— “On a retrouvé la voiture.”
Knox tenait son téléphone collé à l’oreille, les bottes plantées dans la terre sèche en bord de route. Son équipe s’activait derrière lui, lampes frontales, gants, drones au sol. La zone était bouclée.
À l’autre bout du fil, Grayson restait silencieux.
Knox continua :
— On a sécurisé le périmètre. Zéro caméra dans le coin, pas même de dashcam active dans le système embarqué. Quelqu’un a désactivé toutes les fonctions de surveillance avant la panne. Manuellement. De l’intérieur.
Un léger grésillement. Puis la voix basse de Grayson :
— Sabotage ?
— Clairement. Propre. Précis. Quelqu’un savait exactement ce qu’il faisait. Ils t’ont attendu ici, patron.
Knox s’éloigna de la voiture pour rejoindre un second périmètre, un peu plus bas sur le talus.
— Et le corps ?
Un soupir. Il s’arrêta devant une bâche noire. Deux hommes en combi la refermaient déjà.
— Homme seul. Encombrant mais mal préparé. Armes de poing. Aucune pièce d’identité. Dents limées, empreintes brûlées. Protocole typique de mercenaire indépendant ou nettoyeur à gage.
Silence.
Knox ajouta, plus bas :
— La gamine. C’est elle qui l’a eu, pas vrai ?
— Oui.
Knox jura à mi-voix. Pas de colère. De respect.
— Cette fille, c’est pas une civile normale. Elle a des réflexes.
— Elle m’a sauvé la vie, Callahan.
Knox fronça les sourcils. C’était rare, très rare, d’entendre Grayson reconnaître une dette. Il se redressa, les yeux rivés sur la forêt autour de lui.
— Je veux savoir qui savait que tu serais là, dit Knox. Qui a transmis l’heure, le lieu, la faille. Y’avait que cinq personnes au courant de cette réunion. Et trois d’entre elles bossent pour Blackwell depuis dix ans.
— Tu penses que c’est un traître ?
— Je pense que quelqu’un a mis un prix sur ta tête, et que ton propre staff n’est pas aussi étanche que tu le crois.
Grayson ne répondit pas. Knox attendit, puis reprit :
— J’ai deux équipes en route vers la ville. On va creuser. Silencieusement. Toi, reste planqué. On s’occupe du reste.
— Knox…
— Oui ?
— Fais-moi un rapport complet à l’aube. Et garde-moi au courant de tout.
— Bien reçu.
Il raccrocha.
Un de ses agents arriva avec une tablette.
— Chef. On a trouvé ça dans le compartiment moteur de la voiture.
Knox plissa les yeux. Une petite puce. Minuscule. Aucune inscription visible. Il la prit entre deux doigts.
— Bordel…
— Un mouchard ?
— Pire. C’est notre technologie. Version Blackwell. Modèle de contre-surveillance développé en interne l’an dernier.
— Donc ils ont eu accès aux prototypes ?
Knox se redressa. Son regard se durcit.
— Non. Pas "ils". Quelqu’un de chez nous. On a une taupe, et elle est proche du sommet.
Il regarda la forêt noire s’étendre devant lui.
— Et je parie que ce n’est que le début.
