DanteJe raccroche mon téléphone, un sourire aux lèvres.Tout se met en place.Lorenzo pense qu’il a encore le contrôle, mais il oublie une chose essentielle :Je suis patient.Et surtout, je connais ses failles.J’avance dans la pièce plongée dans la pénombre et m’arrête devant la grande baie vitrée qui donne sur la ville.Les lumières scintillent en contrebas, des milliers de vies qui s’agitent, inconscientes du chaos qui se prépare.Un homme entre discrètement dans la pièce et s’arrête derrière moi.— Tout est prêt.Je me retourne lentement.— Bien.Je prends un verre sur la table et le fais tourner entre mes doigts.— Tu sais ce qu’il te reste à faire.L’homme hoche la tête avant de disparaître aussi silencieusement qu’il est venu.Je bois une gorgée de mon whisky et laisse mon regard dériver vers la nuit.Bientôt, Lorenzo comprendra.Il ne peut pas gagner.Parce que cette fois-ci, ce n’est pas lui qui dicte les règles du jeu.C’est moi.Et je ne joue jamais pour perdre.---Loren
CamilleJe sais qu’il me cache encore des choses. Qu'il n'est pas prêt à tout me dire. Et ça m'énerve.Je veux le toucher, le forcer à m’ouvrir, à me dire ce qu’il porte sur le cœur, mais je me retiens. La douleur de sa distance est déjà trop forte.— Lorenzo, arrête. Je ne peux pas te laisser te détruire tout seul.Il se fige un instant, son corps tendu, puis il se tourne lentement vers moi, un regard d'une intensité brûlante.— C’est toi qui ne comprends pas, Camille. Tout ce que je fais, je le fais pour te protéger. Et toi, tu me donnes l’impression de vouloir me rendre la tâche encore plus difficile.Ses mots me frappent comme une claque. J'ouvre la bouche pour répondre, mais aucun son ne sort. Il a raison. Il a toujours raison. Et je suis encore plus perdue que jamais.J'essaie de maîtriser mes émotions, mais c'est comme si un levier intérieur s'était actionné. Le contrôle que j'avais sur moi-même se fissure. Je m'approche lentement de lui, un pas après l'autre, jusqu'à ce qu'il
CamilleJe n'avais pas prévu cela. Quand Lorenzo m'a regardée de cette manière, quand il m’a parlé de protection, je pensais que je pourrais l’atteindre. Mais je n'avais pas compris à quel point il était déjà englouti dans ce monde. Ce monde de sang et de luttes. Ce monde qui l'aspire lentement, l’écrase sous ses règles cruelles et son silence lourd de menaces.Mais il a tort, Lorenzo. Il pense qu’il peut tout contrôler. Que l’amour, qu’il soit le sien ou celui des autres, peut s’éteindre d’un simple geste. D’un simple mot.Je suis ici. Et je n'ai pas l'intention de reculer.Je quitte la pièce, mes pieds frappant le sol avec une assurance qui n'est que la surface d'une mer déchaînée. Au fond de moi, un tourbillon de pensées et d’émotions que je n’arrive pas à calmer. Mais je sais ce que je dois faire. Je sais que je dois le rejoindre, le confronter une dernière fois. Il ne m’échappera pas.Je me rends dans le hall, où j’aperçois son dos tendu, une silhouette plus sombre que d’habitude
CamilleLe matin arrive comme une lente agonie. La lumière pâle du jour filtre à peine à travers les rideaux tirés, mais même la lumière la plus douce ne peut pas effacer la lourdeur de la nuit.Lorenzo est toujours là, allongé à mes côtés, mais il ne dort pas. Ses yeux sont ouverts, fixés sur le plafond, comme s’il cherchait des réponses dans les fissures invisibles du monde. Je ne le dérange pas, bien que je ressente cette étrange tension, ce fossé invisible qui semble s'être installé entre nous, aussi profond que l'océan.Je n'ai jamais voulu qu'il me sauve. Jamais. Mais maintenant, il semble vouloir se sauver lui-même, en me poussant à prendre du recul, à me protéger de lui. Il ne me dit pas de partir, mais je vois dans ses gestes, dans la façon dont il s'éloigne, qu'il essaie de me faire comprendre que je ne peux pas rester dans ce monde sans perdre quelque chose de précieux.Et pourtant, je suis là, à ses côtés, malgré tout. Parce qu’il est tout pour moi.— Tu es trop silencieus
