— Mais je ne sais pas surfer.
— Ne t’inquiète pas. Je vais t’apprendre.Je regarde l’océan. La terrasse offre une vue parfaite sur les flots, et c’est aussi le cas de toutes lespièces de ce côté de la maison. Les vagues me paraissent énormes, et j’ai l’impression qu’elles se brisent avec fracas, à grand renfort d’écume. Je ne suis pas tout à fait rassurée. Je ne suis déjà pas très athlétique en règle générale... Me mesurer à un océan démonté paraît vraiment une très mauvaise idée.Mais Ethan est tellement enthousiaste, tellement content, que je ne peux pas refuser. Après tout, c’est moi qui lui ai demandé comment il gérait la pression. Et puis, même si je me méfie de l’eau, j’ai confianceJe ne sais pas combien de temps je passe dans les bras d’Ethan, submergée d’émotions que je ne contrôle plus.Assez longtemps en tout cas pour que les dernières lueurs du jour se fondent dans le crépuscule puis dans la nuit noire.Assez longtemps aussi pour que la tiédeur de l’après-midi cède la place à la fraîcheur d’un soir du début de l’été sur la plage.Plus de temps qu’il n’en faut à la marée pour remonter.Dans un instant de lucidité, je pense aux surfs d’Ethan, aux combinaisons, aux serviettes et au panier de pique-nique, et je me demande si certains de ces objets sont encore sur la plage. Ou si l’océan a tout emporté dans son inexorable étreinte.Pendant des années, j’ai espéré que l’Atlantique m’emporte ainsi. Qu’il envahis
— J’avais quinze ans. J’étais jeune, idiote, et je cherchais désespérément à me faire des amis. À avoir une vie normale. Quand j’étais gamine, on déménageait tout le temps ; on ne restait jamais plus de quelques mois au même endroit. Mon père n’était pas vraiment doué pour garder un emploi.C’est le plus gros euphémisme de l’univers, mais pas besoin de s’étaler sur cette question-là en plus. C’est déjà bien assez de déverser sur Ethan l’histoire avec Brandon, pour le moment.— L’année de mes quatorze ans, on s’est installés à Boston. Mon père avait une opportunité pour le boulot qu’il ne pouvait pas laisser passer. Ça n’était pas un super poste, du moins pas au début, et on vivait dans une maison pou
Je reprends lentement conscience de ce qui m’environne : la lumière de l’aube sur mon visage et l’odeur du café dans mes narines.Je ne suis pas désorientée en me réveillant dans ce lit inconnu. Je ne me demande pas où je suis ni comment j’y suis arrivée. Dès l’instant où j’ouvre les yeux, je sais que je suis chez Ethan. Dans son lit. Il m’y a amenée la nuit dernière, quand la température a tellement baissé que je me suis mise à claquer des dents.Je repousse mes mèches emmêlées de ma figure et me redresse sur les coudes pour découvrir le domaine secret d’Ethan. Hier soir, j’étais trop lessivée pour faire autre chose que me blottir contre lui sous la couette, mais ce matin je remarque les murs bleu ardoise. Le couvre-lit gris fumé. L’énorme tableau qui occupe un p
Nous prenons le petit déjeuner sur la terrasse. Pains au chocolat chauds, fraises pour moi et myrtilles pour lui, mimosas avec une bonne dose de champagne, juste comme j’aime.— Tu sais t’y prendre pour chouchouter une fille, lui dis-je, étendue sur une chaise longue, mon deuxième cocktail à la main.— C’est ce que j’essaie de te faire comprendre depuis le début. Mais tu n’as fait que résister.Il prend ma main libre pour m’embrasser les doigts. Loin d’être cucul, son geste est follement sexy.— Je ne résiste plus. Je suis à toi.Il ne répond pas, et je panique. Suis-je allée trop loin ? Ai-je surinterprété la chaîne de taille ? Ou safaçon de me toucher, me tenir, me traiter ? Mais il lève le visage vers moi et je comprends qu’il est aussi touché par ce qui se passe entre
