LorenzoLe téléphone que me tend Marco semble peser une tonne dans ma main.Je lis le message s’affichant sur l’écran."On sait pour Camille. Il faut agir vite."Mon sang se glace.Quelqu’un sait.Quelqu’un parle.Je relève lentement les yeux vers Marco.— Qui ? demandé-je d’une voix basse, contenue.— On ne sait pas encore. Mais il y a une fuite. On doit agir avant qu’ils ne bougent.Un silence pesant s’installe dans la pièce.Camille, toujours là, nous observe.Elle n’a pas bougé depuis l’annonce de Marco, mais je vois l’étincelle de danger briller dans son regard.— Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? demande-t-elle calmement.Marco lui jette un coup d’œil avant de me regarder, incertain.— Ça veut dire que quelqu’un balance nos secrets.Elle ne cille pas.— Quelqu’un de votre organisation ?— Ou du tien.Ma voix claque dans l’air comme un fouet.Camille ne bronche pas, mais je vois ses doigts se crisper légèrement.— Je n’ai personne qui pourrait trahir.Elle plante ses yeux d
CamilleSon visage est blême.— Lorenzo… c’est pas ce que tu crois…Mais il n’a pas le temps de finir.Lorenzo sort son arme et tire.Une seule balle.Une exécution nette.Sans hésitation.L’homme s’effondre au sol.Je sens l’adrénaline me brûler les veines, mon cœur battre à tout rompre.Je ne devrais pas être surprise.Je savais que Lorenzo était dangereux.Mais le voir agir ainsi, aussi froidement, aussi impitoyablement…Ça change tout.Il range son arme et se tourne vers les autres.— La prochaine fois, il n’y aura pas d’avertissement.Puis, ses yeux se posent sur moi.Et pour la première fois, je me demande si je ne me suis pas engagée dans quelque chose que je ne pourrais plus arrêter.Le bruit du coup de feu résonne encore dans ma tête.L’homme s’est effondré sous mes yeux, une mare de sang s’étalant lentement autour de lui, imprégnant le béton froid de l’entrepôt.Un silence pesant s’est abattu sur la salle.Chaque homme ici sait ce que cela signifie.La trahison se paie au pr
CamilleLorenzo conduit en silence, ses mains fermement agrippées au volant.Les lumières de la ville filent derrière nous, projetant des ombres fugitives sur son visage fermé.Je pourrais parler.Je pourrais poser des questions.Mais je n’en ai pas envie.Pas maintenant.J’ai encore l’odeur du sang dans les narines.J’ai encore l’image de cet homme qui s’effondre, un trou béant dans le crâne, imprimée dans ma rétine.Et surtout, j’ai encore ce frisson glacé dans la colonne vertébrale, ce frisson qui n’a rien à voir avec la peur.C’était la première fois que je voyais un homme mourir sous mes yeux.Mais pas la première fois que je voyais la mort.Et c’est là que je réalise.Ce monde ne m’est pas étranger.Il me ramène à quelque chose de profondément enfoui.Quelque chose que j’ai fui.Et Lorenzo, lui, est en train de le réveiller.— Tu as l’air trop calme.Sa voix brise le silence.Je tourne la tête vers lui.Ses doigts tapotent le volant.Il n’aime pas que je sois impassible.Il veut
CamilleSes doigts glissent lentement sur ma joue, laissant derrière eux une traînée de frissons.Puis il recule légèrement, comme s’il testait ma réaction.Comme s’il voulait voir si je vais le suivre.Et je le fais.Je ne réfléchis plus.Je n’écoute plus la voix rationnelle qui me hurle de partir.Je l’attrape par le col de sa chemise et je l’attire vers moi.Nos lèvres se frôlent, à peine.Un murmure.Un souffle.Mais c’est suffisant pour faire exploser quelque chose entre nous.Lorenzo ne se retient plus.Sa main glisse dans ma nuque, ses doigts s’enroulent dans mes cheveux et, cette fois, il ne me laisse pas respirer.Le baiser est brutal.Brûlant.Il a le goût du danger et du péché.Et je me fiche des conséquences.Je me fiche de ce que cela signifie.Tout ce que je veux, c’est ce moment.Ce moment où tout disparaît sauf lui.---LorenzoQuand elle s’accroche à moi, quand elle répond à mon baiser avec autant d’intensité, je comprends.Elle est foutue.Elle est à moi.Même si ell
