L’heure du repas arriva vite, bien trop vite au goût de Deborah, qui redoutait chaque minute passée en sa compagnie. Elle se retrouva assise à la longue table de la salle à manger, en face de Jonathan. Un mur invisible s’élevait entre eux, plus solide et plus froid que la pierre. La pièce, pourtant spacieuse, paraissait soudain minuscule, étouffante, écrasée par une tension sourde qui semblait s’infiltrer jusque dans les fibres du tapis. Les murs crème, autrefois chaleureux, prenaient une teinte blafarde sous la lumière tamisée du plafonnier, et le lustre, éteint au-dessus d’eux, ressemblait à une menace suspendue.Deborah restait figée, droite comme une statue, les mains serrées sur ses cuisses, à en blanchir les jointures. Ses yeux fixaient la nappe blanche, obstinément, comme s’y ancrer lui permettait d’échapper à cette mascarade. Elle ne voulait pas voir Jonathan, pas même le regarder. Elle se refusait à croiser ce regard gris, glacial, qui ne lui inspirait plus que colère et dégo
Deborah se tenait immobile, ses clés de voiture serrées dans sa main, le métal mordant sa paume. Jonathan, toujours assis, la fixait, son café fumant entre ses doigts, son regard gris cherchant à percer son silence. La salle à manger, avec ses murs oppressants et son lustre éteint, semblait amplifier la tension qui vibrait entre eux. Elle sentit une vague de dégoût, son estomac se nouant à l’idée de passer une minute de plus sous son contrôle.— Autre chose, ajouta-t-il, sa voix autoritaire, presque menaçante. Ce soir, j’ai des amis qui viennent manger. Tu te tais si tu veux, mais tu manges. Ils viennent pour te rencontrer, le garçon est un ami d’enfance. Tiens-toi correctement avec eux !Deborah ne répondit pas, ses yeux fixant un point invisible sur la nappe, refusant de lui donner la satisfaction d’une réaction. L’idée de jouer la fiancée modèle devant ses amis, de sourire comme une poupée sous son joug, lui donnait envie de hurler. Elle se leva, traversa la pièce d’un pas déterminé
Deborah suivait la BMW de Jonathan, ses phares scintillant dans la lumière déclinante de l’après-midi. Les rues, bordées de flaques de neige fondue, reflétaient les néons des magasins, un éclat froid qui contrastait avec la chaleur qu’elle ressentait dans sa Twingo. Elle alluma la radio, augmentant le son à fond, une chanson rock emplissant l’habitacle de ses riffs agressifs. Elle se mit à chanter, sa voix rauque couvrant la musique, chaque note un exutoire à sa colère, à sa frustration. Les paroles, criardes et rebelles, semblaient parler pour elle, un cri qu’elle ne pouvait pousser dans la maison de Jonathan. Ses doigts tambourinaient sur le volant, ses cheveux volant au rythme de ses mouvements, et pendant un instant, elle se sentit libre, loin de son regard, de son autorité.La musique résonnait contre les vitres embuées, réchauffant un peu ce cocon de tissu et de plastique usé qui lui appartenait, à elle seule. Ce n’était pas une voiture de luxe, mais c’était la sienne, et rien qu
Deborah remit la musique à fond, un cri de guitare saturée déchirant le silence, éclaboussant les parois de la Twingo comme une détonation. C’était sa guerre à elle, son front personnel. Chaque riff crachait sa rage, chaque note martelait son refus. À côté, Jonathan fulminait, mâchoires contractées, poings fermés. Elle n’en avait rien à faire. Plus maintenant.Elle bifurqua brusquement en direction de chez elle, les pneus crissant sur l’asphalte encore mouillé par la neige fondue. L’odeur d’essence, de tissu râpé et de liberté flottait dans l’habitacle. C’était son territoire, son sanctuaire contre l’ordre froid, rigide, de l’homme assis à sa droite.D’un geste sec, Jonathan coupa la musique. Le silence retomba, brutal, comme une claque.— T’as pensé à ton stage ? demanda-t-il d’une voix tendue, presque glaciale, ses yeux d’acier rivés sur son profil.Deborah ne répondit pas. Elle sourit, un sourire insolent, provocant. Et d’un doigt moqueur, elle remonta le son encore plus fort, les p
