Quatre ans avant l’arrivée d’Evalina à Réturis…
Je pénètre dans le hall, les yeux écarquillés face à tant d’espace et d’escaliers de toutes sortes. Je pensais que le centre d’hébergement pour orphelins était le lieu le plus impressionnant qu’il m’ait été donné de voir, mais celui-ci bat tous les records. Le plafond se dresse si loin au-dessus de ma tête que je n’en vois pas le bout. C’est exactement comme la dernière fois. Tout est noir, lugubre et intrigant. Tout est propre alors qu’il n’y a pourtant pas âme qui vive. Ce château est à l’abandon. Je suis loin d’en avoir fait le tour, mais je pense que si je m’étais introduite chez quelqu’un, je l’aurais su. Personne n’est venu me voir la semaine dernière et personne ne viendra me voir aujourd’hui non plus. Je m’avance donc dans le hall tout en réfléchissant à ce qu’il pourrait bien y avoir dans les parties que je n’ai pas encore explorées. J’espère qu’il n’y aura pas encore une salle de torture.Il y a cinq ans…Un coup dans les intestins. Un ricanement.—On parie que je tape plus fort?Un coup dans les côtes. Je m’écroule par terre.—J’ai pas entendu les os craquer, laisse-moi essayer!Un coup dans la poitrine. Je me plie en deux.—Mais c’est qu’elle est résistante, cette chauve-souris!Un coup dans l’estomac. Je retiens un hurlement.—Bah alors, pourquoi tu te transformes pas? me demande l’un des connards. Avoue que t’en meurs d’envie!Il m’assène une violente gifle. Je ravale les larmes qui m’obstruent la vue.—Oh, bah alors? On a envie de chialer? s’esclaffe-t-il. Viens pas nous faire croire que t’es triste. Toi et ta race, vous êtes tous les mêmes. Juste des bêtes assoiffées de sang qui mériteraient toutes de crever!Il me crache dessus. Ses deux amis font de même. Je lutte pour ne pas leur laisser le
Peu de temps après le départ d’Angie et Evalina chez Richard…—Cassie?Je lève brusquement la tête vers Bastian. Celui-ci m’observe d’un air inquiet.—Tu n’as pas répondu à ma question.Je lui renvoie un regard éberlué. Le Séducteur soupire et s’accroupit à ma hauteur. Je suis assise sur le lit. Depuis que nous avons rejoint les quartiers de Kierân dans cette grotte exiguë, je passe ma vie dans cette chambre qui nous a été donnée. Elle n’est pas bien grande. Je la connais par cœur, des petites fissures sur les murs jusqu’aux creux dans le sol.—Comment te sens-tu? me demande-t-il.Ses yeux verts rencontrent les miens. Il pose ses mains sur la mienne.—Tu viens de passer plusieurs jours enfermé à l’Imposant pour que la Démone puisse faire croire à Evalina qu’Edden était vraiment mort, articulé-je. Ce serait plutôt à moi de te poser cette question. Tu détestes les esp
Née en 1999, E.J. Swan a vu le jour en région parisienne. D’abord une grande férue de lecture (inspirée par le talent de son auteure préférée ; Tahereh Mafi), elle se questionne sur l’envers du décor des livres qu’elle dévore, faisant ainsi naître sa passion pour l’écriture. Intéressée depuis toujours par la psychologie des méchants et l’évolution des personnages dans les films, les séries et les romans, elle décide – à l’âge de 14 ans – d’associer cet intérêt à ses écrits sur la plateforme Wattpad. Surnaturels est son premier roman et s’inscrit en premier lieu dans l’univers de la fantasy, puis dans celui de la dark fantasy. Passionnée par l’idée que rien n’est tout blanc ni tout noir, elle aime retourner le cerveau de ses lecteurs dans le but de dépeindre la complexité de l’être humain et de faire passer des message – et peut-être aussi parce qu’elle est sadique. Un peu. Surprise par l’engouement que prend son histoire, elle se met à rêver secrètement d’une publication papier et a
Je bats des paupières. Des barreaux me font face. Je suis allongée sur de la terre, mais pas de couleur marron. Celle-ci est grise, comme cendrée. Je tente de me relever, mais je suis vite arrêtée par les chaînes qui me retiennent par les chevilles. Je tire dessus en essayant de rassembler ma force de Gémone, mais rien ne se produit. Je me sens faible. Pourtant, je recommence. Je sais que j’en suis capable. Je l’ai déjà fait.—Ev’, ça ne sert à rien.J’arrête mes vains efforts et tourne la tête à gauche en écarquillant les yeux de surprise. Matt, Edden, Sean, Lacnas. Ils sont tous là. Avec moi.—Qu’est-ce que vous faites ici? les questionné-je. Je croyais que Mélodie ne voulait avoir affaire qu’à moi!—Il faut croire que sa vue a quelque peu baissé, me répond Sean en haussant les épaules. Je lui offrirai des lunettes à son anniversaire!—Attends, attends, je suis en train d’imaginer la Démone avec de grosses l