CamilleLe moteur gronde sous nous alors que Lorenzo accélère à travers les rues sombres. L’odeur de poudre et de sang flotte encore dans l’air, imprégnant ma peau, mes vêtements, chaque parcelle de mon être.Je devrais avoir peur.Je devrais ressentir quelque chose d’autre que cette montée d’adrénaline.Mais je ne ressens que le vide.Un vide étrange, enivrant.Mes doigts sont crispés sur le Glock encore chaud dans ma main. La sensation du métal froid contre ma peau est à la fois familière et étrangère.Lorenzo jette un coup d’œil vers moi, un sourire en coin sur les lèvres.— Tu vis bien avec ce que tu viens de faire ?Sa voix est calme, presque amusée. Comme s’il testait mes limites.Je lève les yeux vers lui. Je pourrais prétendre. Faire semblant d’être sous le choc, d’être bouleversée.Mais ce serait un mensonge.Alors je choisis la vérité.— C’est plus facile que je ne l’aurais cru.Son sourire s’élargit, mais son regard s’assombrit.— Je sais. C’est ça le problème.Il ne dit ri
LorenzoLe feu crépite doucement dans l’âtre, projetant une lumière vacillante sur les murs de la cabane. Je suis assis sur le vieux canapé en cuir, une bouteille de whisky à moitié vide entre les doigts.De l’autre côté de la pièce, derrière la porte entrouverte, Camille dort.Ou du moins, elle essaie.Je peux entendre sa respiration, légèrement irrégulière, comme si son corps refusait de se détendre malgré la fatigue.Je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le dossier du canapé.Cette nuit aurait dû être un simple repli stratégique. Une pause avant la prochaine bataille.Mais ce n’est pas juste ça.C’est autre chose.Quelque chose de plus dangereux que n’importe quel ennemi.Je la ressens.Elle est là, dans l’ombre, à quelques mètres de moi, et pourtant, c’est comme si elle était partout autour de moi.Je n’ai jamais eu peur de la mort.Mais cette femme ?Elle pourrait me tuer sans même lever son arme.Elle pourrait me faire tomber sans m’en rendre compte.Et ça, ça me te
CamilleUn sourire en coin étire mes lèvres.— Et moi ? Je suis sous ta protection ou sous ta menace ?Il pose enfin son regard sur moi.— Ça dépend. Tu veux être protégée ou menacée, Camille ?Son ton est calme, trop calme.Mais son regard dit tout le contraire.Il me teste.Il veut voir si je vais reculer.Alors je fais un pas de plus.— Tu me prends pour qui, Lorenzo ? Une gamine effrayée ?Je m’arrête juste devant lui.Nos corps sont proches, trop proches.Il sent le café, la poudre et quelque chose d’indéfinissable, quelque chose qui me trouble plus que je ne l’admets.Ses yeux sombres glissent sur mon visage, puis plus bas, sur ma bouche.Un silence.Pesant.Brûlant.Puis il sourit.Un sourire lent, presque cruel.— Si tu étais une gamine effrayée, tu ne serais pas là.Il se lève et passe à côté de moi, frôlant mon épaule.Un simple contact.Mais il déclenche un frisson électrique sur ma peau.Et je déteste ça.Je déteste qu’il ait cet effet sur moi.— On doit partir.Sa voix es