Deborah traversa la rue, ses tennis crissant sur le gravier humide, l’air froid mordant ses joues. La maison de ses parents, avec ses murs de pierre et son toit couvert de neige fondue, semblait vide, presque étrangère. Elle poussa la porte, l’odeur de bois brûlé et de cire emplissant ses narines. La cheminée, dans le salon, rougeoyait faiblement, ses braises mourantes projetant une lueur vacillante. Elle ajouta une grosse bûche, le craquement du bois ravivant les flammes, un geste instinctif pour réchauffer cet espace qu’elle ne reconnaissait plus.Ses pas résonnèrent sur l’escalier alors qu’elle montait dans sa chambre, le cœur alourdi de souvenirs – des nuits passées à rêver de Paris, de Diego, d’une vie qu’elle n’avait pas osé saisir. Dans sa chambre, l’odeur de lavande et de vieux papier flottait, contraste saisissant avec le chaos de ses émotions. Elle attrapa son téléphone portable, écran fissuré, hors service, mais la carte SIM intacte. Dans le fond de son armoire, elle retrou
Deborah se tenait debout devant la vitrine de la bijouterie, les spots projetant des éclats éblouissants sur les alliances alignées dans leurs écrins de velours. L’odeur entêtante de parfum coûteux et de cuir neuf saturait l’air, lui donnant presque la nausée. Jonathan, juste derrière elle, si proche qu’elle sentait son souffle dans sa nuque, scrutait les bagues par-dessus son épaule. Sa présence, oppressante, la faisait bouillir intérieurement. Sans prévenir, il posa une main sur sa hanche, ses doigts s’enfonçant légèrement, un geste possessif qui la fit se raidir.— On prend des alliances, lança-t-il à la vendeuse, sa voix grave, autoritaire, sans un regard pour Deborah.— Toutes mes félicitations ! répondit la vendeuse, s’approchant avec un sourire crispé, déjà en route vers la vitrine.Jonathan se pencha, son parfum boisé l’enveloppant comme une cage, son souffle frôlant son oreille. Elle sentit un frisson involontaire, qu’elle réprima immédiatement.— Choisis une bague. Tout de s
– Deborah ! Ma beauté !La voix éclata dans la rue, claire et vibrante, portée par la brise matinale. Jonathan se retourna brusquement, son regard scrutant la foule affairée. Deborah fit de même, son cœur s’emballant légèrement. Devant elle, à l’entrée d’une boutique aux vitrines ornées de couleurs éclatantes, Diego se tenait là, un sourire radieux illuminant son visage. Lui, au moins, la trouvait à son goût.Diego nettoyait la devanture de sa boutique, un chiffon à la main, les manches de sa chemise retroussées révélant ses avant-bras hâlés. Il s’approcha avec une assurance désinvolte, ses mouvements fluides empreints d’une confiance naturelle. Deborah ne put s’empêcher de le trouver beau. Son jean épousait parfaitement sa silhouette élancée, et sa chemise blanche, légèrement déboutonnée, mettait en valeur son teint chaud. Ce mélange de simplicité et de charme brut était comme un rayon de soleil dans la grisaille de sa journée.– Tu es venue voir ma boutique ? Tu n’as pas perdu de te
Il leva les yeux vers sa pièce maîtresse, et Deborah sentit son cœur s’arrêter. Là, accroché au mur, un tableau grandeur nature la représentait, nue, dans une pose à la fois vulnérable et majestueuse. La peinture capturait chaque détail de son corps avec une précision saisissante, et son visage était parfaitement reconnaissable. Un souvenir fugace la traversa : la plage au crépuscule, le rire de Diego, le sel sur sa peau, ce moment où elle s’était sentie vivante, libre, comme si le monde entier lui appartenait. Elle manqua de s’évanouir, un rire nerveux s’échappant de ses lèvres.– Tu ne peux pas exposer ça ici ! s’exclama-t-elle, tentant de masquer son embarras. Je suis connue dans le coin, tout le monde va me reconnaître !Diego haussa les épaules, un sourire amusé aux lèvres, puis tourna son regard vers Jonathan avant de revenir à elle.– Tu te souviens, sur la plage ? On était juste toi et moi. Tu avais hésité à poser nue, mais tu as fini par dire oui.– Je ne pensais pas que tu l