Je hurle le nom d’Edden à pleins poumons et me précipite au bord du gouffre. La terre s’effrite sous mes mains tandis que je m’écroule à genoux, regardant avec horreur le corps du Fidèle tomber dans la lave en fusion. Je frappe le sol de mes deux poings et laisse un cri agonisant s’échapper de mes cordes vocales. Isaac enroule ses bras autour de ma taille et me tire brusquement en arrière. Son corps attrape toute la peine que le mien n’est plus capable de contenir. Il me serre contre lui, si fort, que je ne sais plus qui de moi ou de lui a le plus mal. Il a tout absorbé. Toute ma douleur, en une fraction de seconde. Et je me sens vide. Mes yeux sont écarquillés. Je n’ai plus la force de me relever. Je voudrais hurler après Mélodie, mais elle est déjà repartie. Elle nous a laissés, Isaac et moi, devant ce trou béant. Devant cette horreur. Je ne sais plus si mon cœur est en train de battre ou bien s’il s’est arrêté et que je suis morte, moi aussi. Edden a disparu. Si brusquement. Il étai
Des murmures, des voix, quelques cris de protestation, des questions, des réponses. De la colère et de l’impatience. Je préférerais fermer les yeux sur ce monde plutôt que de les ouvrir. Mais je dois agir. Il faut que je les prévienne. Mes pupilles rencontrent la lumière tamisée d’une bougie. Je bats des paupières. Peu de clarté, mais suffisamment pour distinguer les visages qui me font face. Je n’ai pas le souvenir d’avoir atteint mon but. Pourtant, je suis exactement là où je voulais être. J’ai réussi. Je l’ai fait.—Angie, ton vœu s’est exaucé plus tôt que prévu! s’exclame la voix de Maximilien.Je m’aide de mes coudes pour me relever. Je plisse les yeux et étudie avec attention le paysage qui m’entoure. Une grotte. De la boue. Des tables en pierre, de différentes formes. Je suis posé sur l’une d’elles. Je bouge la tête et fais craquer les articulations de mon cou. Quelque chose attire mon attention. Je baisse un regard vers mon tee-shirt. Il est taché de s
Elle pousse le plateau du bout de sa chaussure. Je lève un regard meurtrier sur son visage.—Ne fais pas cette tête, rigole-t-elle. C’est Isaac qui a choisi le plat du jour.—Une pomme et deux pauvres bouts de pain?—Il voulait t’apporter de quoi te remplir l’estomac, mais vois-tu, je l’en ai empêché. Ça te met en colère?Elle pousse le plateau jusqu’à ce que mes poignets enchaînés puissent l’atteindre. Ma main droite vient chercher la pomme rouge.—Tu veux me mettre en colère?Mélodie s’assied en tailleur sur la terre. Ses doigts tracent des lignes en forme d’arabesques sur la cendre. Sa langue claque contre son palais.—Maintenant que je sais à quoi m’attendre, je ne referai pas deux fois la même erreur.Je fais passer la pomme d’une main à une autre.—Je n’en doute pas une seule seconde.Mélodie pose ses bras sur ses jambes. Ses yeux marron me dévisagent méticu
De ses mains tremblantes, Angie attrape la dague qui lui lacère les côtes. Il ne cherche pas à l’enlever. Il la touche, comme s’il avait besoin de ce contact pour se rendre compte de la situation. Le sang dégoulinant le long de son corps me fait tourner la tête. Je lève mon visage vers le ciel rougeâtre et ferme les yeux pour savourer le plaisir que me procure sa douleur. Mais ce n’est pas assez. Je retourne la dague dans la plaie, mais Angie parvient encore à étouffer sa souffrance. Je retire l’arme blanche et le bouscule brutalement contre un rocher. Ses mains sont poisseuses de sang. Mon cœur bat beaucoup trop fort. Peur et plaisir se livrent un combat sans merci. Je me prépare à lui planter la dague dans un poumon. Mon poignet tremble. Mes yeux croisent les siens. Quelque chose se brise, chez lui comme chez moi. Je lutte de toutes mes forces contre cette envie de reculer. Je me nourris de mes actes tortionnaires sur son corps. Je veux. Je ne veux pas. Qu’est-ce que je fais? J
