Graziella
Paris. 5 h 12.
Je suis déjà debout. Ou plutôt, je ne me suis pas vraiment couchée. Juste un moment, contre le mur froid, les jambes tendues, le dos noué de fatigue. Le sommeil, je l’ai troqué contre des pliés et des pirouettes. Je n’ai pas le luxe du repos.
Dans la pièce exiguë que je partage encore avec ma mère, le silence est pesant. Le parquet grince sous mes pointes élimées, et chaque craquement semble hurler dans le noir. Je serre les dents. Une ampoule éclate sous l’effort. Mon sang colle à la toile de mes chaussons. J’ai mal. Mais la douleur est la seule chose qui me prouve que je suis encore en vie.
Il fait froid, ici. Toujours. Le chauffage est en panne depuis trois semaines, mais on n’a pas de quoi le faire réparer. Ma mère dit que ça forge le caractère. Moi, je dis que ça casse les os. Mais elle n’écoute plus mes remarques. Elle coud en silence, tard le soir, des robes qu’elle ne pourra jamais porter. Et moi, je danse. Comme si ma vie dépendait de chaque arabesque.
Parce qu’elle en dépend.
Je ne suis pas née pour être jolie. Ni pour être docile. Je suis née pour brûler sur scène. Pour fendre le silence d’un saut, pour voler un souffle, pour conquérir une salle entière sans dire un mot. Je suis née pour qu’on me voie.
Et ce matin, j’ai une audition.
Pas une grande. Pas officielle. Une remplaçante tombée malade, un trou dans le programme. Mais une chance. Peut-être la seule. L’Opéra de Paris ouvre une brèche, et je suis assez affamée pour m’y engouffrer.
Je quitte l’appartement sans bruit. Je laisse ma mère dormir. Elle est belle, endormie. Ridée de fatigue, usée par les jours, mais digne. Moi, j’ai ses mains. Et sa rage. Elle, elle l’a enfouie. Moi, je l’ai laissée grandir.
Dans le bus, mes genoux tremblent. Je cache mes chaussons sous mon manteau trop grand. Les autres passagers me regardent à peine. Je suis une ombre. Une fille parmi d’autres. Une inconnue qui espère.
Mais dans ma tête, je suis déjà sur scène.
---
L’Opéra sent le vieux bois, la cire, et la perfection figée.
Je pousse la porte du studio de répétition. Les murs blancs reflètent la lumière crue. Je connais cette salle par cœur, même si je n’y ai jamais dansé. Je l’ai vue mille fois depuis la galerie du haut, assise, tapie dans l’ombre, les yeux rivés sur les danseuses étoile. Elles, elles avaient des noms. Des soutiens. Des lignées. Moi, j’ai juste appris à copier chaque mouvement jusqu’à me l’approprier.
Les autres filles sont déjà là. Elles me regardent. Certaines m’ignorent. D’autres ricanent. Je suis cette inconnue sans tutu griffé, sans maquillage. J’ai un justaucorps noir qui a vu trop de lavages, et mes cheveux sont tirés à en saigner.
Mais je m’en fiche.
Je m’échauffe. Je me recentre.
Quand le professeur entre, il me lance un regard bref. Il sait qui je suis. Une pièce de rechange. Jetable. Mais remplaçable ne veut pas dire transparente. Pas aujourd’hui.
La musique commence.
Et je me lance.
---
Tout disparaît.
Le froid. Les moqueries. Le sang sous mes ongles. Je suis mouvement. Je suis tension. Je suis souffle.
Je danse La Mort du Cygne comme si je la vivais. Chaque battement de bras est un cri muet. Chaque courbe de mon dos, une offrande. Je me tords, je vacille, je renais. Je suis la chute, la lutte, la fin.
Quand la musique s’arrête, j’ai le cœur qui cogne contre mes côtes comme une bête affolée. J’entends mon sang. Je sens la sueur couler dans mon dos. Et je me redresse.
Rien.
Pas un mot. Pas une main qui applaudit.
Juste des regards figés.
Et un murmure, à ma gauche.
— Élias De Marens est dans la salle.
Je me retourne.
Je le vois.
Il est là. Assis dans l’ombre, à l’écart. Costume anthracite, chemise noire, cravate défaite juste ce qu’il faut pour qu’on devine que l’élégance est chez lui une arme, pas un effort.
Élias De Marens.