Le temps s’écoule et nous ne faisons rien d’autre que profiter du soleil, mon corps lové contre celui d’Ethan qui me caresse. Me rassure. Il me masse le cuir chevelu si longtemps que j’ai envie de ronronner comme un chat. Puis il descend vers mon cou, mes épaules, et mon dos. Il pétrit chacun de mes muscles pour m’aider à me détendre. Puis il mêle ses doigts aux miens et fait tourner ma main dans un étrange mouvement qui me fait décoller.Quand il en a fini avec moi, je suis totalement relaxée, et je me sens toute molle... — Tu ne t’es pas endormie ? murmure-t-il d’un ton doux.Je réponds par un son béat.— Tant mieux, commente-t-il.Il me passe un bras autour des épaules, un autre sous les genoux, et se lève.— On va où ?Je me sens trop paresseuse pour l’enlacer. Je me contente de me
— Tout va bien ? demande-t-il après quelques minutes pendant lesquelles je n’ai pas bougé. — Qu’est-ce que tu entends par « bien » ?Je n’ai même pas l’énergie d’ouvrir les yeux.— Je ne t’ai pas fait mal ? Ou peur ?L’idée m’arrache un sourire. Je passe une main alanguie sur son bras pour mêler mes doigts aux siens. — J’ai l’air d’avoir peur ?— Non, on dirait plutôt que tu es dans le coma...— C’est ce que je ressens ! dis-je dans un éclat de rire.— Parfait.Il remue, et l’eau vient clapoter contre ma peau encore électrisée par le plaisir. Le souffle court, je sens mes tétons durcir. Ethan rallume l’eau.— Qu’est-ce que...— Chut, murmure-t-il en me passant les doigts sur le bras, les épaules et le cou,
Je passe toute la journée avec Ethan. Nous faisons l’amour, pique-niquons pour le dîner comme nous aurions dû le faire hier, et parlons d’un million de choses sans importance : les lucioles, la comparaison entre caramel et beurre de cacahuète, nos groupes préférés... Je n’adhère vraiment pas à ses goûts musicaux, mais je veux bien les lui pardonner vu ce qu’il sait faire avec sa langue.Ethan est insatiable, et maintenant que j’ai dépassé le stress et l’insécurité de la première fois, moi aussi. Nous faisons l’amour partout : dans la piscine, sur la plage, sur la terrasse, dans son lit, et sur la table de la cuisine.Je crois que c’est la fois qui m’a le plus plu. Nous sommes dans la cuisine, en train de préparer un déjeuner tardif dans un effort pour ne pas être terrassés par nos innombrables
Le mardi matin, je me réveille dans le lit d’Ethan. Il tente de me convaincre d’y passer la journée entière – avec lui, bien sûr – mais il est hors de question de me faire porter pâle dès ma deuxième semaine de stage.— Tu as une mauvaise influence sur moi, lui dis-je en sortant de la douche.Je viens de battre le record des ablutions les plus rapides du monde, et c’est une chance que j’habite tout près, car sinon je serais en retard. Je me suis levée à temps, mais... disons qu’Ethan est capable de me ralentir quand il le décide.— Seulement parce que tu es une fille bien.Il s’apprête à m’enlacer par-derrière, mais s’arrête en chemin.— Ça va, tu sais. Je ne suis pas si fragile que ça.— Tu n’es pas fragile du tout, proteste-t-il en m’embrassant le bout du nez. Mais je ne veux pas temettre mal à l’aise.— Ah bon ? Pourtant, cette passion du suçon est en train de prendre des proportions gênantes... Hier,les copains avec lesquels je déjeune les regardaien
Ethan En cet instant, je n’ai jamais rien vu de plus magnifique qu’elle. Et ce n’est pas rien, quand on sait combien de fois cette pensée m’est déjà venue. Nous sommes dans mon domaine viticole de Toscane, et les vignes s’étendent à perte de vue.En début de soirée, le ciel s’embrase de teintes ocre, rouge et or. La beauté – riche, puissante, inoubliable – apparaît dans chaque pouce de terrain, chaque bouffée d’air. Et malgré tout, Chloe Girard Frost est ce qu’il y a ici de plus beau. En cet instant, elle se tient pieds nus au milieu d’un ancien pressoir à vin, ses longs cheveux roux volant au vent, sa jupe coincée entre ses cuisses. Elle a les pieds bordeaux alors qu’elle piétine les grappes sans relâche, et ses mains sont posées sur son ventre arrondi. L’un des vignerons s’adresse à elle, et je la vois rejeter la tête en arrière pour rire à gorge déployée. C’est un son sublime, magique. Et qui pour moi n’ira jamais de soi.