Peu de temps après le départ d’Angie et Evalina chez Richard…—Cassie?Je lève brusquement la tête vers Bastian. Celui-ci m’observe d’un air inquiet.—Tu n’as pas répondu à ma question.Je lui renvoie un regard éberlué. Le Séducteur soupire et s’accroupit à ma hauteur. Je suis assise sur le lit. Depuis que nous avons rejoint les quartiers de Kierân dans cette grotte exiguë, je passe ma vie dans cette chambre qui nous a été donnée. Elle n’est pas bien grande. Je la connais par cœur, des petites fissures sur les murs jusqu’aux creux dans le sol.—Comment te sens-tu? me demande-t-il.Ses yeux verts rencontrent les miens. Il pose ses mains sur la mienne.—Tu viens de passer plusieurs jours enfermé à l’Imposant pour que la Démone puisse faire croire à Evalina qu’Edden était vraiment mort, articulé-je. Ce serait plutôt à moi de te poser cette question. Tu détestes les esp
Il y a cinq ans…Un coup dans les intestins. Un ricanement.—On parie que je tape plus fort?Un coup dans les côtes. Je m’écroule par terre.—J’ai pas entendu les os craquer, laisse-moi essayer!Un coup dans la poitrine. Je me plie en deux.—Mais c’est qu’elle est résistante, cette chauve-souris!Un coup dans l’estomac. Je retiens un hurlement.—Bah alors, pourquoi tu te transformes pas? me demande l’un des connards. Avoue que t’en meurs d’envie!Il m’assène une violente gifle. Je ravale les larmes qui m’obstruent la vue.—Oh, bah alors? On a envie de chialer? s’esclaffe-t-il. Viens pas nous faire croire que t’es triste. Toi et ta race, vous êtes tous les mêmes. Juste des bêtes assoiffées de sang qui mériteraient toutes de crever!Il me crache dessus. Ses deux amis font de même. Je lutte pour ne pas leur laisser le
Quatre ans avant l’arrivée d’Evalina à Réturis…Je pénètre dans le hall, les yeux écarquillés face à tant d’espace et d’escaliers de toutes sortes. Je pensais que le centre d’hébergement pour orphelins était le lieu le plus impressionnant qu’il m’ait été donné de voir, mais celui-ci bat tous les records. Le plafond se dresse si loin au-dessus de ma tête que je n’en vois pas le bout. C’est exactement comme la dernière fois. Tout est noir, lugubre et intrigant. Tout est propre alors qu’il n’y a pourtant pas âme qui vive. Ce château est à l’abandon. Je suis loin d’en avoir fait le tour, mais je pense que si je m’étais introduite chez quelqu’un, je l’aurais su. Personne n’est venu me voir la semaine dernière et personne ne viendra me voir aujourd’hui non plus. Je m’avance donc dans le hall tout en réfléchissant à ce qu’il pourrait bien y avoir dans les parties que je n’ai pas encore explorées. J’espère qu’il n’y aura pas encore une salle de torture.
Les yeux verts d’Edden m’observent minutieusement, à la recherche de la moindre réaction de ma part, mais je reste neutre. Impassible. Mon esprit vient d’exploser sous l’annonce brutale du Fidèle, mais mon visage, lui, ne montre rien. Je n’arrive pas à bouger. J’ai mal au cœur. Je me sens vide. Perdue. Probablement anéantie. C’est trop d’informations. C’est ma vie qui tourne au cauchemar. C’est la vérité qui se transforme en mensonge et le mensonge qui se transforme en vérité. C’est mon cœur qui se retrouve ballotté, piétiné, labouré, entaillé, déchiré, écartelé. C’est mon âme qui saigne.—J’imagine que Kierân ne t’a pas parlé de moi, continue-t-il.Je subis chaque révélation comme un coup de poing dans l’estomac. Mes yeux se perdent dans l’immensité du ciel rouge au-dessus de moi. Ma respiration se fait de plus en plus lente. Il me semble que je suis en train de mourir, mais je n’en suis pas tout à fait sûre. Je ne sais pas si je suis supposée me se