J’ai entendu des choses sur lui. Tout le monde en a. Il finance, il détruit. Il fait et défait les carrières avec une simple inclinaison du menton. Il choisit. Et quand il choisit, il exige.
On dit qu’il collectionne les talents. Et qu’il les possède.
Pas comme un mécène. Comme un démon. Avec promesses, chaînes, et pactes murmurés dans l’obscurité.
Pourquoi est-il ici ?
Je baisse les yeux. Trop tard. Son regard m’a vue.
---
Dans les couloirs, je cherche un vestiaire désert. J’ai besoin de reprendre mon souffle. J’ai peur de vomir. L’adrénaline, la fatigue, l’humiliation. Tout se mélange.
— Mademoiselle Valcourt.
Je me fige.
Il est là. Tout près. Plus grand que je l’imaginais. Plus calme. Trop calme. Il ne sourit pas. Il ne parle pas pour séduire. Il parle pour sceller.
— Vous dansez comme on se noie. C’est rare.
Je serre les dents. Je ne veux pas qu’il lise dans ma peur. Ni dans ma faim.
— Merci.
Il sort une carte de sa veste. Elle est noire. Sobre. Mon nom est déjà inscrit dessus.
— Passez me voir. Ce soir. Demain. Quand vous serez prête à faire ce qu’il faut pour que le monde se souvienne de votre nom.
Il me regarde une dernière fois.
— Je peux vous donner la scène. Mais à une condition : qu’elle vous brûle. Et que vous m’apparteniez.
Puis il s’en
va.
Moi, je reste là.
Le cœur en feu.
Les jambes qui tremblent.
Et la carte brûlante contre ma poitrine.
GraziellaJe regarde la carte une fois de plus, comme un test. Un piège. Un billet vers l’enfer, un autre vers le sommet. Le nom d'Élias De Marens inscrit en lettres noires, aussi lisses et froides que l'immobilier de luxe qu’il semble posséder. Je devrais la jeter, ignorer ce qu'elle représente, oublier tout cela. Mais mon cœur s’emballe à chaque fois que mes yeux glissent dessus. Un mystère, un pari, un rêve brisé… je ne sais pas encore.Je la tiens dans ma main, mes doigts tremblants. Elle n’a pas de logo, pas de référence, juste une promesse, cette simple phrase qui m’hypnotise : « Appelez-moi si vous voulez vraiment briller. » Ça semble si simple, mais je sais que tout dans cette phrase est chargé d'implications.Je ferme les yeux un instant, le bruit de la ville gronde à travers la fenêtre. L'Opéra, la scène… tout ce que j’ai toujours voulu. Mais à quel prix ? Et suis-je prête à payer ce prix ?Un bruit dans l’encadrement de la porte. Ma mère. Le regard fatigué, mais bienveillan
GraziellaJe reste là, figée. Le regard d’Élias m’enserre, une prise invisible, plus forte que mes muscles. Ses mots flottent dans l’air, lourds, inéluctables. Corps, âme et danse. Je les répète dans ma tête, comme un écho qui ne cesse de grandir. C’est une offre, une promesse, mais aussi un piège. J’ai l’impression d’être prise dans une toile d’araignée invisible, chaque mouvement me rapprochant davantage du centre. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de frémir à l’idée de ce que cela pourrait signifier.Je n’arrive pas à détacher mes yeux des siens. Il n’a pas besoin de dire un mot de plus. Tout est là, dans l’intensité de son regard, dans le silence de la pièce, dans la chaleur qui semble se dégager de sa présence. Je pourrais lui appartenir. Tout ce que je veux, tout ce dont j’ai rêvé, à portée de main. Mais à quel prix ? Quelque chose en moi se révolte à cette pensée, un cri intérieur qui me hurle de reculer, de fuir. Mais je sais que c’est déjà trop tard.Il n’a pas besoin de me
GraziellaLes heures qui suivent sont un tourbillon d’émotions contradictoires. Je tente de me concentrer sur autre chose, mais chaque moment me ramène à lui. À Élias. À ce qu’il m’a offert. Ou plutôt, à ce qu’il m’a imposé. Mon esprit ne cesse de tourner autour de ce choix, comme une spirale sans fin. La peur, l’excitation, le doute, tout se mêle dans une danse chaotique. Il y a une partie de moi qui veut tout abandonner, fuir ce monde qui me dépasse. Mais il y a aussi cette part de moi, cachée, presque inconsciente, qui m’appelle à l’avancer, à plonger dans l’inconnu. À le rejoindre.Je passe la nuit à me retourner dans mon lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Le silence autour de moi est lourd, oppressant, presque un rappel que le monde qui m’entoure est bien plus petit que ce que je suis en train de contempler. Le rêve, le succès, la reconnaissance — tout cela semble si proche, à portée de main. Mais la peur de tout perdre me ronge. Je sais que je ne pourrai pas revenir
