Camille
L’eau chaude coule sur ma peau, me brûle presque, mais je ne baisse pas la température. J’ai besoin d’effacer cette nuit, d’éclaircir mon esprit.
Ma vie a basculé en quelques heures. Mon appartement est envahi par des flics, je suis coincée dans le repaire d’un homme dont j’ignore tout, et quelqu’un a essayé de me piéger. Mais pourquoi ?
Je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le marbre froid de la douche.
Lambert.
C’est forcément lui. Il a dû comprendre que je creusais un peu trop dans ses affaires. Mais pourquoi une mise en scène aussi brutale ? Pourquoi tenter de m’impliquer ?
Une certitude me serre la gorge.
Il veut me faire taire.
Et la seule raison pour laquelle je suis encore là, c’est que Lorenzo est intervenu avant.
Je serre les poings.
Je refuse d’être une victime.
J’éteins l’eau et attrape une serviette. Pas de vêtements de rechange. Merde.
J’ouvre prudemment la porte et tends la tête dans le couloir.
— Vous cherchez quelque chose ?
Sa voix me surprend et je sursaute.
Lorenzo est appuyé contre le mur, les bras croisés, un sourire en coin. Il a changé de chemise – une noire, parfaitement ajustée – et tient une coupe de vin à la main.
Il est indécent de décontraction.
— Des vêtements, dis-je en resserrant la serviette autour de moi.
Il ne répond pas tout de suite. Son regard glisse lentement sur moi, évaluant chaque détail.
Je frémis sous son attention, mais je refuse de baisser les yeux.
Il finit par sourire et tend une main vers la chambre à côté.
— J’ai fait apporter quelques affaires.
Je ne le remercie pas.
J’avance rapidement dans la pièce et referme la porte derrière moi.
Quelques affaires ?
Un dressing entier m’attend.
Des robes, des ensembles sobres mais élégants, des sous-vêtements encore emballés. Même des chaussures.
Je serre les dents. Prévoyant, hein ?
J’enfile un jean noir et une chemise blanche en soie, puis sors de la chambre.
Lorenzo est toujours là, adossé au mur, et il sourit légèrement en me voyant.
— Bien. Maintenant, on parle.
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Lorenzo
Elle s’installe sur le canapé, droite comme une épée, prête à l’affrontement.
Je me sers un autre verre de vin, puis lui tends le second.
Elle hésite avant de le prendre, ses doigts frôlant les miens. Une légère tension électrique passe entre nous.
Elle la sent aussi.
Je m’installe face à elle, posant mon verre sur la table basse.
— Vous comprenez maintenant que votre vie ne sera plus jamais la même, n’est-ce pas ?
Elle serre les lèvres, les yeux froids.
— Je veux savoir pourquoi on me cible.
— Vous êtes avocate, Camille. Une excellente avocate. Mais vous avez creusé au mauvais endroit.
Elle fronce les sourcils.
— Lambert.
Je hoche la tête.
— Vous pensiez qu’il ne remarquait pas vos recherches ? Il sait tout.
Elle se redresse, méfiante.
— Et vous ? Pourquoi êtes-vous intervenu ?
Un sourire lent étire mes lèvres.
— Parce que vous m’intéressez.
Elle me fusille du regard.
— Vous jouez à quoi ? Vous me prenez sous votre protection comme une pauvre femme en détresse ?
Je ris doucement.
— Camille, je ne vous considère pas comme une femme en détresse. Mais comme une femme trop intelligente pour se rendre compte qu’elle joue avec des flammes qui vont la consumer.
Ses yeux brillent de colère.
Parfait.
Elle se lève d’un bond.
— Alors si je suis un problème, laissez-moi partir.
Je me lève à mon tour, réduisant immédiatement la distance entre nous.
— Non.
Elle tressaille légèrement.
— Pourquoi ? chuchote-t-elle.
Je me penche, mon souffle frôlant son oreille.
— Parce que maintenant, vous êtes à moi.
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Camille
Un frisson me traverse, incontrôlable.
Je le repousse d’un geste sec.
— Je n’appartiens à personne.
Son sourire s’élargit.
— On verra.
Ma respiration est saccadée. Il joue avec moi, avec mes nerfs, avec cette attraction étrange qui flotte entre nous.
Mais je refuse de plier.
— Très bien. Expliquez-moi pourquoi Lambert a fait ça.
Il se rassoit et croise les jambes avec une désinvolture agaçante.
— Parce que vous avez mis le nez dans des affaires qui le lient à des gens très puissants. Et il n’aime pas les témoins gênants.
Je déglutis.
— Des gens comme vous ?
Son sourire s’efface légèrement.
— Non. Des gens pires.
Un silence tombe entre nous.
Je passe une main dans mes cheveux, cherchant un moyen de reprendre le contrôle.