LorenzoLa nuit est tombée lourdement sur la ville, enveloppant chaque coin de rue dans une obscurité presque palpable. Les néons des immeubles voisins semblent déchirer le ciel nocturne, mais à l'intérieur de cet appartement, une ambiance bien différente s'est installée. Le calme. Le silence. Une tranquillité trompeuse qui cache des vérités bien plus sombres.Je suis seul dans la pièce, les poings serrés contre mes hanches. Camille est là, mais elle reste dans l'ombre. Elle m'observe sans un mot, et cela me déstabilise. Elle m'a vu, tel que je suis, dans mes pires moments, et pourtant elle est toujours là. Comment peut-elle supporter cela ?Ce monde de violence, de trahison et de sang, ce monde dans lequel je l’ai plongée, est un abîme. Un abîme où chaque décision, chaque mouvement peut signifier la fin de tout ce que l’on aime.Elle a raison de me questionner, de se demander jusqu’où elle est prête à aller. Mais ce n’est pas la question. La question, c’est jusqu’où je suis prêt à al
LorenzoJe n'ai jamais été du genre à me laisser envahir par l'émotion. Les années passées à naviguer entre la mafia, les coups bas et les trahisons m’ont forgé une carapace. Un mur solide, difficile à franchir. Mais Camille... Camille est différente. Elle m'ébranle à chaque instant, d'une manière que je n'avais jamais cru possible.Elle s'accroche à moi, comme si elle savait que, sous cette façade d'homme impitoyable, il y avait encore une part d’humanité prête à céder. Ses bras autour de mon cou me rappellent la fragilité de ce lien entre nous, celui qui pourrait se briser au moindre faux pas. Mais à cet instant, je me fiche de tout ça. Je veux juste l’avoir près de moi, sentir son souffle contre ma peau, oublier le monde extérieur, même si ce monde m'engloutit.Je la serre contre moi, profondément, comme si cela pouvait effacer toutes les incertitudes, toutes les douleurs.Elle s'écarte légèrement, juste assez pour me regarder dans les yeux, et là, je vois l’ombre d’un doute. Elle
CamilleLe vent glacial fouette mon visage alors que je marche dans les rues désertes. Le bruit des talons contre le pavé résonne dans la nuit, mais chaque pas me semble plus lourd que le précédent. Les images de ce que Lorenzo m’a montré me hantent, me poursuivent comme des spectres. Les noms, les vies brisées, les alliés et les ennemis… Tout cela me tourne dans la tête, un tourbillon qui ne veut pas se calmer.Je m’arrête devant un café 24 heures, le néon de l’enseigne m’éblouissant momentanément. J’hésite un instant, puis entre. Il y a un silence étrange à l’intérieur, comme si tout le monde attendait quelque chose, une vérité ou un accident. Je choisis une table au fond, dans l’ombre. Je me laisse tomber dans la chaise, mon esprit encore troublé par la discussion avec Lorenzo.Je veux partir. Partir loin de lui, loin de ce monde sale qu’il m’a montré. Mais quelque chose en moi me retient. Une corde invisible, une attirance magnétique. J’essaie de me convaincre que c’est la peur qu