GraziellaLe son de la porte qui se ferme derrière moi résonne comme un dernier écho, une marque indélébile dans mon esprit. L’air de la pièce semble plus lourd, plus chargé d’une énergie électrique. Je n’avais pas imaginé que revenir ici me donnerait une telle sensation. Je pensais que le choix serait simple, que j’aurais la force de m’y rendre et de suivre la promesse d’Élias, mais la réalité est bien plus complexe que je ne l'avais imaginé.Il est là, dans l'ombre, m’attendant. Ses yeux brillent d'une lueur que je connais bien, celle qui me rappelle que, désormais, tout est sous contrôle. Pas le mien, mais le sien. Et cela me trouble plus que je ne voudrais l’admettre. Je lève les yeux vers lui, et il ne fait rien, ne dit rien. Il se contente de me fixer, comme une statue immobile, une figure de pouvoir. Un maître, un prédateur.— Vous êtes là, dit-il simplement, sa voix basse, sans fioritures. L’instant que vous avez choisi. La ligne entre le passé et l’avenir vient de s’effacer.
GraziellaJe m'assois à la table, le contrat posé devant moi comme un test de ma propre volonté. La lumière froide de la pièce semble se concentrer sur ce document, le rendant encore plus imposant, presque menaçant. Je prends une respiration profonde, mes mains effleurent le papier sans le toucher. Je sais ce que ce contrat représente, mais je ne peux m'empêcher de l'examiner encore un peu, comme si je pouvais en lire les intentions cachées, les clauses non écrites. Mais je ne trouve rien d'autre que des mots, des phrases, une promesse. Une promesse enivrante, un piège bien ficelé.Élias reste debout, immobile, à une distance qui me permet de sentir sa présence sans qu'il envahisse mon espace personnel. Il n’a pas bougé, mais je sais qu’il observe chacun de mes gestes. Chaque hésitation. Chaque seconde de doute. Ce contrat, c'est plus qu'un simple morceau de papier ; c'est le point de non-retour. C’est ce que je suis sur le point d’accepter, ce que je suis prête à accepter, malgré mes
ÉliasJe reste là, debout, observant Graziella, les yeux rivés sur elle. Le contrat est désormais signé, et l’instant qui suit est suspendu, comme un souffle retenu dans l’air. Elle semble figée, le stylo encore dans la main, comme si la décision qu’elle vient de prendre ne parvenait pas tout à fait à se manifester dans son esprit. Je pourrais me satisfaire de ce moment. Le poids de son choix repose entièrement sur elle, mais j’ai besoin de plus. J’ai besoin de savoir si elle mesure vraiment ce qu’elle a fait.Je n’ai jamais été du genre à m’attarder sur les faiblesses des autres, mais Graziella… elle m’intrigue. J’ai observé sa lutte intérieure, la façon dont elle s’accrochait encore à une illusion de liberté, comme si un choix plus noble s’offrait à elle. Elle savait, comme moi, que c’était une illusion. Tout ceci ne faisait que retarder l’inévitable. Le pouvoir que je détiens sur elle ne vient pas d’un simple contrat. Non, ce pouvoir réside dans l’emprise que j’ai sur son âme, sur
ÉliasIl y a des moments, dans une vie, où tout change. Des instants suspendus où l’on sent que la direction d’un chemin bascule, et qu’il n’y a plus de retour possible. Graziella vient de me le montrer. Sa décision, cette signature, n’a pas seulement marqué un point de non-retour pour elle. Elle a aussi laissé une empreinte indélébile sur moi. Car, même si j’ai orchestré chaque mouvement, chaque mot, chaque regard pour la conduire ici, je me rends compte qu’une partie de moi n’était pas prête pour ce qu’il vient de se passer.Je la regarde maintenant, de l’autre côté de la pièce, son visage fermé, mais ses yeux trahissent quelque chose. Un tourment. Une peur. Et, au fond, une acceptation silencieuse. Elle a signé. Mais elle n’a pas signé par facilité. Non, elle a signé parce qu’elle a été poussée dans une situation où son choix était le seul qui pouvait exister. Elle savait que je la guiderais. Elle savait que je ne lui laisserais aucune autre option.Mais ce qu’elle ignore, ce qu’el
