LE HASARD
Nous y revoilà. C'est le même discours chaque matin. Il y a que je suis en retard de quelques minutes, 30 minutes pour être précis, et monsieur en fait toute une scène. Franchement ça en devient presque insupportable. N'empêche que cela me profite bien parce que sans lui pour me rappeler incessamment que je dois me dépêcher, je crois que je serais encore au lit à l’heure qu’il est ; pas que je sois un marmotte, loin de là. C'est juste que j'ai une de ses paresse les matins, le genre de paresse qui t’incite à vouloir rester au lit le reste de la journée mais nous sommes à Cotonou, et qui dit Cotonou dit dépenses, qui dit dépenses dit argent et qui dit argent dit travail. Pas le temps de paresser surtout pour un jeune comme moi.
Et oui nous sommes Lundi matin, début de semaine, jour de travail. Les week-ends ont été particulièrement mouvementés pour moi surtout quand je repense à ce coup que m'a fait Marzouk. J'en reviens toujours pas. Moi qui pensait qu'il voulait se la couler douce en soirée, monsieur m'avait réservé une de ses surprises et pour une surprise, ça en était une. Ashley, oui cette fameuse cousine que j'étais censée séduire et puis cette Kalicha. Cette fille avec sa langue de vipère, quelle effrontée celle-là. J'en ai encore la boule au ventre quand j’y pense mais bon je vais pas me pourrir ma semaine avec la pensée d'une soirée moyennement satisfaisante. Après tout c'est ma précieuse semaine où je pourrais baiser, niquer, savourer la chatte d'Anita dans tous les sens du terme. Qu'il vous souvienne, mon ami et moi avions fait un gage. Je l’aidais à approcher Kalicha, il m'arrangeait un coup avec Anita. Peu importe que ce soit lui qui ai tout manigancé, un gage reste un gage et je compte bien le lui faire rappeler.
Le regard qu’il me lançait voulait tout dire. Je me suis donc plié à ses exigences. J'ai finalement pu me préparer du moins fini de me préparer alors j'suis passé devant lui, mon sac au dos prêt à en découdre avec la nouvelle journée de travail. Marzouk et moi avions une amitié si fusionnelle à telle enseigne qu'on avait jugé meilleur de trouver un boulot dans une même institut ce que heureusement fut le cas. Aujourd’hui nous travaillons tous deux en tant qu'associés séniors à la Société Bobitom Tourismes. C’est comme son nom l'indique, la grosse boîte de tourisme à l'échelle nationale. Nous avons tous deux nos permis de conduire mais il aime bien conduire alors je lui laisse jouir de son plaisir. C'est la seule chose dans laquelle l’altruisme de mon pote n'a pas d'égale.
Nous voilà donc tous deux en direction de notre véhicule commun ; moi vérifiant mes derniers messages de la vieille auxquels j'ai pas répondu. Mon pote par contre lui semblait bien plus heureux vue qu'il était entrain de passer un appel avec devinez qui ? Kalicha. Bien sûr que c'est elle. Totalement ridicule cette histoire aussi bien que le supposé << amour >> qui semble vouloir naître si ce n'est déjà le cas.
Mon portable se mit à sonner. C'était Anita. Ça s'annonce bien pour moi cette nouvelle semaine.
J'avais fait exprès de préciser le nom d'Anita pour avoir l’attention de mon ami et cela semble marcher vu qu’il était toute ouïe. J’en était sûr.
J'avais voulu la charrier un peu alors je lui ai répondu en ces termes.
C'est toujours comme cela avec elle. Elle me demande de passer pour qu'à la suite nous passions la soirée devant Netflix sauf que moi j'en veux plus, beaucoup plus qu'une simple série. Bien sûr je parle pas d'amour, comment oserais-je d'ailleurs ? Je parle d'une nuit entre adultes où l'on pourrait unifier nos corps sous la couette avec une mélodie somptueuse de gémissements. J'en bave déjà rien qu'à y penser parce qu'il faut se l'avouer, le cul de cette nana me retourne la tête. J'en perd presque le sommeil.
Je l'avais pas laissé continuer sa phrase que j'avais déjà raccroché ; pas question que je la laisse me dissuader avec sa voix de chien battue. Il y a Marzouk qui me fixait avec un sourire aux coins des lèvres.
Je venais de lui lancer un regard noir déjà que j'ai eu assez de mal à approcher cette fille. Marzouk ne semblait pas par contre du même avis et sa réponse tenait à me le préciser :
Cette manie qu'il avait à me jouer l’amnésique en pleine conversation avait le don de m'irriter et il en était conscient, cela ne l'empêchait quand même pas de me faire le même coup à chaque fois qu'il en avait l’occasion. Bon il fallait mettre terme à cette conversation et on était suffisamment en retard pour vouloir prendre un petit déjeuner. On le fera plus tard, pour le moment nous devons tâcher d'arriver à l’heure ou du moins ne pas arriver très en retard.
