Camille
Le bruit métallique du marteau du juge résonne encore dans ma tête alors que je sors du tribunal. Une victoire de plus. Je devrais être satisfaite, mais une étrange sensation me serre la poitrine. L’affaire était trop simple, trop prévisible. Défendre des innocents ou des criminels en col blanc n’a plus la même saveur.
Je pousse la porte de mon cabinet, retirant mes talons avec un soupir. Mon assistante, Mélanie, lève les yeux de son écran.
— Tu as un rendez-vous dans dix minutes. Un client très insistant.
— Qui ?
Elle hésite. Je fronce les sourcils. Mélanie sait que je déteste les non-dits.
— Un homme qui ne laisse pas son nom. Mais il a dit que c’était une question de vie ou de mort.
Un frisson me parcourt. Les clients désespérés, j’en ai vu des dizaines. Mais il y a quelque chose dans son regard inquiet qui me met mal à l’aise.
— Fais-le entrer.
Mélanie opine et quitte la pièce. Quelques secondes plus tard, un homme s’avance dans mon bureau. Grand, imposant, un costume sombre parfaitement taillé sur une carrure puissante. Son visage est sculpté comme s’il avait été taillé dans la pierre : mâchoire ciselée, regard sombre et perçant.
Je sens immédiatement que cet homme est un prédateur.
Il s’assoit face à moi, nonchalamment, comme s’il était maître des lieux. Ses doigts jouent avec le bouton de sa veste. Je croise les bras, tentant d’ignorer la chaleur qui s’installe dans la pièce.
— Vous êtes Camille Duret ?
Sa voix est profonde, grave, avec un léger accent italien.
— Qui me le demande ?
Un sourire arrogant étire ses lèvres.
— Lorenzo Valenti.
Son nom claque comme un coup de fouet. Je me fige. Lorenzo Valenti, chef présumé de l’une des organisations criminelles les plus dangereuses de la ville. Accusé de plusieurs meurtres, trafics et extorsions. Aucun avocat ne l’a jamais défendu longtemps. Ils ont tous fini par se retirer.
Je me penche légèrement en avant.
— Vous perdez votre temps. Je ne défends pas les criminels de votre espèce.
— Je vous paye dix fois vos honoraires habituels.
Je souris froidement.
— L’argent ne m’intéresse pas.
Son regard s’assombrit. Il sort un dossier de sa veste et le pose sur mon bureau avec une lenteur calculée.
— Peut-être que ceci vous intéressera plus.
J’ouvre le dossier, les doigts crispés. À l’intérieur, des photos. Moi. En train de sortir de mon appartement, de marcher jusqu’au tribunal, de dîner avec mon frère. Un frisson glacé me traverse l’échine.
— C’est une menace ?
Lorenzo secoue la tête.
— Une précaution. Vous avez besoin de moi autant que j’ai besoin de vous.
Je serre les dents.
— Je ne travaille pas avec la mafia.
Il se lève lentement, s’approche, ses yeux sombres me transperçant.
— Vous ne travaillez pas avec la mafia. Vous travaillez pour moi.
Ma respiration se bloque. Je sais que je devrais refuser. Mais au fond de moi, une alarme s’allume, non pas de peur… mais d’un frisson dangereux d’adrénaline.
Je suis piégée. Et pourtant, quelque chose en moi brûle déjà de savoir jusqu’où ce jeu va nous mener…
Camille
Le silence s’étire dans mon bureau. Oppressant. Pesant. Je me sens comme une proie piégée sous le regard intense de Lorenzo Valenti. Chaque fibre de mon corps me hurle de le faire sortir, de ne pas entrer dans son jeu. Mais ce n’est pas la peur qui me retient. C’est ce frisson indéfinissable, cette tension sourde qui vibre entre nous.
Je referme brutalement le dossier contenant ces photos de moi, le regard rivé sur lui.
— Vous me faites surveiller ?
Il esquisse un sourire, lent, presque amusé.
— Disons que je préfère savoir à qui je confie ma vie.
Je me lève, contournant mon bureau pour lui faire face. Mes bras se croisent sur ma poitrine, une posture de défi, mais il ne recule pas. Il ne recule jamais.
— Vous ne me laissez pas le choix, c’est ça ?
Son regard s’assombrit légèrement, comme s’il pesait chacune de mes réactions.
— Le choix, vous l’avez toujours, Camille. Mais si vous refusez, sachez que d’autres s’occuperont de votre cas.