— Alors vous allez faire quoi ? Me garder enfermée ici indéfiniment ?
Il repose son verre et me fixe.
— Non.
Je fronce les sourcils.
— Alors ?
Il s’approche, lentement, comme un prédateur.
— Je vais vous apprendre à survivre.
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Lorenzo
Je vois la méfiance danser dans ses yeux. Mais aussi autre chose.
Un éclat d’adrénaline.
Elle est fière. Forte. Mais au fond, une part d’elle est curieuse.
Je me redresse et lui tends la main.
— Première leçon.
Elle me dévisage, hésite.
Puis, lentement, elle glisse sa main dans la mienne.
Son contact est chaud. Brûlant.
Je referme mes doigts sur les siens et l’attire contre moi.
Elle se raidit, surprise.
— Qu’est-ce que…
— Ne jamais faire confiance.
D’un geste fluide, je pivote et la fais basculer en arrière.
Elle s’effondre sur le canapé, souffle coupé.
Je me penche au-dessus d’elle, maintenant son poignet.
Ses yeux s’embrasent.
— Espèce de…
— Deuxième leçon, murmuré-je. Toujours avoir une issue de secours.
Elle réagit vite. Son genou monte vers mon estomac, mais j’attrape sa jambe avant.
Un rire grave m’échappe.
— Pas mal. Mais pas suffisant.
Elle lutte pour se dégager, mais je suis plus fort.
Elle le sait.
Et pourtant, elle ne détourne pas le regard.
Je ressens son souffle rapide, son odeur légère de savon et de désir refoulé.
Lentement, mon sourire disparaît.
Il n’y a plus que nous.
Et cette tension qui nous consume.
CamilleMon souffle est court.Je suis allongée sous lui, mon poignet prisonnier de sa main, son corps à quelques centimètres du mien. Chaque muscle tendu. Chaque nerf à vif.Sa respiration est profonde, maîtrisée. La mienne est plus erratique, et je déteste ça.Il joue. Il me teste.Je refuse d’être un pion sur son échiquier.Mon regard s’accroche au sien. Une seconde, deux… Puis je cesse de lutter.Je détends mon bras, relâche la tension dans mes muscles et l’observe avec un calme calculé.Un sourire amusé étire ses lèvres.— Bonne réaction.Il me libère lentement.Je me redresse, réajuste ma chemise en soie, et me lève du canapé sans un mot.Lorenzo me suit du regard, toujours appuyé contre les coussins, comme un félin satisfait de sa proie.— Vous apprenez vite.— Je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?Son sourire s’élargit.— Non.Il se lève à son tour, et je ressens immédiatement sa présence derrière moi. Il me dépasse de plusieurs centimètres, son aura est écrasante, magnétique.
CamilleJe déglutis, concentrée sur la sensation du métal contre ma paume.— Bien. Maintenant, frappez.Je relève brusquement la tête.— Pardon ?Il pointe un mannequin de cuir suspendu par des chaînes, déjà marqué de nombreuses entailles.— Frappez.Je fixe la cible.Je sais ce qu’il veut. Il veut voir si je suis capable de blesser.Si je suis prête à me transformer.Je serre la mâchoire et avance.D’un geste rapide, j’enfonce la lame dans le torse du mannequin.L’impact me surprend. Le cuir est plus résistant que je ne l’imaginais, mais la lame s’y enfonce malgré tout.Je retire l’arme et me tourne vers Lorenzo.— Satisfaite ? me demande-t-il, son sourire narquois en place.Je fronce les sourcils.— Je ne vois pas l’intérêt de—Il bouge.Trop vite.Je n’ai même pas le temps de réagir qu’il est sur moi, me désarme et me plaque contre la table.— Le problème, Camille, c’est que vous réfléchissez trop.Son souffle est chaud contre ma peau.— Dans ce monde, réfléchir après signifie mour
CamilleLa nuit est longue.Je suis allongée sur ce lit qui n’est pas le mien, dans cette maison qui n’est pas la mienne.Les bruits de la ville me parviennent à travers la fenêtre entrouverte.Et pourtant, ce n’est pas ça qui me tient éveillée.C’est lui.Lorenzo.Sa présence.Son ombre qui plane sur moi, même lorsqu’il n’est pas là.Je me lève et sors dans le couloir silencieux.Sans réfléchir, mes pas me mènent vers la pièce où il se trouve.Lorsque j’ouvre la porte, il est là, torse nu, une cicatrice marquant son épaule. Il ne dort pas non plus.Son regard se pose sur moi, perçant.— Je vous manque déjà ?Je croise les bras, refusant de montrer le trouble qui s’installe en moi.— Je veux en savoir plus.Il se lève lentement, son regard toujours planté dans le mien.— Sur quoi ?Je déglutis.— Sur vous. Sur votre passé.Un silence s’étire entre nous.Puis, contre toute attente, il me fait signe d’entrer.Et moi, au lieu de reculer… je franchis la porte.LorenzoElle est là, debout
