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Père, le seul homme qui avait jamais montré une once d’amour pour moi, n’était plus là. J’avais envie de pleurer, mais j’avais déjà versé la plupart de mes larmes la veille. De plus, j’avais appris que sangloter ne changeait rien, pas plus que se blottir sous une couverture et se cacher dans son lit toute la journée. Je me devais plus que des larmes, plus que le déni.

Mais la fraîcheur de mon chagrin d’amour tournait encore dans mon ventre, et il y avait ce rire de dégoût de soi qui s’échappait de ma bouche lorsque je me douchais. Ma peau était sensible, et le moindre contact provoquait une onde de douleur, comme si on y plantait simultanément un millier d’aiguilles.

Je n’allais certainement pas m’en remettre de sitôt, mais j’allais faire un excellent travail pour ravaler ma peine.

Alors que je sortais de la pièce après m’être habillée rapidement, je trouvais Jake, mon collègue, les yeux rivés sur l’écran de télévision, les cheveux froissés et la peau sèche, signe évident qu’il ne s’était même pas rafraîchi. Sachant qu’il ne me gratifierait que d’un hochement de tête hésitant si je le saluais, je m’attelai à ma tâche, mais alors que je cherchais mon matériel, mes oreilles perçurent les propos d’une journaliste humaine aux informations, notamment parce qu’elle avait mentionné le nom de Garian,

— Nous sommes en direct de la grande résidence de la meute de L’Etoile du Nord, où plusieurs réactions ont commencé à fuser concernant la remise en liberté de la tueuse de loups-garous, Darcy Smith, par manque de preuves. Ce soir, le futur Alpha, Garian, a partagé ses pensées sur les morts mystérieuses qui ont été signalées pendant sa cérémonie de mariage et ont blessé le cœur des loups-garous qui se sentent trompés par le jugement.

Cette fois, je m’arrêtai pour écouter.

— Cependant, l’un des moments qui a déclenché des réactions parmi les utilisateurs des réseaux sociaux est la façon dont Garian a parlé du début d’une guerre entre les espèces et comment il a demandé à tous les loups-garous de se préparer.

C’était à la fois étrange, drôle et étrangement déconcertant. D’un seul coup, j’avais l’impression que tout ce que j’avais vécu la veille s’était produit une éternité auparavant, avec les rumeurs de guerre dans un environnement autrefois paisible. Pour la première fois en cinq jours, j’ouvris la bouche pour parler à Jake,

— Qu’est-ce qui se passe ?

Et pour la première fois, Jake répondit :

— Une guerre, Mida. Il va y avoir une guerre. Les humains vont nous tuer.

Chapitre 3

GARIAN

La mort ne suscitait aucune empathie. Puisque les humains délirants croyaient que les loups-garous n’étaient que des animaux qui apportaient la mort aux autres, il était logique de ne ressentir aucune émotion lorsque nous les détruisions.

— Appelez le conseil. Une guerre se prépare, et nous ne devons pas être pris au dépourvu!

C’était ma mère, Gemma, la Luna de la meute L’Etoile du Nord, en mode travail. Si les mots fort, déterminé, intrépide et courageux étaient battus ensemble dans un bol pour former un seul mot avec leurs significations, le résultat serait encore une sous-estimation pour qualifier la femme qui m’avait donné naissance mais avait dû se battre pour sa place dans le monde cruel de la politique des loups-garous.

Mais il n’en avait pas toujours été ainsi.

Il y a bien longtemps, lorsque les loups-garous vivaient encore dans l’ombre et luttaient pour exister, une relation symbiotique entre eux et la nature s’était développée et avait aidé les créatures à prospérer. Bientôt, le besoin de s’étendre s’était fait sentir et de nouveaux loups avaient rejoint la meute, construisant des structures qui étaient autant de souvenirs de ce qu’était L’Etoile du Nord ; une société de loups-garous travailleurs qui voulaient s’offrir une bonne vie – jusqu’à ce que nos véritables identités soient découvertes par les humains, qui nous avaient tout pris.

Les « Faucheurs », comme les humains étaient communément appelés, récoltaient ce qu’ils n’avaient pas semé, massacraient les métamorphes et les sorciers et s’emparaient de nos ressources, de nos cerveaux comme de nos muscles. Les projectiles technologiques mortels des humains et leurs réserves illimitées d’argent et d’aconit étaient des signes d’hommes qu’on ne pouvait pas toucher. Les Alphas qui avaient présidé le Conseil au cours des années passées n’avaient pas pu vaincre les humains jusqu’à ce qu’un Alpha prenne les rênes du pouvoir : Maverick, le père de Gemma.

Le début du règne de Maverick avait marqué un tournant dans la chronologie de L’Etoile du Nord, car la civilisation mondiale avait fini par reconnaître un traité de paix qui garantissait la sécurité et la pérennité des loups-garous. Nous ne serions plus anéantis par les humains, quelles que soient les circonstances, et le pouvoir politique et économique reviendrait de droit aux loups-garous.

Le commerce avec les humains était en outre autorisé, mais en échange, les loups devaient rester en dehors du territoire des humains et ne jamais y pénétrer. En cas de visite nécessaire dans le monde des humains, il fallait informer les autorités compétentes, qui délivraient des laissez-passer devant être tamponnés par les humains dans les aéroports.

La mort de Maverick avait marqué le début de celle de Gemma, et les choses semblaient aller bien jusqu’à récemment. Les humains avaient rompu le pacte qu’ils avaient conclu avec nous, plongeant tout le pays dans l’agitation.

Pourtant, malgré l’agitation, Gemma était toujours une mère. C’est pourquoi elle m’avait demandé :

— Ça va, Garian ? Tu dois être épuisé par les problèmes d’hier. Veux-tu te reposer un peu pendant que je...

— Alors qu’une réunion du conseil si importante est en cours ? Que vont penser de moi les aînés de la meute ?

Gemma haussa les épaules.

— Tu n’as pas besoin de te surmener pour impressionner le Conseil.

— Les membres se sont-ils réunis ? demandai-je.

— Oui, mon Seigneur.