L’odeur du café fraîchement moulu se glissait doucement dans le couloir. La vieille cafetière du père Carter grinçait sur le comptoir, fidèle à lui-même. Dans la cuisine, Graham lisait son journal local comme tous les matins, en marcel et chaussettes dépareillées. Mais son regard restait rivé à la porte du salon.Grayson Blackwell dormait — enfin, reposait — sur le vieux canapé qui grinçait à chaque respiration. Une couverture militaire sur les jambes. Sa veste pliée en coussin. Le feu dans la cheminée s’était éteint depuis longtemps, ne laissant qu’un peu de cendre tiède.Il ouvrit un œil. Puis l’autre.Son corps le rappelait à l’ordre : tension dans les épaules, une vieille douleur au flanc gauche, et un goût métallique au fond de la gorge. Ce n’était pas une nuit, c’était un interrogatoire de ses propres démons.Son rêve… ou plutôt son cauchemar… revenait par vagues.Des coups de feu dans un couloir étroit. Un cri étouffé. Du sang sur ses mains. Et cette silhouette au fond du coulo
Grayson tenait le téléphone à son oreille, immobile dans l’air froid du matin. Derrière lui, la maison des Carter semblait presque irréelle, comme une parenthèse dans un monde qui ne lui appartenait pas.La voix de Knox grésillait à travers la ligne sécurisée.— On a retrouvé la voiture. Exactement là où la fille l’avait dit. Aucun dysfonctionnement électronique. Tous les systèmes étaient intacts.— Tu veux dire que quelqu’un a délibérément neutralisé les capteurs ? siffla Grayson.— Pas juste neutralisé. On a trouvé une boucle de code ajoutée dans le firmware. C’est du travail de pro. Quelqu’un a piraté ta voiture de l’intérieur, Gray. Et ce n’est pas passé par nos réseaux.Grayson se tut. Son cerveau alignait déjà les scénarios.— Et le corps ?— Éliminé proprement. Nos gars ont effacé toutes les traces sur place. Pas d’arme retrouvée, mais le type n’était pas un amateur. On a identifié son tatouage — un corbeau stylisé. Ça correspond à un groupe qu’on surveille depuis un moment. Ex
La lumière perçait à peine à travers les rideaux du salon quand Jade ouvrit les yeux.D’abord, le silence. Juste le tic-tac paresseux de l’horloge murale. Puis, une sensation bizarre dans son ventre. Comme si quelque chose avait changé. Elle se redressa lentement sur le canapé, les couvertures en désordre autour d’elle. Une odeur de café froid flottait dans la pièce… mais ce n’était pas elle qui l’avait fait.Son regard balaya la pièce. Vide.Le fauteuil était vide.La tasse à côté d’elle, pleine à moitié. Encore chaude il y a peu.Grayson était parti.Elle plissa les yeux. Pas un mot. Pas un claquement de porte. Il s’était envolé comme il était arrivé — hors du cadre, hors de ses règles à elle.Elle repéra un petit carré de papier sur la table. Un mot, griffonné rapidement.« Merci pour l’abri.— G »Elle serra la feuille entre ses doigts. Quelque chose dans cette écriture sûre, droite, l’agaçait autant que ça la troublait.Il ne s’était pas excusé.Il ne s’était pas expliqué.Elle se
L’infirmerie d’Elkridge Falls n’était pas bien grande. Deux pièces, un vieux ventilateur au plafond, une salle d’examen et une salle d’attente qui sentait le désinfectant, la poussière et le café brûlé.Jade marchait de long en large. Vingt pas. Tourner. Vingt pas. Recommencer. Marcus était resté dehors, les bras croisés, silencieux. Une des secrétaires du cabinet lui avait tendu un verre d’eau. Il était encore dans sa main, intact, tremblant légèrement.— Miss Carter ?Elle se retourna d’un bond.Doc Halter était là, les mains dans les poches de sa blouse blanche. Le médecin du village depuis toujours. Le genre d’homme qui avait vu naître la moitié des enfants d’Elkridge et soigné l’autre moitié pour des entorses, des rhumes ou des cœurs brisés.Mais là, il avait l’air… fatigué.— Dites-moi qu’il va bien, murmura Jade.Il haussa légèrement les sourcils, tenta un sourire rassurant.— Il est stable. On lui a fait une injection. Il est conscient, mais très faible. J’ai appelé un hélicop