CamilleLorenzo me fixe avec cette intensité brûlante, son regard oscillant entre agacement et inquiétude.— Je t’ai dit de rester ici.Je croise les bras, le défiant du regard.— Et moi, je t’ai dit que c’était hors de question.Un muscle tressaille sur sa mâchoire. Il serre son pistolet, puis détourne les yeux vers la fenêtre.— Cet homme n’est pas là par hasard.Sa voix est basse, froide.Je le rejoins, me penchant légèrement pour apercevoir la rue en contrebas. L’inconnu est toujours là. Immobile. Observant.— C’est qui ?Lorenzo ne répond pas tout de suite. Il referme doucement les rideaux avant de pivoter vers moi.— Quelqu’un qui ne devrait pas être là.Une tension électrique emplit la pièce.Puis, avant que je ne réalise ce qu’il fait, il attrape ma main et me tire vers la porte.— On sort d’ici.— Attends—— Camille.** Ne discute pas.**Le ton est tranchant.Mais il y a autre chose.De l’urgence.Et ça, ça m’inquiète.Je le suis sans protester alors qu’il m’entraîne dans le c
LorenzoJe vais chercher une bouteille de whisky et en verse un verre. Après une gorgée, je reprends.— Mon père était un homme de pouvoir. Mais il était aussi un homme faible.Camille reste immobile, attentive.— Il a voulu jouer sur tous les tableaux, conclure des affaires avec la mafia tout en essayant de garder une façade respectable. Ça n’a pas marché.Je fixe mon verre, me perdant dans mes souvenirs.— Un jour, ils sont venus. Pas pour lui. Pour nous. Moi, ma mère, mon frère. Ils voulaient qu’il paie ses dettes.Je ris sans joie.— Sauf qu’il n’a pas payé. Il nous a abandonnés. Il s’est enfui, a laissé ma mère seule face à eux.Camille retient son souffle.— Ils l’ont tuée ? murmure-t-elle.Je lève mon regard vers elle.— Pire. Ils l’ont brisée.Silence.Je bois une nouvelle gorgée avant de continuer.— Elle n’a jamais été la même après ça. Moi non plus.Je repose mon verre avec fracas.— C’est ce jour-là que j’ai compris. Dans ce monde, tu as deux choix : être le prédateur ou l
LorenzoLe silence après les coups de feu est pire que le vacarme.L’odeur du sang emplit l’air.Les corps jonchent le sol.Mais ce n’est pas fini.Je garde mon arme levée, mon souffle court, mes muscles tendus.Camille est contre le mur, encore sous le choc. Son regard passe des cadavres à moi, comme si elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle vient de voir.— Ils sont partis ? murmure-t-elle.Je n’ai pas le temps de répondre.Un bruit sur le toit.Merde.D’un geste, j’attrape son poignet et l’entraîne vers la cuisine.— Lorenzo ! proteste-t-elle, paniquée.— Chut.J’ouvre une trappe sous l’évier.— Descends.— Quoi ?!— Fais ce que je dis.Son regard s’accroche au mien.— Et toi ?— Je les retiens.— Non.— Camille.Je vois la peur dans ses yeux. Mais il n’y a pas de temps pour ça.Elle secoue la tête.— Je ne te laisse pas.Je serre la mâchoire.— Putain.Un coup résonne au-dessus de nous.Ils sont sur le toit.Je n’ai pas le choix.Je la pousse dans la trappe et referme.Elle frapp
CamilleLe moteur vrombit alors que la voiture file dans la nuit.Personne ne parle.Je devrais être terrifiée.Mais ce que je ressens, c’est autre chose.De l’adrénaline.Une brûlure dans mes veines.J’ai toujours vécu dans un monde où les règles étaient claires.Le bien. Le mal.Les criminels. La justice.Mais Lorenzo…Il est l’exception à tout.Il n’est ni un monstre, ni un homme bon.Il est entre les deux, et je suis en train de glisser avec lui.— Où allons-nous ? demandé-je enfin.Lorenzo tourne la tête vers moi.— Quelque part où ils ne nous trouveront pas.Marco ricane.— Si ça existe encore.— Ça existe, répond Lorenzo d’un ton tranchant.Je fronce les sourcils.— Pourquoi ils s’acharnent sur toi ? Qu’est-ce qu’ils veulent ?Un silence s’installe.Puis Lorenzo soupire.— Ils veulent tout.Je le fixe.— Tout ?— Moi. Mon pouvoir. Mon empire.Il se frotte la mâchoire, l’air fatigué.— Et maintenant, ils vont vouloir toi aussi.Mon cœur rate un battement.— Moi ? Pourquoi moi ?