Plus tard, alors qu’elle préparait le déjeuner – une simple pizza réchauffée, comme la veille – Deborah entendit les pas lourds de Jonathan dans le couloir. Il réapparut dans la cuisine, son humeur semblant s’être légèrement adoucie, mais ses yeux, plissés et fatigués, trahissaient toujours une tension sous-jacente. Flocon, toujours sensible à l’ambiance, releva la tête de son panier et s’approcha prudemment de lui, remuant la queue avec hésitation, comme s’il testait la température émotionnelle de la pièce.— J’ai parlé a un amis, il y a un autre endroit, dit Jonathan sans préambule, s’appuyant contre le chambranle de la porte. Ils ont une salle disponible samedi prochain. Ce n’est pas celle qu’on voulait, mais ça fera l’affaire.Deborah, qui coupait la pizza en tranches inégales, s’arrêta net, son couteau suspendu en l’air. Flocon, sentant un nouveau pic de tension, s’assit entre eux, ses yeux alertes passant de l’un à l’autre.— Samedi prochain ? répéta-t-elle, incapable de masquer
Jonathan se redressa, passant une main dans ses cheveux, visiblement à bout de patience.— Ne commence pas avec ça, Deborah. Tu sais très bien pourquoi on en est là. Tu as fait des choix, et maintenant, on assume. Tous les deux.— Des choix ? s’exclama-t-elle, sa voix montant d’un cran. Quels choix, Jonathan ? Celui de ne pas t’aimer ? Celui de ne pas vouloir de cette vie que tu essaies de m’imposer ? Tu parles de choix comme si j’avais eu mon mot à dire !Flocon, effrayé par les éclats de voix, aboya doucement, ses petites pattes s’agitant comme s’il voulait intervenir. Deborah le prit dans ses bras, le serrant contre elle pour le calmer, mais ses yeux restaient fixés sur Jonathan, pleins de défi.— Tu penses que je fais ça pour m’amuser ? cria-t-il, sa voix résonnant dans la cuisine. Tu crois que c’est facile pour moi ? J’essaie de construire quelque chose, Deborah. Avec toi ! Et toi, tout ce que tu fais, c’est te moquer et me repousser !— Parce que je ne veux pas de ça ! répliqua-
Le lendemain matin, Deborah se réveilla sur le canapé du petit salon, Flocon blotti contre son flanc, ses petites oreilles soyeuses frôlant son bras. Les rayons du soleil traversaient les rideaux, illuminant la pièce d’une lumière douce mais implacable, comme un rappel que la journée allait être longue. Elle caressa distraitement la tête du chiot, qui s’étira en bâillant, ses yeux ronds pleins d’une innocence qui contrastait avec la lourdeur de son propre cœur. Elle se redressa, les muscles encore endoloris, et jeta un regard autour d’elle. La maison était silencieuse, mais elle savait que Jonathan ne tarderait pas à apparaître, avec son énergie débordante et ses attentes oppressantes.Elle se leva, Flocon trottinant derrière elle, et se dirigea vers la cuisine. Le chiot, toujours plein d’entrain, s’arrêta pour renifler un coin du parquet, sa queue battant l’air comme un métronome. Elle prépara du café, plus par réflexe que par envie, et s’assit à la table, la tasse chaude entre ses m
Après ce moment tendu, ils se retrouvèrent dans un silence pesant. Flocon, sentant le malaise, s’assit entre eux, ses yeux ronds allant de l’un à l’autre, ses oreilles soyeuses légèrement inclinées comme s’il tentait de décrypter l’atmosphère. Sa queue, habituellement frétillante, reposait immobile sur le sol, trahissant son incertitude. Deborah fixait le sol, ses doigts crispés autour de la tasse vide, ses jointures blanchissant sous la pression. Chaque inspiration lui semblait lourde, comme si l’air de la cuisine s’était épaissi. Elle se mordilla la lèvre, un geste inconscient, tandis que son esprit s’emballait, oscillant entre la colère et une étrange vulnérabilité qu’elle refusait d’admettre. Le souvenir du baiser de Jonathan, ardent et insistant, lui brûlait encore les lèvres, et elle serra les dents pour chasser cette sensation.Jonathan, de son côté, s’appuya contre le comptoir, ses bras croisés sur son torse nu. Son visage, d’ordinaire si assuré, laissait entrevoir une ombre d
— Je suis juste en face de toi. Regarde-moi.Sa voix claqua doucement dans le silence, une injonction sans colère mais pleine d'attente. Deborah leva les yeux, lentement, comme si son regard pesait une tonne. Il était là, tout près, trop près. Elle sentit son souffle sur sa peau. Un frisson la traversa, aussi imperceptible qu’inattendu.Flocon, qui s’était roulé en boule non loin d’eux, redressa la tête, les oreilles frémissantes. Il s’approcha à pas feutrés, posant son museau contre le genou de Deborah, l'air inquiet.— Alors, tu n’es pas obligée de mentir. Si je ne te plais pas, dis-le.Elle cligna des yeux, la gorge sèche.— Je ne sais pas.— Tu hésites ?Elle secoua légèrement la tête, puis la redressa, le menton plus haut cette fois.— Non… Je me dis qu’au final, tu ressembles beaucoup à John. Ton père.Elle vit son expression changer. Subtilement. Juste un battement de cil un peu plus long, une tension au coin des lèvres. Elle savait que ça piquerait. Et pourtant, elle ne retira