CamilleNos souffles se mêlent.— N’importe qui aurait réagi comme ça.Un sourire ironique étire mes lèvres.— Alors peut-être que je ne suis pas n’importe qui.Lorenzo me fixe avec intensité.Et je vois ce qui se passe dans son esprit.Il pensait me briser.Me tester.Mais au lieu de ça, c’est lui qui doute maintenant.Un silence pesant s’installe.Puis il fait quelque chose d’inattendu.Il tend la main, effleure ma joue du bout des doigts.Un geste doux, presque irréel dans cet endroit marqué par la mort.Mon souffle se coupe.— Tu es en train de devenir comme moi, Camille.Sa voix est rauque, troublée.Je pose ma main sur la sienne et murmure :— Ou peut-être que j’ai toujours été comme toi.Un frisson le parcourt.Et moi, je sens que je viens de franchir un point de non-retour.---LorenzoElle ne recule pas.Elle ne fuit pas.Putain.Camille me trouble plus qu’elle ne le devrait.J’ai vu des femmes effrayées, d’autres fascinées par la violence.Mais elle…Elle comprend.Et c’est
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D
LorenzoJe n’ai pas dormi. Je ne dors plus vraiment, depuis un moment.Pas depuis que tout a commencé à se fissurer. Pas depuis que Camille a cessé de me craindre.Parce qu’au fond, c’est ça qui m’a toujours tenu debout : le pouvoir. Le contrôle. L’idée que je pouvais contenir le monde dans ma poigne. Mais elle... elle n’a jamais plié. Elle a vacillé, oui. Mais elle est restée là. Même quand je l’ai repoussée. Même quand je l’ai trahie. Même quand j’ai tenté de la briser, pensant que ça la ferait m’aimer davantage, à ma façon. À ma manière tordue et terrifiée.Et maintenant, je suis là. Devant cette porte. Cette frontière entre le chaos que je traîne et la paix que je n’ai jamais su préserver. Je frappe deux fois. Pourquoi deux ? Peut-être pour ne pas paraître désespéré. Peut-être pour ne pas trop espérer.Je n’ai pas de plan. Pas de discours. Pas de mensonge prêt à se poser sur ma langue. Juste une peur sourde. Celle qui prend racine dans les entrailles, et qui murmure : Et si c’étai
CamilleLa nuit est tombée plus tôt que prévu.Ou peut-être que c’est moi qui me suis perdue dans le temps.Dans cette attente sans attente, ce moment suspendu entre deux battements de cœur.Entre ce message et ce qu’il signifie.Entre Lorenzo et ce qu’il est prêt à devenir.Je suis rentrée.Pas chez moi. Chez nous. Enfin, ce qu’il en reste. Ce qu’il pourrait en être, s’il ose.Les murs sont les mêmes, mais ils ne résonnent plus pareil.Ils ont gardé l’écho de nos silences, de nos cris étouffés, de nos regards qui disaient tout ce que nos bouches refusaient d’admettre.Je les effleure du bout des doigts, comme pour m’assurer qu’ils sont encore là, solides, tangibles — alors que tout en moi vacille.J’ai retiré mes chaussures, déposé mon manteau, et je me suis laissée tomber au sol, dos au mur, dans la pénombre du salon.Je n’ai pas allumé. Pas besoin. L’obscurité est douce ce soir. Elle me couvre. Elle m’écoute. Elle ne juge pas.Je sens que tout est en train de basculer.Pas comme un
Lorenzo17h approche.Je suis déjà là.Seul, comme demandé. Mais armé. Pas physiquement. Ce serait grotesque. Ce genre de rencontre, ça ne se règle pas avec un canon sur la tempe. Ça se règle avec les nerfs. Avec ce qui reste d’âme après l’érosion.Julien pense encore que tout ça est un jeu d’échec. Qu’il y a une victoire à obtenir. Une case finale à conquérir.Il croit que j’ai quelque chose à prouver.Il se trompe.J’ai déjà choisi. Ce matin. Quand j’ai brûlé les pages du carnet. Pas toutes. Juste celles qui comptaient. Les noms barrés. Les décisions prises. Ce qu’on ne peut pas dire à voix haute. Ce qu’on confie aux flammes parce qu’elles comprennent mieux que les hommes.J’ai regardé les cendres danser, et j’ai compris.Je ne reviendrai pas en arrière.Pas cette fois.Le parking est vide. Un étage souterrain. Brut, froid, comme les souvenirs qu’on range dans les sous-sols de la mémoire. L’endroit parfait pour une fin. Ou un recommencement.Julien est là. Dos à moi. Comme s’il cont