Une menace déguisée. Je le savais. Mais ce qui me trouble, c’est cette manière qu’il a de prononcer mon prénom, comme s’il me possédait déjà.
Je serre les dents.
— Pourquoi moi ?
Il observe la ligne tendue de ma mâchoire, puis baisse les yeux sur ma tenue – une robe noire ajustée, des escarpins sobres, des bracelets discrets.
— Parce que vous êtes brillante. Parce que vous êtes incorruptible. Parce que vous avez une réputation à défendre.
Il se rapproche d’un pas. Je retiens mon souffle.
— Et parce que vous êtes trop fière pour laisser quelqu’un d’autre réussir là où vous auriez pu exceller.
Un silence. Ses mots résonnent trop juste, et ça m’agace.
— Vous ne me connaissez pas.
Son sourire s’élargit.
— Pas encore.
Il tend la main, glissant une carte sur mon bureau.
— Demain, 20 heures. Un dîner.
Je plisse les yeux.
— Je ne vais pas dîner avec vous.
— Ce n’est pas une invitation. C’est une entrevue professionnelle.
Sa voix est calme, mais je devine l’ordre sous-jacent. Il recule enfin et se dirige vers la porte. Avant de sortir, il se tourne légèrement.
— Vous n’avez pas envie de savoir pourquoi quelqu’un veut me voir en prison… ou pourquoi je vous ai choisie pour m’éviter ça ?
Et il disparaît, me laissant seule avec mes doutes.
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Le lendemain – 20h00
Je ne devrais pas être ici. Je n’aurais jamais dû venir.
Le restaurant où il m’a donné rendez-vous n’a pas de nom sur la façade. Luxe discret, ambiance tamisée. Des hommes en costume surveillent les entrées, et je sens immédiatement que je suis dans un territoire contrôlé.
Un serveur m’accueille avec un sourire poli.
— Mademoiselle Duret, veuillez me suivre.
Je le suis, mon regard glissant sur les clients présents. Des hommes influents, des regards furtifs, des murmures. Je suis la seule femme ici, hormis quelques compagnes silencieuses, parées de bijoux.
Lorenzo est déjà installé à une table isolée près d’une baie vitrée. Il se lève en me voyant approcher. Sa prestance est indéniable, son costume gris anthracite taillé à la perfection, son charisme écrasant.
— Vous êtes venue.
— Apparemment, j’ai un problème avec le mot non.
Je m’assois, posant mon sac près de moi. Il observe mon geste, un sourire en coin.
— Toujours sur vos gardes. C’est bien.
Je prends le menu, mais il l’intercepte et le referme d’un geste lent.
— Je commande pour nous.
Je croise les bras.
— Machiste, en plus d’être un criminel ?
Il rit doucement, et ce son me trouble plus que je ne veux l’admettre.
— Disons que j’aime le contrôle.
Je m’apprête à répliquer, mais le serveur revient déjà avec une bouteille de vin rouge et deux verres. Lorenzo le remercie en italien, puis me regarde.
— Je sais que vous avez des dizaines de questions.
Je m’adosse à ma chaise.
— Une seule, pour commencer. Qui veut vous voir en prison ?
Il fait tourner son verre entre ses doigts, réfléchissant.
— Mes ennemis. Mes associés. La justice. Beaucoup de gens aimeraient me voir tomber, Camille.
— Mais un en particulier a réussi à monter un dossier contre vous.
Ses yeux sombres se plissent légèrement.
— Oui.
Un frisson me parcourt.
— Qui ?
Il se penche lentement, son regard capturant le mien.
— Votre client précédent.
Mon cœur rate un battement.
— Quoi ?
Lorenzo pose un dossier devant moi. Je l’ouvre. Le nom inscrit me glace le sang.
— Victor Lambert.
Je relève la tête, interdite. Victor Lambert était un homme d’affaires que j’avais défendu il y a trois ans dans une affaire de détournement de fonds. Je l’avais sauvé de la prison.
— Je ne comprends pas…
Lorenzo repose son verre.
— Victor Lambert blanchissait de l’argent pour plusieurs organisations criminelles, dont la mienne. Il nous a trahis. Et maintenant, il veut me faire tomber.
Ma gorge se serre.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il a passé un accord avec les fédéraux.
Un silence. Le poids de l’information s’abat sur moi.