ÉliasIl y a des moments, dans une vie, où tout change. Des instants suspendus où l’on sent que la direction d’un chemin bascule, et qu’il n’y a plus de retour possible. Graziella vient de me le montrer. Sa décision, cette signature, n’a pas seulement marqué un point de non-retour pour elle. Elle a aussi laissé une empreinte indélébile sur moi. Car, même si j’ai orchestré chaque mouvement, chaque mot, chaque regard pour la conduire ici, je me rends compte qu’une partie de moi n’était pas prête pour ce qu’il vient de se passer.Je la regarde maintenant, de l’autre côté de la pièce, son visage fermé, mais ses yeux trahissent quelque chose. Un tourment. Une peur. Et, au fond, une acceptation silencieuse. Elle a signé. Mais elle n’a pas signé par facilité. Non, elle a signé parce qu’elle a été poussée dans une situation où son choix était le seul qui pouvait exister. Elle savait que je la guiderais. Elle savait que je ne lui laisserais aucune autre option.Mais ce qu’elle ignore, ce qu’el
ÉliasJe reste là, debout, observant Graziella, les yeux rivés sur elle. Le contrat est désormais signé, et l’instant qui suit est suspendu, comme un souffle retenu dans l’air. Elle semble figée, le stylo encore dans la main, comme si la décision qu’elle vient de prendre ne parvenait pas tout à fait à se manifester dans son esprit. Je pourrais me satisfaire de ce moment. Le poids de son choix repose entièrement sur elle, mais j’ai besoin de plus. J’ai besoin de savoir si elle mesure vraiment ce qu’elle a fait.Je n’ai jamais été du genre à m’attarder sur les faiblesses des autres, mais Graziella… elle m’intrigue. J’ai observé sa lutte intérieure, la façon dont elle s’accrochait encore à une illusion de liberté, comme si un choix plus noble s’offrait à elle. Elle savait, comme moi, que c’était une illusion. Tout ceci ne faisait que retarder l’inévitable. Le pouvoir que je détiens sur elle ne vient pas d’un simple contrat. Non, ce pouvoir réside dans l’emprise que j’ai sur son âme, sur
GraziellaJe m'assois à la table, le contrat posé devant moi comme un test de ma propre volonté. La lumière froide de la pièce semble se concentrer sur ce document, le rendant encore plus imposant, presque menaçant. Je prends une respiration profonde, mes mains effleurent le papier sans le toucher. Je sais ce que ce contrat représente, mais je ne peux m'empêcher de l'examiner encore un peu, comme si je pouvais en lire les intentions cachées, les clauses non écrites. Mais je ne trouve rien d'autre que des mots, des phrases, une promesse. Une promesse enivrante, un piège bien ficelé.Élias reste debout, immobile, à une distance qui me permet de sentir sa présence sans qu'il envahisse mon espace personnel. Il n’a pas bougé, mais je sais qu’il observe chacun de mes gestes. Chaque hésitation. Chaque seconde de doute. Ce contrat, c'est plus qu'un simple morceau de papier ; c'est le point de non-retour. C’est ce que je suis sur le point d’accepter, ce que je suis prête à accepter, malgré mes
GraziellaLe son de la porte qui se ferme derrière moi résonne comme un dernier écho, une marque indélébile dans mon esprit. L’air de la pièce semble plus lourd, plus chargé d’une énergie électrique. Je n’avais pas imaginé que revenir ici me donnerait une telle sensation. Je pensais que le choix serait simple, que j’aurais la force de m’y rendre et de suivre la promesse d’Élias, mais la réalité est bien plus complexe que je ne l'avais imaginé.Il est là, dans l'ombre, m’attendant. Ses yeux brillent d'une lueur que je connais bien, celle qui me rappelle que, désormais, tout est sous contrôle. Pas le mien, mais le sien. Et cela me trouble plus que je ne voudrais l’admettre. Je lève les yeux vers lui, et il ne fait rien, ne dit rien. Il se contente de me fixer, comme une statue immobile, une figure de pouvoir. Un maître, un prédateur.— Vous êtes là, dit-il simplement, sa voix basse, sans fioritures. L’instant que vous avez choisi. La ligne entre le passé et l’avenir vient de s’effacer.