LorenzoCamille est entrée dans mon monde sans le savoir. Elle est venue, en me cherchant et en me fuyant tout à la fois. Elle ne voulait pas voir ce que je cache, mais elle a trop de questions, trop de doutes qui la rongeaient. Et maintenant, elle est là, au bout de mes doigts, prête à affronter l’inévitable.Je n’ai pas voulu qu’elle vienne. Je n’ai pas voulu qu’elle soit mêlée à tout ça, qu’elle touche à ce qui m’appartient. Mais c’est trop tard. Elle est déjà trop loin. Son regard, tout à l'heure, m’a trahi. Elle sait qu’elle ne peut pas revenir en arrière.Je la regarde s’approcher, l’air déterminé, mais je vois aussi l’incertitude dans ses yeux. Elle veut comprendre. Elle veut savoir ce que j’ai fait, ce que j’ai traversé. Mais une fois qu’elle saura, il n’y aura pas de retour possible. La vérité brise tout sur son passage.Je me tourne et l’invite à me suivre dans la ruelle sombre. Chaque pas qu’elle fait me rapproche un peu plus de l’ultime vérité. Je ne peux plus reculer. Si
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D
LorenzoJe n’ai pas dormi. Je ne dors plus vraiment, depuis un moment.Pas depuis que tout a commencé à se fissurer. Pas depuis que Camille a cessé de me craindre.Parce qu’au fond, c’est ça qui m’a toujours tenu debout : le pouvoir. Le contrôle. L’idée que je pouvais contenir le monde dans ma poigne. Mais elle... elle n’a jamais plié. Elle a vacillé, oui. Mais elle est restée là. Même quand je l’ai repoussée. Même quand je l’ai trahie. Même quand j’ai tenté de la briser, pensant que ça la ferait m’aimer davantage, à ma façon. À ma manière tordue et terrifiée.Et maintenant, je suis là. Devant cette porte. Cette frontière entre le chaos que je traîne et la paix que je n’ai jamais su préserver. Je frappe deux fois. Pourquoi deux ? Peut-être pour ne pas paraître désespéré. Peut-être pour ne pas trop espérer.Je n’ai pas de plan. Pas de discours. Pas de mensonge prêt à se poser sur ma langue. Juste une peur sourde. Celle qui prend racine dans les entrailles, et qui murmure : Et si c’étai
CamilleLa nuit est tombée plus tôt que prévu.Ou peut-être que c’est moi qui me suis perdue dans le temps.Dans cette attente sans attente, ce moment suspendu entre deux battements de cœur.Entre ce message et ce qu’il signifie.Entre Lorenzo et ce qu’il est prêt à devenir.Je suis rentrée.Pas chez moi. Chez nous. Enfin, ce qu’il en reste. Ce qu’il pourrait en être, s’il ose.Les murs sont les mêmes, mais ils ne résonnent plus pareil.Ils ont gardé l’écho de nos silences, de nos cris étouffés, de nos regards qui disaient tout ce que nos bouches refusaient d’admettre.Je les effleure du bout des doigts, comme pour m’assurer qu’ils sont encore là, solides, tangibles — alors que tout en moi vacille.J’ai retiré mes chaussures, déposé mon manteau, et je me suis laissée tomber au sol, dos au mur, dans la pénombre du salon.Je n’ai pas allumé. Pas besoin. L’obscurité est douce ce soir. Elle me couvre. Elle m’écoute. Elle ne juge pas.Je sens que tout est en train de basculer.Pas comme un
Lorenzo17h approche.Je suis déjà là.Seul, comme demandé. Mais armé. Pas physiquement. Ce serait grotesque. Ce genre de rencontre, ça ne se règle pas avec un canon sur la tempe. Ça se règle avec les nerfs. Avec ce qui reste d’âme après l’érosion.Julien pense encore que tout ça est un jeu d’échec. Qu’il y a une victoire à obtenir. Une case finale à conquérir.Il croit que j’ai quelque chose à prouver.Il se trompe.J’ai déjà choisi. Ce matin. Quand j’ai brûlé les pages du carnet. Pas toutes. Juste celles qui comptaient. Les noms barrés. Les décisions prises. Ce qu’on ne peut pas dire à voix haute. Ce qu’on confie aux flammes parce qu’elles comprennent mieux que les hommes.J’ai regardé les cendres danser, et j’ai compris.Je ne reviendrai pas en arrière.Pas cette fois.Le parking est vide. Un étage souterrain. Brut, froid, comme les souvenirs qu’on range dans les sous-sols de la mémoire. L’endroit parfait pour une fin. Ou un recommencement.Julien est là. Dos à moi. Comme s’il cont