— Il vous utilise. Il sait que vous avez un passé avec lui. Il espère que vous refuserez de me défendre pour le protéger.
Je sens la sueur perler dans mon dos. Lambert… Je l’avais trouvé charmant, honnête. Mais avais-je été naïve ?
— Vous mentez peut-être.
Lorenzo ne cille pas.
— J’ai les preuves. Et si vous refusez cette affaire… vous deviendrez une cible.
Un long frisson parcourt ma peau. Je veux me lever, partir, fuir cette table et tout ce qu’elle représente. Mais une part de moi sait que c’est déjà trop tard.
J’ai mis les pieds dans un jeu bien plus dangereux que ce que j’avais imaginé.
Et Lorenzo Valenti venait d’en refermer la porte derrière moi.
CamilleLe silence s’étire entre nous, épais, menaçant. Lorenzo Valenti me regarde comme un prédateur jaugeant sa proie. Je devrais fuir, refuser, mettre un terme à cette folie avant qu’il ne soit trop tard. Mais mes doigts crispés sur le dossier devant moi trahissent une vérité bien plus troublante.Je suis piégée.Et une part de moi… brûle déjà de voir jusqu’où ce piège peut m’emmener.Je ferme les yeux une seconde, essayant d’ordonner mes pensées. Victor Lambert. Un homme que j’avais défendu il y a trois ans, persuadée de son innocence. Aujourd’hui, il se retrouve mêlé à un réseau criminel et veut faire tomber Lorenzo. Pourquoi ?Je relève la tête, mes yeux accrochant ceux de Lorenzo.— Quelles preuves avez-vous contre Lambert ?Il sourit, lentement, satisfait de me voir enfin poser les bonnes questions. Il sort un téléphone de sa poche, tape quelque chose sur l’écran, puis le pose face à moi.— Écoutez.J’appuie sur lecture.Un enregistrement démarre."… Je m’en fiche qu’il soit d
CamilleLe silence dans la voiture est plus pesant qu’un ciel d’orage prêt à éclater.Dehors, les gyrophares de la police illuminent mon immeuble de flashes rouges et bleus, peignant l’intérieur du véhicule d’ombres mouvantes. Je vois les agents entrer chez moi, mon estomac se noue. Qu’est-ce qu’ils font là ?Je tourne brusquement la tête vers Lorenzo, le souffle court.— C’est vous qui avez fait ça ?Son regard noir se pose sur moi, calme, insondable.— Non.Une réponse simple, mais je n’y crois pas une seconde.— Alors c’est Lambert ?Il incline légèrement la tête.— C’est une possibilité.Mon cœur bat trop vite. Je sens que quelque chose m’échappe. Je n’ai plus le contrôle. Et ça, c’est insupportable.— Si je descends et que je vais parler aux flics, qu’est-ce qui se passe ?Lorenzo s’adosse lentement contre le siège, un air presque amusé sur le visage.— Trois scénarios.Je me crispe.— Le premier : vous entrez, et ils vous posent simplement des questions. Rien de grave, juste une
CamilleL’eau chaude coule sur ma peau, me brûle presque, mais je ne baisse pas la température. J’ai besoin d’effacer cette nuit, d’éclaircir mon esprit.Ma vie a basculé en quelques heures. Mon appartement est envahi par des flics, je suis coincée dans le repaire d’un homme dont j’ignore tout, et quelqu’un a essayé de me piéger. Mais pourquoi ?Je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le marbre froid de la douche.Lambert.C’est forcément lui. Il a dû comprendre que je creusais un peu trop dans ses affaires. Mais pourquoi une mise en scène aussi brutale ? Pourquoi tenter de m’impliquer ?Une certitude me serre la gorge.Il veut me faire taire.Et la seule raison pour laquelle je suis encore là, c’est que Lorenzo est intervenu avant.Je serre les poings.Je refuse d’être une victime.J’éteins l’eau et attrape une serviette. Pas de vêtements de rechange. Merde.J’ouvre prudemment la porte et tends la tête dans le couloir.— Vous cherchez quelque chose ?Sa voix me surprend et
CamilleMon souffle est court.Je suis allongée sous lui, mon poignet prisonnier de sa main, son corps à quelques centimètres du mien. Chaque muscle tendu. Chaque nerf à vif.Sa respiration est profonde, maîtrisée. La mienne est plus erratique, et je déteste ça.Il joue. Il me teste.Je refuse d’être un pion sur son échiquier.Mon regard s’accroche au sien. Une seconde, deux… Puis je cesse de lutter.Je détends mon bras, relâche la tension dans mes muscles et l’observe avec un calme calculé.Un sourire amusé étire ses lèvres.— Bonne réaction.Il me libère lentement.Je me redresse, réajuste ma chemise en soie, et me lève du canapé sans un mot.Lorenzo me suit du regard, toujours appuyé contre les coussins, comme un félin satisfait de sa proie.— Vous apprenez vite.— Je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?Son sourire s’élargit.— Non.Il se lève à son tour, et je ressens immédiatement sa présence derrière moi. Il me dépasse de plusieurs centimètres, son aura est écrasante, magnétique.