***
On est au boulot il y a plus d'une heure. Bien sûr qu'on est arrivé en retard mais assez tôt pour devancer le patron. Le bémol c'est qu'il faut émarger l'heure d'arrivée et la responsable, parce que c'est une femme, est une dure à cuire. Pas moyen de la corrompre, aucun sauf un seul et son nom c’est Marzouk. Mon frère s'est plusieurs fois tapé la meuf. Elle est belle j'avoue, un énorme cul en plus. De quoi se faire désirer ; mon pote ne demandait que ça d'ailleurs. J'ai su pour eux parce qu'il me l'avait pas caché et aujourd’hui cela nous profite assez bien. On pouvait truqué notre heure d'arrivée ou de sortie, elle n'en dirait rien pourvue que mon frère assure avec elle comme toujours mais cela va bientôt nous poser problème d’ailleurs parce que monsieur est amoureux.
Il l'avait dit avec un rire tellement moqueur que j'ai pas pu me retenir non plus. Nous sommes tous deux partis donc dans un fou rire après sa remarque.
C'est toujours comme ça, il me lègue les vieux et vieillards et lui s'occupe des jeunes, jeunes filles surtout. Nous sommes une grande boîte du pays et nous conservons les précieux vestiges des rois qui ont tant lutté pour notre pays alors on peut comprendre que les gens veuillent voir, toucher, entendre, comprendre la vie de ses valeureux souverains et de leur peuple. Cette vielle qui arrive, c'est Mamie Raissa, comme elle aime bien se faire appeler sauf que moi que je préfère l’appeler Mamie Behanzin. Drôle de nom j'avoue mais cette dame c'est la centième fois qu'elle vient juste pour se faire conter l’histoire de Behanzin. Elle m'écoute chaque fois lui conter les exploits de notre valeureux roi à commencer par la bravoure de ses vaillantes amazone, la grande réussite de la guerre d'Atchoukpa, la toute puissance qu'incarnait ce roi Behanzin. C'est une histoire que Mamie Behanzin savourait avec passion et j'avoue que l'attention qu'elle y accorde me touche énormément c'est pourquoi je faisais des mimiques à des moments donnés pour lui faire plaisir.
Je l'aimais bien cette dame. Elle a un corps fragile certes mais elle arrive encore à tenir sur ses deux pieds. Elle peine à marcher mais elle s'efforce. Son amour pour la culture est remarquable et j'aime bien cela en elle. C'est l'une de nos clientes les plus fidèles. Je crois que je l'estime au rang de la grand-mère que je n'ai jamais eu la chance de connaître.
Je l'aime bien cette mamie. J’ai jamais eu la chance de connaître la mienne mais je crois qu’avec cette vieille je ne regrette nullement. Certes j'aurais aimé connaître les miennes, parce que j'ai deux géniteurs bien sûr donc logiquement deux grand-mères, mais avec cette mamie je m’entends super bien. Assez bien qu'on se permet une conversation de jeunes amants :
J'en peux plus, cette mamie a de ses répliques qui me donnent le sourire aux lèvres. J'essaie chaque fois de repousser ses limites et elle se montre toujours à la hauteur de mes attentes. Je l’adore cette mamie. Quelle chance pour ses petits enfants de l'avoir. Mais curieusement, nous n'en avons jamais parlé. Nous avons longuement conversé sur bien de sujets mais jamais à propos de sa famille et réciproquement, elle sait rien de la mienne. D'habitude les mamies sont bien fouineuses mais elle en fait bien l'exception. Très ouverte d'esprit, assez sociable et toujours ce sourire charmeur même pour une vieille de son âge, je crois que l'homme qui a eu la chance de l'avoir à ses côtés a sans doute eu l'une des plus belles expériences de sa vie.
J'étais bien curieux de le savoir. Elle n'était jamais venue pour une raison de ce genre, c'était une première.
Elle m'a scotché là. C’est vrai que je lui aurais demandé pourquoi êtes venu ici mais j'ai déjà ma réponse.
Curieux de pouvoir connaître enfin l'un des membres de la famille de cette mamie que j'adore, je me décidai à regarder en direction de la porte. À peine ai-je décidé cela que j'entendis :
Cette voix, je l'ai déjà entendu quelque part. Elle me rappelle quelque chose, un lieu, une personne. Elle me rappelle … Ashley.