De toute façon, il était plutôt sans filtres. Elle ne répondit pas et but son café d’un trait.— Je vais me doucher ! lui dit-elle en posant sa tasse dans l’évier.Flocon, sentant son départ, trottina derrière elle, mais elle lui fit signe de rester. Le chiot s’assit, la regardant partir avec un air plaintif. Elle prit soin de verrouiller les deux portes à clé.Elle se déshabilla, prit sa douche, se sécha et alla s’habiller dans la chambre. La maison semblait vide, et le silence n’était pas quelque chose qu’elle appréciait. Flocon, qui avait réussi à la suivre discrètement, s’assit au pied du lit, ses yeux suivant ses moindres gestes. Elle refit le lit ; la journée allait être très longue.Elle sortit de la maison et se rendit dans le jardin ; marcher un peu lui fit du bien. Flocon gambadait à ses côtés, reniflant l’herbe et poursuivant une feuille volante. Il ne faisait ni chaud ni froid. Le chiot, plein d’énergie, rapporta un petit bâton qu’il déposa fièrement à ses pieds, espérant
— On a quand même passé des jours ensemble quand tu étais jeune. Tu n’avais aucun avis sur moi ?— Aucun, je te l’ai dit. Tu n’existais pas pour moi !— Je pensais que tu m’évitais car je te plaisais !— Je ne t’évitais pas. Si tu m’avais plu, je ne t’aurais pas évité, crois-moi. Je n’ai jamais évité un homme qui me plaisait.— D’accord, je comprends. Dis-moi, est-ce que tu me trouves attirant physiquement ?— Je ne sais pas, je ne te juge pas vraiment sur ton apparence !— Toi, tu m’attires, Deborah Miller, mais ton caractère un peu moins. On travaillera là-dessus ensemble !Il lui caressa les fesses, et elle crut comprendre le message qu’il essayait de lui faire passer. Flocon, sentant un changement d’humeur, s’assit et les regarda tour à tour, comme s’il attendait une explication.— Tu m’as aussi fait mal, crois-moi, je ne pourrai pas dormir sur le dos ce soir ! Allez, je te laisse dormir.Il déposa un baiser sur sa joue avant de glisser ses lèvres dans son cou. Elle sentit des fri
Dans la nuit, Deborah sursauta. Une main la secouait doucement. Elle ouvrit les yeux, clignant un peu face à la pénombre, et reconnut le visage de Jonathan penché sur elle.À ses pieds, Flocon, petit chiot cocker aux oreilles soyeuses et au pelage crème, battait frénétiquement de la queue. Ses yeux ronds, pleins de lumière, brillaient dans l’obscurité. Il poussa un petit couinement, sautillant d’une patte à l’autre comme s’il sentait qu’il se passait quelque chose d’important.— Il t’est impossible de passer toutes tes nuits ici à dormir, viens ! souffla Jonathan, un demi-sourire aux lèvres.Déborah cligna encore, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte, confuse. Elle se redressa lentement, comme tirée de la vase. Flocon trottina joyeusement derrière eux, ses petites pattes martelant le parquet dans un clic-clic discret mais régulier.Elle suivait Jonathan, les sourcils froncés, les bras croisés sous sa poitrine comme pour se protéger du froid... ou de lui. Le chiot la frôla, truffe f
— Taie-toi, Miller ! On a de la compagnie. Merci de ne pas me causer d’embarras.Il la plaqua contre le mur et murmura à son oreille :— Je pourrais recommencer ce qu’il y a eu tout à l’heure !Elle en eut le souffle coupé, un poids au cœur. Parfois, il lui faisait peur, mais cette fois, elle ne ressentait pas seulement de la peur.— Tu as compris ? demanda-t-il.Elle répondit timidement par un petit « oui ».— Je n’ai pas entendu, insista-t-il.— Oui, d’accord, je ne vais pas te mettre dans l’embarras.Il s’écarta d’elle et lui caressa le visage.— Merci, et tant qu’à faire, essaie d’avoir l’air amoureuse !— Ne m’en demande pas trop non plus !— Comment ?Il l’avait recollée contre le mur.— D’accord, mais recule, tu me fais mal ! lui dit-elle.Il recula et la regarda de la tête aux pieds, puis rit.— Ah oui, ton cul qui touche le mur, pardon !Elle eut envie de l’insulter, mais déjà il lui prenait la main pour l’entraîner vers la sortie pour retourner auprès de ses amis.Léa demand