CamilleJe déglutis, concentrée sur la sensation du métal contre ma paume.— Bien. Maintenant, frappez.Je relève brusquement la tête.— Pardon ?Il pointe un mannequin de cuir suspendu par des chaînes, déjà marqué de nombreuses entailles.— Frappez.Je fixe la cible.Je sais ce qu’il veut. Il veut voir si je suis capable de blesser.Si je suis prête à me transformer.Je serre la mâchoire et avance.D’un geste rapide, j’enfonce la lame dans le torse du mannequin.L’impact me surprend. Le cuir est plus résistant que je ne l’imaginais, mais la lame s’y enfonce malgré tout.Je retire l’arme et me tourne vers Lorenzo.— Satisfaite ? me demande-t-il, son sourire narquois en place.Je fronce les sourcils.— Je ne vois pas l’intérêt de—Il bouge.Trop vite.Je n’ai même pas le temps de réagir qu’il est sur moi, me désarme et me plaque contre la table.— Le problème, Camille, c’est que vous réfléchissez trop.Son souffle est chaud contre ma peau.— Dans ce monde, réfléchir après signifie mour
CamilleLa nuit est longue.Je suis allongée sur ce lit qui n’est pas le mien, dans cette maison qui n’est pas la mienne.Les bruits de la ville me parviennent à travers la fenêtre entrouverte.Et pourtant, ce n’est pas ça qui me tient éveillée.C’est lui.Lorenzo.Sa présence.Son ombre qui plane sur moi, même lorsqu’il n’est pas là.Je me lève et sors dans le couloir silencieux.Sans réfléchir, mes pas me mènent vers la pièce où il se trouve.Lorsque j’ouvre la porte, il est là, torse nu, une cicatrice marquant son épaule. Il ne dort pas non plus.Son regard se pose sur moi, perçant.— Je vous manque déjà ?Je croise les bras, refusant de montrer le trouble qui s’installe en moi.— Je veux en savoir plus.Il se lève lentement, son regard toujours planté dans le mien.— Sur quoi ?Je déglutis.— Sur vous. Sur votre passé.Un silence s’étire entre nous.Puis, contre toute attente, il me fait signe d’entrer.Et moi, au lieu de reculer… je franchis la porte.LorenzoElle est là, debout
CamilleLorenzo me fixe avec cette intensité brûlante, son regard oscillant entre agacement et inquiétude.— Je t’ai dit de rester ici.Je croise les bras, le défiant du regard.— Et moi, je t’ai dit que c’était hors de question.Un muscle tressaille sur sa mâchoire. Il serre son pistolet, puis détourne les yeux vers la fenêtre.— Cet homme n’est pas là par hasard.Sa voix est basse, froide.Je le rejoins, me penchant légèrement pour apercevoir la rue en contrebas. L’inconnu est toujours là. Immobile. Observant.— C’est qui ?Lorenzo ne répond pas tout de suite. Il referme doucement les rideaux avant de pivoter vers moi.— Quelqu’un qui ne devrait pas être là.Une tension électrique emplit la pièce.Puis, avant que je ne réalise ce qu’il fait, il attrape ma main et me tire vers la porte.— On sort d’ici.— Attends—— Camille.** Ne discute pas.**Le ton est tranchant.Mais il y a autre chose.De l’urgence.Et ça, ça m’inquiète.Je le suis sans protester alors qu’il m’entraîne dans le c
LorenzoJe vais chercher une bouteille de whisky et en verse un verre. Après une gorgée, je reprends.— Mon père était un homme de pouvoir. Mais il était aussi un homme faible.Camille reste immobile, attentive.— Il a voulu jouer sur tous les tableaux, conclure des affaires avec la mafia tout en essayant de garder une façade respectable. Ça n’a pas marché.Je fixe mon verre, me perdant dans mes souvenirs.— Un jour, ils sont venus. Pas pour lui. Pour nous. Moi, ma mère, mon frère. Ils voulaient qu’il paie ses dettes.Je ris sans joie.— Sauf qu’il n’a pas payé. Il nous a abandonnés. Il s’est enfui, a laissé ma mère seule face à eux.Camille retient son souffle.— Ils l’ont tuée ? murmure-t-elle.Je lève mon regard vers elle.— Pire. Ils l’ont brisée.Silence.Je bois une nouvelle gorgée avant de continuer.— Elle n’a jamais été la même après ça. Moi non plus.Je repose mon verre avec fracas.— C’est ce jour-là que j’ai compris. Dans ce monde, tu as deux choix : être le prédateur ou l