Le jour s’était levé sur Manhattan comme une promesse trahie. Grayson Blackwell était debout depuis des heures. Devant lui, les vitres de son penthouse offraient une vue sur la ville, mais ses yeux, eux, étaient ailleurs.Il avait rêvé d’elle.Encore.Ses mains pleines de cambouis. Son regard farouche. Cette façon qu’elle avait de l’ignorer comme s’il n’était qu’un homme, pas un empire.Et cette nuit-là, il s’était réveillé avec un goût de manque au fond de la gorge.Il sirotait son café noir, le dos droit, sans distraction, quand Knox entra sans frapper. Le chef de sa sécurité ne le faisait jamais, sauf en cas d’urgence.— On a un problème, dit-il sans détour.Grayson releva lentement les yeux.— Continue.— Une alerte a été déclenchée sur le dossier médical d’un homme à Elkridge Falls. Graham Carter. Il a été héliporté hier à Millford Memorial. Crise cardiaque sévère.Grayson se figea.Le nom, il le connaissait trop bien. Et le visage de Jade s’imposa aussitôt.— Il a été opéré ? de
— Tu es fou, souffla Jade, les yeux rivés sur Grayson comme s’il avait perdu la tête.Fou. Il l’était peut-être. Mais pas irresponsable.— J’ai dit ce que j’avais à dire. Mon avocat est en route. Tu as cinq minutes pour te décider.Il la regardait sans fléchir, les mains dans les poches de son manteau hors de prix, comme s’il négociait un contrat de fusion entre deux multinationales. Et elle… elle était en baskets trouées, les mains tremblantes, le cœur sur le point d’éclater.Jade tourna les talons et s’éloigna de lui. Si elle restait à moins d’un mètre de ce type, elle allait le frapper. Fort. Très fort.**Le médecin sortit à cet instant de la salle d’opération pour annoncer que l’intervention allait commencer. Jade sentit ses jambes flancher. C’était maintenant ou jamais. Il lui fallait l’argent. Et ce diable en costume était sa seule porte de sortie.Cinq minutes plus tard, l’avocat entra dans la salle d’attente avec une mallette rigide, une tenue tirée à quatre épingles et un so
Jade descendit de la voiture de Grayson — une berline noire brillante, silencieuse comme une menace — avec la grâce d’un chat qui détestait être traîné en laisse. Elle n’avait pas eu le temps de se changer. Elle portait encore son jean, son tee-shirt froissé, et sa veste en jean trop grande. La seule chose neuve sur elle, c’était une paire de ballerines que l’assistante de Grayson lui avait littéralement lancé dans les bras à la dernière seconde.Grayson, lui, avait l’air sorti d’un magazine de luxe. Costume sur-mesure, cravate parfaitement nouée, regard de glace.Ils n’avaient rien à faire ensemble. Et pourtant.— Prête ? demanda-t-il en ajustant sa montre.— Non. Et j’aurais préféré me faire renverser par un bus.— Trop tard. Le contrat est signé.Jade leva les yeux au ciel.Ils entrèrent.La salle était presque vide. Juste un petit bureau administratif, une secrétaire aux cheveux bleus mâchant du chewing-gum, et un vieux juge au regard aussi vif qu’un détecteur de mensonges.— Mons
Jade avait passé la nuit entière à veiller sur son père. Installée dans ce fauteuil d’hôpital trop dur, elle n’avait pas fermé l’œil. Pas une seconde. Elle avait tenu sa main, veillé à chaque bip des machines, vérifié les moindres mouvements, comme si elle pouvait le protéger par la seule force de sa présence.Et enfin, au petit matin, Graham était passé en salle de réveil. L’opération s’était bien déroulée, d’après les médecins. Il était désormais réveillé, bien que faible et encore engourdi par les calmants. Mais il était là. Vivant. Et Jade pouvait respirer à nouveau.La lumière orangée du matin filtrait doucement à travers les stores. Jade, toujours assise au bord du lit, serrait la main de son père avec tendresse. Elle n’arrivait pas à détacher les yeux de lui. Chaque respiration était une victoire.— Tu te souviens, murmura-t-elle, la gorge nouée, quand je voulais repeindre la voiture rouge du garage en violet fluo ?Un léger grognement lui répondit. Graham entrouvrit les yeux.