GraziellaLes heures qui suivent sont un tourbillon d’émotions contradictoires. Je tente de me concentrer sur autre chose, mais chaque moment me ramène à lui. À Élias. À ce qu’il m’a offert. Ou plutôt, à ce qu’il m’a imposé. Mon esprit ne cesse de tourner autour de ce choix, comme une spirale sans fin. La peur, l’excitation, le doute, tout se mêle dans une danse chaotique. Il y a une partie de moi qui veut tout abandonner, fuir ce monde qui me dépasse. Mais il y a aussi cette part de moi, cachée, presque inconsciente, qui m’appelle à l’avancer, à plonger dans l’inconnu. À le rejoindre.Je passe la nuit à me retourner dans mon lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Le silence autour de moi est lourd, oppressant, presque un rappel que le monde qui m’entoure est bien plus petit que ce que je suis en train de contempler. Le rêve, le succès, la reconnaissance — tout cela semble si proche, à portée de main. Mais la peur de tout perdre me ronge. Je sais que je ne pourrai pas revenir
GraziellaJe reste là, figée. Le regard d’Élias m’enserre, une prise invisible, plus forte que mes muscles. Ses mots flottent dans l’air, lourds, inéluctables. Corps, âme et danse. Je les répète dans ma tête, comme un écho qui ne cesse de grandir. C’est une offre, une promesse, mais aussi un piège. J’ai l’impression d’être prise dans une toile d’araignée invisible, chaque mouvement me rapprochant davantage du centre. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de frémir à l’idée de ce que cela pourrait signifier.Je n’arrive pas à détacher mes yeux des siens. Il n’a pas besoin de dire un mot de plus. Tout est là, dans l’intensité de son regard, dans le silence de la pièce, dans la chaleur qui semble se dégager de sa présence. Je pourrais lui appartenir. Tout ce que je veux, tout ce dont j’ai rêvé, à portée de main. Mais à quel prix ? Quelque chose en moi se révolte à cette pensée, un cri intérieur qui me hurle de reculer, de fuir. Mais je sais que c’est déjà trop tard.Il n’a pas besoin de me
GraziellaJe regarde la carte une fois de plus, comme un test. Un piège. Un billet vers l’enfer, un autre vers le sommet. Le nom d'Élias De Marens inscrit en lettres noires, aussi lisses et froides que l'immobilier de luxe qu’il semble posséder. Je devrais la jeter, ignorer ce qu'elle représente, oublier tout cela. Mais mon cœur s’emballe à chaque fois que mes yeux glissent dessus. Un mystère, un pari, un rêve brisé… je ne sais pas encore.Je la tiens dans ma main, mes doigts tremblants. Elle n’a pas de logo, pas de référence, juste une promesse, cette simple phrase qui m’hypnotise : « Appelez-moi si vous voulez vraiment briller. » Ça semble si simple, mais je sais que tout dans cette phrase est chargé d'implications.Je ferme les yeux un instant, le bruit de la ville gronde à travers la fenêtre. L'Opéra, la scène… tout ce que j’ai toujours voulu. Mais à quel prix ? Et suis-je prête à payer ce prix ?Un bruit dans l’encadrement de la porte. Ma mère. Le regard fatigué, mais bienveillan
GraziellaParis. 5 h 12.Je suis déjà debout. Ou plutôt, je ne me suis pas vraiment couchée. Juste un moment, contre le mur froid, les jambes tendues, le dos noué de fatigue. Le sommeil, je l’ai troqué contre des pliés et des pirouettes. Je n’ai pas le luxe du repos.Dans la pièce exiguë que je partage encore avec ma mère, le silence est pesant. Le parquet grince sous mes pointes élimées, et chaque craquement semble hurler dans le noir. Je serre les dents. Une ampoule éclate sous l’effort. Mon sang colle à la toile de mes chaussons. J’ai mal. Mais la douleur est la seule chose qui me prouve que je suis encore en vie.Il fait froid, ici. Toujours. Le chauffage est en panne depuis trois semaines, mais on n’a pas de quoi le faire réparer. Ma mère dit que ça forge le caractère. Moi, je dis que ça casse les os. Mais elle n’écoute plus mes remarques. Elle coud en silence, tard le soir, des robes qu’elle ne pourra jamais porter. Et moi, je danse. Comme si ma vie dépendait de chaque arabesque