Ethan part tôt, peu après que nous ayons fait l’amour. Il se glisse hors du lit après m’avoir câlinée quelques minutes et murmuré « Je t’aime ». Il croit que je dors. Je ne le détrompe pas. Ce n’est pas faute d’avoir envie qu’il reste, bien au contraire. Être séparée de lui, la semaine précédente, était aussi atroce que d’être amputé d’un membre. D’une partie de moi-même. À présent qu’il est de nouveau là, j’ai un peu envie de m’accrocher à lui. De le serrer si fort que nos corps se confondent. Que nous nous mélangions et que je sente son amour, sa lumière, rayonner à l’intérieur de moi pour toujours.S’il savait que je suis réveillée et que je le regarde sortir, s’il savait combien je me sens vide sans lui, il lui serait impossible de partir, même pour s’occuper de notre mariage. Et j’ai besoin qu’il me laisse, au moins un moment. Il faut que je réfléchisse à ce que je vais faire ensuite. D’un côté, c’est très simple. Ethan et moi, ensemble. Pour toujours. C’est notre de
— J’y vais, annonce Tori.C’est une bonne chose, car je suis pétrifiée. Elle attrape ses chaussures et son sac Vuitton avant d’ouvrir la porte dans un grand geste cérémonieux.Sans surprise, Ethan se tient sur le seuil, pâle et amaigri. Tori le toise de la tête aux pieds, sans trahir le fait qu’elle milite sans relâche pour lui depuis des jours.— Déconne encore une fois, et je te coupe les couilles, déclare-t-elle d’un ton hautain.Sur ces bonnes paroles, elle s’enfuit, se glissant par la porte avant même que j’aie décidé comment saluer Ethan.Mais ce n’est pas grave, car je n’en ai pas le temps. Il apparaît dans la cuisine, un énorme bouquet à la main, tout son amour écrit sur son visage.— Tu avais raison, dit-il.— À quel propos ?Une petite voix me dit que c’est le moment le plus important de mon existence, alors autant que toutsoit bien clair. C’est un bon conseil. Dommage que mon cœur batte si fort que je risque de ne pas entendre un mot de ce qu’i
— Je crois que je vais appeler le médecin. Voir s’il peut me filer des hormones. Tori s’assied à table en écartant les jambes avec ostentation.— Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es malade ? dis-je, inquiète.— Non, je crois juste que je commence à avoir des boules.— Des boules ? Tu veux dire des ganglions ?Je laisse mes questions en suspens lorsque je comprends ce qu’elle veut dire.— Non mais franchement ! Et moi qui m’inquiétais pour toi.— C’est moi qui m’inquiète pour toi. Tous ces « je t’aime, moi non plus » avec Ethan, c’esttellement tordu que ça commence vraiment à me foutre les boules. Tu passes ton temps à me demander de m’adapter à une chose et son contraire. Tu l’aimes, tu le détestes. Tu l’aimes, tu le détestes. Je ne comprends jamais de quel côté de la barrière je dois me situer à tel ou tel moment.— C’est des conneries et tu le sais très bien. En plus, je n’ai jamais dit que je détestais Ethan, et je ne t’ai pas demandé de lui en vouloir. Ne me
— Eh bien, déclare Vanessa après quelques secondes qui semblent une éternité. Il semblerait que tu sois moins bête que ce que je pensais. Tu es capable d’assembler les pièces du puzzle.Je manque d’éclater de rire en entendant cette phrase, cette idée que je sais reconstituer un puzzle. Moi qui ai passé les cinq dernières années à tenter de recoller les morceaux de moi-même, pour finir par retomber en miettes après chaque tentative.Je croyais que cette fois, c’était la bonne. Après avoir découvert le lien entre Brandon et Ethan, avoir quitté ce dernier puis m’être remise avec lui, après avoir enfin accepté ce qui m’était arrivé et dépassé tout cela, je pensais avoir enfin compris. Avoir trouvé le moyen de recoller tous les morceaux. En les mélangeant à ceux d’Ethan. En construisant quelque chose de nouveau, de brillant et d’entier sur les décombres du passé.Ça aurait dû marcher. Vraiment.Mais il s’avère que ce n’était qu’une illusion, qu’un simple élément d’informatio