Le garage résonnait d’un morceau de rock old school. Jade, concentrée, resserrait les boulons d’un moteur à moitié démonté. Mike s’approcha, torse en avant, chiffon à la main.— Tu veux que je te montre une astuce pour desserrer ce vieux truc ? demanda-t-il, un peu trop près.— T’inquiète, je sais le faire. Et si je me loupe, je t’offre un café, lança-t-elle avec un sourire.Mike rit doucement. Il lui prit doucement le poignet pour guider ses gestes. Le contact dura une seconde de trop. Jade le sentit mais ne dit rien, croyant à un geste innocent.Puis le vrombissement rauque d’un moteur de luxe fendit l’air. Une Maserati noire s’arrêta juste devant l’entrée. Les gars du garage levèrent les yeux.— Bordel, souffla l’un d’eux. C’est qui, ça ? Batman ?Mike se redressa d’un coup. Jade tourna la tête et elle le vit.Grayson Blackwell. Costume noir. Ray-Ban sur les yeux. Une aura de tempête.Il sortit de la voiture comme on entre dans une guerre. Lentement. Calculé. Froid. Magnétique.— O
Jade inspira profondément en poussant la porte du Mike’s Garage. L’odeur d’huile moteur, de métal chaud et de gomme brûlée l’enveloppa comme une vieille amie. C’était un parfum qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.— Eh, regardez qui est de retour ! lança Mike, en sortant de sous un capot, les mains noircies de cambouis.Il s’approcha d’elle avec un grand sourire, un torchon sur l’épaule. Il ne lui fit pas de remarque sur ses cernes ou sur son air perdu. Il se contenta de lui ouvrir les bras.— J’avais parié que t’allais revenir, dit-il en l’enlaçant brièvement. T’es une vraie, Jade. Ce garage t’aime bien.— Moi aussi, souffla-t-elle, un sourire discret aux lèvres.Le claquement métallique d’une clé à choc se mêlait à la musique rock diffusée en fond.Jade, en combinaison bleue remontée jusqu’à la taille, bras nus, front couvert de quelques gouttes de sueur, vissait une pièce sous le capot d’une vieille Mustang.— C’est du joli boulot, commenta Mike, accoudé à l’aile de la voiture.Il
Jade avait attendu. Espéré. Prié, même.Mais ce soir, c’en était trop.Elle descendit les marches du grand escalier avec détermination. Elle l’avait entendu rentrer. La porte avait claqué doucement. Ses pas l’avaient guidée vers le bureau. Toujours ce fichu bureau. Comme une forteresse qu’il utilisait pour se barricader derrière ses douleurs et ses silences.Elle frappa une fois. Pas de réponse.Elle entra quand même.Grayson leva à peine les yeux de ses papiers.— J’ai besoin de te parler, dit-elle, d’une voix calme, mais ferme.— Je suis occupé, Jade.— Ça ne prendra pas longtemps, répondit-elle, avançant dans la pièce.Il soupira, referma le dossier devant lui, et s’adossa lentement à son fauteuil. Son regard était froid, distant. Presque méconnaissable.— À Singapour… tu étais différent. Tu étais… toi. Vrai. J’ai cru qu’on construisait quelque chose. Et puis tu as changé. Du jour au lendemain.Elle le regarda, les yeux brillants de douleur.— Qu’est-ce que j’ai fait, Grayson ? Tu
Les premières lueurs de l’aube s’infiltraient à travers les rideaux, dessinant des ombres douces sur les murs. Mais dans la chambre, rien n’avait changé. Le lit était défait, et Jade, recroquevillée sous la couverture, n’avait pas dormi de la nuit.Ses yeux étaient rouges, gonflés. Sa gorge, sèche. Elle avait relu son message une dizaine de fois après l’avoir envoyé. Et puis, plus rien. Pas de réponse. Pas de réaction. Juste ce silence. Écrasant.Elle savait qu’il l’avait lu — les deux petits vu à 2h57 l’avaient trahie. Et pourtant, pas un mot.Un soupir lui échappa. Elle s’assit lentement sur le lit, les épaules basses, les cheveux en bataille. Elle avait l’impression d’être retombée dans un vide qu’elle croyait avoir quitté.Elle avait cru à quelque chose à Singapour. Ils avaient ri, partagé, fait l’amour comme si le monde s’était arrêté. Et tout avait changé… avec un simple appel. Depuis, Grayson était devenu un autre.— Peut-être que j’ai tout inventé, murmura-t-elle pour elle-mêm