—Maman?Je tends le bras vers sa silhouette qui me fait face, mais elle s’évapore aussitôt dans l’air. Je me précipite à l’endroit exact où elle se tenait et la supplie de revenir, mais je suis seule. Un brouillard enveloppe le paysage qui m’entoure et je dois plisser les yeux pour distinguer ce qui se trouve en face de moi. Le gouffre du Cœur de Réturis. Je lève la tête vers un ciel étrangement bleu, puis j’observe le sol, dépourvu de cendres. Je pivote sur moi-même, espérant apercevoir d’autres personnes, mais le lieu semble désert. Où sont passés mes amis? La guerre est-elle déjà terminée?—Je n’aurais jamais dû…, sanglote une voix féminine.Je ratisse le brouillard méticuleusement, mais pas l’ombre d’une silhouette à l’horizon.—Je t’en prie, ne lui fais pas subir ça! continue la même voix.Quelqu’un éclate de rire.—Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour que ce moment précis se réalise 
—Sur-le-champ? répète Evalina, quelque peu inquiète.Ses émotions ne sont pas aussi claires que d’habitude, si bien que je ne mets pas longtemps à comprendre qu’elle s’efforce de camoufler quelque chose. Quant à Kierân, il la connaît trop bien pour passer à côté de ce qui la tracasse. Aussi appliquée soit elle à tenter de masquer ce qu’elle ressent, elle n’y parvient jamais. Excepté lorsqu’elle perd le contrôle. Ma gorge se serre face à ce souvenir. Evalina avait déjà eu des crises, mais jamais de cette ampleur. Ce n’était pas elle que j’ai vue au Cœur de Réturis. Ses yeux étaient chargés de haine et de folie. Ses paroles étaient abominables. Ses gestes étaient épouvantables. Son corps était méconnaissable. Ses veines ont viré au noir, son regard s’est éteint, et le simple rappel de ce moment me rend malade. J’ai détesté la voir ainsi. Ce n’était pas elle. Je me suis débrouillé du mieux que j’ai pu pour cacher mon trouble lorsqu’elle est venue me parler le lendemain,
—Ce n’est pas ce que j’appelle une salle de réunion, se renfrogne Ombelline, parcourant la chambre de Kierân du regard.—Parce que ce n’en est pas une, lui répond-il. Ma vraie salle de réunion est au Noctis, mais compte tenu de notre situation, tu devras te contenter de celle-ci.L’Immortelle effectue plusieurs pas dans la pièce, passant au peigne fin le moindre objet se présentant sous ses yeux. Lentement, ses doigts viennent effleurer les couvertures sur le lit. Le chef des métamorphes se racle la gorge.—À moins que tu ne projettes de t’inviter dans mon lit, je te prierais de bien vouloir poser tes mains ailleurs.J’affiche une grimace de dégoût, tandis qu’Ombelline se tourne vers Kierân.—Tu ne serais pas contre? lui demande-t-elle.—Disons qu’avec le physique que tu as, ça pourrait être intrigant.J’écarquille les yeux, effarée par leur discussion.—Ce n’est pas très malin de tenir de
Je suis en train de suffoquer. L’atmosphère est chargée de douleur, de peine, de haine, et la combinaison de ces trois émotions me donne le tournis. Quelque part, j’ai envie de m’en nourrir. Mes veines palpitent étrangement sous ma peau. Je veux que les hurlements, la souffrance et les pleurs continuent. Mais je sais que ce n’est pas bien. Je ne suis pas censée vouloir ça. Je devrais souhaiter que toute cette cacophonie cesse, que mes amis se calment, que la situation s’apaise, que tout rentre dans l’ordre parce qu’il n’y a pas moyen que je me réjouisse de ce malheur. Alors pourquoi suis-je incapable de mettre mes bonnes pensées à exécution? Pourquoi est-ce que je reste là, agenouillée devant le corps sans vie de Cassie, à écouter tous ces cris qui éclatent autour de moi?—Ce mec vient de tuer ma sœur et t’es sérieusement en train de le défendre? hurle Sean.Je me relève et tourne la tête dans sa direction. Son visage est déformé par une rage si vi
—Prête?Je termine de faire mes lacets tout en hochant la tête. Angie range son arsenal de dagues dans sa veste en cuir noir, puis croise mon regard alarmé.—Juste au cas où, me dit-il.—Tu dis souvent ça, et la plupart du temps, il s’avère qu’elles te servent. Dans quel endroit dangereux comptes-tu m’emmener?Je me lève du lit où j’étais assise, rassemblant mes cheveux lisses en une queue-de-cheval. Je n’ai pas l’habitude de ce genre de coiffure, mais puisque j’ignore où nous allons, je préfère prendre certaines précautions. Avoir les cheveux détachés n’est pas vraiment l’idéal pour se battre, j’en ai fait l’expérience plus d’une fois.—Ce n’est pas dangereux, sourit-il. Tu t’y sentiras vite en sécurité.—Mais tu prends quand même tes dagues?—Seulement par habitude.—Comment sais-tu que je vais m’y sentir en sécurité?—C’est l’un des seuls endroits au