là, dans mon bureau, le regard fixé sur l’écran de mon ordinateur, mais mes pensées ne vont nulle part. La colère bouillonne toujours en moi, un tourbillon incessant qui refuse de s’éteindre. Tout ce que je vois, tout ce que je touche, me rappelle Anna. Elle, sa fuite, son visage… la promesse qu’elle m’a faite et que, dans sa peur, elle a brisée.Je serre les poings, les jointures blanches sous la pression. Chaque clic sur le clavier résonne comme un écho dans ma tête. Le travail est une distraction, mais il n’est qu’une illusion. Mes pensées reviennent sans cesse à elle. Qu'est-ce qu'elle fait ? Où est-elle ? Pourquoi m'a-t-elle échappé ? Pourquoi ai-je échoué ?Je me redresse et regarde la pièce autour de moi. Cette maison, ces murs, cette vie construite sur des fondations qui me semblent désormais fragiles, si fragiles. Camille entre dans le bureau, silencieuse comme toujours, mais ce soir, même sa présence ne m'apaise pas. Elle m’observe d’un air inquiet, les sourcil
AnnaJe me tiens devant le miroir, observant mon reflet avec une étrange sensation. Mes yeux suivent les contours de mon visage, les traits tirés, le regard plus sombre qu'autrefois. Mais c’est mon ventre qui capte toute mon attention.Je touche doucement la légère courbe, cette présence fragile qui commence à s’installer. Je suis enceinte. Je ne pensais pas que cela serait possible, après tout ce que j’ai traversé. Mais il est là, à l’intérieur de moi, un petit être fragile, qui bat et qui grandit sans que je puisse vraiment le comprendre.Ce n’était pas prévu. Au début, la peur m’a envahie. Comment vivre avec ça, dans cette fuite incessante, dans cette vie de mensonges et de secrets ? Mais plus le temps passe, plus je réalise que cet enfant… cet enfant est ma seule lumière. La seule chose vraie dans ce monde de ténèbres.Je me baisse, posant mes mains sur mon ventre, ressentant pour la première fois cette petite pression. Il est là, bien là. Et je le sens. Il vit. Et ça me donne une
Louis Elle pleure, tremblante, et ses yeux cherchent une issue. Mais il n'y en a plus. Pas pour elle.— Je… je sais pas… je… je vous en supplie… je vous le jure…Je lâche un soupir de dégoût, et je donne un autre ordre, ferme. Je ne m’arrêterai pas tant que je n’aurai pas ce que je veux. Tout ce que j’ai perdu. Et tout ce que je dois reprendre.— Alors faites-la parler, peu importe le prix.AnnaJe n’ai jamais été aussi loin de tout ce que j’ai connu. De tout ce que j’ai aimé. De tout ce que j’ai perdu.Il y a des moments où j’aurais voulu que tout cela n’existe pas. Que cette fuite, ce masque, cette vie de mensonges et de secrets ne soient qu’un mauvais rêve dont je pourrais me réveiller. Mais la réalité, elle, est implacable. Elle ne me laisse pas de répit.Je suis maintenant Silvia Warren. Un nom de plus parmi tant d’autres. Une inconnue dans une ville où personne ne me cherche, où tout ce qui me lie à mon passé est enterré sous des couches de poussière et de silence.Les États-Un
LouisJe ne peux pas m’arrêter. Pas maintenant. Pas tant qu’elle est encore en vie, tant qu’elle me défie à chaque seconde où elle me fuit. Clara est une erreur, une obstruction, mais elle n’est pas l’objectif final. Non, elle est juste un obstacle à écraser pour atteindre ce que je veux vraiment. Anna. Mon obsession.Je traverse le hall, mes pas résonnant comme un écho de la promesse que je m’étais faite ce soir-là. Les murs de mon empire sont solides, mais il y a des fissures, et c’est là que je vais frapper. Je n’ai plus de patience. Ni pour Clara, ni pour ses mensonges. Elle connaît la vérité, mais elle choisit de me mentir, de me faire perdre mon temps. Et cela, je ne le tolérerai pas.Je pousse la porte de la salle d’interrogatoire. Elle est là, toujours à genoux, tremblante, mais elle tente de masquer sa peur derrière une dignité qui n’a plus aucun sens. Elle croit encore qu’elle peut sortir de cette pièce indemne. Elle croit qu’elle peut garder son silence et en sortir indemne
LouisJe ne dis rien. Je ne bouge pas. Je la laisse se perdre dans ses pensées, dans ses mensonges. Elle se croit encore en contrôle, mais elle est déjà piégée, la vérité ne peut plus lui échapper. Mais Clara… Elle essaie encore de me faire croire qu’elle maîtrise la situation.Elle se crispe, un frisson court sur son dos. Elle essaie de regagner un peu de contenance, mais je vois que ça ne marche pas. La peur l’envahit de plus en plus, et j’aime ça. J’aime cette sensation de pouvoir. J’aime qu’elle sache qu’elle ne peut rien contre moi.Enfin, elle parle, sa voix un chuchotement tremblant :— Je… je ne sais pas où elle est, Louis. Je vous jure… je ne sais rien…Elle me regarde droit dans les yeux, ses lèvres tremblantes. Mais son regard, trop fuyant, trahit son mensonge. Elle sait. Elle sait où Anna se cache. Mais elle croit que je vais la croire. Que je vais lui accorder une chance.Je me rapproche lentement, un pas après l’autre. Elle recule, mais elle est déjà acculée. Il n’y a pl
LouisDeux mois plus tard Je suis là, assis dans la voiture, les poings toujours serrés, chaque muscle tendu. L’air est glacial, mais rien ne parvient à calmer cette brûlure qui consume mes entrailles. Ce n’est pas la peur qui me ronge, ni l’angoisse. C’est bien pire. C’est cette rage intérieure, cette furie silencieuse que je ne peux extérioriser. Je dois rester maître de moi. Pas de signes, pas d’indices qui trahissent ce qui se passe en moi.Adrien parle. Je n’écoute que d’une oreille distraite. Ses mots sont des bruits de fond. Il parle d’informations, de recherches, mais tout ça m’importe peu. Il ne voit pas l’étau se resserrer autour de ma poitrine, il ne perçoit pas la chaleur qui s’intensifie sous ma peau. Il ne sait pas que je suis au bord de l’explosion.Je respire profondément, une tentative vaine pour calmer ce feu qui me brûle. C’est elle. Anna. Elle est partie, elle m’a échappé. Elle m’a laissé seul avec ce vide, avec cette absence qui me ronge plus sûrement que n’impor