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D
LorenzoJe n’ai pas dormi. Je ne dors plus vraiment, depuis un moment.Pas depuis que tout a commencé à se fissurer. Pas depuis que Camille a cessé de me craindre.Parce qu’au fond, c’est ça qui m’a toujours tenu debout : le pouvoir. Le contrôle. L’idée que je pouvais contenir le monde dans ma poigne. Mais elle... elle n’a jamais plié. Elle a vacillé, oui. Mais elle est restée là. Même quand je l’ai repoussée. Même quand je l’ai trahie. Même quand j’ai tenté de la briser, pensant que ça la ferait m’aimer davantage, à ma façon. À ma manière tordue et terrifiée.Et maintenant, je suis là. Devant cette porte. Cette frontière entre le chaos que je traîne et la paix que je n’ai jamais su préserver. Je frappe deux fois. Pourquoi deux ? Peut-être pour ne pas paraître désespéré. Peut-être pour ne pas trop espérer.Je n’ai pas de plan. Pas de discours. Pas de mensonge prêt à se poser sur ma langue. Juste une peur sourde. Celle qui prend racine dans les entrailles, et qui murmure : Et si c’étai
CamilleLa nuit est tombée plus tôt que prévu.Ou peut-être que c’est moi qui me suis perdue dans le temps.Dans cette attente sans attente, ce moment suspendu entre deux battements de cœur.Entre ce message et ce qu’il signifie.Entre Lorenzo et ce qu’il est prêt à devenir.Je suis rentrée.Pas chez moi. Chez nous. Enfin, ce qu’il en reste. Ce qu’il pourrait en être, s’il ose.Les murs sont les mêmes, mais ils ne résonnent plus pareil.Ils ont gardé l’écho de nos silences, de nos cris étouffés, de nos regards qui disaient tout ce que nos bouches refusaient d’admettre.Je les effleure du bout des doigts, comme pour m’assurer qu’ils sont encore là, solides, tangibles — alors que tout en moi vacille.J’ai retiré mes chaussures, déposé mon manteau, et je me suis laissée tomber au sol, dos au mur, dans la pénombre du salon.Je n’ai pas allumé. Pas besoin. L’obscurité est douce ce soir. Elle me couvre. Elle m’écoute. Elle ne juge pas.Je sens que tout est en train de basculer.Pas comme un
Lorenzo17h approche.Je suis déjà là.Seul, comme demandé. Mais armé. Pas physiquement. Ce serait grotesque. Ce genre de rencontre, ça ne se règle pas avec un canon sur la tempe. Ça se règle avec les nerfs. Avec ce qui reste d’âme après l’érosion.Julien pense encore que tout ça est un jeu d’échec. Qu’il y a une victoire à obtenir. Une case finale à conquérir.Il croit que j’ai quelque chose à prouver.Il se trompe.J’ai déjà choisi. Ce matin. Quand j’ai brûlé les pages du carnet. Pas toutes. Juste celles qui comptaient. Les noms barrés. Les décisions prises. Ce qu’on ne peut pas dire à voix haute. Ce qu’on confie aux flammes parce qu’elles comprennent mieux que les hommes.J’ai regardé les cendres danser, et j’ai compris.Je ne reviendrai pas en arrière.Pas cette fois.Le parking est vide. Un étage souterrain. Brut, froid, comme les souvenirs qu’on range dans les sous-sols de la mémoire. L’endroit parfait pour une fin. Ou un recommencement.Julien est là. Dos à moi. Comme s’il cont