Chapitre 7

« C'est du n’importe quoi ! », crie-je. « Je ne me suis pas ruinée moi-même-mon identité a été usurpée et en plus je ne l’ai su qu'après l'insémination. Je ne suis pas une personne irresponsable, ni le genre de femme qui attend qu'un homme résolve ses problèmes. Je ne ferai jamais ce que vous avez dit. »

« Je n’ai nul besoin d’écouter vos excuses. », répond-il sèchement. « Les preuves sont là. »

« On ne savait même pas qu’il s’agissait de votre enfant ! », lui rappelle-je. « Peut-être qu’il n’est pas… ». J’ai dû me secouer la tête avant de continuer. « Il n’est peut-être pas humain, mais cela ne signifie pas qu’il est votre enfant. »

« Je sais qu’il est à moi. », gronde Sinclair, me faisant trembler de peur instinctive. « Je peux le sentir, je perçois ma lignée dans votre ventre. »

Je ne peux que rester bouche bée devant lui. Il peut le sentir ? Percevoir sa lignée ? On dirait que j'ai quitté la réalité pour entrer dans un univers différent. « C'est dingue. », dis-je en sentant que je retombe dans le déni. « Si les loups-garous existaient, les gens le sauraient ! »

Sinclair roule des yeux et lève sa main qui fait la taille d'une assiette. Pendant que je regarde, cinq griffes se déploient là où ses ongles étaient il y a un instant. Je fixe cette scène étrange et légèrement écœurante avec une incrédulité totale. « Comment avez-vous fait ? »

« Je vais vous croire sans preuve et supposer que c’est votre état de choc qui vous a fait dire ça, plutôt que de douter de votre intelligence. », déclame Sinclair.

Je le fixe avec colère, oubliant momentanément qu'il est non seulement un homme deux fois plus grand que moi, mais en plus un prédateur dangereux. « Vous n’avez pas le droit de me parler comme ça juste parce que vous avez de l'argent et que vous hurlez à la lune. »

Il courbe un de ses sourcils sombres, défiant ma colère. « Ah bon ? »

« Oui. », réplique-je, croisant mes bras devant ma poitrine et inclinant obstinément le menton. « Tout à fait. »

C’est à croire qu'il voulait sourire. Je jure que les coins de sa bouche ont tressailli. « Tu es une petite courageuse, je te l'accorde. »

« Je n’ai pas besoin que tu m’accordes quoi que ce soit. », gronde-je, « je veux que tu me laisses seule. »

Ses yeux brillent dangereusement, « cela n’arrivera pas. Tu portes mon louveteau. »

« Louveteau. », dis-je, sentant un inconfort au niveau de l’estomac, « genre… quatre pattes et une queue ? »

« Non. », répond-il, sans être désagréable. « Ce n’est pas comme ça que ça marche. »

« Alors ça marche comment ? », demande-je, encore plus abattue. « Au fait, comment tout ça fonctionne ? »

« Et bien, sur pas mal de points, les loups-garous sont comme les humains. », explique Sinclair, s'adossant dans son fauteuil toujours en me fixant. En fait, son regard est si intense que j'ai de plus en plus de mal à ne pas me tortiller. « Nous venons au monde sous forme humaine et nous vivons la majeure partie de notre vie comme des humains. La plupart ne font leur première transformation seulement quelques années après leur naissance. Cela demande un certain effort et de l'entraînement. Les sens sont toujours présents—des instincts, la vue, l'odorat et l'ouïe accrus—mais se transformer n'est pas aussi facile pour les petits que les adultes le laissent paraître. C'est comme apprendre à parler—cela devient naturel une fois adulte, mais cela demande des efforts dans les premières années. »

« Mais comme puis-je être enceinte d’un… Si moi même n’en suis pas une ? », questionne-je.

Pour la première fois, Sinclair semble moins sûr de lui. « En effet, je n'en suis pas certain. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose. Notre société existe en parallèle à la vôtre. Quelques personnes—comme votre amie—sont occasionnellement mises dans la confidence, mais seulement dans des cas très spéciaux et elles ne s'intègrent jamais vraiment. C'est seulement lorsque quelqu'un a des connaissances ou une expertise très utiles pour nous. »

« C’est juste qu’il y a comme... un monde caché plein de loups-garous qui existe juste sous le nez des humains ? », conclus-je.

« C’est une bonne façon de l’expliquer, oui. », confirme-t-il.

« Et les meutes et les alphas… toutes ces choses qu’on lit dans les romans fantastiques—est-ce que c’est vrai ? »

« Alors, nos transformations n'ont rien à voir avec la pleine lune, mais à part ça, beaucoup de choses sont correctes. Nous sommes beaucoup plus rapides et plus forts que les humains, et notre société est divisée en meutes, mais elles sont très grandes. Vous pouvez les considérer comme des provinces ou des États dans un royaume plus vaste. », explique Sinclair.

« Royaume ? », demande-je, « avec un roi et une reine et tout ? »

« Exact. », sa réponse semble étrangement pesante, comme s’il omettait quelque chose de très important-mais je ne sais pas de quoi s’agit-il. « Maintenant, fini les questions, parlons sérieusement ? »

« Parler sérieusement ? », qu’est-ce qui peut être plus sérieux que de renverser complètement ma vision du monde ?

Il regarde fixement en direction de mon ventre. « De ce bébé. »