— Merci encore, Rodrigo ! dis-je en quittant, titubante, le siège passager de l’un des camions du vignoble.— De rien, señorita Chloe. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.— D’accord. Mais je pense avoir tout ce qu’il me faut. Bonne soirée ! Faites un bisou à votre adorable fillette de ma part.— Sí. Ce sera fait, répond-il avec un petit rire, les joues empourprées. Ma petite Padma sera contente ! Sa mère dit que depuis qu’elle vous a rencontrée ce matin, elle ne parle de rien d’autre.— Ça n’est que justice. Moi aussi, j’ai parlé d’elle toute la journée. Elle est tellement mignonne ! — Sí, sí. Je crois que vous avez monté une société d’admiration mutuelle, toutes les deux.— Ce n’est pas faux, réponds-je en le saluant d’un geste de la main avant de m’éloigner vers laporte d’entrée en vacillant.— Ça va, señorita Chloe ? Vous voulez que je vous aide à entrer ?— Non, ça va. Ça va. Je suis juste un peu pompette.Pompette, le mot est peut-êt
J’ignore combien de temps nous restons plantés là. Assez longtemps pour que les propriétaires du SUV garé à côté de nous déchargent leur chariot et s’en aillent. Assez longtemps pour que la petite fille assise sur le banc devant le magasin finisse sa glace. Plus de temps que nécessaire pour que tous ces morceaux, qui me semblaient hier si bien collés ensemble, soient de nouveau mélangés.Nous attendons.J’imagine qu’Ethan va parler. Qu’il va me dire qu’il comprend, que ce n’est pas grave. Ou l’inverse, qu’il ne saisit pas, et que nous avons fait une énorme erreur. Au point où j’en suis, je ne sais plus ce qui serait le pire. Tout ce que je vois, c’est que je ne vais pas supporter de continuer à attendre bien longtemps. Je vais devenir folle.Il refuse de me regarder. Depuis que je lui ai parlé de mon désir de mourir, il n’a pas posé les yeux sur moi.Je finis par ne plus pouvoir endurer ce silence une seconde de plus.— Ethan.Il lève les yeux vers moi. Ils sont fl
— C’est un vignoble. Pour de vrai.— Je te l’avais bien dit.Nous venons d’atterrir chez Ethan à Napa et je me tiens derrière la maison principale, au sommetd’une énorme colline qui domine des hectares et des hectares de vignes.— Oui, mais je pensais que tu n’avais que quelques pieds...Avec un haussement d’épaules, il lève les mains comme pour se déprécier. — J’ai un peu plus que quelques pieds.— Je vois. Tu as aussi des camions, des vignerons et une salle de dégustation. Et tout l’équipement qui va avec. Tu as un domaine viticole, quoi.— Je ne t’ai pas menti.— Non. Mais...— Mais quoi ?— Mais c’est un vignoble !Il sourit d’une oreille à l’autre, comme s’il n’avait jamais rien vu de plus fou que moi. — Tu l’as déjà dit.— Je sais, mais c’est...— ... un vignoble. Oui. C’est vrai. Et même si cette conversation est très profonde, je me demandais si on pouvait passer à autre chose...— Je ne sais pas. Peut-être. Qu’est-ce qu’il y a d’au
Mon alarme sonne à 6 h 30, à peine une heure après qu’Ethan et moi sommes finalement entrés d’un pas chancelant dans la maison pour nous coucher. Avec un grognement, je tends la main vers mon réveil pour l’éteindre, en me disant que je ne dois pas le lancer à travers la pièce... après tout, ce n’est pas sa faute si je suis une véritable idiote.Il en réchappe de peu, pourtant. Ça aurait pu mal finir, mais Ethan me le prend des mains et le dépose par terre doucement avant de m’attirer vers lui, tout contre son torse.— Il faut qu’on se lève..., dis-je.L’idée d’ouvrir les yeux suffit à me donner la nausée. Je suis épuisée, et courbaturée à cause de ma fuite éperdue sur la plage, la nuit dernière. Fuite qui me semble stupide quand on sait comment elle a fini, par une union si totale entre Ethan et moi que, pendant un moment, je n’étais plus consciente des limites de nos deux corps.— J’ai une réunion. Et toi, tu dois sans doute acheter un petit pays.— Deux petits pays,