CamilleLe silence dans la pièce est lourd.Lorenzo me fixe toujours avec cette intensité qui semble vouloir me transpercer, analyser chacun de mes doutes, chacun de mes frissons.Mais il n’y a plus de place pour le doute.J’ai fait mon choix.Je n’ai plus peur.Ou peut-être que si.Mais ce n’est pas la peur de la mort, ni celle du danger.C’est une peur plus insidieuse.Celle de me perdre.Lorenzo se lève lentement, récupère nos verres et les pose sur une petite table en bois près du canapé.— Demain, on passe à la prochaine étape.Sa voix est calme, maîtrisée.— Laquelle ? demandé-je, les bras croisés.— Si tu veux rester, tu dois apprendre à survivre.Il sort un couteau de sa poche et le fait tourner entre ses doigts.La lame brille sous la lumière tamisée.— Tu sais te battre, Camille ?Je fronce les sourcils.— J’ai fait de la boxe au lycée.— C’est un bon début.Il s’approche, s’arrête juste devant moi.Je sens la chaleur de son corps.— Mais ici, la boxe ne suffit pas. Ici, c’e
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D
LorenzoJe n’ai pas dormi. Je ne dors plus vraiment, depuis un moment.Pas depuis que tout a commencé à se fissurer. Pas depuis que Camille a cessé de me craindre.Parce qu’au fond, c’est ça qui m’a toujours tenu debout : le pouvoir. Le contrôle. L’idée que je pouvais contenir le monde dans ma poigne. Mais elle... elle n’a jamais plié. Elle a vacillé, oui. Mais elle est restée là. Même quand je l’ai repoussée. Même quand je l’ai trahie. Même quand j’ai tenté de la briser, pensant que ça la ferait m’aimer davantage, à ma façon. À ma manière tordue et terrifiée.Et maintenant, je suis là. Devant cette porte. Cette frontière entre le chaos que je traîne et la paix que je n’ai jamais su préserver. Je frappe deux fois. Pourquoi deux ? Peut-être pour ne pas paraître désespéré. Peut-être pour ne pas trop espérer.Je n’ai pas de plan. Pas de discours. Pas de mensonge prêt à se poser sur ma langue. Juste une peur sourde. Celle qui prend racine dans les entrailles, et qui murmure : Et si c’étai
CamilleLa nuit est tombée plus tôt que prévu.Ou peut-être que c’est moi qui me suis perdue dans le temps.Dans cette attente sans attente, ce moment suspendu entre deux battements de cœur.Entre ce message et ce qu’il signifie.Entre Lorenzo et ce qu’il est prêt à devenir.Je suis rentrée.Pas chez moi. Chez nous. Enfin, ce qu’il en reste. Ce qu’il pourrait en être, s’il ose.Les murs sont les mêmes, mais ils ne résonnent plus pareil.Ils ont gardé l’écho de nos silences, de nos cris étouffés, de nos regards qui disaient tout ce que nos bouches refusaient d’admettre.Je les effleure du bout des doigts, comme pour m’assurer qu’ils sont encore là, solides, tangibles — alors que tout en moi vacille.J’ai retiré mes chaussures, déposé mon manteau, et je me suis laissée tomber au sol, dos au mur, dans la pénombre du salon.Je n’ai pas allumé. Pas besoin. L’obscurité est douce ce soir. Elle me couvre. Elle m’écoute. Elle ne juge pas.Je sens que tout est en train de basculer.Pas comme un
Lorenzo17h approche.Je suis déjà là.Seul, comme demandé. Mais armé. Pas physiquement. Ce serait grotesque. Ce genre de rencontre, ça ne se règle pas avec un canon sur la tempe. Ça se règle avec les nerfs. Avec ce qui reste d’âme après l’érosion.Julien pense encore que tout ça est un jeu d’échec. Qu’il y a une victoire à obtenir. Une case finale à conquérir.Il croit que j’ai quelque chose à prouver.Il se trompe.J’ai déjà choisi. Ce matin. Quand j’ai brûlé les pages du carnet. Pas toutes. Juste celles qui comptaient. Les noms barrés. Les décisions prises. Ce qu’on ne peut pas dire à voix haute. Ce qu’on confie aux flammes parce qu’elles comprennent mieux que les hommes.J’ai regardé les cendres danser, et j’ai compris.Je ne reviendrai pas en arrière.Pas cette fois.Le parking est vide. Un étage souterrain. Brut, froid, comme les souvenirs qu’on range dans les sous-sols de la mémoire. L’endroit parfait pour une fin. Ou un recommencement.Julien est là. Dos à moi. Comme s’il cont