L’obscurité régnait, pesante, presque suffocante. La pièce, vaste et silencieuse, ne lui offrait aucun réconfort. Grayson était allongé dans le lit, mais ne trouvait ni le repos ni la paix. Depuis son retour, il n’avait pas fermé l’œil. Il fixait le plafond, immobile, comme si le monde entier s’était arrêté.Il se sentait vidé. Brisé. Et terriblement seul.Le visage de sa sœur n’arrêtait pas de lui revenir. Son rire, ses mains, ses rêves à moitié réalisés. Et puis, ce petit corps, celui de son neveu, qu’il n’avait pas eu le temps de connaître. À peine né, déjà parti. Comme si la vie s’acharnait à lui rappeler une seule chose : n’aime pas. Ne t’attache pas. Tout ce que tu aimes finit par mourir ou s’en aller.C’était la leçon qu’il avait apprise trop tôt. Et trop souvent.Alors quand son téléphone vibra, il n’y prêta pas attention tout de suite. Il pensa que ce n’était qu’une autre alerte, une autre notification vide de sens. Mais quand il vit le prénom s’afficher — Jade — quelque chos
Les yeux rougis, les jambes flageolantes, Jade restait figée devant la porte close de la chambre de Grayson. Sa main tremblait toujours légèrement, suspendue dans le vide, comme si elle espérait encore qu’il ouvrirait. Mais non. Le silence lui répondait, glacial. Tranchant.Elle n’entendit même pas Hattie arriver. Ce fut seulement quand une paire de bras l’enveloppa doucement qu’elle s’effondra.— Oh ma chérie…Les larmes de Jade coulèrent sans retenue. Elle tomba dans les bras de Hattie comme une enfant, incapable de contenir la douleur qui l’étranglait.— Il ne veut plus de moi, sanglota-t-elle. Il m’a dit de dormir dans ma chambre… Il n’a même pas voulu me regarder.Hattie la serra contre elle, frottant doucement son dos.— Viens, allons t’asseoir, murmura-t-elle avec tendresse.Elles descendirent dans le salon, et s’installèrent sur le grand canapé. Hattie posa une couverture sur les épaules de Jade et lui tendit un mouchoir.— Dis-moi ce qu’il s’est passé, ma belle. Depuis le déb
Le silence de l’hôpital était plus insupportable que les cris.Grayson était resté figé là, debout dans le couloir, incapable de bouger. La chambre était vide maintenant. Sa sœur n’y respirait plus. Et le berceau, trop petit, trop blanc, trop froid… était vide lui aussi.Il n’avait rien pu faire. Rien.Il avait assisté à la naissance, vu ce petit corps fragile venir au monde, à peine vivant. Et quelques instants plus tard… la machine avait émis un long bip continu.Il n’avait même pas pleuré. Pas sur le moment.Mais maintenant que tout était fini, que les médecins avaient quitté la pièce, que le silence s'était installé comme une condamnation, quelque chose en lui s’effondra.Il se laissa glisser contre le mur. Ses mains tremblaient. Il avait voulu sauver sa sœur. Il avait promis de s’occuper du bébé. Il avait voulu confier cette vie à Jade, parce qu’il savait qu’elle l’aimerait comme une mère. Parce qu’il avait cru pouvoir créer un avenir dans ce chaos.Mais il n’avait rien pu reteni
Dès qu’elle passa le seuil de la maison, Jade sentit un vide pesant. Le silence. L’absence de Grayson. Elle monta rapidement à l’étage pour déposer son sac, mais n’arriva pas à rester immobile. Son cœur cognait bizarrement dans sa poitrine, comme si quelque chose allait éclater à l’intérieur.Elle aurait pu attendre. Laisser passer quelques heures. Mais elle n’en avait ni la force ni l’envie. Alors, sans réfléchir, elle prit la direction de la maison secondaire, celle où vivait son père depuis quelque temps.Elle frappa doucement à la porte.— Papa ? C’est moi.Quelques secondes plus tard, Graham ouvrit. Il la regarda, surpris. Puis son regard se fit plus attentif, presque inquiet.— Jade… t’es déjà de retour ?— Oui, Grayson a… abrégé notre séjour. On est rentrés ce matin.Il la dévisagea un instant. Quelque chose avait changé. Elle semblait radieuse, mais fragile. Épanouie, et pourtant perdue.— Entre, ma chérie.Ils s’installèrent dans le petit salon, rempli de souvenirs et de meub
Une alarme discrète retentit dans la salle d’opération. Grayson se raidit. De l’autre côté de la vitre, l’équipe médicale s’agitait dans un calme maîtrisé. Des mots techniques s’échangeaient à toute vitesse. Une infirmière s’avança vers lui, lui tendant une blouse stérile.— Venez, Monsieur Blackwell. Vous ne pouvez pas entrer dans la salle, mais nous avons préparé une pièce à côté, avec une fenêtre d’observation directe.Il enfila la blouse sans un mot, sans réfléchir. Ses gestes étaient mécaniques. Il suivit l’infirmière, traversa un petit couloir, et se retrouva dans une pièce blanche, silencieuse, où seule une vitre le séparait de la vie… ou de la mort.Dans la salle d’opération, sa sœur était entourée d’au moins six personnes. Les machines bipaient à intervalles réguliers. Les médecins parlaient bas, concentrés. La tension était presque insoutenable. Et puis soudain, un cri.Pas un cri de douleur.Un cri… de vie.Un hurlement minuscule, déchirant, irréel.Un bébé venait de naître