Chapitre VIL’anniversaire de FolivrödeNous approchions du mois de Labour. Les travaux du temple du longicorne prenaient des retards chargés d’accidents tragiques, des complications qui entretenaient le doute sur la faisabilité d’une construction suspendue au-dessus du vide. Heureusement arrivait un évènement festif à même de balayer le pessimisme ambiant : le premier anniversaire de Folivröde.Une foire avait été montée en bordure de la ville où ménestrels et gitans rivalisaient pour divertir les colons en échange de quelques tuiles de palissandre. Bière et hypocras coulaient à profusion dans des échoppes de toiles bondées de clients venus parfois de Tilsabily, la cité en amont de Palwite à plus d’une semaine de voyage. Les servantes encombrées de plateaux débordant de victuailles offraient un spectacle de contorsionnistes dont les prouesses n’avaient rien à envier aux saltimbanques. Les festivités étaien
Chapitre VIILe second prétendantUne flottille de barques volantes encadrait notre vaisseau amiral, un cotre offert par la Lignée pour protéger le sanctuaire du longicorne. Aussi dérisoire qu’il fut pour notre défense, ce faible navire représentait une force inespérée pour une bourgade de la canopée. À titre de comparaison, Palwite ne possédait à cette époque aucun bâtiment digne de ce nom.Les archers de Folivröde avaient été déployés sur les frêles esquifs, leurs arcs pointés sur l’entrée du temple en construction. Un canot chargé de chevaliers menés par Nisfyl approchait du chantier occupé par la dizaine de lanciers de garde, un barrage insuffisant face à la furie surgie au petit matin.Nisfyl débarqua, la lame hors de son fourreau, emporté par une fureur mal maîtrisée. Le bâtiment extérieur, des salles inachevées ouvertes aux quatre vents, fut rapidement sécurisé. Nisfyl y post
Chapitre VIIIPar delà les mots— Ce temple est un fardeau qu’il ne faut pas abandonner au seul motif qu’il nous embarrasse. Okateï a été blessée par le longicorne, à nous désormais de protéger cette plaie béante. Les récents incidents ont montré que la sécurité du sanctuaire est insuffisante. Nous devons y remédier.L’argumentaire de Tilydöl devant le conseil des officiers était éloquent et implacable. Nous avions péché par optimisme en raison de l’emplacement de la caverne prétendument inexpugnable. Quatre soldats avaient payé cher cette négligence.— Quelles sont vos recommandations ? demandai-je.— Les travaux doivent porter en priorité sur les portes intérieures…— Qui ne seront livrées que dans un mois, rappela Nortenam.— Je ne l’ai pas oublié. Je propose donc de murer la salle de la paroi
Chapitre IXLes enfants chérisOlien me fixait d’un œil sévère. L’air suspicieux, il prêtait attention à chacune de mes manies pour deviner le fond de ma pensée. En courtisan expérimenté, lire les sens cachés derrière de simples gestes lui était aussi naturel que pouvait l’être pour moi une feinte de quarte, suivie d’un enveloppement et d’une touche en octave. Un doigt accusateur s’empara de la pièce accompagné d’un sourire narquois. Son rire vainqueur m’arracha une grimace d’amertume.— Échec !J’examinai le plateau avec le vain espoir d’une échappatoire. Chaque issue était verrouillée, ici un fou, là un cavalier, et un malheureux pion pour menacer mon roi. Aucune solution : deux tours au plus et j’étais mat.— Bravo. Tu as gagné… une nouvelle fois.— Ce fut de rude lutte, comme toujours. Quoique je vous ai sentie distraite. Q
Chapitre XLa frondeOlien tomba des nues en découvrant celle qui venait de frapper à sa porte. Jamais, en plus d’un an de mariage, je n’en avais franchi le seuil. La surprise passée, il m’invita à entrer, confus d’embarras et d’excitation mêlés, en me dévorant du regard tel un objet rare et magnifique. Pris d’une frénésie de rangement, il attrapa des étoffes en désordre qu’il enferma à la va-vite dans un coffre sur lequel il posa un coussin moelleux où il proposa de m’asseoir.Je remarquai un de mes portraits accroché au mur, face au lit, qui me dévisageait avec sévérité. Une pointe de remords passager me serra le cœur. J’y avais été un peu fort avec lui. Sans réel motif autre que mon dédain, je l’avais traité en ennemi dès son arrivée, à grand renfort de brimades et d’injustes moqueries. Malgré cela, il m’avait toujours aimée. Quelle femme étais-je pour lui demander à présent de risquer sa vie ?
Chapitre XIClandestinsMalgré le choc, Nortenam resta en selle et son renard garda l’allure. Le bouclier attaché dans son dos avait encaissé le tir, jet de flammes dont ne restait qu’un cratère de bois calciné à travers lequel se devinait du tissu et de la chair brûlés. Bien que cela m’eût paru une éternité, le guerrier se redressa rapidement, un signe rassurant à notre adresse. Comme pour le confirmer, il donna des coups d’éperons dans les flancs de sa monture qui fila de plus belle.Je ne parvenais pas à suivre. Nëvudei se laissait distancer, offrant aux Anges une cible de choix. Tobiane remarqua mon retard et cassa l’élan de sa renarde qui virevolta pour venir à mon secours. Lorsqu’il fut à ma hauteur, il me hurla de sauter en croupe.— Nëvudei est trop chargée, précisa-t-il. Allégée, elle aura une chance de nous rattraper.J’hésitai. La monture de
Chapitre XIIUne plume portée par les ventsLa forteresse de Palwite rapetissait jusqu’à se confondre avec le trait de côte. Seul demeurait visible l’abdomen du frelon, la proéminence qui donnait à ces rivages leur silhouette caractéristique. La Fierté filait, portée par une belle brise d’Ouest, creusant à chaque minute l’écart avec nos poursuivants. J’en aurais éprouvé du soulagement si Nortenam n’avait pas été entre leurs mains, dans l’attente d’un sort que je n’osais imaginer. Les Aërlydes passaient pour des gens civilisés, traitant leurs prisonniers dans le respect des lois. Les annales rappelaient néanmoins quelques taches sur cette image idyllique. Dès lors que le terme Prophète était prononcé, les Éthérés semblaient perdre leurs manières policées.— Arrête de bayer aux corneilles, face d’ange, et va briquer le pont.Je n’avais plus l’habitude de recevoir des ordres, enc
Chapitre XIIIUn seul ÊtreNous partîmes au petit matin avec pour seul bagage nos affaires indispensables. Tobiane et moi commençâmes à tirer la barque à l›abri des intempéries et d’éventuelles bêtes trop curieuses.— Inutile, lança Ovidenam sans donner plus d’explications. Nous terminions juste nos paquetages lorsqu’il ordonna le départ.Je pensais la tanière de l’ermite proche, mes illusions s’effilochèrent passée la deuxième heure. Ce n’est qu’à la mi-journée que j’osai demander si nous approchions.— Chaque pas davantage, se contenta-t-il de répondre.Des ombres se faufilaient autour de nous, certaines effrayées par les bruits de pas, d’autres avidement intéressées par ces visiteurs inhabituels. Aucune créature pourtant n’osa approcher. Nous les entendions gronder et feuler, frustrées de devoir laisser partir des proies si tentan